Trop vieille pour Sergio ?

 

    Voilà que je disposais d'une entrée offerte pour l'expo Sergio Leone à la cinémathèque et d'un peu de temps aujourd'hui - week-ends dimanche / lundi sur ma mission actuelle et, hélas fins des cours de danse du lundi (j'en pleurerais) -. Par ailleurs comme elle s'achève le 27 janvier et qu'un somptueux cadeau d'anniversaire me rend mon programme d'expositions à aller voir allègrement chargé - j'adore apprendre et visiter et d'autant plus que ma condition physique actuelle me permet de le faire avec facilité quand jadis je souffrais (1) -, c'était en gros aujourd'hui ou jamais.

L'accueil fut bizarre : un événement d'importance, sans doute une avant-première avec invités de marque se préparait concernant le film Glass, et tout un staff était sur les dents, avec des ordres et des contre-ordres et de la confusion. Le gag étant qu'alors qu'on me questionnait (j'allais voir l'expo, moi, tranquille, sachant où elle était, munie de mon billet) un peu en mode que faites-vous là, j'ai dit que je venais pour l'expo Ennio Morricone et la personne n'a pas relevé, 5ème étage. Lapsus révélateur, de ma part, ô combien.

Ensuite, l'avantage fut que sans doute pas mal de visiteurs potentiels avaient su éviter cette journée particulière, et qu'une fois à l'intérieur on pouvait bien visiter. J'ai pris mon temps pour regarder chaque extrait, écouter chaque morceau. L'expo est plutôt bien faite.

Seulement voilà : j'en savais déjà trop. À part des éléments concernant ses parents, j'ignorais que le père de Sergio Leone avait été lui-même un réalisateur reconnu, du temps du muet. J'ai adoré la photo de classe où figurent les deux comparses - je pense que la moitié du succès des films de Sergio tient à la musique d'Ennio  (2) -. 

Foto_classeSinon, j'ai également appris que l'usage particulier et systématique de la musique sur flash-backs venait de cette équipe. Et que Sergio Leone avait des tableaux remarquables chez lui. 
Je ne savais pas à quel point "Pour une poignée de dollars" était en fait une adaptation western de Kurosawa. Au fond Lance Armstrong n'avait pas tort qui disait que ma foi le dopage s'il n'y avait pas eu recours, il serait resté dans le lot, du coup même s'il a essuyé un revers de fortune, la fortune il l'a. 
Le plagiat c'est le dopage de l'artiste (3). 

La seule vraie révélation pour moi aura été d'apprendre que pour le film Il était une fois l'Amérique, Norman Mailer avait bossé sur une première version et qu'au bout du compte c'était Stuart M Kaminsky mais oui, le "père" de Rostnikov que Pierrot et moi avions tant aimé, qui avait bouclé ce boulot de fou et il y avait même une belle petite interview de lui, avec un air sympa comme tout (no surprise).

Voilà, ce fut tout. Le reste était bien fait, je ne veux pas dire, mais plutôt à conseiller à qui a ce cinéma à découvrir, plutôt qu'à celleux qui ont grandi avec. Par dessus le marché, et même si quand je le ai vus j'ai su admirer le travail, revoir des bribes - pas nécessairement les bonnes, et d'ailleurs pas tant que ça - m'a donné l'impression d'un cinéma de vieux mâles blancs somme toutes assez daté, et combien les héros de ce genre d'affaires étaient ridicules avec leurs postures pan pan j'te tire dessus.  Les chevaux et les grands espaces, j'étais bon public, mais les règlements de comptes à n'en plus finir et les flingues à tout va (westerns ou mafia), ça va cinq minutes.  
Je reste reconnaissante envers ces messieurs d'avoir su divertir mon père, dont la vie n'était pas si facile, regarder "un bon cow-boy" lui mettait du baume au cœur. 

Pour l'expo, j'étais donc un peu "vieille". J'ai en quelque sorte connu ou croisé ces films "de leur vivant" alors qu'ils étaient contemporains, actuels du moment, pas encore muséifiés et érigés au rang d'œuvres ayant marqué leur temps. Elle s'adresse plutôt à ceux qui souhaitent découvrir le cinéma de leurs (grands-)parents. 

Pour finir, la sortie fut encore plus compliquée que l'entrée. Avec un couple âgé de mon âge, nous nous sommes trouvés piégés en suivant les indications du personnel mis ici ou là pour canaliser les petits groupes diffus que nous formions qui repartaient, heureusement un des types de la sécurité a pris l'initiative d'arrêter les absurdités, et nous avions l'air sans doute assez inoffensifs pour n'être pas venus foutre le bazar dans leur méga-événement nécessitant privatisation et service d'ordre à cran. Il a levé une barrière et nous avons pu accéder à une sortie.
Ce serait sympa, même si des personnes très importantes sont attendues pour après, de ne pas considérer les visiteurs paisibles comme des fauteurs de troubles. 

