Notre fille a trente ans aujourd'hui. Anniversaire souhaité mais non fêté. Sans doute ferons-nous un rattrapage après. Elle n'est pas seule et cela me console pour elle.
Je n'en reviens pas de ce nombre d'années. Non pas du fait qu'elle les ait, elle, totalisée, mais du fait qu'autant de temps ait pu filer. Si j'y repense un instant (privilège du confinement : on peut s'accorder du temps pour penser aux choses calmement), je les vois bien ces années, d'autant plus qu'une fois sortie de l'"Usine" comme disait Marie, ce furent des années de vraie vie et non entre parenthèse durant tant d'heures de travail où je n'y étais qu'en exécutante, mais ne les vivant pas vraiment. Il n'empêche. 30 ans ! C'est fascinant. Même si je passe au travers de plusieurs pandémies, il ne m'en reste peut-être plus tant. Tant que je ne suis pas dans d'atroces souffrances ou circonstances, j'aimerais bien continuer. Je trouve ce monde intéressant. Et je n'ai pas envie de quitter de si tôt mes proches, mes ami·e·s.
Nous devions aller courir mais un vent bien fort nous en a dissuadé. Il soufflait depuis la veille au soir mais s'était renforcé au matin. Il avait plus aussi, dans la nuit. J'ai pris une ou deux photos ; Pierre m'a fait remarquer que l'une d'elle que j'avais publiée sur les réseaux sociaux ressemblait à un tableau de Pierre Soulages.
Je pense que techniquement nous aurions pu courir, que ça aurait même été amusant - contrairement au vélo qui par un tel vent est carrément dangereux ; je veux dire hors périodes de confinement -. Mais la voie verte est bordée d'arbres et une branche cassée peut si vite voler ou tout autre chose que le vent porterait. Il ne s'agit pas de prendre en ce moment des risques inutiles.
Une fois la décision collégiale prise, je me suis recouchée. Il était 7h30 un peu passées.
J'ai sans doute re-dormi et écouté aussi le concerto du vent et des oiseaux. Ceux-ci qu'en benoîte citadine je croyais planqués par grands vents, ressortent dès que les rafales faiblissent, et savent apparemment anticiper leur retour. Peut-être au frémissement qui les précède dans les plus hautes branches des très grands arbres.
Après tout c'était jour férié, donc nous pouvions tout à fait nous accorder une grasse matinée.
Le vent était par rafales si fort qu'il a ouvert en claquant la petite fenêtre arrière près de mon bureau, laquelle ne tient qu'à un loquet. Heureusement pas de vitre cassée.
J'ai retrouvé en cherchant des chewing-gums un CD dans le tiroir de la table de chevet qui jouxte mon lit à gauche (à main gauche quand on y est allongée). C'était un CD pour enregistrer soit même et j'y ai retrouvé une copie de celui de Kyo "300 lésions" acheté du temps où les enfants kiffaient ce groupe. En fait je l'avais retiré du lecteur de la voiture pour le remplacer par Bleu Pétrole d'Alain Bashung (dont la pochette portait la trace écrite). Puis je l'avais oublié là.
Note pour un prochain confinement : ranger oui, mais pas trop, afin de s'accorder quelques retrouvailles.
Je ne suis pas particulièrement admiratrice de la musique de ce groupe (dont j'ai appris qu'il s'était reformé en 2014 après s'être arrêté en 2008), mais j'aime écouter leurs morceaux qui me rappellent une époque dynamique de ma vie, celle du temps de Marie, et des enfants encore enfants ou adolescents.
Quand je songe au passé, je n'ai aucun regrets, j'ai fait de mon mieux sans arrêt, par moment mon mieux fut insuffisant, voilà. Et nous n'avons pas été épargnés, tout en restant privilégiés à l'échelle du monde tel qu'il est. Alors ça ne m'est pas désagréable de jeter un coup d'œil en arrière et mesuré que si tout ça fut plutôt rude, ce fut intéressant. Et que de belles amitiés !
