BDJ - 160209 - Salut l'ami !


    (bonheur du mardi 9 février 2016)
Pour une fois un vrai petit bonheur du jour pile dans l'idée de la définition que l'on s'en fait (1), avec sa petite part de surprise, du fait aussi que ça ne soit pas non plus un événement majeure, de quoi tout bouleverser, mais que ça mette du soleil, que ça redonne une jolie bouffée d'énergie.

C'était donc que j'étais à la BNF (ce qui est un bonheur en soi, même si fort studieux, mais je suis très consciente du privilège infini), que je devais m'en retourner à une heure précise et pas trop tardive et que pile quand j'arrivais à la banque de salle à rendre les bouquins d'emprunt, je suis tombée sur un ami que j'aime beaucoup mais ne vois pas assez. normal, on a nos vies, et ce sont des vies avec écriture et petites familles, rien que ça, ça remplit. 

Bon alors on était chacun pressé, mais peut-être trouverons-nous le temps de boire bientôt un coup. Et ça faisait bien plaisir de le revoir.

Le micro-bonheur dans le bonheur du jour est que je suis précisément en train de lire un ouvrage qu'il m'avait conseillé - il y a un moment mais je dépile dans l'ordre - et ça l'aurait amusé si on l'avait remarqué (2) -.

(1) ou plutôt que je m'en fais, devrais-je dire ?
(2) Esprit de l'escalier : je n'y ai pensé qu'après. Et puis c'est peut-être mieux ainsi, ç'eût été un brin insistant de le souligner.

 

 

billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour.
C'est l'amie Kozlika qui a lancé le mouvement et le lien vers tous les bonheurs (pour s'inscrire c'est par ici- grand merci àTomek qui s'est chargé du boulot -) 

Chez Couac : Bonheur du jour 26

Billet commun avec Bella Cosa

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BDJ - 160203 - La pharmacienne de la gare de l'est puis Laurence et Arnaud

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(bonheur du mercredi 3 février 2016)

Ce mercredi fut un jour heureux, inattendu - téléphoner à quelqu'un en réponse à un mail et dans la foulée filer prendre un train, et c'était une rencontre, peut-être le début d'une nouvelle belle amitié, et tomber amoureuse d'un lieu, et me rendre compte que ça n'était pas fini pour moi d'être capable de ça, cet état qui fait qu'on marche un peu au dessus du sol, cette exultation -, et comme le début d'une nouvelle vie, les chagrins et les deuils enfin un peu guéris, croire en une possible chance, se retrouver parfaitement opérationnelle -. Mais ça dépasse le cadre des petits bonheurs. C'est du bonheur, du grand. Et j'ai la certitude douce qu'il y aura une suite, pas celle qui nous faisait nous rencontrer mais autre chose de plus léger. Et au moins la passion des livres partagée.

Mais dans ce grand mouvement pour sortir du sombre, il y aura eu aussi du beau petit bon, comme si ce jour-là tous les dieux de l'Olympe s'étaient dit, tous exactement, sans un seul pour contrarier, Elle a assez morflé, accordons lui une journée parfaite (1), qu'elle reprenne des forces.

Il y eut ainsi trois petits bonheurs collatéraux : 

- un déjeuner délicieux, dans un café brasserie d'un village presque aussi lointain que la province - il serait grand temps qu'on profite des navigos dézonés pour explorer notre Île - ;