Je suis repartie avec des souvenirs de mon père. Ceux paisibles, où il regardait un western à sa télé. Et où j'entendais de ma chambre adjacente la musique d'Ennio Morricone en faisant mes devoirs. 

 

(1) Si on m'avait dit qu'un jour que :

1/ le froid ne serait plus une torture juste une sensation pas très agréable à l'extérieur de la peau 
2/ la station debout prolongée ne me poserait plus aucun problème de tête qui tourne et risque de tomber dans les vappes
3/ le piétinement nécessaire à une visite de musée ne me ferait plus mal nulle part, que je n'y penserais même pas.

jamais je ne l'aurais cru. Et puis voilà, beaucoup de sports, d'entraînements, un nouveau métier physique, un corps qui s'est musclé et pour le froid un état de choc émotionnel il y a quatre ans qui a modifié quelque chose dans mon métabolisme joint aux effets bénéfiques de la ménopause sur l'anémie chronique et incurable qui est la mienne, et ma vie quotidienne est devenue plus facile.
Je ne dis pas que ce fut une partie de plaisir, par exemple les touts premiers mois de librairie j'avais de fortes douleurs aux jambes et lors de la reprise de la natation en 2004 j'ai eu toute une période où je souffrais tant de crampes que je terminais chaque entraînement au pull-buoy, mais bon rien (ou presque) ne résiste au travail et les efforts entrepris ont été un gain formidable de confort dans ma vie, sans même parler de participer à des courses et autres événements frétillants.  

(2) Et que d'avoir pu passer mon bac dans un état de coolitude absolue était due en grande partie à la diffusion de Mon nom est personne à la télé le dimanche après-midi précédent (et donc à la musique d'Ennio aussi) et à la diffusion de grands films cette semaine-là dont Rebels without a cause le jeudi matin juste avant l'épreuve de physique, que j'ai traversée en la compagnie persistante de James Dean, Natalie Wood et Sal Mineo. 

(3) Après, et comme c'était semble-t-il totalement assumé, il s'agit autant d'inspiration ou d'adaptation que de plagiat. 

compléments : un article sur l'enfance d'Ennio Morricone
une belle émission de France Culture préparatoire à l'exposition avec elle-même d'autres liens dedans.


La bibliothèque, la nuit

version courte, BNF version longue l'expo elle-même

et le making-off 

La lecture vous met le nez dans la réalité 

 

 

J'avais déjà tâté de la réalité virtuelle lors d'un salon du livre de Montreuil, et ça ne m'avait pas déplu. Je pense que le principal usage de ces technologies sera bientôt d'offrir à tout être humain assez fortuné pour louer le matériel une vie sexuelle de bonne qualité et permettra par exemple de souffrir moins d'une rupture subie. Peut-être qu'alors l'acte sexuel physique réel ne sera plus réservé qu'aux couples souhaitant procréer à l'ancienne, ce qui ne sera pas nécessairement bien vu car les petits ainsi conçus seront d'une imperfection so XXIème. On trouvera d'ailleurs sans doute ça assez peu hygiénique. 

Comme nous n'en sommes pas encore là, où seulement en labos, les casques servent pour les gamers, des expérimentations sérieuses, et des expositions. 

Celle-ci est charmante et enchanteresse : il s'agit d'un voyage à travers les bibliothèques, une dizaine en tout et fait en trois temps : un vestibule d'expo classique avec quelques explications, une salle qui nous plonge dans une bibliothèque de vieux manoir écossais (1) un jour d'automne pluvieux. On peut s'asseoir regarder et toucher (mais pas photographier, ce que j'ai un peu regretté). La voix d'Alberto Manguel nous accompagne et qui parle des bibliothèques le jour et la nuit. 

Puis l'entrée casque à la main dans une forêt avec des tables classiques de library et des siècles sièges pivotants, on s'installe, on enfile le casque selon les consignes qui nous ont été données dans la salle précédente et c'est parti pour un voyage un peu enfantin au pays des grandes bibli. 

Il y a celle de Sarajevo en flammes sous la guerre (2) avec un violoncelliste qui résiste en musique, celle du Danemark avec ses spectres : les livres anciens n'y sont pas répertoriés, ils se trouvent donc réduit à leur fonction isolante et décorative, celle de Montréal gagnée par les oiseaux qui du grand grimoire semblent s'échapper, et quelques autres. 

