Such a perfect day (pour Megan Rapinoe)

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    J'eusse préféré un match plus disputé pour cette finale USA Pays-Bas, il n'empêche que sur l'ensemble du tournoi l'équipe des États-Unis était bien la plus forte avec une supériorité athlétique incontestable : les meilleures des autres équipes tenaient un temps en se haussant au dessus de leur rythme habituel puis finissaient, souvent à l'occasion d'une décision d'arbitrage qui les coupaient dans leur élan (1°, qu'elle soit justifiée ou non, par ne plus parvenir à tenir le sur-régime. 

Parmi cette équipe victorieuse, il est une joueuse qui l'a emportée sur toute les autres, parce qu'elle est charismatique, et aussi forte sur le terrain qu'en communication, avec une capacité à ne pas mâcher ses mots sans dépasser les limites et à faire de l'humour qui ne soit pas lourd, ni source de malentendus. Il s'agit de Megan Rapinoe.

Elle a emporté au passage le soulier d'or, ce qui semble amplement mérité.

Voilà quelqu'un qui fait du bien. Puisse-t-elle ne pas s'attirer trop d'ennuis : ce monde n'aime pas les personnes trop intelligentes et trop fortes dans un domaine donné, particulièrement s'il s'agit d'une femme et qui plus est qui assume sa liberté.

En attendant, ça fait plaisir de penser qu'elle a pu vivre such a perfect day. Merci à elle dont la qualité de jeu nous aura enchanté·e·s.

À part ça, un agacement : lorsque l'on voit les matchs des messieurs, de nombreux plans de coupes sont consacrés à leurs conjointes, généralement des femmes reconnues pour leur beauté. Lors des matchs de haut niveau des équipes de femmes, on consacre les mêmes plans aux footballeurs masculins célèbres venus les voir. D'accord, il s'agit de montrer que puisqu'un David Beckham ou Killian Mbappé ne méprisent pas le football joué par les dames, toi le supporter masculin moyen, tu dois aussi pouvoir t'y intéresser, et ça peut effectivement être favorable. Il n'empêche que le diable est dans ce genre de détails qui montre qu'on est hélas encore loin de considérer le sport pratiqué par les femmes avec la considération accordée aux garçons.

Et un grand bonheur : celui d'avoir pu participer aux #777match (7 juin - 7 juillet - 7 matchs) sur Cause Commune avec Les Joyeux Pingouins en Famille et commenter en très léger différé (raisons techniques) certains des matchs de cette coupe du monde 2019 à la radio. Si je pouvais entamer une reconversion professionnelle vers le commentaire sportif, je le ferais volontiers (vocation tardive découverte grâce à eux).

 

(1) Ce fut clairement le cas aujourd'hui. 

 

PS : une vidéo ici consultable probablement de façon temporaire.

Et la belle conférence de presse d'après match : (FIFA TV), sans Mega Rapinoe au début, prise par un contrôle anti-dopage ; il fallait bien qu'elle ait un truc déplaisant à accomplir dans cette journée ! 

PS' : J'ignore qui a pris cette photo de la footballeuse qui a circulé partout. Si elle pose problème je l'enlèverai


S'imposer (du foot pour les filles)

 

    À l'occasion de cette coupe du monde qui rend enfin justice au fait que les femmes peuvent jouer au foot aussi bien ou mal que les hommes, en courant juste un peu moins vite et en étant un peu moins brutales globalement, ce qui rend le jeu plus fluide et beau, je lis et j'entends beaucoup parler de filles qui voulaient jouer, par exemple dans la cour de récréation, et que les petits gars rejetaient (1).

De mon expérience personnelle qui date des early seventies du siècle dernier je peux témoigner que jusque vers 13 ans et que les gars nous mettent généralement 15 à 20 cm dans la vue, courent plus vite, sautent plus haut, deviennent plus brutaux ou peuvent être plus tentés par des gestes déplacés, on peut parfaitement faire jeu égal, en compensant par une technique plus fine la pointe de vitesse que l'on possède plus basse.

Je jouais beaucoup avec les copains du quartier. Avec eux zéro tracas : on jouait ensemble depuis nos 5 ans, sur la placette devant les pavillons de nos parents puis plus tard au terrain de foot de la cité, j'avais ma place égale dans la bande, et à part quand ils se battaient, car je n'avais aucun goût pour ça - souvent je ne comprenais pas ce besoin irrépressible qui leur venait de se foutre sur la gueule -, ou quand ils se montraient trop bêtes (2), je partageais leurs jeux, et dans une moindre mesure eux les miens (3). 

Jouer avec un ballon avec les pieds, c'est simple, ça allait de soi. 

Alors c'est certain, j'avais un atout : si dans des équipes qui se formaient pour jouer ailleurs figuraient certains de mes potes, ils disaient Elle joue bien et la question que j'étais une fille était mise de côté. 

Mais il m'est arrivé plus d'une fois de devoir m'imposer. Il est vrai que l'époque se prêtait moins à des formes de harcèlement et d'exclusion d'un groupe que maintenant, vrai aussi que je n'en avais rien à carré que l'on me traite de ou considère comme un garçon manqué, j'ai pigé très très jeune que de toutes façons si l'on veut avoir une belle vie il faut se contre-foutre de ce que racontent les gens, de toutes façons ils trouvent toujours à redire. Je crois que sans l'analyser je percevais la somme infinies d'injonctions contradictoires auxquelles les filles un peu plus que les garçons (mais eux aussi) sont soumises et que j'avais décidé une fois pour toute que pour exister mieux valait faire selon sa propre inclinaison dans les limites du respect d'autrui.

Donc, voilà, filles de maintenant, si vous sentez qu'en pratiquant un peu, le foot vous pourriez aimer, ne laissez pas les garçons vous dissuader. Les premiers temps seront rudes, ils ne vous fileront pas le ballon ça sera à vous d'aller le chercher, donnez du jeu collectif, soyez bien placées pour sauver les ballons, offrir des solutions à un coéquipier, n'ayez pas peur des éventuels chocs on s'en remet, hors des terrains et des jeux organisés passez du temps balle au pied. À partir du moment où vous serez meilleures que les garçons qui jouent sans trop aimer ça, ça sera gagné. Soyez au dessus des insultes et des remarques à la con. Un jour, elles cesseront.

