Lendemain de (presque) rien

(lunedi)

Avoir superbement ignoré cette compétition de football qui avait lieu malgré l'aberration écologique qu'elle représentait et le coût humain de la construction de ses lieux présentait en ce lundi l'ineffable avantage que je n'étais pas du tout en mode "lendemain de défaite". Au travail, même les collègues qui jusqu'alors ne s'étaient pas trop laissés embarquer dans le mode enthousiasme footballistique, étaient intarissables sur leur dimanche fin d'après-midi, les émotions, tout ça.
(je peux comprendre, en temps normal, j'aime le football, mais pas cette fois).

L'inconvénient, fut le retour. Accaparée par le travail, je n'avais rien suivi des informations (1) et hop suis repartie à Vélib dans l'idée de traverser tout Paris, mon chemin habituel.
Heureusement, j'ai eu l'envie comme suite à un documentaire vu récemment, de passer par la rue Verdier, ce qui m'a naturellement menée à la bidir de la Porte de Vanves et de là à un abord de la traversée des Champs Élysées via la rue du théâtre du Rond Point. Heureusement. Car l'un de mes itinéraires passe par un abord direct de la place de la Concorde.
La circulation dès la Rive Gauche était infernale que traversaient de nombreux véhicules de forces de l'ordre toutes sirènes hurlantes. J'ai eu peur qu'un attentat soit survenu, puis je me suis souvenue : il y avait peut-être là une question de retour des héros. 
C'était le cas.

Je m'en suis sortie en passant à plusieurs reprise façon piéton, et d'ailleurs passés le niveau du Boulevard Haussmann tout soudain, plus personne, ou presque, plus rien ou du moins beaucoup moins de monde qu'à l'ordinaire.

Qu'on le veuille ou non, les grands événements populaires, lorsque l'on vit dans une capitale, nous rattrapent forcément.  



(1) Dommage car un touite de Didier le gardien et vélotafeur invétéré m'en aurait avertie. 


Chroniques du confinement jour 24 : J'ai oublié qu'on était jeudi, mais pas que c'était un jour "sport"

    Je ne suis toujours pas parvenue à répondre à la plupart de mes messages, ni à faire les fiches pour les podcasts radio, ni quelques démarches administratives non urgentes (mais qu'il serait sain que je fisse pendant que j'en ai le temps), ni à libérer de la place en mémoire de mon ordi et du téléfonino afin de pouvoir participer à différentes réunions et défis pour lesquels je suis sollicitée (dont un défi 10 x 10 avec le club de triathlon sur des mouvements de gainages), ni non plus à m'occuper de publier les présentes chroniques dans Ce qui nous empêche , ni à poursuivre mes lectures pour le comité de lecture dont le confinement a brutalement interrompu les réunions (mais pas les lectures ni les compte-rendus) ; ni à faire une partie minimale des travaux dans la maison (ne serait-ce que raccrocher ce qui avait été décroché pour les travaux). Pour ce dernier point seulement, j'ai une excuse : je m'étais dit, les travaux intérieurs les jours de pluie, les travaux extérieurs les jours de beau temps et il a remarquablement fait beau presque chaque jour. De plus le boulot au jardin s'est révélé une tâche à tiroir, avec un sous-chapitre archéologie familiale. 

Capture d’écran 2020-04-09 à 21.34.54 Quelque chose en moi ressent que pour s'en sortir il faut se tenir à un certain nombre de choses régulières, comme l'exprime dans ce touite, Arnaud Lançon. Ça ne vaut pas pour tout le monde. Seulement dans mon cas et à cause de la thalassémie qui pourrait facilement faire que je dorme 15 heures sur 24, je suis obligée de me poser des jalons pour me secouer. Quand il y a une activité salariée c'est le travail, et puis les entraînements sportifs car une condition physique irréprochable est ce qui me permet d'assurer le premier et l'ensemble de ma vie comme une personne qui n' pas ce tracas. À présent que nous sommes sur une période longue sans obligations coupantes, je dois structurer pour résister au sommeil conquérant. 

