On peut être au chômage et travailler sérieusement

 

    Ce fut mon cas aujourd'hui (et les autres jours de cette semaine aussi, si j'y réfléchis, mais plus particulièrement aujourd'hui) : même si je suis partie à la BNF plus tard que je ne l'aurais voulu (passer à la banque, ce genre de choses ...), j'y aurais passé l'essentiel de la journée à différentes choses bien studieuses, sérieuses et qu'il fallait faire.

En travail personnel, j'ai avancé dans ma préparation de l'émission de mercredi prochain sur Cause Commune. La lecture de l'ouvrage de mes invités n'est pas la même que celle que j'effectue pour une sélection en librairie ou en vue d'un article à rédiger ou d'une émission à assurer seule, et ne ressemble pas tout à fait à une lecture personnelle sans travail ultérieur déterminé. C'est une lecture avec réflexions sur la structure et les thèmes, les connexions, les possibilités de questions avec développements qui pourraient éclairer les lectrices et lecteurs potentiel·le·s et leur donner envie.

Je relis d'anciens billets de blogs aussi. L'idée étant d'établir des liens ou au moins de mieux comprendre certains éléments, des enchaînements. 

C'est stimulant, ça me redonne de l'énergie, même si cela n'empêchera pas un gros coup de pompe de m'assommer en fin d'après-midi. Comme le vent semble à nouveau fort et un brin tempétueux, je me demande si une chute des pressions n'est pas en cours, qui expliquerait mon surcroît soudain de fatigue forte. 

Alors je m'accorde du temps personnel : regarde un très intéressant documentaire sur Vilmos Zsigmond qui fut dans les années 60 et 70 à Hollywood le chef op' des plus grands. Son travail sur la lumière était impressionnant et poursuis grâce aux Archives de l'internet où il eut le privilège d'être référencé, la reconstitution de mon fotolog disparu (1). J'avais effectué des sauvegardes à marches forcées lorsque j'avais appris sa disparition prochaine, seulement par manque de temps n'avais pas tout bien récupéré (2). Alors méticuleusement j'entreprends de combler les cases manquantes. Sans y prêter attention j'arrive au mois de février 2006, ce moment pour moi du plus grand déchirement affectif vécu jusqu'à ce jour, une rupture subie d'une très forte amitié.
D'autres duretés de la vie ont mis celle-ci à distance, j'apprécie toujours le travail de la disparue et ses engagements politiques, je suis parvenue à faire la part des choses. 

Il n'empêche que pendant longtemps je devais me préparer à la croiser (la personne ou son travail ou des souvenirs personnels la concernant) sorte d'équivalent mental au fait de contracter ses muscles en vue d'un effort physique. Or là je ne me méfiais pas, je n'avais pas vu que j'arrivais aux jours fatidiques et voilà que c'est passé, pas de cœur serré ni de larmes aux yeux, seulement la tristesse d'un malheureux gâchis, et peut-être davantage pour elle, finalement, que pour moi, aussi curieux que cela puisse sembler de penser ça. Je me suis sentie infiniment légère d'être enfin hors d'atteinte de celui-ci de mes chagrins.

L'autre réconfort du jour fut d'avoir pu remettre mes semelles orthopédiques que j'avais cru volées, toujours avec mon sac d'ordi le 17 octobre 2017. En fait celles que j'y avais glissées ce soir là n'étaient pas les toutes nouvelles, contrairement à ce que je croyais, mais la paire de secours. Et les nouvelles, intactes, étaient restées dans une paire de souliers que je porte rarement, et particulièrement en cas de très mauvais temps. La tempête Ciara aura eu le mérite de me les faire retrouver. Leur réapparition en plus qu'elle m'est fort utile me réchauffe le cœur fort exagérément.  

Un de mes bracelets c'est cassé (pas la première fois) j'ai heureusement pu le reprendre avant qu'il ne tombe et ne disparaisse à jamais. Juste après, alors que j'allais aux toilettes, j'en ai trouvé un, posé à l'endroit des grands accès désert où trône un téléphone à l'ancienne sur une sorte de bureau que j'ai toujours vu vide. Je l'ai déposé aux objets trouvés au vestiaire Est en remontant. La personne qui l'a pris n'a même pas pris le temps de noter quoi que ce soit dans le registre. Ça n'était un bracelet fantaisie, une sorte de ressort doré, mais quand même, quelle désinvolture !

Soirée crêperie offerte par Le Fiston pour fêter sa toute prochaine nouvelle vie. C'est classe de sa part. Et intelligent : nous en avons profité pour réfléchir ensemble à quelques points logistiques et d'intendance.

Je travaille encore un peu une fois rentrée, écris ici.

 

Sur le front du 2019-nCov : 60364 cas toujours essentiellement en Chine, dont 1370 morts et 6292 guéris. Des articles ici ou là sur les conséquences politiques en Chine, certaines mesures drastiques, certaines conséquences économiques - les articles tendant à minimiser nos problèmes d'approvisionnements -. Des personnes que j'ai croisées aujourd'hui, des conversations entendues, personne n'en parlait. Paris draine moins de touristes, à vue de nez, seulement février est rarement la période la plus propice de l'année.

Les nouvelles générales du pays partent dans tous les sens, le gouvernement dit tout et son contraire, notamment sur l'écologie, le débat parlementaire sur la réforme des retraites se noie dans la plus totale confusion, les épreuves de contrôle continu comptant depuis cette année pour le bac réformé semblent un casse-tête sans nom pour professeurs et chefs d'établissements (sans même parler des mouvements de protestation, des annulations, des gardes à vue de jeunes pour de simples manifs locales) et le maire de Levallois- Perret sorti hier de prison comme à l'article de la mort s'est offert un marathon médiatique, ce qui a déclenché indignation et sarcasmes. Comme je n'y ai regardé de près que le matin avant de partir et le soir après le dîner, j'ai eu un effet de cumul qui donnait la certitude que le Grand N'Importe Quoi l'avait définitivement emporté.

Ça pourrait être drôle, la façon dont tout part dans tous les sens, si ça n'était pas diablement inquiétant. 

Petite surprise du soir : alors que ma lecture filée dans "Côté papier" concerne les conséquences du coup d'état du 17 octobre 1987 au Burkina Faso, j'apprends ce soir par un article sur Médiapart, qu'une reconstitution de l'assassinat de Thomas Sankara vient d'avoir lieu. Le sujet serait donc encore brûlant.

