Iwak #31 – Repère

 

    J'ai traversé mon enfance et ma jeunesse avec une santé fragile, pas gravement fragile, mais perpétuellement : sans cesse rhumes et angines, parfois de redoutables indigestions (1), et parfois de la fièvre et une fatigue colossale sans trop d'explications. Je pense, mais son diagnostic fut pour moi tardif, que la thalassémie n'y était pas pour rien.
Et puis savoir d'où ça venait n'aurait pas aider à soigner.

Ma génération est de celles qui ont été éduquées à être dures au mal, pour le meilleur comme pour le pire et donc le plus souvent j'allais bosser même en n'allant pas fort ; de toutes façons je ne pouvais pas trop me permettre de m'arrêter, et j'y allais coûte que coûte.
Sauf qu'une ou deux fois ça s'est mal terminé, à presque rien d'être expédiée aux urgences, et du temps où je bossais dans une grande entreprise qui détenait un service médical, au service médical, le temps de tenir suffisamment sur mes jambes pour être rapatriée chez moi en taxi.
Souvent le fait d'avoir ou non de la fièvre est établi comme critère d'être opérationnel·le ou pas. Ce que j'ignorais c'est que ma température usuelle est inférieure à la moyenne : lorsque je vas bien je navigue à 36,2°c. Et que donc un 37,5°c qui n'inquiéterait personne témoigne d'une poussée de fièvre chez moi.

Alors il avait bien fallu que je m'invente un point de repère pour savoir si j'allais bosser ou pas. J'avais fini par en trouver un : 
suis-je encore en état de lire, ou pas ?

Grâce à ce repère je parviens à établir une frontière entre Ça va pas mais secoue-toi ?
et : Attention tu risques de ne pas finir la journée.

Me concernant, c'est donc un repère fiable.

Fun fack : lorsque j'ai eu le Covid, en octobre 2023, la question ne s'est même pas posée. Ce qui ressemblait à un début de rhume la veille en fin de journée, c'était mué dans la nuit en une impossibilité de tenir debout sans me sentir défaillir. J'avais quasiment rampé pour aller jusqu'aux toilettes (pourtant chez nous ça n'est pas grand) et utilisé mes dernières forces pour passer deux appels, le bureau et l'époux (lequel démarrait sa propre journée de taf avant moi) et j'allais si mal qu'il a pris son après-midi ou sa matinée le lendemain, inquiet. Le repère habituel n'avait plus de sens, la question ne se posait pas.
Si vous le pouvez, évitez le Covid.

 

(1) On ne disait pas gastro-entérites à l'époque

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.


Iwak #30 – Violon

    Nous nous sommes fait voler beaucoup de choses dans notre vie, j'ai commencé par des trousses au collège (1) et on a eu le splendide épisode du voisin voleur, mais entre temps aussi une voiture (qui fut retrouvée), chacun un téléphone au moins, un appareil photo ... en bons citadins, nous disposons d'une liste longue. 
Mais je vous garantis que le plus douloureux des objets dont on peut se faire délester c'est un instrument de musique en général, et un violon en particulier.
Ce n'est pas un objet inerte, il a une âme et ça n'est pas qu'au sens figuré et pour peu qu'il ne s'agisse pas d'un violon d'usine, on ne retrouvera jamais la même relation, le même toucher, le même son.
Celui que nous nous sommes fait voler était celui de notre fille, dans la chambre de service où alors elle logeait. Rien d'autre n'avait été volé. Seulement le violon.
Il n'était pas d'extrême haut de gamme mais représentait pour nous quand nous l'avions acheté pour elle, un fort investissement. Nous n'avons pas pu en racheter un. Je m'étais promis de le faire quand je toucherai des droits d'auteurs.
Ce qui m'est parfois arrivé, mais dans une échelle de dix fois moins que le prix de l'instrument. L'espoir est ténu.

Longtemps plus tard, nous en étions encore à vérifier lorsqu'un violoniste se produisait dans le métro si ça n'était pas le nôtre.
Et notre cœur se serre encore lorsque nous y repensons. Est-il tombé en de bonnes mains, après sa revente probable ?