Ça marche, et plutôt bien. Il faut dire que j'ai cette chance pour le moment d'être en forme - c'est un privilège, je ne compte plus les ami·e·s et quelques personnes de ma famille qui ont eu leur tour de maladie -. Avec certains points qui sont la signature du Covid_19 (perte provisoire de l'odorat et du goût ; courbatures fortes sans avoir fait de sport les jours précédents). Mais pour beaucoup, et nombreuses et nombreux sont celleux qui n'ayant pas besoin d'un arrêt de travail, n'ont pas même vu un généraliste, le doute subsistera, était-ce "ça" ou juste une saloperie de saison particulièrement perfide (grippe, rhinopharyngite carabinée) ?

Et donc à la liste de début de billet près, je parviens plutôt bien à tenir le cap, en compagnie de mon co-confiné qui parce qu'il adore faire les courses les assure en intégralité et de ce fait cuisine un repas par jour (l'autre, généralement le dîner est constitué de réchauffes ou de plats élémentaires frais). 

Aujourd'hui c'était jour de sport : donc short legal morning run à 8h du matin, suivi du défi abdos - squats - pompes et le soir, la séance de Tabata où l'on en bave, c'est rude mais que nous attendons comme des écoliers la récré. Pour l'instant je me garde bien d'ajouter autre chose. J'ai mon équilibre ainsi que je parviens à tenir. Le confinement peut aussi servir à reposer un peu le corps des efforts soutenus habituellement demandés. 

D'ailleurs je n'ai pas travaillé au jardin ce matin, fatigue après la course pourtant courte (25 minutes dans les limites légales réduites), peut-être aussi parce qu'il faisait ... chaud comme un jour chaud d'été. C'était très surprenant. Tôt lorsque nous avions couru il faisait bon mais brumeux et pas une température estivale. 
Dans l'après-midi à mesure que l'ombre gagnait du terrain, le jardin revenait en avril. 

L'Homme est allé faire un plein de courses (à sa façon, sans faire de liste et de facto en oubliant bien des choses, comme pour avoir un prétexte d'y retourner après). Il a croisé la voisine d'en face qui lui a parlé de 6 cas avérés dans la petite ville. Sa famille et elle sont enfin parvenus à vendre leur maison (dommage pour nous, c'était de bons voisins) et s'en iront vers Coutances, c'est plus simple pour des questions de scolarité des enfants. Seulement voilà, tout doit attendre la fin du confinement - ils attendaient la fin de l'année scolaire de toute façon, mais il y aura sans doute un décalage en plus -. 

Luxe suprême : j'avais oublié que nous étions jeudi et lorsque les cloches de l'église ont sonné à toute volée de 17h30 à 17h48  je n'ai pas immédiatement compris qu'il s'agissait des sonneries particulières au jeudi saint. C'était impressionnant : d'habitude on ne les entend pas si bien. Seulement la ville, malgré des bruits de véhicules qui circulent car les entreprises ne sont pas arrêtées, et dans les champs ça travaille, est quand même globalement bien plus silencieuse qu'en temps normal. Résultat : j'ai eu un temps à me demander ce qu'il se passait. 

Je ne me souvenais pas de quand j'avais pu me permettre la dernière fois de ne pas savoir quel jour de la semaine on était.

L'homme de la maison a fait un rêve de concours de pétanque finalement annulé pour cause de Covid-19 ; mais les joueurs puisqu'ils étaient là, décidaient de jouer quand même. Ce qui signifiait ne pas respecter les précautions contre l'épidémie (pas de masques, et pas le social distancing). Il cherchait à partir. 
De mon côté je tentais de rapporter d'Italie des gants et des bonnets de laine. Très utiles, n'est-ce pas ? 

Chaque jour comporte des petits moments d'échanges de nouvelles avec les proches (familles et ami·e·s). Si ce n'était que soudain celles-ci peuvent s'avérer dramatiques, le fait lui-même d'être ainsi en relations plus rapprochées que dans le rythme métro - boulot - dodo (variante : vélo - boulot - dodo) habituel, est plutôt doux. 