La qualité de l'image n'est pas encore tout à fait au point, mais suffisante pour s'amuser. L'effet 360 est un peu en risque de mal de mer, mais ça peut s'estomper (3) ; au bout du compte quelque chose d'assez jouissif. Les choix dans le menu sont fait par direction du regard, ce qui ne laisse pas de m'impressionner, et est sans doute ce qui m'a le plus impressionnée.

Après, si on ne met pas trop fort le casque son, on peut percevoir les bruits extérieurs, et lorsqu'on a le sens de l'orientation on ne perd pas celle du monde réel.

Mon seul regret : puisque l'expo sans doute pour éviter tout risque d'effets secondaires inattendues est interdite aux moins de 13 ans, les commentaires eussent pu être plus "adultes", nous apprendre vraiment des choses sur les bibliothèques, sortir un cran au dessus du pur divertissement. Mais peut-être est-ce un effet de l'âge : j'ai tendance à trouver les expos puériles ces dernières années, favorisant l'anecdote aux dépends de l'instruction. 

Cela dit, le divertissement était parfaitement réussi. Et l'entrée dans la forêt - bibli un instant de songe parfait.

Je suis sortie de là heureuse et enfantine, la moi de douze ans aux anges comme en son temps rarement.

Ce qui manquait encore c'était de pouvoir se déplacer au sein des lieux visités (4). 
Mon idéal serait, pas de mise en scène (même si je me suis bien amusée, je l'avoue) mais qu'avec l'équipement on puisse visiter comme par une sorte de google street view intérieur en 3D. Et que les commentaires puissent être d'un niveau culturel avancé, du moins que l'on puisse choisir cette option qui sur l'histoire de ces belles bibliothèques nous en apprendraient vraiment.

En attendant, quel bon moment ! 

(Si vous voulez y aller, prévoir du temps, si possible réservez le créneau horaire à l'avance, compter 1h30 pour être en paix et dépêchez-vous ça n'est que jusqu'au 13 août). 

 

PS : Il manquait quand même celle des Ailes du Désir. 

 

(1) J'ai décidé unilatéralement qu'il s'agissait d'Écosse.

(2) Je crains qu'elle ne vienne me hanter

(3) Je commençais tout juste à me demander si j'allais pouvoir tout regarder quand mon corps s'est trouvé habitué.

(4) C'est du 360 haut bas point fixe pour l'instant 


Tabucchi par surprise

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  Le kiné m'a fait un bien fou. Je ne perds pas de vue qu'il s'agit d'une forme de soin palliatif, ce qui me manque est ailleurs ; mais ce mieux que rien est en fait beaucoup mieux que bien des pas rien.

C'est donc le corps allégé que je gagne la BNF, prête à en découdre avec l'écriture. Même si une fois de plus je devrais me contenter d'étudier - aujourd'hui Roger Leenhardt, très intéressant, malgré que la façon qu'avait la plupart des hommes de cette génération de considérer les femmes m'est devenue insupportable -, et d'écrire du bref, de bloguer. Décidément ma vie de la période est faite de demi-teintes, de limitations des dégats. Non sans panache, non sans éclats, mais si "en-dessous" de ce que je devrais faire. J'avais brisé mes chaînes mais d'autres ont remplacé ce qui m'entravait.

Sur le site de la Grande Bibli, j'avais repéré la mention d'une expo concernant Antonio Tabucchi. Je ne m'attendais pas à la voir, brève, dans une petite salle vers l'ouest. Puisque je la longeais, je me suis accordée le temps d'y entrer. 

J'ai enfin mieux compris pourquoi était légitime cette confusion que je fais parfois entre Pessoa et lui. Le lien est fort. Mais l'un avait un chapeau et l'autre pas ;-).
Les documents et quelques objets rassemblés sont émouvants, même si la présence de ces derniers dans quelque expo que ce soit, concernant le travail de quelqu'un, me laisse toujours un peu perplexe dès lors qu'elle ne touche pas directement à celui-ci. 

Je peux éventuellement être intéressée par l'appareil photo du photographe, qui m'apporte une indication technique sur l'outil ; mais pourquoi les lunettes de l'écrivain ? ce coupe-papier ? cet autre accessoire personnel non directement lié à l'écriture ? J'ai eu la vision d'une expo qui aurait F. pour sujet et de la montre qu'on y verrait. Ainsi que des lunettes qu'il s'efforçait de ne pas utiliser. Y aurait-il aussi ses tablettes de viagra ? (entre-temps on aurait trouvé bien mieux que cela).

L'exposition avait beau ne pas abuser de ce côté exhibition de l'intime, et être construite pour porter à connaissance de manière bienveillante, je m'en suis sentie génée.