Vous aimez les sports co, courir, taper dans un ballon, il n'y a pas de raison de vous laisser confisquer ce plaisir par les garçons.

(Et si vous n'aimez pas, vous pourrez toujours savourer le fait qu'aucune injonction de genre ne vous oblige à vous y intéresser)

 

(1) Par exemple ici dans cette émission de France Culture. Mais aussi le jeune père triathlète d'une gamine de maintenant. 

(2) Les défis stupides qu'ils aimaient se lancer. J'ai toujours été la résistance à l'effet de groupe incarnée.

(3) Ils se joignaient volontiers à une marelle ou à des jeux de cordes à sauter quand elle était collective et assez physique (celle longue que l'on faisait tourner à deux quand une troisième et parfois une quatrième personne sautait). Bon, on n'avait pas encore inventé le double dutch, c'était déjà le bout du monde d'avoir une seule corde assez longue assez lourde. 


Se faire sortir après avoir tout donné

OK ce n'est qu'un jeu avec un ballon - même si des sommes d'argent colossales sont en jeu, quelque chose me dit que l'homme interviewé à cet instant, Andrea Barzagli, n'y songe pas, mais plutôt au fait que c'était sa dernière chance, à 35 ans (1) -,
mais les paroles qu'il prononce, le fait qu'il essaie de tenir bon mais n'y parvienne pas, me concernent. Par deux fois dans ma vie, le 17 février 2006 et le 9 juin 2013, quelque chose de similaire m'est arrivé : quel que soit le domaine concerné, il s'agit d'une seule et même chose si humaine : se faire sortir après avoir tout donné et n'avoir pas grand chose de moins que la personne ou l'entité qui est parvenue à passer. 

Il est intéressant de constater combien ses mots, d'ailleurs sont généraux, Une immense désillusion, nous avons tout donné, ce qui reste c'est la défaite, tout ce que nous avons fait de beau il n'en restera rien, dans quelques années personne [d'autre] ne se souviendra de ce que nous avions constitué (c'est le seul moment de son champ sémantique spécifique football, il parle de Quella nazionale).

Dans le cas affectif, s'y ajoute le manque immense de la personne disparue (2), mais ça se joue peut-être là aussi pour une équipe, ils ont vécu en collectif et inévitablement des moments d'aller ensemble au bout de soi, de se dépasser, émulation et entraide. Forcément, après, rentrer chez soi sans avoir rien obtenu, ça met du vide. Je me souviens n'avoir été sauvée de l'après Comité de soutien (pourtant "victorieux" si l'on peut dire), que par la grâce de l'Hôtel des Blogueurs qui m'avait fait vivre à 300 à l'heure (je travaillais encore comme ingénieure en ce temps).

Me voilà avec une sorte de lointain petit frère de tristesse, un genre de petit-cousin. Do not worry, on survit, gamin.
Mais on met des mois, voire des années à refaire surface.
Et si l'on passe à autres choses, normalement on y parvient, elles auront longtemps un goût de moins bien. Il y aura moins d'énergie disponible, elle mettra longtemps à revenir à un niveau acceptable, alors que l'enjeu qui nous motivait permettait de disposer de réserves insoupçonnées.
C'est ainsi.
Mais contrairement à ce que tu crois, il reste toujours quelque chose des moments formidables, des activités partagées et des plus beaux combats, même perdus. Et parfois, l'emporter est le début d'une malédiction, un pas vers une fin prochaine, quand perdre oblige à emprunter de nouvelles voies qui peut-être auront une meilleure issue.  

Grazie Barzagli, (e anche per il calcio che non dimenticheremo) 

 

(1) à moins que ce soit ma bécassine béatitude qui ne me fasse penser ainsi et que le gars soit simplement désespéré parce qu'il s'est ruiné en paris clandestins sur leur propre victoire. C'est une hypothèse que la #viemoderne ne peut permettre de totalement écarter. Mais aujourd'hui ça me fait du bien de croire que la détresse de cet homme est sincère et sans arrière-motifs piteux.

(2) qu'il s'agisse d'un deuil (disparition générale) ou d'une rupture subie (disparition relative)

[video : l'interview d'après match d'Andrea Barzagli à la Rai 2 juillet 2016]

PS : pour info pour les non-amateurs, Andrea Barzabli c'est cet arrière capable de sauver des situations désespérées en évitant généralement de massacrer l'attaquant. Exemples ici.


"Si vous n'aimez pas l'Euro ..."

    
    Un très bel article de Robert Mc Liam Wilson, sur ce qui nous reste à faire quand ce qu'est devenu le football nous a tant déçus : 

"Si vous n'aimez pas l'Euro, supportez l'Irlande du Nord"

Grand merci à Florence qui me l'a transmis.

Lire la suite ""Si vous n'aimez pas l'Euro ..."" »


Que dire de plus


    J'ai regardé un peu de football ces jours-ci, grande envie de rejouer même si du point de vue des gambettes c'est sans doute prématuré. Avec mes élans sportifs et ma santé qui est ce qu'elle est - ça pourrait être bien pire et je le sais -, je pense souvent aux sportifs de haut niveau qu'un problème physique arrête, combien ça doit être éprouvant, piaffer d'impatience de reprendre et devoir attendre sous peine de réactiver la blessure ou la fragilité.

Toujours est-il que ce matin mon petit mac réclamait un redémarrage après des mises à jour nocturnes dont ces appareils ont le secret, cette vie qu'ils mènent lorsque nous dormons, et qu'après celui-ci sur youtube dont l'onglet s'était réouvert en mode "restauration" (j'imagine), s'est enclenché ce documentaire sur Zinedine Zidane avec beaucoup de technique et de buts inside (des pubs hélas aussi), des rigolades et de l'humour. J'ai décidé d'obéir à ma petite machine et de regarder pour me tenir compagnie dans mon début du premier lundi de ma nouvelle vie, pour une fois un brin choisie, du moins le tempo (1). Et le fait est : je me suis régalée. 