Échanges constructifs sur Twitter (je me suis bien gardée de trop intervenir sur le sujet déchaîné en France, de l'usage de la chloroquine), et il fut aujourd'hui question de l'état dans lequel nous serons dans l'Après. Tout se passe comme si nous allions à peine déconfiné bosser de ouf. Ça sera loin d'être évident entre personnes endeuillées, personnes affaiblies d'avoir été malades, personnes épuisées d'avoir bossé comme des fous (notamment le personnel hospitalier), personnes sur les rotules après des mois de cohabitation non stop avec leurs enfants, personnes qui auront perdu le rythme et l'envie, tout simplement. Il y aura un effet de choc, des conséquences post-traumatiques. 
Je le sais avec certitude pour le sport : il faudra reprendre les entraînements progressivement et non se jeter dans les premières compétitions ouvertes de l'Après confinement. Même en ayant fait l'effort de continuer à s'exercer en intérieur ou en exerçant le droit à la course à pied qui nous est pour l'instant encore concédé. 

À part aux USA et en Afrique où c'est le démarrage de ce qui pourrait vite virer à l'hécatombe, les chiffres "diminuent" (en gros). Le terrifiant de l'affaire est que par exemple moins de morts en Italie signifiait aujourd'hui "seulement" 610. On en est là. De s'être habitués à se dire : ouf, moins de 700 !

Boris Johnson est sorti en allant mieux des soins intensifs. Est-ce que ça l'aura fait réfléchir ? 

 

Lien vers le site de la santé publique en France 
Liens vers des statistiques :

Wordometer covid-19 coronavirus pandemic (depuis quelques temps le plus complet, entre autre parce qu'il indique le nombre de tests ; un pays comme la France qui teste jusqu'à présent très peu a forcément moins de cas officiels que de cas réels)
Official Data from The World Health Organization via safetydectetives.com
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
1 584 955 cas (dont : 94 720 morts (16 246 aux USA) et 352 440 guéris)


Récupération (note pour courses ultérieures)

 

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Les 25 km du Trail de la Chouffe se sont achevés pour moi après 4h40 d'efforts, samedi vers 17h. J'ai enchaîné par une séance de piscine tranquille, environ 1250 m, dans l'idée de m'étirer et de détendre les jambes, et d'une brève séance de bains bouillonnants.

Au lendemain matin nous avons bénéficié de deux heures de Wellness : hammam, sauna, infra-rouge et bains de pieds bouillonnants.

Le mois dernier le trail distance M d'Hourtin était pour moi passé crème : pas d'épuisement juste après, une saine et légère fatigue, zéro courbatures ensuite, rien les jours suivants que ç'en était surprenant. Quinze jours plus tôt que le Trail à Houffalize, un entraînement un peu long sur La Haye du Puits - Lessay, suivi dans l'après-midi d'environ 500 m de nage en mer par solide courant, ne m'avaient pas laissé de traces. Tout au plus une fatigue diffuse, très supportable, dans les jambes.

Comme je n'ai eu aucun tracas pendant la course, à peine un début de crampe à un orteil du pied gauche comme il m'en vient parfois, et qu'il me semblait avoir pris les précautions nécessaires énumérées au début de ce billet (auxquelles s'ajoutaient une boisson  de récupération recommandée par un ami marathonien, donc fonctionne au moins l'effet placebo), je ne me méfiais pas. 

C'était un tort. 

Après une légère embellie grâce au Wellness, j'ai souffert des jambes à ne marcher que difficilement, et presque pas pouvoir descendre le moindre escalier du dimanche après-midi jusqu'au mardi soir. Ce n'est que ce matin, que j'ai pu me lever sans précautions particulières et me rendre sans arrière-pensée (1) là où je le devais. 

Le long trajet en voiture du dimanche, pour lequel j'étais passagère n'a probablement rien arrangé. Je me souviens que je souffrais. 