Le deuxième vol le plus gênant fut celui du carnet d'adresses dans mon sac d'ordinateur, le vieux carnet d'adresses qui n'avait de valeur que pour moi et dont la perte, jointe au surmenage professionnel permanent (trop fatiguée sur mon temps libre, pas assez disponible) m'a fait perdre de vue tant d'amis. 

Le moins grave fut finalement celui de l'ordi : j'avais une sauvegarde hebdomadaire, et dès le surlendemain, nouvel équipement acheté, modèle équivalent, données transférées, tout y était à peu de choses près.

Mais un violon, un vrai, un déjà un peu vieux à l'époque, ça ne se remplace jamais tout à fait.
Voilà, à cause d'un voleur, à quoi le mot violon me fait désormais songer, quand je devrais avoir des airs émouvants à l'esprit en premier.

 

(1) C'était d'une dégueulasserie sans nom : pendant les cours de sport nous étions obligés de laisser nos cartables sous le préau dans des grilles de stockages métalliques, totalement ouvertes (un peu comme des casiers à bouteilles mais pour des sacs). Forcément des petits malins se débrouillaient pour passer par là pendant que d'autres classes étaient en cours de gym et vidaient les sacs des seules choses éventuellement avec un brin de valeur, qu'ils comportaient en ces temps frugaux : les trousses. Mais on était quand même obligés de les laisser là (non négociable). Et bien sûr c'était du temps où l'enfant qui se faisait voler se faisait en plus engueuler à la maison, car remplacer toute la trousse (2), ça coûtait cher.
(2) Il y avait du petit matériel pédagogique obligatoire donc se faire voler la trousse signifiait refaire tout l'assortiment (les ciseaux, le compas, le criterium etc.)

    

 

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Iwak #29 – Navigateur

    Comme j'écris ce billet au soir d'une semaine de boulot de dingue (1), et malgré la proximité du départ de la course en voiliers, que je croyais s'appeler Le Vent des Globes avant de voir un jour le nom dans un journal écrit, Navigateur me fait penser à ce qui nous sert pour nous balader sur les internets. 

Je me souviens des tout premiers, qui nous semblaient merveilleux - Français, nous débarquions du Minitel, Ingénieure, je déboulais des messageries élémentaires des lieux de travails un > -- et l'on se causait. Toutes instructions de recherche tapées en lignes de commandes.
Les revoir à présent et combien ils étaient en fait rudimentaires, nous ferait sourire.

Je me souviens de Netscape et d'Internet Explorer et que je dois d'être une des early utilisatrices de Chrome à François Bon, lequel avait souligné le côté logique de son organisation.
J'avais essayé et à l'époque il disposait effectivement d'une longueur d'avance sur les autres. 

Par plus tard qu'aujourd'hui, j'ai encore expliqué à une utilisatrice la différence entre navigateur et moteur de recherches et mesuré combien il reste difficile pour la plupart des gens de se repérer parmi les possibilités infinies que nos outils numériques nous offrent ; et je ne parle même pas de l'avènement des IA.

Un de mes amis s'est fait cyber-harceler car il a osé dans un entretien-canular dire "Mon éditeur est une IA" et filer la métaphore avec la complicité du copain qui l'interviewait.
Une foule de gens, pieux défenseurs de La Littérature, sont venus en commentaires lui sonner les cloches.
Ils ne disposaient pas du second degré.
Et puis il se trouve que ledit éditeur, bien connu dans le milieu [littéraire, pas mafieux], ne l'est visiblement pas encore, ou pas assez, pour le grand public. Ce qui fait que pendant que celles et ceux qui connaissaient le lascar, allègrement se bidonnaient en l'imaginant IA, bien des gens ont cru, non pas à une plaisanterie potache, mais bien au destin du monde, qui commençant par les livres, était en train de basculer. Ils ont flippé et laissé libre court à leur agressivité de personnes se percevant menacées.

Il est devenu difficile de nos jours sur l'internet, de savoir sans heurter les écueils, naviguer. 
C'était bien plus léger quand nous étions (relativement) pionniers.