 

(1) Parce que fotolog lui-même, après une première résurrection, semble avoir disparu complètement. 

(2) Sans doute aussi qu'une partie n'était que sur le disque dur que je m'étais fait voler avec l'ordinateur dans mon sac en octobre 2017. Et en copies sur Flickr mais sans indexation.

 


Comme un lundi (d'un mois d'hiver) (après cinq mois presque temps plein travaillés)


    Il pleut, pas la pluie forte tous-aux-abris, non, une pluie que l'on n'entend pas de l'intérieur de la maison (1), mais perceptible par le bruit mouillé des véhicules sur la chaussée. 

Elle mouille aussi le piéton.

La vieille amie avec laquelle j'espérais déjeuner, c'était prévu, ne se sent pas très en forme et nous ajournons. Je paie peut-être l'entraînement de la veille et sans doute les jours de froid (2) et sans doute aussi d'avoir travaillé de façon trop intense - pour septembre octobre je l'ai ressenti, pour novembre à janvier non, ça allait, je vélotafais et j'étais heureuse et pas si épuisée, seulement il faut croire que quelque chose, ou la tristesse que ça soit terminé, a joué -, seulement finalement, n'avoir plus à devoir me hâter pour ce déjeuner m'a consolé pour partie du fait qu'il soit différé.

Un livre se cache au moment même du départ. 

Je comptais prendre le RER C et lire pour préparer mon émission radio du mercredi soir, voilà que le temps de le retrouver dans un autre sac que le sac que j'emportais, il est trop tard. Alors je file prendre le train pour Satin Lazare. 

Ligne 14, surprise : l'escalier qui permet de descendre sur le quai vers l'arrière de la rame est débarrassé de la palissade qui en masquait la moitié depuis tellement longtemps qu'on ne sait plus quand. J'avais oublié sa largeur. Un escalator descendant (3) l'équipe sur la gauche. Je me fais un plaisir de l'essayer, tout en marchant.

Une amie de l'internet doit me prêter deux livres du style introuvables, sur son temps de pause d'un travail. Je veille à être à l'heure. La marge prévue n'ayant pas servie, je passe chez Gibert à la recherche d'un coffret précis de DVD dont j'aurais besoin pour mercredi. Libraire moi-même je fréquente moins les librairies de grandes enseignes, j'avais oublié que celle-ci ne faisait pas les DVD. Me contente d'un tout petit opuscule pour les activités prévues au printemps et un peu de réapprovisionnement papetier à usage immédiat.

Comme (presque) toujours l'impression de connaître déjà la personne que je rencontre, bien qu'elle ne soit pas de celles qui affichent leur image. Longtemps je m'en suis moi-même gardée, méfiante, puis j'avais découvert parce qu'un collègue de bureau qui se savait figurer dans un bel article nous avait toutes et tous googlelisé, au début du machin, quand il permettait des recherches fines sans priorités monétisées et quand nous croyions encore avec naïveté que le résultat d'une recherche était le même quel que soit l'ordi d'où il était lancé, bref, j'avais découvert à cet occasion que mon image traînait déjà un peu partout, du simple fait d'avoir vie professionnelle et ami·e·s internautes, alors sans chercher à m'afficher j'avais cessé de m'auto-censurer. Plus tard, avec une pratique sportive soutenue, sont venues bien des images que je trouve réjouissantes (souvent car j'y suis un peu ridicule, tout en étant assez fière d'être ridicule de cette façon-là). Donc pour soigner et limiter l'image on verra quand le temps viendra (4).

L'une comme l'autre ne pouvons nous attarder.

Il pleut à nouveau. Mais il ne fait pas froid.

Pas de file d'attente pour l'entrée à la BNF, contrairement à toutes les dernières fois. Pas de fermeture anticipée non plus. C'est moi qui partirai une fois ce que j'estimais devoir avancer bouclé. Court-métrage drôle et tendre de Levon Minasian ("Le piano"), lectures sur écran. J'aimerais savoir que je dispose de plusieurs mois pour aller au bout de ce que j'entreprends ; me console en songeant que qui a une vie stable professionnellement ne peut pas même savoir, qu'en ce monde la stabilité n'est qu'une illusion. En attendant je m'efforce de sécuriser mes écrits et mes moments de documentation, comme si j'allais n'y revenir que dans longtemps. Ça prend plus (+) de temps.

Lecture dans le RER C du retour, que je n'ai pas trop attendu. Là aussi il y a eu des changements : la plupart des sièges de quai qui permettaient de faire face aux habituels longs délais (15 à 20 minutes pour les destinations Pontoise ou Montigny-Beauchamp) ont disparu. Je l'avais constaté la semaine précédente. Ça me paraît encore plus vide cette fois-ci.

Soirée familiale et studieuse, à la maison. Les soucis de santé des uns et des autres semblent s'apaiser.

Petite bouffée de panique de celui qui avait, pourtant volontairement, changé d'opérateur téléphonique. 

C'est ce soir-là que j'ai découvert le documentaire "Les enfants du 209 rue Saint-Maur" de Ruth Zylberman. Je crois savoir que longtemps plus tard ce qui me restera de la journée sera la pluie fine mais quasiment incessante, le bonheur d'être au chaud à la BNF à apprendre et écrire (mais il se confondra avec celui de semblables journées), la joie de la rencontre et des livres prêtés, et la découverte de ce film qui touche quelque chose en mois, profondément. Sa forme, photos anciennes, maquettes, douces images de vie quotidienne du présent, témoignages, réunion des participant·e·s, n'y est pas pour rien.

 

 

 

 

 

 

(1) Nous vivons en appartement, j'emploie souvent maison au sens du home anglais.

(2) Je supporte correctement le froid depuis janvier 2015, il n'empêche qu'y faire face me pompe une énergie folle, tandis qu'un temps caniculaire si j'ai la chance de pouvoir rester dans un lieu non climatisé m'offre du tonus. Mystère de nos physiologies. 

(3) C'est un quai du terminus que l'on emprunte pour l'embarquement. Personne n'est censé monter par là, sauf égarement.

(4) "Pas peur nous vivra nous verra" disait le père d'une des enfants du 209 rue Saint Maur.


Reprendre le collier

 

    D'une certaine façon en tout cas lorsqu'on est une femme, sportive, mère de famille (et portant la charge mentale de l'administration de la maisonnée), et qu'on anime une émission hebdomadaire sur une radio associative, une période travaillée sous forme de CDD présente certains repos : toutes sortes de choses à faire sont reportées en fin de contrat et ça donne une certaine légèreté ; du moins pour des emplois où l'on vient seconder d'autres personnes et pour lesquels il n'y a pas de tracas ni de travail à terminer à la maison : durant nos heures on bosse à fond mais ensuite on peut débrancher jusqu'au lendemain matin.