Il convient donc de partager : 

 

 

 

(1) Ma cessation de ce travail me semblait inévitable, je n'avais plus la force, et trop de douleurs, j'ai choisi d'anticiper sur des ennuis de santé et des reproches - dans ce monde-ci lorsque quelqu'un est défaillant on ne remarque pas qu'il fait l'effort de tenter quand même d'assurer son poste, on lui reproche une démotivation parce qu'il le tient moins bien, ma longue expérience de thalassémique qui a choisi jusque là de mener une vie normale me l'a prouvé 8 fois sur 10 (je rends grâce à Patrick Plessy qui fut un de mes hiérarchique et un homme remarquable, ainsi qu'à Emmanuel Delhomme qui ne m'a jamais reproché mes jours sans (il faut dire que les bons jours, j'étais à fond, et j'étais heureuse dans ce travail et assez dans ma vie, ce qui me donnait la pêche, alors il y en eut), d'être les exceptions) -.


Comme un vide étrange et léger

 

Je me souviens gamine puis jeune, d'avoir suivi des compétitions sportives comme si j'étais personnellement impliquée, d'avoir regardé des JO comme une fête (ah, 1976, Nadia Comaneci), suivi des Roland Garros en remplissant des grilles scores à scores matchs à matchs (et bien avant l'internet, ce qui voulait dire piocher les infos dans les résumés télés, à la radio, plus rarement (ça coûtait des sous) dans les journaux, de m'y faufiler dès que ça pouvait, d'avoir vibré pour l'ASSE en coupes d'Europe (1) et les coupes du monde de foot étaient des grands rendez-vous. Moments de partage avec mon père, ce qui n'était pas rien, lui qui était enfermé dans un rôle de dictateur familial qu'il croyait devoir exercer pour être un chef de famille tel qu'il croyait que son devoir était.

Puis la pratique du foot c'est éloignée, les compétitions / retransmissions se sont multipliées, les joueurs sont devenus des gros machins violents (2), et puis il y a eu les morts du Heysel, les blessés, le match joué quand même et comme ma vie était bien remplie ça m'a éloigné de tout ça.

Au point de ne plus trop savoir, sauf en 1998 parce que ça se jouait "chez moi" et qu'en fait de ce que j'en ai vu ce fut plutôt festif (3), quand a eu lieu quoi et gagné par qui. À part vaguement 2006 un certain France Italie regardé le cœur brisé (4) et si déçue par ce geste de Zidane que je trouvais classe jusqu'alors et admirais (5).

Et puis voilà, cette année, les horaires de matchs étaient presque compatibles avec une vie de labeur salarié, les premiers matchs ont semblé riches en actions, arrêts, jolis buts, j'ai repris de jouer un peu depuis l'été dernier et il s'est passé suffisamment de temps pour que certains des morts du Heysel aient pu s'ils avaient vécu mourir de tout autre chose (7), du coup je me suis prise au jeu de regarder.

Ou plutôt d'envisager de regarder ... sans pour autant le faire. Soit que ma vie m'accaparaît, et d'ailleurs au dernier match de l'équipe de France je tenais boutique et nous avions bien des clients : tous ceux qui fuyaient le foot, le bruit, l'agitation incompréhensible pour qui n'est pas intéressé, la télé.

Soit que je m'organisais pour voir, mais suivant sur le petit ordi dans un canapé en bonne compagnie ou bien mon lit, je m'endormais comme une enclume. J'ai le souvenir d'un match de 23h avec prolongation, pendant lequel j'affleurais l'éveil par moment, persuadée que les règles avaient soudain changé, que les scores se comptaient comme au tennis (ou tout autre sport sans temps limité), qu'un match désormais pouvait ne pas cesser, durer une nuit en entier.

Au bout du compte il n'y a que la plutôt décevante finale que je suis parvenue à regarder dans sa quasi intégralité. 

Et comme j'ai mis du temps à accrocher, j'ai tout ignoré des différentes poules, le peu que j'ai suivi c'était sans vue d'ensemble. Des bribes. Des bouts. Des souvenirs des conversations plus que des parties jouées.

Alors c'est très étrangement que ce soir je ressens un peu de ce vide d'antan ; quand il faut retourner à sa bête petite vie parce que "le" truc du moment s'est achevé. Ce qui structurait les journées, aidait leur part fastidieuse à passer, donnait la force de se hâter d'expédier telle ou telle corvée pour ne pas rater telle ou telle retransmission, offrait des sujets de conversations entre collègues ou inconnus, donnait l'impression d'une intensité alors même que notre quotidien n'avait en rien changé. De la même façon que les tout débuts d'un amour, quand tout semble prendre davantage de sens alors qu'on ne connaît rien de l'autre ou si peu et qu'on n'est pas même certain(e) de se revoir sous peu.

Et je me suis sentie toute bête, tout à l'heure, lorsqu'il n'y a plus eu aucun match à manquer, aucune mi-temps à passer en lutte contre le sommeil, aucun gardien de but à admirer, aucune dramaturgie somptueuse à saluer (8).

Il n'y a plus à nouveau que les guerres à compter. Elles semblent avoir profité de l'attention détournée pour bourgeonner. On ne se méfie jamais assez.

 

 

(1) Comme je suis heureuse d'avoir conservé des traces écrites de mon enthousiasme d'alors, d'avoir pris le temps de me le garder au chaud alors que je n'avais que 12 et 13 ans et déjà l'idée que si je n'atteignais pas l'âge adulte (ce que ma santé fragile souvent me laissait penser) il faudrait au moins qu'il reste une trace de ces bonheurs-là ou que si je passais la barre, un jour longtemps plus tard je me ferai rigoler (Bingo ! J'ai gagné). J'avais aussi un peu peur que les si fortes fièvres que le moindre rhume me déclenchait me laissent un jour la tête perdue dans les délires engendrés et que je devais écrire pour m'aider éventuellement à retrouver des morceaux de moi, j'étais donc diariste comme le petit Poucet semait ses cailloux. 