Donc voilà, tandis que de jeunes personnes athlétiques hésitent entre récupération passive ou active, je me note par ici pour la prochaine course plus longue qu'un semi de prévoir 72 heures sans trop d'efforts physiques, et si possible au moins une journée de sommeil du moins sans contraintes horaires et dans la proximité d'un lit douillet (2).

Prochain entraînement prévu : une séance de natation tôt le vendredi matin. 

Éventuellement un peu de vélo demain jeudi, si jamais je me réveille avec une énergie retrouvée. Et reprise douce de la CAP dimanche, 8 ou 10 kilomètres sans forcer avec assouplissements après.

 

(1) de type effectuer un détour pour éviter un escalier 

(2) Ce fut le cas ce lundi. J'aurais difficilement pu travailler (autre que l'écriture)


Stimulant (confort et veille de course)

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J'adore les veilles de courses, quand on met de côté toutes les difficultés de la vie quotidienne pour se concentrer sur un objectif élémentaire : parcourir x km en moins de y heures (peu importe si uniquement sur un mode ou pour le triathlon sur trois, le principe est le même : un déplacement à accomplir). On ne sait pas encore comment on sera, quelle sera notre forme, il y a une légère tension mais elle est joyeuse et stimulante. En tout cas pour moi. Et j'adore ça.

Comme nous prenons peu de vacances et qu'elles sont généralement en Normandie, avec de fait des choses sérieuses à faire, de celles qu'on fait dans un chez soi, c'est un bonheur et un réel congé du quotidien que d'aller quelque part pour une course. 

Et pour cette fois j'avais opté pour une petite folie (raisonnable) financière : l'hébergement dans le complexe sportif et hôtelier qui fait partie de l'organisation de la course. Départ sur place !

Une chambre spacieuse et belle comme nous en connaissons rarement 20190712_173552

une vraie piscine dans le complexe même - le luxe inouï de quasi descendre en maillot de bain, et pour une vraie piscine où l'on peut nager pas seulement faire trempette -. 

Nous fêtons ainsi nos trente ans de mariage. J'espère que la course sera une fête aussi. J'appréhende la longue distance, mais j'ai envie de m'y confronter. 

J'eusse aimé avoir une vie de nomade du sport, avec la santé fragile de ma jeunesse et la béta-thalassémie même mineure, ça n'était pas envisageable. D'autant plus que "mon" sport était le football et qu'il commence seulement plus de quarante ans plus tard à être reconnu pour les dames. Alors je me rattrape sur le tard, à petite échelle mais beaucoup mieux que rien, grâce au triathlon et à la course à pied. L'air de rien, à bas bruit, en attendant mon heure, j'en aurais accompli des espoirs de ma vie. 

Peut-être qu'il y a là une force à transmettre : si quelque chose nous tient profondément à cœur, et dépend de nous que ça devienne possible en assez grande partie, il convient de ne pas la perdre de vue et de porter son effort dans sa réalisation dès qu'elle devient accessible. Parfois, ça prend quarante ans. C'est tout. 

À part ça, il y a toujours cet effet en arrivant en Belgique de rentrer chez moi. Peut-être faudra-t-il qu'enfin un jour je coïncide. 


Courage Kevin !


     19424225_10211140613204256_787983641398322188_nJ'ai assisté le 24 juin (2017) à la victoire de Kevin Maurel au triathlon de Deauville. Il avait surclassé les autres concurrents parmi lesquels certains de haut niveau.

Il se trouve que je prenais des photos près de l'arrivée, pour les camarades de mon club (1).  34790038773_274ecab7ca_o

Alors bien sûr il y avait la joie de la victoire, il s'agissait d'un L (2) finir n'est pas à la portée du premier venu, finir dans les premiers est vraiment gratifiant, mais j'ai perçu quelque chose de plus, dans sa manière élégante de la savourer, dans l'ampleur de l'écart avec qui le suivait, j'ai songé Tiens, c'est quelqu'un qui s'autorise enfin [et développe son talent]. Presque aussitôt je me suis dit qu'il serait temps que j'arrête d'inventer des et les histoires de chaque personne croisée, que ça suffisait de se faire des films, qu'on imagine mal des parents dire à un enfant grandissant, Ne fais pas de triathlon et passe ton bac d'abord.