- la pharmacienne de la gare de l'Est. J'y arrivais en avance pour la suite prévue de ma journée mais trop tard pour repasser par la case maison. Or la félicité m'avait redonné un flux plus fort du sang, je le sentais qui me battait les tempes et ça n'était pas de me sentir mal mais au contraire trop bien, sensation éprouvée la dernière fois le 14 janvier 2013, et j'étais bien persuadée que ça ne m'arriverait plus. Du coup mon corps, déshabitué, ou du moins mon cerveau, réagit par un mal de tête, lui aussi rare chez moi. Je suis donc passée à la première pharmacie vue dans la gare, qui a complètement changé depuis la dernière fois (sans doute so long ago, ma vie quotidienne me fait fréquenter Satin Lazare et mes accointances passées ou présentes celles de Lyon ou du Nord) où j'y étais venue. Des toilettes nickel, soit dit en passant. Il se trouve qu'à la pharmacie, juste devant moi, se tenait un de ces clients malheureux, et qui viennent pour qu'on s'occupe d'eux, quelle que soit la boutique, l'achat n'est qu'un prétexte. J'attendais patiemment, mon expérience de l'autre côté des caisses m'a appris que ce type de personnes se montre d'autant plus long qu'il peut gêner plus de monde. C'est leur façon d'éprouver un sentiment d'exister. Mais la vendeuse qui m'avait vue, et avait peut-être apprécié mon calme, me fit signe de passer sur le côté (2) a bipé mon achat, silencieusement encaissé et ainsi j'ai pu filer sans que le long client ne s'en formalise, sans même qu'il ne semble d'ailleurs en être conscient. 
J'ai aimé son initiative et son sens de la discrétion.

- la rencontre à la BNF organisée dans le cadre du cycle "un réalisateur et son monteur" (ou -trice et -teuse) avec Laurence Briaud et Arnaud Desplechin et comme c'était passionnant pour qui aime le cinéma en général et celui-là en particulier, en plus qu'une partie d'une sorte de sous-texte m'était accessible. Je me suis sentie moins bête - l'une de mes sensations illusions préférées -. Et à nouveau étrangement persuadée qu'avant de mourir je ferai des films (3). Ce plaisir de constater que l'ensemble de l'assistance était jeune. L'écrit peine à assurer le renouvellement des générations mais le cinéma non. C'est déjà ça.

 

(1) à un élément près mais tout allait si merveilleusement bien que je n'en éprouvais guère le manque, trop bien occupée.
(2) J'avais déjà la boîte, nouvelle facture, de doliprane 500 entre les mains.
(3) Rationnellement je ne vois pas comment ça serait possible. Déjà que l'écriture au vu des difficultés de vie quotidienne et d'énergie à consacrer à un gagne-pain indispensable me semble sans cesse remise, ou du moins d'éventuelles tentatives de publication.

 

billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour.
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Chez Couac : Bonheur du jour 21

billet commun avec Bella Cosa 


BDJ - Les toilettes rénovées


    Ça remontait à avant l'été. Les toilettes au dessous de la tour T2 à la BNF en rez de jardin étaient fermés pour réparations. Quand on arrivait par le long escalator étroit de l'entrée Est, plus moyen d'aller aux toilettes avant de s'installer dans une des salles d'études, il fallait se rendre à celles du dessous d'une autre tour (aller-retour : 10 à 15 minutes).

J'avais tellement pris l'habitude de voir le panneau qui dissuadait de s'avancer dans le hall haut qui menait aux toilettes que j'ai failli ne pas remarquer son absence ; avant de songer : le gardien doit être un nouveau, on aura oublié de lui signaler qu'il fallait avant de s'assoir à son poste de surveillance préparer le panneau.

Puis j'ai vu une femme qui visiblement revenait des "lavatories". Alors je me suis empressée d'y aller voir.

Ça valait la peine d'attendre six mois : l'équipement était tout beau tout neuf. Il y a moins de cabinets ce qui fait qu'ils sont plus spacieux (mais qu'à certaines heures on fera la queue). Les chasse d'eau automatiques qui se déclenchaient au petit bonheur la chance ont été remplacées par des vraies qui nécessitent qu'on appuie sur un bouton, puissent-elles se révéler assez solides pour durer. Les lavabos sont également moins nombreux et il n'y a plus la place de poser quoi que ce soit sur le rebord (je pense à quelqu'un qui voudrait remettre des lentilles de contact en se regardant dans la glace), mais ça semble plus rationnel, et les séchoirs à mains, qu'en pratique je n'utilisais plus car il fallait 10 minutes pour commencer à les sentir moins humides sont remplacés par des souffleurs ultra-rapides.