(2) J'ai des souvenirs de bouts de matchs entrevus dans les années 90 où le jeu semblait n'être plus que de la supériorité physique et se faire salement tomber.

(3) Je sais et me souviens qu'il y eut des violences ici et là, mais il se trouve que les situations que j'ai croisées (ne suis allée à aucun match : trop cher, trop compliqué, trop pas le temps, n'ai suivi que dans la rue, vu les supporters, la liesse dans les cafés) furent toutes joyeuses et bon enfant.

(4) Je souffrais encore comme une malade de la rupture brutale d'amitié encaissée quelques mois plus tôt. Le sol n'était pas stable. 

(5) Je m'étais dit à l'époque qu'il avait dû abuser des produits stimulants mais qui donnent les nerfs et que peut-être aussi ou par ailleurs ce salaud de Materazzi (bizarre, pourquoi vouloir in peto qualifier de salaud un type que je ne connaissais pas ? Qu'avais-je capté ?) lui avait glissé qu'il était l'amant de sa femme et que ça avait fait au grand taiseux le coup du rideau qui se déchire, cet instant où d'un seul coup des petites bizarreries cumulées auxquelles on n'avait pas prêtées attention s'aggrègent pour prendre sens - généralement qu'on est en train d'être quitté(e)s pour quelqu'un d'autre - et qu'alors on s'effondre ou on devient tuant (6). Ce qui est curieux c'est que des années après un ami m'a dit qu'un bruit circulait en ce sens. Longtemps plus tard, lisant l'excellent livre de David Lagercrantz sur Zlatan j'ai appris que le joueur italien était coutumier des pires provocations verbales ciblées que c'était dans sa panoplie pour diminuer les attaquants adverses. Et que donc mon imagination n'était pas si improbable.

(6) ou encore on s'effondre en se tuant soi-même.

(7) Oui je sais ça peut paraître tordu comme raisonnement mais ça n'en est pas un. Ni non plus du cynisme. C'est une sorte de ressenti animal, une bouffée pas très politiquement correcte, j'en conviens, de vitalité.

(8) Ah cet entraîneur batave qui fait entrer juste avant la fin du match LE gardien arrêteur de pénalties. Grand moment Shakespearien.


Coupe du monde, de quoi déjà ?


Via @marcelsel cette chronique de John Oliver, si j'ai bien compris une régulière sur HBO, et qui dit juste, sous couvert d'humour.

En fait l'un des problèmes du capitalisme et du fait qu'à ce point sans limites l'argent gouverne le monde et le quotidien de nos vies, c'est qu'il pourrit de l'intérieur chacun de nos plaisirs, jusqu'à l'amour aussi. J'ai aimé le foot enfant, c'était avec les livres ma passion. La violence et le monstrueux business que c'est devenu, le mépris dans lequel les dirigeants mêmes, qui en vivent grassement, tiennent les tifosi, les petites gens, m'en ont éloignée. Je ne dois pas être la seule.

Il sera difficile de regarder le moindre match sans arrière-pensées, et en 2022 ça sera pire. Que faire ?

(Je reste encore sensible à la beauté d'un but)(mais pour combien de temps ?)


La fin du foot - il y a 29 ans aujourd'hui

J'y repense à la date chaque année (pardon pour ceux qui suivent, je crains d'écrire tous les ans un billet et qui se répète), ce n'est pas qu'il n'y ait pas eu d'autres drames de stades, mais celui-là, qui concernait une équipe que j'aimais, auquel j'aurais pu assister (ça m'aurait fait si plaisir, mais l'argent manquait et il y avait les études, les cours à prendre, les petits à donner). Je crois qu'on avait combiné d'aller chez mes parents afin de voir le match à la télé (nous n'en avions pas dans notre logis étudiant). 

Je me souviens que dès le début de la retransmission - ce n'était pas encore l'époque où face à une infos dramatique on donnait l'antenne en mode permanent - on nous avait dit que quelque chose s'était passé, des émeutes, des hooligans ; je crois qu'il a été question de morts, très vite. Morts étouffés sous la pression de la foule qui fuyait ceux qui attaquaient. Je crois me souvenir que les commentateurs, plus habilités à décrire un déroulement de match qu'à jouer les reporteurs de JT ont parlé de rendre l'antenne, que de toutes façons le match ne pourrait être joué. Je crois qu'on restait devant l'écran, stupéfaits, atterrés devant ce qu'on croyait comprendre. Ça nous parraissait aller de soi que le match n'aurait pas lieu. Je crois que je répétais à mon père "Tu es sûr que personne [de la famille] n'y est ?" Et qu'il me répondait que si son frère Pierre y était de toutes façons ça devait être dans des loges VIP. Et puis je ne crois pas il me l'aurait dit.

Et puis soudain l'info est donnée que pour raisons de sécurité, on nous dit même : parce qu'une partie du stade ne comprendrait pas, ceux des tribunes d'en face ne savent pas, ils voient juste qu'il s'est passé un peu quelque chose mais ils ne savent pas quoi, le match va être donné. J'admirais Platini et Paolo Rossi, de cet instant précis, ce fut fini.

Je n'ai compris que plus tard, longtemps plus tard, après avoir vécu différents événements (heureusement plutôt favorables) en y étant, dont une annulation de concert dans un très grand stade, et la peur de l'émeute des organisateurs, et ce qu'on ignore quand on est dans les vestiaires ou les loges en attendant d'entrer sur le terrain ou la scène, que peut-être ils ne savaient pas tout, qu'ils n'avaient dû avoir que des bribes, que peut-être même on leur avait intimé de jouer sans tarder afin de calmer les émeutiers. À l'époque j'ai cru qu'ils savaient et qu'ils étaient décisionnaires.

Je ne sais plus si j'ai regardé le match. Je crois que je n'arrivais pas à suivre l'action. Je pensais aux gens qui savaient leur père, leur frère, leur conjoint, un enfant peut-être au stade, si heureux de s'être offerts le voyage et qui eux regardaient à la télé - on a payé le trajet à ceux que le foot passionnait, c'est trop cher d'y aller tous - et qui avaient vu les images et qui se demandaient si ceux qu'ils aimaient étaient vivants, morts ou blessés. 