Il en est simplement resté que j'étais contente pour lui, un peu comme s'il avait été un camarade du club qu'aux entraînements je n'aurais pas beaucoup croisé mais avec lequel il y aurait eu ce lien de même appartenance.

Voilà qu'aujourd'hui, par la grâce d'un lien relayé par une amie, je tombe sur cette interview de l'athlète.

Il y déclare entre autre : 

"Je ne me suis jamais vraiment investi dans le triathlon. J’étais très irrégulier dans mes entrainements et j’avais d’autres préoccupations professionnelles. Pour moi le sport restait un moyen de retrouver mes amis pour passer de bons moments à l’entraînement et m’aérer la tête avant de rentrer à la maison.[...] En juillet 2016 je me suis séparé de mon employeur pour diverses raisons. C’est à ce moment que je me suis investi dans le triathlon. Je me suis laissé 3 mois d’entraînement pour « performer » sur le 70.3 de Vichy. J’y ai pris la 2e place (course réservée aux AG) au scratch. J’ai enchaîné 1 semaine après avec les Trigames, un triathlon LD avec 2000mD+ dont Anthony Pannier et Marcel Zamora étaient les têtes d’affiche. À ma grande surprise, j’ai remporté la course. [...] Après ces 2 résultats, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à tenter et 2017 était  l’année ou jamais. J’ai décidé de me laisser une année pour voir jusqu’où le triathlon pouvait me mener."

Me voilà donc d'autant plus admirative. Mon expérience d'existence m'a rendue d'autant plus sensible aux trajectoires non linéaires et aux succès de ceux qui n'ont pas toujours eu les vents favorables dans leur navigation. 

Je lui souhaite de tout cœur de pouvoir continuer un bon moment au plus haut niveau. J'imagine que comme dans d'autres sports loin du football pour les hommes, être professionnel signifie seulement avoir un emploi aménagé, mais qu'il convient de tenir quand même, et que ça ne doit pas être simple vu l'intensité et la régularité des entraînements requis. 

 

 

(1) que selon ma mauvaise habitude, je n'ai pas encore trouvé le temps de partager entièrement. En fait la plupart des membres du club utilise FB mais ça me gêne toujours autant, au vu de la politique de récupération des données de ce réseau social, d'y partager trop d'images (et aussi parce que les albums importants ne sont pas pratiques à consulter). Une dropbox semble s'être égarée. Je vais sans doute utiliser flickr.

(2) 1,9 km de natation, 85 km de vélo, 21 km de course à pied.


Ça se passe comme ça, à Levallois

 

    Navrée de n'avoir pu me lever à temps pour aller encourager les copains [au triathlon de Paris], j'ai tenté de sauver ma journée en allant courir. 

De Clichy, l'île de la Jatte permet de faire un petit 10 km presque bucolique. 

J'arrive à ce feu rouge traversant des voies le long de la Seine, alors qu'un homme d'un âge certain de mon âge, s'y tient depuis un moment une enveloppe à la main. En bonne bécassine béate je le remarque en me disant qu'il n'y a que nous autres vieux pour écrire encore des lettres, puis je rigole in petto de mon romantisme, juste le gars il est en train de chercher une boîte pour payer une facture. Au moment où je parviens à sa hauteur, une voiture de vieux riche s'arrête sur le passage piétons, un autre homme pas tout jeune et ventripotent installé à la place de qui se fait conduire par un chauffeur personnel, un vrai, salue l'autre avec un grand sourire, fait exactement comme si j'avais mis une cape de transparence (et je lui en sais gré), alors que le teneur d'enveloppe a un bref regard inquiet dans ma direction - je tripote alors ma montre de sportive avec application -, On se téléphone lui dit-il jovialement, Oui répond l'autre avec aménité et la voiture redémarre, le feu est vert piéton, je bondis sans demander mon reste.

