Un plaisir aussi fort que le café non sucré
04 août 2012
Je n'ai découvert que très tardivement le bon goût du café. Chez mes parents, on le sucrait. Le café se sucrait, les portes dans la maison devraient être fermées, il ne fallait pas sonner chez les voisins, le gigot était servi avec du flageolet, une escalope est à la crème, et les spaghetti ne pouvaient être qu'à la sauce tomate ; un plat épicé était (par définition (maternelle ?)) un plat mauvais.
Mon esprit de rébellion s'est arrêté aux portes, sauf celle de ma chambre quand je voulais qu'on me laissât en paix mais bizarrement c'est là qu'elle se retrouvait le plus facilement ouverte de façon intempestive. Pour le reste j'ai attendu d'être ma propre cuisinière pour me rendre compte que bien d'autres associations existaient et que le ciel ne nous tombait pas sur la tête si on variait. Quant au coup de sonnette il m'est resté à tout jamais une réticence à téléphoner ou, pire, débarquer sans prévenir chez mes amis. L'usage du mail m'a libéré de ce handicap social : chacun lit quand il veut ou peut et répond à sa guise.
Pour le café, j'avais pris le sucrage d'emblée comme une étape incontournable de sa préparation. Le café se sert chaud et sucré, c'était sans doute la condition sine qua non pour qu'il fût digéré.
Ce n'est qu'étudiante, sans doute au hasard d'un défaut d'approvisionnement plus qu'à une bouffée de témérité, à moins d'un conseil médical (1) réinterprété, que je me suis trouvée à boire un café non sucré, me dire, mais c'est infiniment meilleur sans ce goût édulcoré qui parasite la belle amertume du breuvage initial.
L'habitude de toujours tenter au moins une fois de m'abstenir de ce dont m'échappe la nécessité me vient de là.
C'est en cherchant à échapper à la cérémonie d'ouverture des JO gâchée par la pesanteur des commentaires franchouillards nationaux, puis au lendemain en recherchant un sport en particulier, que je suis arrivée jusqu'aux écrans "sports" du site de francetv, grand merci à eux, lesquels offrent au gré des compétitions et selon les heures de la journée, les JO en direct, sans commentaires, avec le son en prise de terrain et un bon choix de disciplines. Personne pour nous abreuver de considérations techniques parfois erronnées (3), d'avis personnels sur le physique des athlètes, ou de vociférations destinées à encourager les candidats français.
Depuis, aux heures où c'est possible (4) j'ai un écran allumé sur ce qui se passe là-bas, qui parfois capte mon entière attention, parfois sert de simple fond, mais toujours agréable : gestes oubliés de sports rares, élégance de certaines disciplines, voix des participants (souvent touchant, parfois amusant), réactions du public (parfois mystérieuses quand on ne voit que ce qui est cadré à l'écran), et surtout sons issus directement de la pratique sportive, du délicieux grincement d'enfance de la barre fixe, au hennissement de salut du cheval de saut d'obstacles, aux clapotis des rames d'aviron, au son d'entrée dans l'eau du plongeon qui est à celui-ci ce que l'odeur est au melon (5).
Amis qui dédaignez le sport à la télé, tentez donc l'expérience. Ce sont peut-être simplement les bavardages officiels qui vous incommodent et étouffent sous une consensuelle vulgarité, la grâce des recherches de gestes parfaits.
J'oubliais : à l'heure des montages nerveux, de l'invasion par la pub, de sursollicitations permanentes, ça fait un bien fou de regarder une épreuve dans son ensemble, temps morts inclus, comme si l'on faisait partie du public, à part qu'on voit bien mieux.
(Vive l'internet et ceux qui œuvrent à ce qu'il nous permette de nous abreuver à la source, même en habitant loin)
PS : Méfiez-vous du caractère addictif potentiel de la chose.
(1) suite à des tracas de cholestérol élevé, un régime destiné à le faire baisser alors que j'étais loin d'être en surpoids et mangeais plutôt sainement. Quelques malaises plus tard, j'ai compris qu'il fallait que j'écoute mon corps plutôt que les médecins - et me méfie de certaines pillules contraceptives qui agravaient mon cas quand d'autre le laissaient en l'état -. Peut-être que le médecin nutritioniste à la coûteuse consultation (2) avait aussi indiqué de ne pas sucrer les boissons chaudes et d'utiliser un édulcorant de synthèse ; méfiante envers la chimie il est possible que j'ai choisi d'essayer la version "sans rien".
(2) qui revenait à me dire de ne pas manger ce que déjà je ne mangeais pas et réduire les portions du reste alors que j'avais un appétit correspondant à mes besoins.
(3) Mon fils m'en a raconté une assez jolie au sujet d'une épreuve de judo durant laquelle la consultante, j'imagine une ancienne championne, a dû remettre les choses aux points (au sens littéral) et que le combat n'avait plus du tout le même sens de domination.
(4) Soit finalement assez peu, et je me rends compte que je travaille - gagne-pain, maison, écriture - plus que je ne le crois, et que j'ai une très belle vie amicale - ce dont je ne doutais pas -.
(5) Pour savoir s'il est bon.