À l'époque, pas d'internet pour consulter les sites, pas de téléphones portables pour tenter de joindre l'autre, au mieux France Info et le 3615 code AFP. En plus qu'en Italie il n'ont pas le minitel.

On a beau la critiquer, la modernité ou plutôt son versant technologique nous laisse moins mourir d'inquiétude.

J'imaginais des gens sortir du stade, rescapés, écœurés, en état de choc et errer dans Bruxelles à la recherche d'une cabine d'où appeler : - Sono io, vado bene.

Nous ne croyions pas aux mesures de sécurité, persuadés que beaucoup étaient déjà partis, avaient été évacués. Pour nous spectacteurs lambda d'à l'époque c'était juste question de gros sous, d'annonceurs qui avaient payé à prix d'or leur "page" de publicité, il fallait que ça rapporte et les morts on s'en foutait.

Je n'ai plus regardé de matchs après ça jusqu'en 1998 et la coupe du monde, laquelle avait du moins dans Paris une part de liesse sympathique - entre temps on avait appris à mieux contrôler ceux qui utilisaient le foot comme un exutoire -, ni été au stade, je veux dire un grand. Ce n'était pas raisonné, c'était par force d'arrière-pensées, par une sorte d'image des morts qui se surexposait à ceux des joueurs en action, comme une vision qu'ils les piétinaient. Le foot avait cessé pour moi (et d'autres) d'être une fête. Il n'était plus qu'enjeux financiers.

Je m'en suis désintéressée.

C'était la fin du foot, celui qu'on va voir en famille ou entre amis, celui où le défi dans le stade est de chanter plus fort que les supporters d'en face, celui que j'ai connu enfant lors du derby Toro-Juve lorsqu'il tombait à des dates qui nous trouvaient à Turin.

Je reste dans l'idée que le match aurait dû être reporté puis joué à huis-clos ou tout bonnement annulé. Par respect.

Vingt-neuf ans après je me demande ce que sont devenus ceux qui ont été concernés, qu'ils fussent rescapés ou qu'un de leur proche ait été parmi les victimes ou qu'ils aient été parmi les anglais qui chargeaient sans piger qu'ils étaient en train de virer meurtriers. Ceux qui pour [s'en] sortir ont piétiné des corps, ceux qui sont intervenus en premiers secours, ceux qui habitaient la ville mais peu soucieux de foot ignoraient ce qui se tramait et ne l'ont su qu'après. Si ma vie l'autorisait ça m'intéresserait de travailler sur ce sujet - mais hélas je fais toujours partie de celles que le quotidien coince, déjà trop plein, déjà lourd à assumer -. Vingt-neuf ans c'est le temps pour ceux que la tragédie aura rendu orphelins d'avoir eux-même des enfants de l'âge qu'ils avaient à l'époque. Quels souvenirs ont-ils qu'est-ce qui s'en est transmis ? 

Me touchait le fait que ces personnes qui avaient fini là leur vie s'y étaient rendues comme à une fête, quand la mort les guettait. J'ignorais que j'allais de façon certes moins physique et donc infiniment moins définitive, connaître par trois fois dans ma vie semblable effet et vérifier ou du moins avoir une idée assez proche de ce que c'était d'être réjoui d'une perspective, d'un moment important, de retrouvailles promises, et qu'en lieu et place du bonheur attendu, de ce qui nous avait aidé à tenir parfois pendant des mois, tombait un coup [ressenti comme] mortel. On est sensible à ça quand on se prénomme Gilda, sans doute une malédiction intrinsèque.

J'ai comme une vague conscience que l'absence de fortune et le manque d'envergure de mon amoureux, qui aurait pu vouloir me faire ce plaisir que de nous organiser d'y aller, m'ont peut-être épargné de finir là-bas ainsi. Il faut parfois être reconnaissants envers nos empêchements.

Enfin lorsque récemment Michel Platini a tenu des propos si contestables et égocentrés (du moins sur le football), j'ai oublié d'être surprise ; il est le gars qui marquant sur pénalty saute de joie comme si de rien n'était (1) . Lui que dans ma jeunesse j'avais tant admiré. 

Je me prends ce soir à espérer que certains rescapés d'alors aujourd'hui malgré l'âge, se portent bien. Et que leur passion a pu perdurer. Ou qu'une autre, moins risquée, est venue remplacer.

 

Laurent Mauvignier a écrit un roman majeur, hélas resté discret, "Dans la foule", qui permet d'accéder à ce que ça pouvait être que d'y être. Qui donne voix à ceux qu'on a préféré escamoter, comme font certains avec  l'amour d'avant lorsqu'ils en croisent un nouveau qu'ils croient le bon, qui leur semble grand.

 

(1) C'est à 8'44" du document en italien.


Tu sais que tu as passé ton enfance à jouer au foot quand ...

   

L'article de So Foot est ici et j'ai eu le bonheur de le trouver délicatement déposé sur mon mur FB par Laure (Colmant), merci, merci, pendant que je roulais vers ma Normandie pour de mini-vacances d'intendance légère.

515883142Pour le cas où il vienne à n'être plus accessible et si personne n'y voit d'inconvénient, je me suis tellement régalée à le lire et aux souvenirs qu'il a convoqués, que je me permettrais de le partager en intégralité ... et d'y mettre mon grain de sel, sachant qu'en gros mes années football sont les années 70 et le début des années 80 :

 

… Tu as déjà transformé un couloir d’appartement en terrain de foot.

Oh, et pas que le couloir ! Parfois même des genres salle à manger avec tables finement dressées en vue d'un repas de fête.



… Tu as également déjà transformé une place, un trottoir, un terrain vague, un parc ou un jardin en terrain de foot. En fait, tous les endroits où un ballon pouvait rouler. 

... et surtout ceux où il n'était pas censé le faire (une salle de classe en l'absence momentannée du professeur ...) comme de par hasard.


… Ton but, c’était une porte de garage. Et à chaque fois que tu marquais, ça faisait un boucan incroyable. 