La fin de contrat a eu lieu. Me voilà à pied d'œuvre pour non seulement tenter de retrouver au plus vite un emploi, mais aussi en attendant dégager très vite tout ce que j'avais négligé depuis août en fait (1). 

J'ai consacré la matinée à une séance préventive de kiné : me remettre bien le dos en place. Je crois que si j'avais un seul conseil à donner à de plus jeunes ce serait celui-ci : ne gaspillez pas d'argent dans des trucs d'apparences mais offrez-vous plutôt les services d'un kiné régulier, exactement comme les sportifs. Et faites-vous régulièrement masser, comme après une compétition. Une partie de la fatigue s'envolera et les risques de se bloquer quelque chose (faux mouvement ou épuisement) seront bien moindre. Après, c'est un budget. Car la sécurité sociale ne rembourse pas les services d'un praticien préventif. 

Des tickets restaurants à utiliser avant la fin du mois m'ont permis de déjeuner dans une brasserie habituellement trop chère pour moi - mais où j'ai de bons souvenirs et la cuisine y est bonne -. Et elle est idéalement située près de la bibliothèque. Je me souviendrai du sabayon aux fruits frais.

C'était curieux de retrouver les transports parisiens après quasiment deux mois sans dus à la fois à un contrat en proche banlieue et à la grève générale. J'avais en tout cas copieusement oublié à quelle point la publicité - sans m'en rendre compte, parcours Clichy Levallois Neuilly Boulogne, j'avais vécu sans presque croiser de panneaux - nous prenaient pour des imbéciles. Et ça ne m'avait pas, mais alors pas du tout, manqué. 

J'avais prévu de préparer mon émission de mercredi à la BNF, ça ne fut pas une réussite : entre une personne avant moi au contrôle qui refusait de comprendre que la femme qui contrôlait obéissait à des consignes  - venait d'ailleurs de se prendre une observation de la part de hiérarchiques parce qu'elle n'avait pas demandé à un monsieur précédent de mettre son sac dans le bac afin de le glisser tout en le vérifiant -, et ne pouvait donc lui faire la faveur de lui garder en main sa petite monnaie, qu'elle s'attirerait des ennuis si elle le faisait, d'où bref, un retard pour arriver en salle, et une fermeture anticipée avancée (2), je n'ai eu que le temps de ... mettre à jour mon CV et postuler à une annonce. Ce n'est pas du temps perdu mais il ne m'en est pas resté pour autre chose.

Et dès lors, de retour à la maison et comme nous sommes sans doute au bord d'une nouvelle étape importante de notre vie familiale, la dynamique de travail ou démarche m'avait abandonnée. J'avais, au fond, de toutes façons, déjà repris le collier. 

Demain : sport 
(et préparer l'émission, puisqu'aujourd'hui autre chose m'a accaparée)

 

(1) J'ai enchaîné deux contrats forts avec comme seul moment pour reprendre mes forces le festival de cinéma d'Arras, formidable détente, nécessaire dépaysement (via les films) mais fatigue physique à sa façon. 

(2) Il était annoncé par affiches une fermeture anticipée à 17h pour cause de grève, seulement à 16h un message fut diffusé que les salles fermeraient à 16h45.

PS : Comme suite à un échange sur Twitter concernant le départ des Royals de Meghan et Harry, et la part du poids du racisme dans cette décision, j'ai découvert, grâce à Alice, l'art du message brochée. Ça m'a fait la soirée.


It didn't seem so long ago


    Je profite d'une journée à la BNF pour compulser les archives de l'internet à la recherche de blogs disparus. Au départ à la recherche d'un billet pour m'en rafraîchir le souvenir, puis dans le même mouvement qui autrefois enfant me faisait disparaître des heures dans le dictionnaire, de lien en lien vers de plus en plus de retrouvailles.

Dans ces cas-là tôt ou tard, je finis ou je commence toujours par retomber sur le blog de La fille aux craies. Il faut dire aussi qu'elle n'a pas cessé, jamais, de me manquer et que certains de ses billets emblématiques, me sont restés. Je ne peux pas ne pas penser à elle lorsque j'ai une serviette rêche entre les mains, ni songer "levrette" dès que je lis le mot "missionnaire" et rigoler in petto bêtement, en mode adolescent, et ça c'est d'elle que je le tiens (1). 
Pour qui ne l'a pas connu il faut savoir qu'elle souffrait de mucoviscidose, qu'elle a subi une opération pour une greffe à l'été 2011 et qu'elle n'a pas repris connaissance. Elle avait pris soin de nous relier ses ami-e-s plus lointain-e-s aux plus proches avant de partir à l'hôpital et je lui en reste infiniment reconnaissante.

Dès lors son blog s'arrête là : 2011. Fin juin.

Pour d'autres l'activité de blogage s'est arrêtée comme suite à certains événements, moins dramatiques, de la vie, combinés à l'avènement des réseaux sociaux et à la conscience que tout ce qu'on pouvait laisser comme traces écrites, audio, vidéo ou photographiques pouvaient se retourner contre nous.

Parmi d'autres, le blog d'un ami, pas revu depuis trop longtemps : dernier billet 2015.

Et c'est intéressant. Au delà de la part affective. 

Qu'est-ce qui fait qu'on se retrouve ou non à une époque différente ?


Les écrits de 2015, c'est du presque maintenant. Ce qui est raconté, du moins ce que ce qui est raconté laisse percevoir de la ville, de la société, des rapports entre les gens, ça pourrait être au printemps dernier, ou à l'automne qui a précédé. Ils ont encore une couleur, une qualité actuelle. Y compris ceux, ancrés dans leur date, concernant les attentats à Paris cette année là.

Les écrits de 2011, c'est déjà un autre temps. Pourtant sont déjà là les téléphones et les ordis et l'internet répandu, et les réseaux sociaux ; certes des événements politiques importants ont secoué le monde : les révolutions du printemps méditerranéen, les attentats en France (et pas seulement là), l'élection de Trump, le Brexit ... mais ils n'avaient pas d'influence si directe sur la vie d'une personne de la classe moyenne en France. Et puis ça vaudrait pour 2015 aussi pour certains événements et d'autres aussi. 