 

(1) Petite fourmi industrieuse que je suis, j'ai encore travaillé plus d'un soir tard sans contrepartie, pour tenter d'écluser les retards (dus à la charge de travail) et prendre quelques congés sans laisser des scories trop brûlantes à mes collègues.

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Iwak #28 – Géant (Jumbo)

 

    Je m'aperçois que j'ai du mal à considérer comme géant quelqu'un de très grand mais très mince. Par exemple, "géant" me fait penser à Teddy Riner et à David Douillet, mais pas à Victor Wembanyama ; lequel a pourtant une taille de géant, mais la taille seulement.

Il me souvient d'un jour du temps où je gagnais ma vie en effectuant du grouillotage informatique dans une banque qui sponsorisait le judo et offrait à quelques champions des emplois à temps partiels (1), et du temps où son siège social n'avait pas encore cramé, lors duquel l'ascenseur que je comptais empruntais, s'était ouvert, déjà garni, sur David Douillet, qui le remplissait.
Il avait eu un geste - regard, amusé, pour dire Désolé, et s'était reculé pour que je puisse entrer. Je ne suis ni grande ni grosse, on tenait à l'aise. 

La seule chose est qu'en temps normal, on y circulait souvent à six.

Après cette brève pas-même-rencontre (Nous n'avions guère échangé que les mots de courtoisie usuels de qui partage cet espace le temps de quelques étages), je me suis souvent demandé quel effet ça pouvait faire d'être très grand, très fort et de pleine santé. Comment se passaient les mêmes gestes de la vie quotidienne, par exemple ceux pour préparer son petit-déjeuner.
Qui a dit là-bas au fond, oui mais si tu es un géant, c'est rarement toi-même qui le fait ?

 

 

(1) Lesquels n'étaient pas fictifs et j'ai ainsi été amenée à expliquer le fonctionnement de nos logiciels de l'époque à une collègue de passage qui n'était autre qu'une championne olympique. Nous avions passé un bon moment, tout en restant sérieuses, en jouant le jeu. 

 

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Iwak #27 – Route (Road)

    

    Depuis quelques temps, Le Joueur de Pétanque et moi avons décidé de profiter des déplacements que nous devons faire (pour raisons sportives ou familiales) afin d'explorer les petites routes de notre beau pays (plutôt que d'emprunter l'autoroute, où les gens roulent à des vitesses déraisonnables sans conscience des distances de freinage). 
Généralement, je consulte une carte sur mon téléfonino, j'imagine un itinéraire et puis on adapte en cours de route parce que tel itinéraire semble avoir un potentiel de beauté.

Et puis parfois, on n'imaginait rien d'autre que : ça se rapproche du trajet qui serait optimal à vol d'oiseau et il se trouve que c'est super beau.
C'est un luxe de qui n'a plus d'enfants en bas âge, ni vieux parents qui nous attendent, ni animaux domestiques, juste une contrainte de rentrer à temps pour reprendre le boulot à la date prévue. Alors on trace la (petite) route. Et comme la France est un vrai de vrai de beau pays avec une captivante diversité de paysages, on ne s'ennuie pas.
Parfois on fait escale pour de jolies retrouvailles avec des personnes que nous aimons bien (famille ou amis), ce sont de bons moments, la route, l'amitié, l'exploration.

Le seul élément de tristesse pour l'instant est la dévitalisation des petits centres villes, à un point qu'en citadins privilégiés - alentours de chez nous, plein de petits commerces auxquels nous pouvons nous rendre à pied - n'imaginions pas, même en sachant que cela advenait, les centres commerciaux de périphéries de villes et autres zones d'activités raflant de plus en plus la mise -. Certains villages ont, pour peu qu'on les traverse un dimanche, un côté "ville fantôme" presque impressionnant. On en inventerait bien des légendes.
Mêmes les sacro-saints "troquets du coin" ne sont plus si nombreux. Souvenirs notamment d'une étape dans la région de Bordeaux, lors du retours du Frenchman, triathlon de Carcans, en 2023, durant laquelle on s'était naïvement dits, Allez on s'arrête au prochain café, en vue d'une pause pipi. Et c'était pire que David Vincent cherchant son raccourci, rien sur 5 ou 6 ou 7 patelins, pas même un bar tabac PMU. Et pas même un fast-food non plus. En revanche des endroits fermés, anciennes vitrines passées au blanc et des panneaux "à louer", "à vendre". Et contrairement au héros de la série Les Envahisseurs, nous n'avons pas vu d'ovni.