Non, elle n'était pas assez solide et il y avait des petites vitres qui risquaient de casser. Mais sinon, on se serait pas gênés.

 

… D’ailleurs, plus d’une fois, le voisin t’a insulté par la fenêtre, en te disant qu’il allait venir voir tes parents. Tu as arrêté. Et tu as recommencé.

Les voisins gueulaient parce qu'on jouait sur la placette autour de laquelle se trouvaient une douzaine de pavillons tous pareils ou presque. Les voitures s'y garaient. Les gens craignaient pour elles. Et puis l'un d'eux avait un chien qui aboyait sans arrêt alors il prétendait que c'était de notre faute et à cause du ballon. Plus grands, on allait jouer à "la zone" sur un vrai terrain. 



… Tu as déjà « fait les équipes ». Avec un bon vieux chou-fleur, ou un plus subtil « une bague en or c’est toi qui sort ». 

Non, nous c'était que chou-fleur ou bien un gentlemen's agreement (la dernière fois c'était toi, cette fois c'est moi). Et il n'y avait pas contestation sur les deux qui faisaient les équipes, la hiérarchie du terrain faisait foi (et il y avait ceux qui avaient le balon qui leur collait aux pieds et les autres). Mais j'étais très honorée d'être généralement choisie parmi ceux du milieu et pas les derniers. Surtout que quand parfois c'était des nouveaux en face et que je voyais bien qu'ils se disaient Mais ils sont cons pourquoi ils prennent la fille. #héhé

… À ce propos, c’est toujours toi qui faisais les équipes. Bah ouais : être celui qui ramène le ballon, ça donne droit à quelques privilèges.

Non. Le ballon était souvent une possession collective. On se cotisait pour s'en repayer un quand le berge allemand du pavillon près du terrain nous le crevait. Et donc les équipes c'était les "trop bons", capitaines naturels qui s'y collaient (salut Laurent !)



… Tu as déjà fait des buts avec deux pulls. 

Et si souvent. Mais en fait plutôt des blousons de survêtements. Sans marque. En ce temps-là nous n'étions pas griffés. Ou de vieux adidas au rabais (peut-être pas des vrais ?)

… Tu as oublié ce pull et tu es revenu le chercher à la nuit tombée. 

Éclat de rire. Souvenirs. En plus que c'était souvent moi qui m'y collait parce que j'étais la même-pas-peur du lot. Et que mes parents étaient sympas si j'expliquais que c'était la veste de Machin que son père allait taper au martinet sinon (car j'oubliais rarement mes propres affaires, j'en avais peu, j'y faisais gaffe)

… Tu as déjà fait des buts avec deux bâtons. Sauf que l’un des deux bâtons a volé dès que quelqu’un a tiré dessus. Et d’ailleurs, le débat est toujours ouvert : quand le ballon dégomme le bâton qui sert de poteau, c’est but ou c’est poteau ? 

C'est pour ça qu'on préférait les pulls.

… Les deux buts, faits avec des pulls, des bâtons, des sacs à dos ou des canettes, ne faisaient jamais la même taille et n’étaient jamais pile en face. Même si le mec qui les avait installés était toujours très sûr lui. « C’est bon c’est en face là ». 

Si, si j'étais là au moment de les faire, ils étaient pile en face pour de vrai. Mais bon des fois j'arrivais après, et effectivement ...


… Tu as forcément poussé une fois la balle dans le but vide à quatre pattes avec ta tête.

Non. C'est peut-être un truc de mecs ? 


… Tu as déjà célébré un but comme si c’était la finale de la Coupe du monde. Alors que c’était juste un 5 contre 5 avec tes potes, dans un parc. 

Oh ben oui, té. Surtout qu'il m'est arrivé d'en marquer des vrais beaux.



… Tu as dribblé trois potes de suite et un gars a crié « Woooh Ronaldo ».

Oui dans l'idée mais pour moi c'était Platini. Question d'époque et que physiquement il aurait pu être mon cousin.


… Tu as fait la célébration Thuram dans les mois qui ont suivi la Coupe du monde 98. 

Non, mais question de génération. En 98 je ne jouais plus au foot (ni ne m'y étais encore remise)

nb. : Je viens de me rendre compte que je peux faire une célébration Thuram au moment où je suis en train de tomber amoureuse  811909524

(je ne source pas ça serait mettre un lien vers le site de celui qui m'a effacée ; et si ça pose le moindre problème je l'enlèverai)

 

 

 

 

 

… Tu as vu que l’on pouvait faire un match sans arbitre et que cela se passait très bien. 

Un arbitre ? Où ça ?

… Tu as vu que l’on pouvait faire un match sans la règle du hors-jeu et que cela se passait très bien. Enfin, sauf quand l’un de tes copains justifiait sa réputation de campeur. 

Alors nous, nous pratiquions le hors jeu d'évidence. Par exemple lorsqu'un attaquant était resté à la traîne tout près du but adverse, que tout le monde était dans l'autre moitié de terrain et que soudain le ballon venait vers lui. 



… Tu as joué la touche au pied. Enfin, quand il y avait touche. Parce que bien souvent, le terrain n’avait pas de limite sur les côtés. 

Si si, une limite floue mais une limite quand même.


… Faute d’avoir une barre transversale, tous les ballons qui lobaient le gardien étaient considérés « au-dessus ». Oui oui, même si c’était le petit frère d’1m12 aux cages. 

Alors en fait soit nous jouions sur le vrai terrain avec des vrais buts et un gardien mais donc une barre transversale. Soit en travers aux buts à pulls mais dans ce cas c'était goal volant et assez peu de contestations.



… Les fautes de main étaient toujours involontaires. Putain de mauvaise foi de gosse. 

Allez, elles l'étaient assez. Le ballon touche plus facilement une main qui est près du sol que la main d'un grand gaillard. Faire une main, c'était la honte. Du coup, peu de triche.



… Tu avais toujours une paire de gants et un jogging quand tu jouais gardien. Ça faisait plus « vrai ».

C'est surtout que ça protégeait. Les gants étaient de vieux gants de jardin du paternel.



… Tu as tenté la roulette de Jay-Jay Okocha.