On dira que c'était deux cousins qui préparaient le cadeau collectif pour les cent ans de leur chère tante Suzanne, c'est évident, vraiment. Je n'en doute pas un seul instant.

Ma montre m'a indiqué que j'ai accompli le deuxième 10 km le plus rapide (1) de ma vie de triathlète (débutante, certes, et encore pucelle de la finisherialité).

Si je vivais à Naples ou dans quelques coins précis de la Sicile, je serais sans doute à l'heure qu'il est  peut-être un peu trop morte pour écrire ce billet.

(et à part ça, il y a quelque chose avec ce passage piéton protégé : c'était au même endroit qu'un autre coureur nous avait tenu un jour des propos prophétiques avant de filer à belles foulées)

 

(1) Tout est extrêmement relatif, mon vite à moi est la petite foulée d'échauffement des autres.

PS : Aucun des deux n'était Balkany, ne soyez pas déçus.
PS' : Ce n'était qu'une simple enveloppe, pas une valise de billets

 


Une scène de film

 

    Je sortais, serrée par l'émotion d'une émouvante cérémonie de funérailles à la cathédrale arménienne Saint Jean Baptiste de Paris (émotion des retrouvailles avec d'anciens voisins, les amies d'enfance de notre fille, le décès inattendu de l'un d'eux, émotion de la cérémonie elle-même, les chants sont d'une beauté et d'une intensité qui appelle la conversion), lorsque sans doute vers la rue François 1er - je passais devant des lieux de souvenirs, une émission de radio à laquelle j'avais participé, une autre où un bien aimé avait été grâce à mon patron convié - j'ai été presque submergée par une vague étrange : une femme maigre aux jambes interminables mais petites (si, c'est possible) (silhouette de mannequin mais comme en miniature) accompagnée d'une autre aux proportions plus humaines, passait par là précédée d'une nuée de paparazzi. Je n'ai eu que le temps de me jeter sous un porche afin de laisser passer ce flot. 

La femme souriait, jouant le jeu comme si tel avait pour elle été le cas de toute éternité et les hommes (aucun photographe n'était femme) vocalisaient des sortes de directives dont il n'était pas clair de qui en était le destinataire (eux-mêmes, les deux femmes ou des collègues), "Prends du champ ! Prends du champ !) répétait l'un d'eux. Malheureusement aucun d'entre eux n'eut la bonne idée de héler la star par son prénom, ce qui fait que je n'ai pas la moindre idée de son identité. 

Son sourire était triste, elle aurait pu faire partie de notre assemblée de funérailles (1). 

Soudain la nuée était passée. Quelques quidams s'étaient retournés avec un sourire de sympathie, de bienveillance, presque d'encouragement.

C'était pour autant, La Dolce Vita made in Paris. Je suis ressortie de sous le porche en songeant que ça aurait fait une chiée belle scène de film, un personnage qui quitte des funérailles (dans un lieux impressionnant) et croise soudain, voilà, une star du moment avec les professionnels de son exploitation, toute consentante qu'elle soit. Je l'ai même imaginée filmé par Tarkovski, puis Desplechin, ou ils mettraient les caméra les montages possibles. Que ça serait chouette si dans l'histoire à ma place il se fût agi d'un personnage masculin que la vision de cette jeune femme particulière aurait ému bien plus que moi (bien sûr, dans le second cas Mathieu Amalric tiendrait ce rôle).

Ces imaginations soudaines ont très efficacement repoussé ma peine. Du moins provisoirement.

J'ai pu reprendre le chemin vers mon travail d'un pas moins pesant.  

 

(1) En écrivant ces mots j'ai eu une idée et je suis allée voir quelques images. En fait c'était elle, Ariana Grande.  