Il m'arrive parfois, dans ces cas, de songer à Centralia (1).
Mais bon, pour l'instant toutes les villes, n'en sont pas encore là. Profitons de ce que nous pouvons voir tant qu'il en est encore temps.

 

(1) À la grosse différence qu'à Centralia, ils ont par précaution presque tout rasé. Et puis globalement, ça ne brûle pas. Alors disons le Centralia de juste après l'expropriation générale de la plupart de ses habitants.

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Iwak #26 – Caméra

 

    La première caméra à laquelle je pense est ma caméra super 8 d'enfance, un modèle bas de gamme de (je crois) Noël de comité d'entreprise de mon père et qu'il avait dû négocier en échangeant (1) avec un collègue qui avait un fils un peu plus âgé que moi ?, et combien j'étais heureuse sauf qu'à l'époque les films avaient un coût et le développement aussi ce qui avait limité de beaucoup mes idées créatives de faire jouer mes camarades du quartier dans de vraies histoires inventées (2).
J'ai pour projet (à la retraite) de faire numériser certains de ces super 8. Il me semble d'ailleurs que j'avais commencé.

Plus tard j'ai eu des camescopes et comme pour la photo, je commençais enfin à avoir un équipement digne de ce nom, lorsque le numérique est passé par là.
À présent, je tourne parfois quelques seconde de video avec mon téléfonino, et uniquement quand je pense que le mouvement témoignera mieux qu'une image fixe de l'instant dont je souhaite conserver la mémoire.

Je rêve de me lancer dans un peu de montage, et ce depuis un temps où les YouTubeurs de maintenant n'étaient pas encore nés. J'ai le souvenir d'avoir même jadis fait un dispendieux investissement (avant les ordi personnels) et que comprenant vite le temps qu'il faudrait prendre pour le moindre projet, j'avais usé de mon droit de réflexion / reprise, rapporté l'objet et récupéré l'équivalent en bons d'achats (3).
Même si ça date de 30 ou 35 ans, c'est peu dire que ça me titille, tout ça. Et que l'arrivée des IA, rend mes aspirations un peu plus urgentes qu'elles ne l'étaient puisque bientôt on n'apprendra plus à faire ces choses (filmer, monter, scénariser ...) mais à piloter une IA pour le faire à notre place. Or ce que j'ai envie de faire, c'est d'apprendre à bidouiller moi-même. Y prendre le plaisir du fabricant (et pas celui, dans mon cas très hypothétique, d'une donneuse d'ordres et d'indications).

En attendant, je me contente de contribuer, auprès de quelques réalisateurs (qui furent en devenir et le sont devenus), ou créateurs de contenus (qui le seront peut-être un jour).
Il y en a quelques autres que j'aimerais encourager mais j'attends une situation financière moins serrée de mon côté (4).

 

(1) où alors me suis-je inventé un film rétrospectivement ?
(2) Je l'avais un peu fait à une époque où une amie s'était lancée dans le théâtre (refus absolu de mes parents pour que j'en fasse autant). On s'était même embarquées dans une idée d'adaptation de Pinocchio. (Celui avec Andrea Balestri passé peu auparavant à la télévision nous avait marqué).
(3) C'était à la Fnac, du temps d'autrefois.
(4) qui ne viendra peut-être jamais, soyons lucides.

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Iwak #25 – Scarecrow


    Je n'ai rien à dire sur les épouvantails, même en me creusant les méninges pour le sens figuré. Ou alors me vient l'image de celui qui pourrait être à nouveau président des États Unis alors qu'il constitue un danger public pour le monde et la démocratie. Et à quelques jours d'une nouvelle série d'années dangereuses et désespérantes, sauf si les femmes des zones républicaines parviennent à se déprendre de l'emprise de leurs maris, je n'ai pas envie de déjà re-penser à lui. Il occupera bien assez le terrain plus tard, si les choses tournent mal.