Alors je m'aperçois que j'avais confondu la roulette de Jay-Jay Okocha avec un autre mouvement similaire, variante moins ambitieuse du rainbow flick dans laquelle au lieu de faire passer la balle par dessus la tête on se contentait de la reporter devant soi (pas forcément en remontant si haut). J'ai su faire, n'y parviens plus (grumbl).

 

… Tu as même tenté la bicyclette des frères Derrick et le tir de l'aigle de Mark Landers. Moralité, t'as mis le ballon chez le voisin.

La bicyclette des frères Derrick un retourné à deux, n'était pas encore inventée mais oui, on adorait marquer d'un retourné et parfois on y parvenait (grand prestige). Le Eagle Shot n'était pas encore attribué à Mark Landers, lequel n'existait pas, mais nous avions déjà les grands brésiliens pour modèles de jeux avec de la beauté. En fait marquer un but n'était pas si important que de le marquer joliment. Je savais faire des lucarnes en travaillant le ballon de l'intérieur du pied (un peu comme les coups francs à la Platini mais en moins puissant). C'était déjà beaucoup.

quelques beaux tirs manga-réalité par là. 



… Et la prise d'appui sur le poteau façon Ed Warner quand t'es pris à contre-pied ? Mauvaise idée.

Il n'avait pas encore été inventé. Les mangas n'existaient pas (ou peut-être si mais ils étaient encore au Japon). Et je n'ai jamais vu un gardien le faire en pour de vrai.



… Tu t’es déjà retrouvé avec un seul pote pour jouer au foot. À défaut de pouvoir faire un match, tu as fait des tirs, puis des pénaltys. Et chacun prenait une équipe nationale. « Baggio contre Taffarel… »

Oui souvent, avec mon copain Jean-Mi et que contrairement aux autres mollassons nous étions capables d'aller jouer par tous les temps.

 

… Tu as tenté souvent la panenka. Mais vu qu’on ne plonge pas quand on est gosse, bah tu l’as toujours foirée.

La Panenka, c'est ça. Et Zidane en fit une particulièrement splendide lors d'un France Italie (j'adore le gardien qui se crache dans les mains comme on faisait gamins ... quand on n'avait pas de gants). En fait il y avait parmi nous de bons goals qui plongeaient. Et comme je manquais de puissance mais visais plutôt bien, des Panenka j'en faisais avant même qu'on appelle ça comme ça. Et non, ça ne foirait pas (mais je savais regarder du côté où je n'allais pas tirer, des petites coquineries comme ça). Et puis sur coup de pieds arrêtés dès que je jouais avec pour partie des gars que je ne connaissais pas, être une fille était un incurable avantage : persuadés que j'allais envoyer un ballon tout mou où mal maîtrisé ils ne se méfiaient pas. Or je ne tirais pas plus mal que bien des gars.



… Tu as déjà fait un match à 8 contre 9 parce que le neuvième joueur devait entrer dîner à 19h30. En général, toujours le même pote. 

Nous devions tous être devant nos assiettes et proprets et bien coiffés à 19 heures pétantes. Milieu ouvrier, le dîner avait lieu tôt, les réveils étaient matinaux.

D'où qu'on tentait toujours de quitter le terrains à 18h30, ce qui faisait 18h45 et des douches très vite faites (histoire d'avoir les cheveux mouillés bien plaqués). J'étais régulièrement de ravaudage (abimer un vêtement méritait punition). En ce temps-là ça ne rigolait pas avec le peu qu'on avait. 

 

… Pire : sa mère l'appelait toujours du balcon en plein match.

Le terrain était assez loin des balcons. En revanche quand nous jouions sur la place, mais alors le plus souvent à la balle aux prisonniers car pour le foot les voisins râlaient (voir plus haut), madame Puteau rappelait toujours sa fille pour faire des corvées, jamais son fils. Et moi, ça avait le don de m'énerver. Il m'est arrivé, en déjà graine de féministe (en fait je trouvais tout simplement ça pas juste et Nathalie m'énervait, elle, de si platement obtempérer) de tenter de m'interposer. Souvent effectivement avec l'argument du nombre et que ça serait déséquilibré. Mais la petite fille profitait peu des sursis négociés, elle avait peur, grapillait 5 minutes puis filait avant que ça mère à nouveau ne la réclame. 



… Tu ne faisais jamais de tête. Ça fait mal. 

Je n'en fais toujours que peu. Non, ça ne fait pas mal si on la prend ou il faut et qu'on frappe la balle (sans attendre que ça soit elle qui vienne à notre front). Mais j'avais peu de détente. Et quand la balle venait à mi hauteur préférais le ciseau. 



… Tu as déjà fait un match avec un seul gardien de but parce qu’il n’y avait pas assez de joueurs pour faire deux équipes. « Pas le droit de marquer directement sur le renvoi du gardien ! ».

On jouait souvent comme ça avec un seul but dans la surface de réparation mais obligation d'en ressortir après chaque interception (histoire de bien marquer qui étaient ponctuellement défenseurs ou attaquants). Je crosi qu'on appelait ça un Attaque-Défense.



… Tu finissais la journée par dormir avec ton ballon avec ta tenue posée sur ton fauteuil de ta chambre. De temps en temps, tu rallumais la lumière pour vérifier que rien n'avait disparu.

Quand même pas, mais les chaussures à crampons (quand j'en ai enfin eues ce qui fut un long combat puisque j'ai mis trois ans avant de me trouver une équipe officielle et donc avant d'avoir droit aux vrais crampons vissés) sur un sac en plastique par terre dans la chambre et les regarder d'un air affectueux et fier, si.



… Tu as déjà perdu un match que tu étais en train de gagner 13-4 juste parce qu’un mec de l’équipe adverse a lancé : « Allez, dernier but, but vainqueur, but vainqueur ! »

Ah non, en fait on jouait jusqu'à temps que ça soit l'heure d'aller dîner, ou qu'un violent orage n'interrompe la partie, ou que quelqu'un ne se blesse. Souvent si l'on constatait que c'était trop déséquilibré on changeait les équipes, parce qu'on trouvait que ça n'était pas drôle. Sauf quand c'était ceux des Lignières qui venaient parce qu'alors c'était l'honneur du quartier que l'on défendait.