Ça n'est pas non plus un prisme personnel : en 2011 j'avais déjà entamé la reconversion qui est la mienne aujourd'hui. Je n'applique donc pas un filtre "Ma nouvelle vie" à ce que je lis. J'étais déjà dans l'idée de me mettre au triathlon, seul a changé le passage de l'idée à la mise en œuvre. Ma vie amoureuse n'a pas tant évolué. Il y a eu des deuils, des disparitions. Mais pas au point de devoir considérer "un après / un avant". Sauf pour l'assassinat d'Honoré parmi ses collègues. Même si ce fut, comme le fut 9/11 et mondialement une sacré commotion. Seulement je ne crois pas que ça ait changé les choses pour tout le monde à ce point-là. 

Au point que des écrits quotidiens personnels de 2011 semblent d'un autre temps, un temps d'avant quand ceux de 2015 restent pour l'instant de l'ordre de Comment ça trois ans ? Qu'est-ce que ça passe vite !

De quoi est faite la sensation d'époque révolue ?
J'aimerais pouvoir en discuter avec les ami-e-s disparu-e-s. 

 

(1) Bien d'autres choses encore. 


Le sac dans le bac

        Une nouveauté m'attendait à la BNF que je n'avais pas fréquentée depuis le 10 août : désormais pour passer les contrôles à l'entrée il faut mettre "le sac dans le bac". Les bacs de plastiques doublés d'une sorte de mousse afin sans doute d'éviter les bruits de clefs et les bris d'écrans [de téléphones portables] servait jusqu'alors de vide-poches tandis qu'on présentait nos sacs (pour 7 personnes sur 10 un sac à dos noir fait pour y glisser verticalement l'ordi) à part et ouverts. 

J'imagine qu'il s'agit de réduire encore le gabarit de ce que l'on peut apporter. 

Et le sac à dos de l'ordi tient, juste mais tient, dans le bac.

Le hic c'est que du coup les objets usuellement déposés dans le bac se retrouvent écrasés. Ce n'est pas grave pour les clefs, plus gênant pour le téléphone et dans mon cas l'appareil photo (1). J'espère que cette consigne qui complique encore la vie sera vite abandonnée devant le malpratique de l'usage, qu'il ne s'agit que d'une expérimentation et que l'on demandera à son issu leur avis aux gens (les usagers et les surveillants). 

En tout cas j'avais bien fait alors que je passais chez l'opticienne sur le chemin vers le métro, donc en partant, de demander à ce qu'elle mette de côté le pack d'entretien de mes lentilles de contact que j'étais venues commander, plutôt que de le prendre avec moi en mode Quand je rentrerai ce soir il sera tard, la boutique sera fermée. Car pour le coup le pack et le sac ne seraient pas entrés dans le bac.
Même en écrabouillant copieusement le téléphone, le Navigo et les clefs.

PS : Comment va-t-on faire si l'on vient, comme ça m'est souvent arrivé, avec un petit sac supplémentaire pour les éléments de notre déjeuner ?

(1) Je me déplace rarement sans. Je prends des petites photos du quotidien tout le temps. Je faisais ça déjà avec des jetables autrefois

 

PS' : addenda du 30/08/18 
Au lendemain déjà, la consigne n'y était pas, nous avons pu disposer normalement des menus objets dans le bac et du sac, présenté ouvert, à côté. J'espère que ça n'était pas un essai pour plus tard mais seulement une initiative ponctuelle vite abandonnée. 


Mai 68 en noir et blanc

 

    Disposant d'un petit temps de latence avant de prendre ma place à la BNF, je suis allée voir l'expo "Icônes de Mai 68 : les images ont une histoire"  assez sympathique et plus particulièrement pour un diaporama qui porte autant sur l'époque en France que sur "les événements". Mais j'y ai pris conscience de quelque chose auquel je n'avais pas fait auparavant attention : notre iconographie intime comme générale de mai 68 se décline en noir et blanc. Or à l'époque dans les journaux la couleur était fréquente et bien des images sont en couleur. 

Mais voilà : en ce temps-là les rédactions pour la couleur travaillaient en diapos et c'était plus long lors d'édition commémoratives (les dix ans, les quinze ans, les vingt ans ...) de repiquer sur des images issues de tirages argentiques noir et blanc. Ce qui fait qu'on est resté avec la fausse impression que les photos de ce temps l'étaient essentiellement. 

Par dessus le marché un numéro spécial de Paris Match publié alors que les pavés étaient à peine réimplantés et que la phase de grèves n'était pas terminée, aurait dû être en couleurs, avait été prévu comme tel mais sortit en noir et blanc du fait des arrêts de travail côté impression. Ce qui avait donné l'impression que les photos étaient en noir et blanc dès le départ exclusivement. 

Dans les albums photos familiaux, peu de couleur à l'époque : mais déjà quelques-unes prises par un oncle aux revenus plus élevés. 

Mai 68, c'était la couleur, vous savez.
(Mais pas pour tout le monde) 


Notes en vrac : Master Class BNF - Hélène Cixous

J'ai eu la chance de pouvoir assister à la master class littéraire dont l'invitée était Hélène Cixous.  Le petit auditorium de la BNF débordait. Comme j'étais arrivée juste à l'heure j'ai fait partie de ceux qui furent dans une salle voisine. J'ai pris des notes n'importe comment. Je les laisse en vrac, je trouve que c'est beau.

C'est plus particulièrement en pensant  @samantdi et son Jules que je les publie.

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Lire c'est écrire.

(Hamlet) Cet état d'âme c'est le nôtre. Nous le public les amis de Hamlet nous savons que ce duel le conduit à sa mort. We defy augury 

Vivre c'est défier l'augure. En Anglais se glisse un impératif : Vous voulez vivre ? Défiez l'augure

Quand on produit du texte, quand on tisse on utilise l'écriture principale. Une sorte d'analogie avec les arts voisins. Chez moi les pinceaux c'est pas propre, c'est un désordre généralisé.
Une très grande quantité de différents papiers de différentes dimension.

Les pinceaux écrivants.
Sur une seule page dix graphies différentes en fonction de l'affect qui passe. Le poids de chaque mot est modifié à tout instant.

Vous aimez les animaux, vous aimez les oiseaux.

Ce sont les sages.

Je suis en apprentissage tout le temps. Les chats me font rire. Elles sont très télégraphiques. Envoient des messages tout le temps. Leur rapport à l'autre est apaisant, comme un prêche de bonne vie.