Je vais à nouveau pouvoir quitter le rez-de-jardin en quinze minutes au lieu de vingt à vingt-cinq.

Le seul défaut que j'ai remarqué, concerne les PMR (selon jargon de la sécurité) : le lave-mains des toilettes handicapés du moins côté femmes a été mis en face des toilettes même (il était avant sur le côté ce qui laissait toute la place pour s'en rapprocher). Résultat : dans la glace on se voit pisser, ce qui j'ignore ce qu'il en est pour les autres, mais personnellement ne me passionne pas et surtout pour quelqu'un avec un fauteuil roulant ne doit pas être très pratique puisqu'il n'est plus possible d'approcher un fauteuil du lavabo sauf sur le petit côté de ce dernier. Je pense que quelqu'un quelque part a cru bon de faire des économies de tuyaux et que parmi ceux qui ont inspecté les travaux avant de donner le feu vert, aucun n'avait l'expérience du handicap. Vous me direz, moi non plus. Mais j'observe et quand je peux j'aide et puis on ne m'a pas demandé de faire des installations à moindre coût. 

 

Les autres bonheurs du jour étaient nettement moins glamour, d'où que je n'en ai pas fait le cœur du billet : 

  • J'ai découvert moi qui me crois peu physionomiste que si je vivais en Chine je le serais ; ça m'a permis de poser une question moins bête qu'elle n'en avait l'air à Pengfei Song (jeune réalisateur chinois).
  • Son film "Beijing stories" était un vrai grand "petit bonheur" et j'en suis repartie avec une belle  énergie. Sans doute grâce à ses jeunes personnages : ils sont calmes, parlent peu mais agissent avec détermination. La situation n'est pas satisfaisante, pas à pas on tente de s'en sortir. C'est un film qui sans rien de spectaculaire donne du courage, du courage de fond.
     

 

billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour.
Trois générations de gourmètes chez l'amie Kozlika qui a lancé le mouvement et le lien vers tous les bonheurs (pour s'inscrire c'est par ici- grand merci à Tomek qui s'est chargé du boulot -) 

billet également publié sur Bella Cosa


366 dédoublés - Aujourd'hui Je ne sais pas - Mot du jour : bastringue

 Aujourd'hui je ne sais pas quand je reverrai celui que je considère comme mon grand frère et qui m'a déjà sauvée plus d'une fois. Les choses ne vont pas trop mal ces temps-ci et avant la prochaine catastrophe de ma vie (un emploi perdu par l'un ou l'autre, ou la santé de l'un de nous, ou le renforcement des problèmes d'argent, ou d'être encore quittée ou qu'il survienne une saloperie concernant le pays tout entier et affecte ma famille et mes proches parmi d'autres) j'aimerais le voir autrement qu'en étant sous l'emprise d'un besoin de secours au moins moral urgent.

Mais pour l'instant ce serait plutôt lui qui aurait besoin d'aide tant son travail est devenu exigeant. Je ne sais pas comment font plusieurs de mes amis, devenus depuis le temps que nous nous connaissons grands responsables de choses et d'autres et sans arrêt sur le pont. En même temps j'ignore comment est la vie sans une permanente fatigue, donc j'ignore l'effet fait lorsqu'on dispose d'énergie et qu'on décide de mettre professionnellement le paquet et qu'à un moment donné on parvient à un niveau tel qu'on a de l'influence sur d'importantes décisions. 

De la même façon je ne sais pas l'effet que ça fait lorsqu'on a les moyens de sélectionner ce que l'on souhaite acheter. Je ne sais que tenter de remplacer ce qui est nécessaire et a cessé de fonctionner (ou nous a été volé). Et encore pas toujours : il nous manque depuis de longues années un violon. 

Et je ne sais pas non plus comment en amour on peut décider de quitter quelqu'un : j'ai toujours été celle qui devient de trop car une autre est arrivée qui a su se faire désirer.