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Le fail du jour d'il y a quinze jours et la tactique de l'œil du cyclone

 

    J'aimerais avoir la classe de David Meulemans pour raconter mes #failsdujour (1), en plus que "notre héroïne" ça sonne moins bien que "notre héros", et ça vous a un petit côté produit stupéfiant qui ôte toute crédibilité au propos. 

Mais donc voilà, il y a quinze jours, notre héroïne souhaitant fuir une soirée électorale et des estimations blabla etc. qui risquaient d'être pénibles et désespérantes, avait choisi d'aller au cinéma, impeccable, concentrée sur une histoire, lieu clos et noir, de quoi avoir la paix. Seulement voilà la personne à l'accueil écoutait ladite soirée électorale à fond et en plus il avait fallu patienter avant d'entrer. D'où que j'y avais encore moins échappé qu'en restant à la maison.

J'étais donc bien décidée pour la soirée de ce jour de second tour d'éviter de reproduire mon erreur. Par ailleurs je travaillais le matin, allait rentrer à vélo, l'Homme, lui, participait à un concours [de pétanque], et dans de tel cas qui sait à quelle heure il réapparaîtra (2). Pas de cinéma. Alors que je me demandais quoi faire - partir marcher, alors qu'on risque de croiser des gens exprimant leur dégoût ou leur liesse, et que le temps est à la pluie ne semblait pas une bonne idée -, voilà qu'on m'a proposé de participer au dépouillement. 

J'ai accepté sans barguigner. En effet, en quel endroit mieux que dans l'œil du cyclone a-t-on une chance, une petite chance, d'avoir la paix ?

 [cela dit, nos voisins Belges annoncent déjà l'estimation du résultat] (méfiance quand même) (et d'ailleurs, cela n'aura-t-il pas un effet disuassif ? Crari genre c'est plié je reste chez moi ?)

 

(1) Par ici les siens.

(2) En bon citoyen responsable, il est allé voter dès le matin. 


Ça démarrait mal, ça finit fort bien

 

    Curieuse journée, débutée comme un little bad karma day, certes des broutilles mais qui dès 8 heures s'étaient accumulées et qui s'achève par une soirée où la vie revêt une part de magie, et des retrouvailles avec une femme que j'admire, une des personnes auxquelles je pense pour prendre courage lorsque la vie devient violente, jusqu'au vélibs qui le matin étaient en sort contraire (pas moyen de trouver où reposer celui que j'avais sans sinon être très en retard à l'entraînement où j'allais), et le soir étaient en mode Il n'en reste qu'un il est pour toi (au départ), il ne reste qu'une place elle est pour toi (à l'arrivée). Bref, j'ai eu le vélib magique.

Entre les deux il y aura eu ce démarrage étrange avec au radio réveil une voix d'homme qui prononçait ces mots 

"Certains ouragans qui viennent n'auront pris personne en traitre"

Ne voyant que trop bien ce qu'il voulait dire, j'ai songé qu'on pouvait peut-être faire meilleure mise en jambes.

Plus tard, une journée fort sympathique de librairie, avec l'exacte bonne dose d'animation - ce qui est rare : du monde mais jamais trop de personnes d'un seul coup ce qui fait qu'on n'a pas de temps morts mais que l'on peut s'occuper bien de chaque client -.

Il y aura eu ce film documentaire sur Pierre Bergounioux entomologiste (1), et son intervention personnelle qui suivait. J'étais déjà émue, et voilà donc qu'au petit verre offert après, il y a ces belles retrouvailles, ce qui m'a permis d'exprimer une nouvelle fois ma gratitude, j'espère pas trop lourdement, d'autant plus que j'apprends à cette occasion le prochain projet et qu'il renforce encore mon admiration - mais c'est peu dire qu'il ne me surprend guère -.

Je suis repartie sur un tel petit nuage d'exultation (ce n'est pas le mot exact, mais joie est trop faible ; elation), que j'en ai oublié de remercier l'éditrice qui m'avait invitée et de saluer d'autres personnes.