J'ai eu une période naguère qui était très musique. Mais j'avais l'impression de tricher, de piquer à la musique sont énergie.

Ce dont j'ai besoin et que je n'ai pas à Paris ce sont les vents. J'ai dans le Sud Ouest une maison d'écriture qui est une maison de vents. La pluie qui provient des arbres lorsque le vent en joue.

Je dirais oui pour être honnête mais il ne faut pas s'y tromper. Je suis en état d'écriture en permanence mais poser sur le papier n'est pas toujours. On ne peut pas le mesurer, on ne peut pas le prévoir. 

Pour le même livre, 59 jours ou 59 ans. C'est une forme d'être au monde.

Le poète de poème il passe dans la rue et le poème passe.

Dérida : Je posthume comme je respire.

J'écris comme je respire. Je ne vis pas avec du papier. Même si je suis toujours provisionnée. Même à la plage. Je ne pose mon carnet que lorsque je vais me baigner. Cueillir. Chasser.

Un secret sans secret, en rêves dans cet univers inouï. Un trésor qui m'est prêté, parce qu'il est très incertain. Ce sont des mines et c'est l'art suprême. Je retiens mes rêves. Par les franges. Quelques germes de rêves. 

J'écris en pleine nuit. Ça donne des choses extrêmement bizarres. Parfois j'écris un rêve sur un autre car je n'ai pas retourné mon papier. Les chats se transforment en sphynx solidaires. Elles m'accordent la demi-heure qu'il me faut pour rédiger un rêve qui est encore palpitant. Je suis humblement dépassée par la puissance incommensurable d'un rêve.

Quand j'ai commencé à dérailler j'étais voleuse : tout était fait et mille fois mieux que je ne l'aurais fait. Je lui volais un rêve et je le glissais dans mes publications.  

Pour moi c'est un acte pas une profession [écrire].

Je n'osais pas dire qu'il y avait eu rapine. Il faudrait que je signe "Rêve". Écrire en collaboration avec mes voix.

Je pense une chose et puis Shakespeare me dit Hé je l'ai déjà dit. Et puis Montaigne Et ça ...

Q : Le livre d'abord vu avant d'être écrit.

Il m'est arrivé de voir un livre en rêve. C'était vraiment soulagée. C'est quand même un effort d'écrire un livre pendant les 59 jours j'écris à marche forcée ça épuise toutes les ressources. 

Je me réveille. Et puis après il faut que je l'écrive. 

J'essayais de rester dans mes quatre pages et puis après une page fait éclosion.

Quantités d'idées, un cahier près de micro livres 

Je ne sais pas quel livre va venir vers moi. Je sais qu'un livre va venir vers moi. Je me fie à.

C'était des archives particulières des nids souterrains. Je crois à la magie. Le problème c'est que le livre est très rapide. Moi aussi. Mais moins que lui.
Ensuite il me mène, avec tous les moyens de transports.

Très souvent et aussi chez les morts. Je ne suis pas la seule. Homère était là avant moi.

J'écris d'un trait ; qui est divisé en 50. D'une traite comme si j'étais à cheval depuis 6h du matin jusqu'à 15h. Mais finalement il y a trois pages. Or ces trois pages je n'ai pas arrêté de les écrire. Moi j'obéis, je suis le scribe. Ça rejoint un petit peu la condensation poétique. Je ne peux pas écrire si je ne suis pas en pleine forme. 
Vous avez dû voir des oisillons. Ils mettent trois semaines pour atteindre leurs ailes. Plumes à plumes. Les livres c'est pareil.
Je regarde et je me dis : Ah c'est la dernière page.

Quand je me relis il m'arrive d'alléger mais en cours de route j'ai déjà allégé.

Parfois des pages je me dis Là tu t'es arrêtée pour te faire une tasse de thé et j'enlève.  

Liberté. Jouer [avec la langue]

Au fur et à mesure que l'on a scolarisé la langue, des règles d'inhibition. 

Ça s'impose lorsque c'est harmonieux. Ça n'est pas discordant. 

Le français une langue etcoetérante . Le français est totalement impur, dieu soit loué.

Joyce a écrit en une seule langue faite de 18 langues (Finnegan's ...)

Des langues qui vont faire ami. Qui vont muter. Qui vont colorer. La traduction est un peu plus loin en train de se lever.

La vie est S.

Tous les bienfaits de ces molécules merveilleuses (des différentes langues)

La nuit des rois. Nous mêmes ne nous possédons pas nous-mêmes.

I do I know not what.

Le tournant a été pris il y a très longtemps, je crois que c'était en 94. Quand on écrit en invitant.
Je te prends je te mets dans mon livre. On est un peu anthropophage.

Les gens dont je pouvais disposer parce qu'ils étaient morts. 

Je me suis retournée et je me suis dit Toute mon œuvre est à mon père. Puis j'ai pensé à ma mère. Alors que je lui dois mille vies et que de rires !

Chaque fois que quelque chose m'est impossible qu'un grand drapeau rouge est devant pour y aller, je me dis il faut y aller. C'est une règle en écriture.

Ça a été mon premier Osnabruck.

Un geste d'un grand amour et d'une grande violence.

Ma grand-mère maternelle est partie en novembre 38.

Chaque année je me disais L'an prochain à Osnabruck

La rescousse est là. (Livre 2016 avec Cécile Wasjbrot)

Je me suis fiée quand même à son invitation (Mnouchkine) Drapeau rouge, donc il faut y aller [début des années 80]. Va en Asie et écris. 

Tu m'as fait un village, nous on est grand, on est un royaume. 

Je suis allée d'impossible en impossible. 

Au départ, j'étais côté Chamber music. Avec le théâtre, 50 personnages. Des scènes avec 50, 5 par 5 .

L'écriture de théâtre a des temporalités radicalement différentes de celles de fiction. Il faut que tout se comprenne instantanément. Le signal est d'une impatience totale. 

J'ai mis mon oreille sur le poitrine. J'ai écouté les battements de leur cœur.

J'ai su que j'étais de toutes façons le sujet de la troupe. Une aventure d'imagination inouïe. 

Quand j'étais en Patagonie, je me glissais sur la banquise avec ma mère. 

Et en même temps c'est absolument exaltant parce que c'est un mariage avec le public [écriture pour le théâtre].

Mon lecteur va arriver comme pour Stendhal dans 60 ans.

 

[se mouiller le doigt pour tourner la page ; geste qui revient]

Écrire : quelque chose qui va avec l'instant miraculeux de la création.
Parfois désastre. 
Des sensations extrêmement fortes.