Aujourd'hui, en 2015, je sais que je ne sais pas. Alors je me contente de prendre mon petit bastringue, d'aller après le travail passer deux heures à la BNF, l'y mettre pour entrer dans un porte-bazar transparent, lire et étudier en paix, en espérant de toutes mes forces qu'un jour toute cette patience et cette ténacité finiront par payer. 
Pour le reste, j'ai renoncé. 

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ot du jour : bastringue  Capture d’écran 2015-04-15 à 19.10.35


366 réels à prise rapide - le projet
 
366 réels à prise rapide - les consignes


Pendant ce temps c'est le printemps.

 

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Tu t'en es aperçu dès en arrivant, une effervescence inhabituelle, des gens qui n'avaient pas cet air d'absorption distraite qu'ont les habitués d'un lieu, certains qui hésitaient à prendre l'ascenseur. Une bribe de conversation avec "auditorium" dedans.

À l'accueil des contrôleurs en surnombre ce qui au bout du compte était gage d'agitation plus que d'efficacité : les portails n'étaient pas en nombre supérieur et c'est comme à la librairie où il n'y a qu'une caisse. On peut aider pour une recherche de titre ou d'ouvrage mais pour le paiement il faut patienter.

Comme il m'est arrivé de découvrir lors de mes cinq à sept du mercredi soir, une fois sur place qu'un réalisateur de renom était invité pour parler de sa pratique du métier je me dis que je vais peut-être avoir une bonne surprise (1). Et puis il y a une sorte de mouvement de foule discret ; des personnes sont refoulées du grand auditorium et réorientées vers le petit, On va retransmettre, c'est complet. J'entends un nom "Piketty" et je comprends. C'est le fameux Thomas qui attire ainsi les foules et j'avoue que c'est impressionnant - la jauge du grand auditorium étant déjà plus que respectable -. 

J'éprouve une sorte de reconnaissance diffuse pour ce garçon qui nous a permis un beau carton de librairie pour un ouvrage que l'on n'avait pas honte de vendre, ce qui je l'aurais appris durant cette année écoulée dans les beaux quartiers, n'est pas si fréquent. 

Il aura même donné son nom à une expression du visage, la "grimace Piketty" qui correspondait à la tête que faisaient les clients des débuts, qui se précipitaient à venir acheter l'ouvrage dont ils n'avaient fait qu'entendre parler à l'instant où ils constataient qu'il s'agissait d'un pavé. Un air qui signifiait Oh là là qu'est-ce qu'il est gros je ne vais jamais avoir le temps de le lire mais bon ça avait l'air trop bien alors je vais le prendre quand même. Plus tard dans la saison, les personnes qui demandaient "Le royaume" d'Emmanuel Carrère faisaient eux aussi presque tous la grimace Piketty. 

Cela dit, les succès fous sont décidément un grand mystère, même si un passage réussi dans certaines émissions de télévision grand public peut aider. J'aimerais comprendre une part de ce mystère qui fait d'un ouvrage un succès qui dépasse tout. Ce qui, lorsqu'il s'agit d'un livre en librairie s'apparente à une vague de grande marée, tout le monde en quelques jours réclame le même ouvrage, à une cadence bien supérieure à celle parfois pourtant un peu prévue à laquelle on s'attendait. Une ruée.

Le pendant de ce mystère est celui du relatif insuccès de certains travaux qui ont tout pour plaire : un spectre large, un sujet qui coïncide lui aussi avec l'air du temps, une bonne diffusion, une qualité d'exécution, un auteur qui en piblic sait captiver, et puis malgré tout et même s'il se vend bien, le grand décollage ne survient pas. Non que le texte passe inaperçu mais son impact reste sage, mesuré, cantonné à ceux qui déjà connaissaient.

Mon temps était compté, sans quoi je serais allée y voir, par curiosité, alors j'ai laissé Thomas P. à ses hordes d'admirateurs et - trices (2), dont ceux dépités de n'être admis qu'en salle d'appoint et m'en suis descendue à mes chères études aux heures limitées.

Pendant ce temps dans le bois intérieur, c'était le début, enfin, du printemps.