Alors je vais opter pour le lovecrow dont Matoo a parlé : parce que oui, les corvidés, sont mes potes, depuis toujours je les ressens comme des alliés. J'ai l'impression parfois que certains tentent de me faire comprendre des trucs. Une sorte de certitude depuis l'enfance, et alors que personne ne m'avait rien dit à leur sujet et que globalement ils étaient plutôt mal vus, qu'ils avaient des choses à nous apprendre et que certains d'entre eux ne demandaient qu'à communiquer. 
Je me souviens que je me posais (et pose toujours) la question de savoir si alors que leurs croassements nous sont désagréables à l'oreille, nos voix humaines leurs étaient désagréables et leurs croassements mélodieux. Il m'est même arrivé de tenter, ado, de penser sur une autre fréquence, pour voir si une transmission n'était pas possible, tant j'étais persuadée que nos formes d'intelligences étaient proches et que c'était simplement qu'on n'était pas sur les mêmes longueurs d'ondes (1).

Plus d'une fois j'ai eu l'impression que l'un ou l'autre, corbeau ou corneille, tentait de me montrer quelque chose, d'attirer mon attention.
Plus d'une fois, il y en a eu que j'ai croisés sur certaines périodes aux mêmes heures à plusieurs reprises, avec l'impression ou l'illusion d'être identifiée et saluée.

Et ce n'est pas dire que j'aie été influencée par quelques références, fors le poème d'Edgar Allan Poe - par exemple je n'avais pas capté le lien avec Mylène Farmer par Matoo évoqué (2) -, c'était là dès l'enfance ; malgré les efforts conjugués d'Hitchcock et de Daphné du Maurier, pour qu'ils deviennent des éléments de terreur.

J'ai d'autant plus envie de parvenir à communiquer avec eux, que je suis persuadée que dans les temps dangereux à venir, ils nous survivrons et pourraient être les transmetteurs de notre mémoire et des niveaux de savoir-faire technique que nous avions atteints avant la fin. Comme conviction, c'est curieux, j'en conviens, il n'empêche, tenter le coup ne mange pas de pain.

 

(1) Je le suis encore et d'autant plus qu'entre temps j'ai lu des textes sur le sujet de leur intelligence.
Mais à l'époque et sans l'internet pour aller à la pêche aux renseignements, j'en étais réduite à mon intuition enfantine, elle-même issue de mes observations quotidiennes.

(2) Mon cerveau est très doué pour juxtaposer des éléments sans les relier : six mois pour faire le lien entre "Sarah's key" et "Elle s'appelait Sarah", le film / le livre dont me parlaient séparément deux amies l'une côté film, l'autre côté livre. Et c'est tellement typique de moi. Alors Nevermore et Never more, bah.

 

 

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Iwak #24 – Expédition


    Je fais souvent plein de petites expéditions au prétexte de course à pied ou d'aller chercher un colis (généralement un livre d'occasion) dans l'endroit fantaisiste où Machin Relay l'a finalement déposé, bref tout est chez moi prétexte à explorer dans un périmètre et avec des durées limitées mais c'est explorer quand même.

Et d'ailleurs aujourd'hui, en partant du cimetière de grande banlieue où nous allions fleurir et entretenir la tombe de mes défunts beaux-parents, nous avons fait une brève running exploration. Sans consulter aucun plan. Et c'est ce que j'aime.

Mais s'il faut parler d'expédition, c'est surtout l'une d'elle, une vraie, qui me revient en mémoire, du temps lointain où nous n'étions pas encore parents et sortions encore "entre potes".
L'un d'entre eux avait fait son équivalent de service militaire (VSNE) comme prof au Maroc et y avait rencontré une jeune femme qui faisait battre son cœur (et c'était réciproque) et voilà qu'en sortant ensemble d'être allés voir (en 1989) le film Woodstock au cinéma il a eu une sorte de crise de chagrin - nostalgie - urgence affective et il a dit Il faut que je retourne la retrouver. Mais c'était une expédition qu'il ne se sentait pas de faire seul. Alors j'ai dit, je ne sais pas comment on va pouvoir faire mais tu peux compter sur nous on va t'accompagner. Le Joueur de Pétanque, lui-même nostalgique de "son" Burkina Faso s'est laissé convaincre et miraculeusement nos employeurs aussi pour 10 jours de congés hors saison (à la mémoire c'était en février).