En lisant, des joies extrêmes, plutôt sur des phrases seules.
Stendhal : La vie de Henry Brulard

Dans ces cas-là écrire et lire se touchent pour moi, là il y a contact et frrt il y a une flamme qui part.

On devrait fabriquer le verbe éclire.

Il a fallu une belle révolution pour que ça puisse apparaître et qu'elle soit jeune et artistique [Vincennes]. Les mathématiques c'est un art.

En ce moment on est plutôt à marée basse mais je n'exclus pas la possibilité d'une apparition. 
68 c'est simplement le moment où l'orage éclate mais il se préparait depuis un moment.
Parce que les vieux en général ils en ont marre ils sont assis. 

En attendant qu'est-ce qu'on fait : on se bouge à petite échelle. Comme le théâtre du soleil. Créer des troupes, des cercles illuminés.

La dominante c'est quand même la jeunesse parce quand on est vieux au théâtre du soleil on est jeune.

68 c'était un mouvement de jeunes hommes. L'idéal de Vincennes qui était une pure merveille. Une collection extraordinaire qui devait s'appeler le Féminin Futur 

Comme je disais tout à l'heure il a intérêt à être en bon état [mon corps] [pendant l'écriture]. J'ai l'air d'être immobile mais je n'arrête pas de courir, de grimper, de nager. 

L'économie d'un Balzac ou d'un Stendhal, écrire vite et beaucoup. 9h de rang, sans s'arrêter sauf pour boire (expérience d'avoir eu des effets secondaire pour l'avoir oublié)

Est-ce devenu un livre émancipateur. Je ne considère pas du tout Simone de Beauvoir comme une féministe. À la demande de Catherine Clément, Le rire de la méduse. 

Un très beau texte de Proust sur la méduse qui décrit les asperges qui sont des couleurs de méduses.

Le type américain ne me convenait pas c'était un féminisme assez fruste. 

Je n'avais pas pensé que ce texte allait devenir ma persécutrice préférée.

La dernière en date étant le Féroé [toutes les traductions]

À un moment j'en ai eu marre, elle était toujours là. Voilà où en sont les femmes, là. 

Je pense que ça m'arrivera quand je serai sur le point de mourrir c'est certain [la fin de l'écriture]. C'est tellement organique chez moi. 

  


Les conséquences persistantes

 

    Ça fera trois ans en janvier l'attentat contre Charlie Hebdo, cette journée entière passée entre espoir et attente d'une mauvaise nouvelle, et de toutes façons déjà fracassée par ce qui s'était passé quand bien même l'ami, le camarade, lui s'en sortirait. La journée de boulot accomplie malgré tout (comment ai-je tenu ?), l'errance le soir à Répu, croiser les gens qui grelottaient, se rendre compte alors que moi si sensible au froid j'étais anesthésiée, après la mauvaise nouvelle, finir la soirée chez l'amie commune, bien plus que moi touchée. 
Ça faisait du bien de parler.

Le retour à Vélib en criant mon chagrin.
J'ignorais qu'un coup sordide m'attendrait le lendemain. Et que Simone me sauverait du vacillement compréhensible face à une réalité qui dépassait l'entendement. 

Les soirées passées avec les amis, notre seule façon de tenir. Mais combien ce fut efficace.
La grande manif du 11, qui nous donna la force, après de continuer.

Et pour moi : l'absence de ressenti intérieur du froid, et qu'elle perdure. J'en avais tant souffert, du froid perçu jusqu'aux tréfonds des os, c'était comme un cadeau. 
L'absence aussi de "frisson dans le dos". D'où que Poutine ne me faisait plus peur, alors qu'une simple photo de cet homme déclenchait jadis chez moi une réaction épidermique - de proie potentielle sur le qui-vive devant un prédateur -.

D'où que je ne percevais plus ni les regards sur moi, ni les présences derrière moi.

Quelque chose est resté débranché depuis tout ce temps-là. Je m'efforce de me préparer à une éventuelle réversibilité, mais j'en suis de moins en moins persuadée.

Ça change encore mon quotidien.

Je dois veiller intellectuellement à ne pas me mettre dans un froid persistant, car si je perçois moins le froid, mon corps en est traversé, l'absence d'alerte ne signifie pas l'absence de symptômes. Je m'enrhume davantage (1).  

J'ai dû m'habituer à cette sensation si nouvelle pour moi : avoir chaud. D'accord j'avais chaud par temps de canicule ou après le sport au sauna, mais c'était pour moi si rare, je savourais. J'apprécie encore, à ce titre l'été dernier m'a terriblement frustrée, à peine quelques jours à frétiller pleine de l'énergie reçue. Pour le reste grisaille et être habillée comme en demi-saison.
Ce matin encore en arrivant à la BNF, quelques secondes pour comprendre : ah oui, j'ai chaud là. C'est chauffé [chez nous toujours pas, seulement à partir du 15 octobre je crois]. Et je me souviens alors qu'en ces lieux la température est maintenue constante, j'y portais l'été des pulls légers et à partir d'octobre des pulls épais ou des gilets, tout en me disant C'est sympa les lieux publics mais ça n'est pas très chauffé et la clim l'été quelle plaie ! On a froid. En vrai : c'est tempéré, stable, et plutôt bien réglé. 

Ce matin aussi : ne pas avoir sentir sur l'escalator que quelqu'un me talonnait - du coup avoir failli, de surprise quand je l'ai constaté, foncer dans la personne immobile sur l'escalier qui me précédait (2) -. Avoir laissé se rabattre une porte au nez de quelqu'un d'autre : comme j'étais un peu pressée j'avais omis le coup d'œil de vérification avant de la tenir ou non. Je me souviens très bien d'un temps où je n'avais pas besoin de regarder, je percevais si quelqu'un me suivait. 
Combien de fois sur les trottoirs des trottinettes me frôlent, leur pilote persuadés que je les ai sentis venir et fais ma mauvaise tête mais vais m'écarter. Si l'engin est silencieux et leur coup de propulsion, je ne me rends pas du tout compte de leur présence. 
Et quand je suis perdue dans mes pensées ou que le #jukeboxfou de dedans ma tête me passe une musique assez fort, je n'entends même pas ce qui serait audible. Du coup dans la foule, je bouscule ou me fais bousculer, j'ignore des présences, j'écrase parfois des pieds.

Étrange héritage qui me met à la fois à l'abri enfin, et aussi en (léger) danger.