 

(1) Souvenir ému du soir où n'attendant rien de spécial de ma fin de journée je m'étais retrouvée dans la foule, anonyme, amusée, à écouter Mathieu A.

(2) J'aime beaucoup le 1,1 K participants


Espion ou amoureux ?


Me voilà assise par le bon vouloir de l'attributeur de places près d'un homme qui prend de la place mais est assez studieux. 

Il fait le geste de replier un peu sa documentation afin que je dispose de ma surface syndicale mais son mouvement est d'une parfaite inefficacité. Comme avec mes deux livres et mon petit ordi j'ai assez pour m'installer, je m'interroge à peine sur l'acte volontaire ou involontaire mais si typique.

Plus tard, un homme vient s'installer à la place située à sa droite. Il le procède en faisant à ce point rien de particulier, lui-même étant d'un physique parfaitement standard (ni vieux ni jeune no gros ni maigre ni petit ni grand cheveux châtains en début de dégarnissage peau blanche ni spécialement bronzée ni particulièrement pâle, vêtements courants ni négligés ni élégants, esquisse de barbe comme c'est encore un peu la mode), que ça attire mon attention. Ses gestes sont mesurés et silencieux. Il ferait un parfait pickpocket. 

Presque aussitôt mon voisin qui plongé dans ses documents d'études restait jusque là presque immobile - une page tournée, quelques notes prises - devient soudain agité, il compulse les ouvrages, les repose, les reprend, les déplace, me jette des coups d'œil comme s'il voulait vérifier quelque chose, semble s'abstenir avec application de regarder en direction de son voisin, reprend encore des feuilles et soudain replie ses affaires et file. Comme si quelque chose l'avait indisposé. 

Comme j'ai poursuivi sans rien en changer mon activité de prendre des notes à partir d'un ouvrage, le changement ne peut venir de moi. Je n'ai rien déplacé. Les documents que je consulte aujourd'hui sont on ne peut plus courants. Leur choix ne peut induire de réaction. Ce serait vraiment (très) surprenant. 

L'homme à sa droite qui donnait toutes apparences du mec qui lit en notant ce qu'il estime être intéressant, poursuit un temps son activité mais avant que l'autre ne soit tout à fait hors de vue, avec une rapidité silencieuse remarquable, range à son tour et s'éclipse.

J'ai l'impression d'avoir assisté à quelque chose, qu'il y avait un lien entre eux.

Mais j'ignore s'il s'agit de ma part d'une bouffée d'imaginaire ou d'une observation aigüe. Et j'ignore quoi.


Tabucchi par surprise

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  Le kiné m'a fait un bien fou. Je ne perds pas de vue qu'il s'agit d'une forme de soin palliatif, ce qui me manque est ailleurs ; mais ce mieux que rien est en fait beaucoup mieux que bien des pas rien.

C'est donc le corps allégé que je gagne la BNF, prête à en découdre avec l'écriture. Même si une fois de plus je devrais me contenter d'étudier - aujourd'hui Roger Leenhardt, très intéressant, malgré que la façon qu'avait la plupart des hommes de cette génération de considérer les femmes m'est devenue insupportable -, et d'écrire du bref, de bloguer. Décidément ma vie de la période est faite de demi-teintes, de limitations des dégats. Non sans panache, non sans éclats, mais si "en-dessous" de ce que je devrais faire. J'avais brisé mes chaînes mais d'autres ont remplacé ce qui m'entravait.

Sur le site de la Grande Bibli, j'avais repéré la mention d'une expo concernant Antonio Tabucchi. Je ne m'attendais pas à la voir, brève, dans une petite salle vers l'ouest. Puisque je la longeais, je me suis accordée le temps d'y entrer. 

J'ai enfin mieux compris pourquoi était légitime cette confusion que je fais parfois entre Pessoa et lui. Le lien est fort. Mais l'un avait un chapeau et l'autre pas ;-).
Les documents et quelques objets rassemblés sont émouvants, même si la présence de ces derniers dans quelque expo que ce soit, concernant le travail de quelqu'un, me laisse toujours un peu perplexe dès lors qu'elle ne touche pas directement à celui-ci. 