… Souvent, tu n’arrêtais pas de jouer parce que tu étais fatigué, mais parce qu’il faisait nuit. 

La nuit nous arrêtait peu. L'heure du dîner familial si.



… Ton meilleur moment de la journée, c’est quand tu rentrais chez toi, que tu allais immédiatement à la cuisine et à la salle de bain, et que tu t’enfilais un litre d’eau directement au robinet. Quel pied putain. 

Non, on était toujours un peu tristes après la partie de se retrouver chacun chez soi, où d'une façon générale ça ne rigolait pas (époque où les parents persuadés que donner une bonne éducation c'était engueuler les enfants se montraient très souvent sévères et reprochants). Et puis les pères de famille avaient des boulots éreintants. Les fins de mois étaient serrées. Rentrer chez soi c'était la fin de la récré (et je ne parle même pas de ceux chez qui c'était se confronter avec un père violent qui avait picolé avec ses collègues avant de rentrer ; je faisais partie des privilégiés chez qui ça ne tapait pas). 



… Tu as niqué tellement de joggings et de T-shirts à cause du foot. 

Pas tant que ça, mais des retours aux vêtements boueux si. Et la mère qui rouspétait à cause du surcroit de lessive.


… Et tu as salopé tes pompes en jouant sur du stabile. 

Euh ... La question ne se posait pas trop. On jouait sur du vrai gazon théorique c'est à dire en pratique de la terre dégarnie et souvent boueuse sauf l'été (craquelée). Et quand on jouait dans la rue, ben c'était du bitume, quoi.



… Tu as déjà eu un goal volant. Bien souvent parce que l’autre équipe était supérieure, et qu’il fallait un joueur de champ supplémentaire pour rééquilibrer.

Quand on faisait goal volant c'était des deux côtés.



… Tu as déjà dit à l’équipe adverse : « Allez, on change les équipes, c’est pas équilibré, même pour nous, ce n’est pas marrant ».

C'est ce qu'on faisait (voir plus haut). Il y avait une sorte de code de l'honneur qui voulait qu'une gagne trop facile ne soit pas digne. 

… Les mecs en face ont refusé. 

Parfois nous, nous refusions. Vous allez voir on va remonter (et le plus souvent ça marchait).



… Tu allais au terrain en vélo. Et tu ne savais jamais où mettre ton ballon. La plupart du temps, il finissait sous le T-shirt. 

Oh l'aut hé ! Les vélos c'était si on voulait sans tenir le guidon ou tout au plus d'une seule main. Il en restait au moins une pour le ballon. Mauviette !



… Tu as souvent essayé de marquer le même but que Van Basten en finale de l’Euro. Sans succès.

Ce but n'existait pas encore. C'est Van Basten qui nous a imité !



… Tu as vécu la situation où le match ne débute jamais parce tout le monde a la flemme de faire les équipes et préfère faire des frappes. 

Oui, ça arrivait. On avait parfois des jours artistiques (petites frappes, dribbles l'un contre l'autre, jongles et passes millimétrées). Souvent quand le goal était un vrai bon qu'on prenait plaisir à tester par des tirs travaillés. 



… Tu rêvais de jouer contre des grands. Et de les battre.

Je rêvais en 5ème de faire du foot un métier, j'avais mis "footballeuse" sur mes fiches de rentrée, pas consciente qu'à l'époque plus encore que maintenant pour une fille c'était juste pas possible. Dès la 4ème , j'ai voulu faire de la recherche en physique nucléaire et quantique, j'étais devenue raisonnable, croyais rentrer dans le rang. 


Eric Maggiori, avec Mathieu Faure pour l'article


Camarades amateurs (et -trices) de foot, à vous de jouer ? 


Et une bonne grosse drache

 

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La course du matin avait épuisé les corps plus un moment un peu coquin, et nous nous étions endormis avant d'aller voir le match prévu entre équipes B du coin.

Ce fut pour moi une expérience un brin étrange d'observer un moment un match dans une plus parfaite neutralité car j'ignorais qui était qui. Dans les tribunes les supporters des uns et des autres (villes si voisines) s'équilibraient et les gens venaient pour voir du beau jeu donc l'ambiance fair-play n'aidait pas à départager les locaux des visiteurs. Puis j'ai compris. Souvent il suffit d'attendre, ça vaut pour pas mal de choses dans la vie. 

On s'aperçoit qu'au fond la différence entre professionnels et amateurs, si elle se joue, bien sûr sur le niveau, est palpable sur un point crucial : on sait entre joueurs du week-end et des soirées, que si l'on s'esquinte sur le terrain, le gagne-pain en pâtira alors on fait gaffe. D'autant que pas mal des gars ont des boulots physiques qu'ils ne pourront assurer avec un bras, un genou ou une cheville plâtrée. Les pros s'ils jouent violents, ont un arrêt de travail comme suite à un accident de travail et ça n'est pas du tout pareil, même si ça peut bien foutre en l'air une carrière, certaines blessures.

Je n'ai pas ressenti le froid grâce à ma doudoune ultra-light de chez U_____ passée sous un blouson imperméable local efficace. Du coup j'ai pu un peu noyer le chagrin dans l'intérêt du jeu, dans l'ensemble plaisant.

Et puis ce gag de fin de match : une drache brutale, un vent méchant, l'arbitre a sifflé la fin et tous ont couru aux vestiaires plus vite encore qu'ils ne l'avaient fait après le balon.

C'était drôle.

J'ai attendu sous l'auvent des tribunes que ça se calme un peu. Le chagrin en a profité pour reprendre sa place. J'aimerais pouvoir me mettre en dispense de vie active jusqu'au printemps. Ne peut vraiment m'aider que le temps et surtout pas d'épuiser l'énergie. Il me faudrait attendre qu'elle se reconstitue. Sans forcer.

J'en ai vu des matchs en mon jeune temps mais cette fin-ci était la plus amusante. En garder le souvenir.