 

(1) Même processus avec l'ivresse : l'absence de signes doit être compensée par une vigilance accrue - ne pas dépasser certaines quantités -.  
(2) C'est l'ennui de ces longs escalators mono-voie. Si quelqu'un s'arrête tout le monde est bloqué.


Patience et politesse font plus que force ni que rage


    C'est peut-être un des rares trucs que j'ai appris en vieillissant : la logique en ce bas monde ne vaut que pour les sciences, les vraies. Et probablement le fonctionnement interne externe de notre planète et des galaxies. En revanche pour tout ce qui dépend de l'être humain, elle n'est que vassale et relative.

Inutile de lutter.

Pas de façon frontale.

J'ai mis du temps à piger, moi qui jusqu'à l'amour ai fonctionné comme un gentil ordi tombé dans un corps de petite femelle.

Par trois fois ces jours-ci de l'avoir compris m'a servi. Et aussi d'être consciente que dans notre époque plus troublée en Europe que les deux ou trois décennies qui l'ont précédée, dans un monde où le travail décemment rétribué n'est plus la norme, et où les dispositifs électroniques ont posé des contraintes que peu savent contourner il faut savoir ne pas trop en demander.

Il y a eu la déchetterie. Maison de ma mère presque vidée, entreprise de travaux sympathique et efficace mais qui n'a pas pris en charge (tous) ses déchets, voilà que nous devons aller vider trois fois trois grands sacs poubelles de différents déchets. Je porte le même nom qu'elle, j'ai mes papiers d'identité, je me suis munie d'une facture récente (EDF ou eau) concernant sa maison. Dans ses documents, fort bien tenus, bien rangés, je n'ai pas retrouvé de carte d'accès : comme il convenait d'y aller en voiture et que les dernières années consciente de n'en être plus capable elle ne conduisait plus, elle n'avait sans doute pas fait les démarches nécessaires à son obtention ou son renouvellement. 
Ponctuellement un peu plus tôt, un voisin nous a prêté sa carte. Un dimanche un gars à l'accueil nous avait dit, OK pour aujourd'hui, si pas trop de quantité. Mais là, les gars, moins à l'aise ou trop contents d'exercer leur petit pouvoir, nous laissent passer pour un voyage et refusent au deuxième. 
Nous voilà donc dans les bureaux en train de parlementer. Car il faudrait pour que tout aille bien le certificat de décès et comme celui-ci remonte à février je n'ai plus en juillet, le réflexe d'en avoir un en permanence sur moi, histoire de parer à tout éventualité (1). Il faudrait même idéalement copie de ses impôts fonciers ou de sa taxe d'habitation. 
Tout ça pour jeter, seulement sur une journée, d'anciens papiers peints, quelques vieux objets et d'antiques cartons en voie de décomposition. 
Nous leur posons problème, et le big chef, peut-être déjà en congés est absents. Une personne appelle un collègue et qui hésitent à en référer à leur responsable immédiat. J'explique sans m'énerver, je réexplique aux personnes successives, en ajoutant que comme nous profitons d'un jour de congés nous ne pourrons pas revenir avant un dimanche ou le 14 juillet férié. 
Plus jeune je me serais sans doute énervée, c'était si absurde, ou j'aurais fait de l'humour, On dirait que vous craignez qu'on vous dépose un macchabée. Avec l'âge j'ai appris : à exposer mon cas, puis me taire. Sans bouger.
L'âge lui-même est pour quelques temps (2) un atout : nous sommes deux pré-petits vieux, presque l'âge de grands-parents, d'apparence ordinaire parlant un français courant sans accent régional (du point de vie de l'Ile de France s'entend) : a priori pas dangereux, rien de clivant [je n'en tire aucune fierté mais j'ai plus d'une fois constaté que c'est comme ça que ça marche même si ça n'est pas normal], voire au contraire : parfois mon nom italien s'est révélé en France un atout, souvenirs de vacances ou d'amours de jeunesse ou de beautés d'art, qui sait ?
Le chef un peu plus grand, réfrénant son agacement a jeté un œil à notre chargement puis consenti au déchargement. 

Il y a eu la dernière étape du tour de France. En tant que petite dame qui fait du vélo j'ai participé au petit circuit final, dimanche dernier avant les pros. C'était vraiment un bon moment.
Les consignes de sécurité étaient très strictes et respectée, tout le monde s'y pliait volontiers : les dernières années nous ont appris que dans la mesure où les terroristes de maintenant souhaitent mourir, se veulent martyrs, tout peut être envisagé, jusqu'à une participante au vélo piégé. Le hic fut qu'après la joyeuse manifestation, il nous était impossible de retourner vers le côté nord des Champs Élysées. Nous étions même obligées de franchir le pont Alexandre III, pas le choix. 
Je devais rejoindre l'homme de la maison du côté de la librairie où j'avais travaillé et été si heureuse il y avait quelques années, et n'avais pas spécialement envie de remonter jusqu'à La Défense pour redescendre après. D'autres femmes devaient repartir elles aussi de l'autre côté. 
Seulement voilà, après avoir franchi le pont suivant dans l'autre sens, impossible de regagner les Champs pour les retraverser - par exemple en utilisant le passage souterrain de Franklin Roosevelt ce que nous avions fait à l'aller -. Vous ne pouvez pas entrer sur le périmètre avec des vélos. Oui mais en fait on a des vélos parce qu'on vient de participer vous savez [ça se voyait nous avions sur nous les beaux maillots distribués et nos vélos n'étaient pas quelconques]. Non pas de vélos. 
Alors à trois (ne pas être trop nombreux ni non plus seules dans ces cas là) nous avons poursuivi en remontant vers la place de l'Étoile et en posant poliment la question à chaque fois, Pourrions-nous passer, là ? Nous venons de participer à la boucle pour les femmes, mais nous habitons vers l'autre côté ?

Et au bout de Trois accès "Pas de vélos, c'est interdit" nous sommes arrivés à un point d'entrée, où les trois personnes chargées de filtrer n'ont fait aucun problème. Mais bien sûr, et bravo.  J'ai pu in extremis retrouver mon homme, lequel commençait à se dire que ça faisait trop longtemps que tout était fini (et n'avait pas pris son téléfonino sur lui) et s'apprêtait à repartir, dépité.  
Il suffit de trouver le bon, commenta une de mes camarades de circonstances.