Je peux éventuellement être intéressée par l'appareil photo du photographe, qui m'apporte une indication technique sur l'outil ; mais pourquoi les lunettes de l'écrivain ? ce coupe-papier ? cet autre accessoire personnel non directement lié à l'écriture ? J'ai eu la vision d'une expo qui aurait F. pour sujet et de la montre qu'on y verrait. Ainsi que des lunettes qu'il s'efforçait de ne pas utiliser. Y aurait-il aussi ses tablettes de viagra ? (entre-temps on aurait trouvé bien mieux que cela).

L'exposition avait beau ne pas abuser de ce côté exhibition de l'intime, et être construite pour porter à connaissance de manière bienveillante, je m'en suis sentie génée.

Les courriers étaient pour beaucoup instructifs. Seulement là aussi, je me suis mise à la place de qui, tel acteur que je sais encore en vie, tel réalisateur qui pourrait passer là ..., verrait un mot pensé d'usage très personnel montré au grand public dès à présent ainsi. Là aussi, le tri était respectueux. Mais pour un autre auteur et sélectionné par des moins scrupuleux, il pourrait donner d'étranges résultats. Y compris un jour éventuellement pour moi. J'ai songé au délicat roman de Catherine Locandro, "Histoire d'un amour", à ce professeur qui découvre dans le journal 25 ans après les faits tout un pan de sa propre vie dont il ignorait certaines causes et qu'au grand public en même temps qu'à lui-même on dévoilait.
Demande-t-on leur avis aux personnes dont les mots sont cités ?

Avec les correspondances de contemporains, je ne suis jamais à l'aise. Cette sensation d'intrusion.

La voix intérieure moqueuse à alors suggéré : Et si c'était l'inverse qui advenait ? Je dois au moins pour aujourd'hui à Tabucchi de m'être mise au boulot sans tarder. La seule certitude est que le temps m'est compté.

 

PS : Ne pas croire malgré les réserves toutes personnelles que j'y mets que l'expo ne mérite pas le détour. Un homme d'ailleurs prenait des notes avec un sérieux parfait.


Tant mieux pour elle (rire intérieur)

 

Évidemment ce n'est pas un bel homme qui m'a adressé la parole après m'avoir fixée (ce dont je n'avais pas été plus que ça consciente sans doute précisément pour cette même raison) mais une dame d'un âge certain de mon âge et qui me dit Pardon j'ai cru reconnaître de profil quelqu'un mais elle ne s'habille pas du tout comme vous alors ça m'étonnait.

Je me suis efforcée de répondre par une brève aimable amabilité. À l'intérieur je sentais le fou rire monter. Il est vrai que n'ayant rien prévu d'autre qu'être au calme à écrire, j'étais vêtue en mode "tombé de la pile", confortable, adapté et à la clim et au temps que dehors il faisait. Ce qui donnait : 

- des chaussures d'été en toile, neuves, toutes simples, trouvées dans la rue et qui m'allaient comme à Cendrillon son escarpin ; deux fois cette année que je trouve des chaussures parfaites - trois en comptant une paire qui n'est pas pour moi -, je vais finir par me demander ce que ça peut signifier.

- un tee-shirt d'encombrants d'il y avait longtemps et donc doublement hors mode (sans doute jeté car il ne l'était plus) ;

- un pantalon d'une marque sportive (mais pas de survêtement : une belle toile de coton) d'une coupe assez street-dance et que j'ai depuis depuis depuis ... allez, mettons 10 ans ;

- un gilet un peu trop grand, terriblement doux, sans doute prévu pour homme, trouvé aux encombrants récemment. État neuf. Soit il s'était mis à déplaire, soit il n'était pas à la bonne taille ou possédé par quelqu'un qui soudain avait grandi.