JF m'a obligeamment libéré l'un des fauteuils verts, où il avait mis ses habits et j'y ai lu avec délice "Feu de tout bois" une partie du restant de matinée. Mon amie et son époux ont à présent quitté Bagdad, ils faisaient route vers la Suisse puis la France à travers la Grèce. Grâce aux outils modernes je suivais la localisation des villes sur une carte via mon téléfonino et comme je date d'avant tout ça (rechercher le nom des villes dans un gros dictionnaire, être déçue que celles-ci trop petites ou de faibles notoriétés ne s'y trouvassent pas, de n'en voir aucune photo), c'était un délice de lecture et voyage par procuration.
Je les ai quittés alors qu'ils s'installaient à Tripoli : c'était l'heure de notre déjeuner, un succulent tajine d'agneau du traiteur de sur la place, agrémenté de semoule préparée par JF. Ce repas était assez raccord avec le voyage littéraire, m'a-t-il semblé.
Le soleil s'est libéré en fin de matinée mais la tempête de vent n'a pas molli pour autant. Le contraste est curieux. On pourrait, hors confinement, se dire Oh il fait beau, c'est jour férié, allons nous promener. Mais en fait il fait un temps dangereux, nous sommes confiner et le danger primitif du vent en tempête nous accorde l'illusion de croire que la décision de rester à l'intérieur vient de nous par prudence des plus élémentaires. J'aime assez cette version. On peut aussi compléter l'illusion par celle d'être venus parce que c'était le week-end de Pâques, zut alors tout à l'heure il faudra reprendre la route et le boulot demain.
Encore une séance de Tabata un peu écourtée pour des questions de droits sur les musiques. Ce que je ne comprends pas bien c'est qu'il s'agit d'un groupe privé.
Les chiffres de l'épidémie continuent à être à la fois encourageants mais partout en Europe bien insuffisants pour envisager des reprises de la vie courante et économique normale. Président Macron dans son discours de 20h a annoncé "reprise générale le 11 mai" dont les écoles, collèges et lycées ce qui paraît suicidaire puisque toujours pas de masques (en aurons-nous dans un mois et comment feront les gosses), ni de tests. Il faudrait des tests de l'immunité. En Espagne c'est pire des activités ont repris à présent alors que le nombre des morts est très élevé.
En Italie c'est l'anarchie, des boutiques (dont les librairies et les magasins de vêtements pour enfants) devraient ré-ouvrir mais pas partout ou pas avec les mêmes horaires, mais dans certains endroits si quand même.
Un article inquiétant : d'après l'OMS l'immunité de serait pas garantie après un premier passage de la maladie (j'avais lu par ailleurs quelque part 91 personnes en Asie, constatées ré-infectées).
JF semblait abattu par la nouvelle date limite de confinement. Il est vrai qu'au moins son boulot va en prendre un coup. Un joueur de Charlie Pétanque serait mort du Covid-19.
Pour ma part je n'ai pas envie de courir de risque (mais pas envie de perdre mes perspectives professionnelles non plus).
Bon, nous avons en tout cas encore un mois au moins au calme.
Je repenserai à cette journée d'anniversaire, comme avant tout celle d'une tempête au soleil, ce qui était bien étrange, ce vent si violent sous une apparence de temps si beau.
Lien vers le site de la santé publique en France
Liens vers des statistiques :
Wordometer covid-19 coronavirus pandemic (depuis quelques temps le plus complet, entre autre parce qu'il indique le nombre de tests ; un pays comme la France qui teste jusqu'à présent très peu a forcément moins de cas officiels que de cas réels)
Official Data from The World Health Organization via safetydectetives.com
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
1 871 896 cas (dont : 116 004 morts (22 115 aux USA) et 434 298 guéris) (chiffres vers 16h)