 

Il y aura donc eu aussi cette réinscription à mon lieu principal d'écriture. Ma carte est annuelle, et je la renouvelle dans les derniers jours de sa validité, choisissant généralement le jour pour lequel j'ai du temps, pas un de ceux où je dois ensuite filer travailler. Mais pour accéder aux bureaux des inscriptions il faut un numéro d'appel, disponible lui aux points d'accueil. Sauf que la personne à laquelle mon ordre dans la file d'attente m'a fait le demander a dit qu'elle pouvait la faire directement puis en voyant ma carte que comme celle-ci était valable encore deux jours qu'il fallait que je revienne après la fin effective de sa validité. J'ai vu son nez qui s'allongeait - ça me fait souvent ça face aux menteurs, mon père me racontait Pinocchio le soir quand j'étais petite et quelque chose m'en est resté -, ai juste tenté d'objecté que les autres années ça se faisait les jours précédents ce à quoi elle a rétorqué, Le logiciel a changé. La mauvaise foi était resplendissait.
Je n'ai pas insisté. J'ai poliment salué. 
Je suis simplement revenue ce matin à une heure sans file d'attente, ai choisi de m'adresser à un homme jeune qu'un plus âgé "coachait" pensant qu'ils auraient à cœur l'un d'expliquer au mieux l'autre de réaliser. Et comme disaient les jeunes c'est passé crème, ils m'ont même rajouté les deux jours qu'en renouvelant sans tarder je "perdais" - d'un autre côté renouveler ainsi me permettait de ne pas avoir à ressaisir tous mes documents actuellement consultés -. En fait ce qui avait changé c'était qu'il fallait obligatoirement établir une nouvelle carte plutôt que de garder le même objet. Me voilà donc avec une photo de moi réactualisée, ce que je préfère : la précédente datait d'une période de ma vie qui est vraiment finie.

Il est quand même dommage d'être souvent confronté-e-s à de faux barrages. Mes petites anecdotes ne sont que de l'ordre de la perte de temps, de la contrariété. Je songe alors à ceux qui le sont pour des questions vitales, qui fuient une guerre, ou la misère, ou auraient besoin d'un traitement qui les sauveraient, et qui se heurtent à quelques mauvaises volontés alors qu'un tout petit peu d'huile d'humanité pourraient en leur faveur dégripper un rouage, débloquer la situation, éviter d'en passer par des intermédiaires escrocs.  Si collectivement on le voulait à fond, ça serait presque toujours l'intelligence qui en viendrait à l'emporter, l'entraide, l'accès. Peut-être un jour, qui sait ?

 

 

 

 

(1) Conseil que je donne à tous ceux donc un très proche meurt et qui sont en charge des démarches : tant que la succession n'est pas débouclée, toujours en avoir un avec soi. Ne cherchez pas à comprendre, c'est comme ça.
(2) Le très grand âge n'en est pas un : on peut se faire traiter comme un vulgaire objet. 


Encore une idée (vouée sans doute à la jachère)

 

    Je me suis réveillée avec une nouvelle idée de roman, un truc simple, un peu grave un peu marrant et qui à mesure que j'y réfléchis me semble cohérent, tenir la route. Pas de la haute littérature - en serais-je capable même si je pouvais disposer de ma vie ? - mais quelque chose que des personnes comme j'étais avant de tomber dedans pourraient lire avec intérêt, plaisir ou amusement. Et, si je réussis mon travail, après y repenser et glaner quelques pistes de réflexions, de voir certaines choses différemment, se poser quelques petites questions.

Comme dab j'ai vite posé les jalons. Je sais que mon temps d'écriture est limité, la première étape consiste donc à ramasser le matériau et les points de repère pour ne surtout pas oublier le gisement entrevu.

Seulement voilà : c'est la rentrée. 

Même si je travaille à temps partiel, compte tenu des trajets et de la période spécifique, active et chargée, ça suffira à me garnir l'emploi du temps et employer l'énergie.

Il y a pas mal de choses à faire d'un point de vue vie quotidienne. Traditionnellement période d'inscriptions, de démarches, d'aller chez le coiffeur, de faire les révisions médicales d'usage, de quelques achats d'équipements.

Il y a à l'appartement des urgences de travaux, de rangements.

Plus que jamais cette année : reprendre les entraînements.

Il s'agit d'une fiction. J'en avais déjà une sur le feu. Ça demande non seulement du temps mais une forme de disponibilité d'esprit que je ne parviens jamais à maintenir sur la durée : il n'y a pas de période assez calme, il se passe toujours des tas de trucs - quelqu'un malade, des catastrophes collectives, des fuites d'argent ou d'eau, des tâches pour lesquelles on se retrouve requises sans l'avoir cherché -, et je ne sais toujours pas comment cloisonner, le fait est que je suis sévèrement atteinte par le syndrome de George Bailey. 

Comment font les autres ?

Mes prochaines vacances seront actives : c'est le festival de cinéma d'Arras, emploi du temps garni.

J'ai réussi à réduire mon temps de sommeil mais il reste assez grand. Et je sais qu'en la matière forcer ne sert à rien car on peut se retrouver debout mais inefficace et totalement embrumée.

Bref, encore une idée qui risque de se lyophiliser alors qu'il y avait matière à faire.

Je ne suis pas jeune, et le temps file.

Mes deux atouts sont l'oloé parfait (1) et le fait que celui-ci des chantiers ne nécessite pas de documentation fors quelques coups d'œil dans mes archives personnelles. Mais une fois la période de sa fermeture annuelle franchie je ne pourrai m'y rendre que deux ou trois demi-journées par semaine. Combien de temps me faudra-t-il pour dans ces conditions aller au bout d'un simple premier jet ? Pourrais-je le faire sans perdre l'élan ? Avant le printemps qui s'annonce pour le pays si désespérant (2) ?

Une fois de plus je me demande par quel sentier parvenir à destination, permettre à ce projet de se concrétiser, lui réserver des heures fructueuses, sans pour autant laisser le reste aller à vau-l'eau. Il faudrait sans doute que je prenne exemple sur mon amie Samantdi qui parvient à faire place à son Américain, tout en menant et gagnant sa vie.

 

 

(1) que constitue la BNF
(2) Je sais d'ores et déjà que j'aurais un grand coup de découragement après les élections dont le résultat telles qu'elles s'annoncent ne pourra à mes yeux être qu'un cauchemar ou un écœurement. Si seulement pouvait surgir une sorte de Barack Obama homme ou femme avec un programme respectueux de l'environnement et des gens et qui serait crédible dans une tentative de mise en œuvre éventuelle.