L'ensemble était complété par ma sacoche d'appareil photo. Je ne sais pas pourquoi mais dans cette société une femme n'est pas censée prendre des photos quotidiennes. Et les hommes ont des poches assez grandes pour pouvoir y tenir un appareil plat. Je n'ai pas un très gros appareil mais j'ai besoin d'un sac pour qu'il y soit.

Bref, un ensemble qui devait donner une allure Deschiens-Sport Technicienne que ne devait certainement pas avoir la connaissance de la dame à la mise bourgeoise et très comme-il-faut-pour-son-âge qui se tenait devant moi. 

Et je pensais si fort "Tant mieux pour elle", envers cette personne qui me ressemblait de profil mais savait s'habiller, que j'en ai eu les larmes aux yeux de me retenir de rigoler.

J'avais quand même une fort jolie veste, un vêtement de créatrice et qui allait bien avec l'allure "dance" du pantalon, achetée à La Rochelle il y a presque ou dix ans. Il faut toujours que subsiste un petit chic, c'est Maria Callas qui disait ça. Tout n'est pas perdu.


Et soudain (de la BNF as a shelter)

 

P7080017Je déjeune avec une amie, heureuse du temps partagé, vient toujours le moment où malgré tout il faut se séparer, mais nos obligations sont légères, le temps est clair quoiqu'un peu frais, nous nous entre-accompagnons sur un morceau de chemin qui peut être commun, admirons brièvement le panorama parisien du haut du plateau Montparnasse.

Je me rends à la BNF consciente qu'il me faudrait cinq demi-journées pour y accomplir tout ce que je souhaiterais, mais qu'une c'est mieux que rien. La ligne 6 pour sa portion sans travaux m'y mène, je marche ensuite tranquillement jusqu'à l'entrée Ouest, puis comme j'ai réservé vers l'Est (je prendrai la C ou la 14 en repartant, et ma réservation est en salle P (pour les initiés)), traverse à l'intérieur l'ensemble du bâtiment. Je remarque vaguement qu'il fait un peu gris.

Une femme a perdu semble-t-il son ticket qui accapare au vestiaire l'un des employés. D'où un peu de file d'attente, mais guère plus que cinq minutes je dirais. Une fois mes affaires déposées et équipée du porte-documents transparent réglementaire dûment rempli du nécessaire pour écrire et étudier, je descends dans les entrailles de ce vaisseau futuriste d'autrefois (1). Je passe aux toilettes par précaution, elles sont diablement loin des postes de travail, autant une fois à pied d'œuvre éviter de devoir trop y retourner.

OSEF dirait le fiston ou plutôt aurait-il dit il y a 3 ans s'il avait lu jusqu'ici. Pourquoi tu nous racontes tout ça ?

En fait si je précise c'est pour expliquer qu'il se sera écoulé 10 à 12 minutes entre le moment où j'ai tourné le dos aux baies vitrées vers les vestiaires, et celui où j'ai retrouvé celles du rez-de-jardin. 10 à 12 minutes mais guère davantage. Et ce fut pour m'apercevoir que des trombes d'eau s'abattaient, qu'il régnait un gris de fin d'après-midi d'octobre, le même temps que la dernière journée (d'été) que j'avais passée à Uccle chez un saligaud de l'oubli (mais alors je l'ignorais, croyant que c'était un homme qui certes aimait les femmes mais savait respecter) et qui lui avait fait en mon honneur brancher le chauffage. En plein mois de juillet.

Le changement de temps (météo) était si soudain qu'il donnait l'impression de ressortir ailleurs que l'accès était de ceux qui font voyager. Ou que j'avais voyagé dans le temps (tic-tac), qu'entrée mardi midi je me retrouvais aux salles d'études un jour d'autre saison et de pluie.

Je me suis demandée si l'amie avait entre temps eu le temps de regagner sans encombre son logis. 

J'espère que oui. Et j'étais pour ma part très contente d'être au chaud à l'abri. 

 

(1) Je songe souvent au décor de "Solaris" de Tarkovski ou à Cosmos 1999 les jours où l'esprit est porté à plus de facétie.

 

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