Les courriers étaient pour beaucoup instructifs. Seulement là aussi, je me suis mise à la place de qui, tel acteur que je sais encore en vie, tel réalisateur qui pourrait passer là ..., verrait un mot pensé d'usage très personnel montré au grand public dès à présent ainsi. Là aussi, le tri était respectueux. Mais pour un autre auteur et sélectionné par des moins scrupuleux, il pourrait donner d'étranges résultats. Y compris un jour éventuellement pour moi. J'ai songé au délicat roman de Catherine Locandro, "Histoire d'un amour", à ce professeur qui découvre dans le journal 25 ans après les faits tout un pan de sa propre vie dont il ignorait certaines causes et qu'au grand public en même temps qu'à lui-même on dévoilait.
Demande-t-on leur avis aux personnes dont les mots sont cités ?

Avec les correspondances de contemporains, je ne suis jamais à l'aise. Cette sensation d'intrusion.

La voix intérieure moqueuse à alors suggéré : Et si c'était l'inverse qui advenait ? Je dois au moins pour aujourd'hui à Tabucchi de m'être mise au boulot sans tarder. La seule certitude est que le temps m'est compté.

 

PS : Ne pas croire malgré les réserves toutes personnelles que j'y mets que l'expo ne mérite pas le détour. Un homme d'ailleurs prenait des notes avec un sérieux parfait.


Deux questions aux connaisseurs (peinture, gravure ...)

 

La peinture et les arts cousins m'intéresse mais je n'ai jamais suivi de cours, ça n'était pas mon chemin, dans ce domaine la vie ne m'a pas tendu les mains, d'où que j'aime et je m'intéresse mais c'est limité à ce que je ressens. 

C'est parfois bien - je suis imperméable aux modes et aux détestations de principes - et souvent un brin frustrant. 

D'où qu'il me vient parfois des questions enfantines, parce que l'envie de piger avec l'âge ne s'est jamais calmée.

Ainsi donc après une enrichissante visite de l'expo Vallotton au Grand Palais (Raphaëlle, grand merci), ces deux questions :

 

- D'où viennent les noms des tableaux ? 

Sont-ils donnés par les artistes eux-mêmes au moment de leur composition ? Ou est-ce leur galeriste ou le marchand d'art au moment où ils leurs sont confiés qui s'en charge ? Ou bien, plus tard, un musée ou un autre afin de les répertorier ?

Je parle pour les œuvres déjà un peu anciennes, avant tout le marketing moderne lequel, j'imagine, oblige le moindre artiste à déposer le moindre dessin avec toute une géolocalisation spacio-temporelle et même codé, un nom.

Je parle par exemple les contemporains de Vallotton, et Vallotton lui-même. À part les gravures pour lesquelles ils sont inscrits dessus, ses tableaux, qui leur a donné nom, qui les a baptisés ?

Cela fait un moment que je me pose cette question. Ne serait-ce que pour La Joconde. Mais chez Vallotton certains titres sont parfois d'un bel humour ("La loge de théâtre, le monsieur et la dame", "Femme nue lutinant un Silène", "Quatre torses" (qui représentent des culs), "Le chapeau violet" (pour un presque nu, qui a certes un chapeau violet mais ce n'est certainement pas ça que l'on aura remarqué), "Portrait décoratif d'Émile Zola" ...) alors que d'autres très rudimentaires ("La Valse", "Le sommeil", "Le haut-de-forme") et je me demandais à qui il les uns et les autres étaient dus.

 

- Qu'est-ce qu'une "épreuve justificative de la destruction des bois" ? (en xylographie)

 

J'ai aussi une question subsisdiaire mais à laquelle personne ne pourra sans doute jamais répondre.

Pourquoi diable dans une expo, lorsque d'une ou deux œuvres j'aimerais rapporter une reproduction de qualité sur une bonne carte postale (1), ne font-elles jamais partie de la sélection de cartes présentées à la boutique du musée ? Ainsi aujourd'hui "La malade" dont j'eusse aimé conserver le reflet de la fenêtre dans la carafe et le travail de la lumière sur la nuque redressée, le paillage de la chaise (2), et qui ne figurait que dans un catalogue que je ne pouvais Capture d’écran 2014-01-05 à 16.52.24

pour une seule reproduction me permettre d'acheter.

 

 

 

 



 

source photo : intofineart.com

(1) Pas nécessairement parce que c'est l'œuvre que je préfère, mais plus souvent parce qu'un détail ou un autre, ou quelque chose m'a fait réagir dont j'aimerais conserver une trace précise afin de pouvoir y revenir après.

(2) En plus de l'histoire triste ou coquine qu'il nous raconte.