Les lieux étaient il faut l'avouer, très impressionnants. C'est un charme de la #vieparisienne : pour un motif pour un autre on peut passer des quartiers les plus modestes à des locaux faramineux. Je crois que peu de villes permettent aux mêmes personnes, pas nécessairement d'une caste privilégiée, de circuler avec une telle amplitude ; il ne faut simplement pas se leurrer, dans les très très beaux quartiers nous ne sommes admis qu'en simple passage.
Ils valent le coup d'œil. Et l'on peut trouver une forme de réconfort dans le fait que la richesse n'est pas nécessairement mésusée, mais débouche au contraire dans certains cas sur des zones d'harmonie.

La soirée fut si intéressante et riche en réflexion (matière à) que j'en ai oublié un temps l'état du monde et ses catastrophes potentielles prochaines. On en était revenu à un état de relative stabilité, il avait ses problèmes dont certains très graves, des guerres par trop d'endroits, famines et maladies, mais rien du chaos actuel qui, accentué par certains dirigeants cinglés, ne cesse de se préciser. C'était de nouveau l'illusion d'un endroit où la création avait sa place et non la seule survie. 

Pour couronner le tout il y aura eu le geste d'une gentillesse stupéfiante, d'un conducteur de gros scooter, qui à un feu rouge près d'une zone en chantier où les voitures étaient pressées contre les deux roues, la voie très rétrécie, voyant que j'attendais derrière lui, s'est reculé afin que je passe en premier et ne respire pas les gaz d'échappement de son engin à plein nez. Je n'en suis pas encore revenue. Quelle classe ! (2)

Moralité : il ne faut jamais désespérer d'une journée. Ça démarre parfois mal, ça peut finir fort bien.

 

(1) La capture de Geoffrey Lachassagne 
(2) Et puis ce qu'il y a de bien à mon âge c'est qu'on ne peut soupçonner les hommes qui ont envers nous des gestes élégants d'arrière-pensées séductives.

PS : J'oubliais, pour couronner le tout il a fait beau et chaud (de 18 à 19°c dans l'après-midi), c'était le premier jour de la nouvelle année où l'on pouvait par moment tomber le manteau et même au soir sortir dans la (somptueuse) cour intérieure de l'immeuble qui nous accueillait sans avoir à se couvrir. Il y a toujours un bonheur particulier lié à cette journée, celle où l'on se dit J'ai encore réussi à passer l'hiver.

Enfin j'ai reçu ma nouvelle carte d'électrice, ce qui fait toujours plaisir eût égard aux générations d'aïeules qui n'ont pas eu le droit de voter et au fait que mon père venait d'un autre pays.  


Plus rien ne semble impossible, alors pourquoi pas ?

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Un chanteur prix Nobel de littérature, un trublion testostéro-hystérique à la tête d'une puissance mondiale, et pourquoi pas une mauvaise ménagère de plus de cinquante ans en plus thalassémique capable de triathlon ? Je suis parfaitement raccord avec l'air de ce temps. Je viens de recevoir ma licence et dans ce monde chaotique et désespérant, c'est un réconfort important. Beaucoup de travail en perspective afin de parvenir à un niveau minimal (1), mais justement. (c'est ça qui est stimulant et permet de garder son calme) Ce type de secours qui ne contribue qu'à permettre de tenir le coup à titre personnel, a ses limites, la diffusion de Springsteen, Born in the USA à la musique d'ambiance de l'accueil, alors que je sortais tranquillement, l'esprit enfin débarrassé des craintes légitimes pour ce qui nous pend au nez, est venu splendidement me le rappeler. (1) testé ce matin, à mon rythme actuel je fais 47 minutes aux 1500 m en natation, ce qui est un peu juste pour pouvoir participer sans être écartée en cours d'épreuve au triathlon d'Enghien les Bains que je rêve de boucler en distances olympiques. Le vélo, je n'en parle même pas, j'ai calculé qu'il fallait accomplir le parcours en 27km/h de moyenne, malgré la côte de Saint Prix escaladée deux fois. J'en suis très très loin