Et roule Nénesse, nous voilà partis.
Ça mériterait un road movie car le camarade nous avait proposé qu'on n'aille pas seulement à Casablanca retrouver sa belle, mais également découvrir le pays et que l'on avait en arrivant croisé un pote marocain qu'il avait à Casa (sauf qu'on était à Marrakech) et que l'aventure a pris une tout autre tournure et que ça a été un voyage comme il faut en avoir fait un dans sa vie pour être moins dans son petit monde riquiqui pour la suite.

Restera ce grand moment digne d'une séquence de film où nous guettions devant la poste de Casa, Le Joueur de Pétanque et moi une jeune femme que nous ne connaissions pas, muni d'une photo un peu floue d'icelle (du type de celles prise avec les jetables de l'époque), tandis que l'ami faisait des tours dans son quartier à elle pour tenter de la retrouver. C'était avant les téléphones portables. Je crois que la poste c'était parce qu'il avait tenté de lui faire passer le message par des connaissances communes de se retrouver à la poste.
Ce fut fait et quelques années plus tard ils se sont mariés. Mais comme la vie n'est pas un conte de fée, ils ne vécurent heureux que pendant une certaine période et n'eurent pas beaucoup d'enfants, pas un seul. Ils se séparèrent et vécurent chacun une autre vie.

De l'expédition reste aussi le souvenir d'une 4L de location laquelle avait du flou dans la direction et que j'avais longuement conduite. En évitant notamment, une nuit, une cohorte de chiens errants. Plus jamais ensuite les gars ne me reprochèrent de rouler trop lentement. 
Une autre nuit j'avais ramené les gars sains et saufs alors que celui qui était resté le sage de la soirée car il devait conduire, c'était trouvé hors d'état de le faire, malgré son abstinence. Et les deux autres étaient hors d'état de le faire car ils avaient bien profité de la soirée. Alors c'était mézigue qui s'y était collé, malgré mon épuisement de thalassémique mais grâce à ma capacité de boire sans ivresse. Sans doute aussi que la thalassémie nous apprend à être capable de faire les choses qu'il y a à faire même si on n'est plus en état de le faire puisque c'est ainsi chaque jour de notre vie où il faut aller travailler, alors que l'anémie fait qu'on ne tient pas debout.

Pour moi, "expédition", c'est ce voyage, avant tout.
Mais il y en a eu d'autres, moins lointaines.
Et à chaque fois dans le but d'aider ou de faire plaisir à quelqu'un. C'est un chouette motif pour se bouger et je ne l'ai jamais regretté.
J'espère rester apte à Quand faut y aller, faut y aller, encore longtemps.

 

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Iwak #23 – Rouille (Rust)

 

    À part d'avoir tenté de sauver de la rouille à coup de Frameto (Hé, oui, Matoo) l'antique vélo de Dion Bouton de mon grand-père que mon père avait donné sans mon consentement à un voisin qui prétendait bosser pour le musée du vélo de Périers, je n'ai pas eu de grand souvenir avec cet état triste du métal.
Un sculpteur, ami de Franz Bartelt, expliquant dans un documentaire consacré au travail de l'écrivain, qu'il aime sculpter le rouillé car ainsi ses œuvres résistent bien à la pluie, elles sont déjà de rouille.

C'est à Rusty James, le film qu'en fait je pense en premier. Et à The Outsiders, je ne sais plus lequel précédait l'autre.  Et qu'on les avait vus en tout cas le second, mais j'ai un doute à présent, au Burkina Faso, où Le Joueur de Pétanque effectuait son équivalent de service militaire en faisant le prof dans une école d'ingénieurs à Ouagadougou.
Le Burkina célèbre alors pour le FESPACO, lequel existe encore mais dont on parle moins.

Il s'est passé lors de la projection, de l'un ou l'autre, mais lequel était-ce ?, que les bobines furent projetées dans le désordre. Et pour moi ça n'était pas gênant, je trouvais simplement l'art du flashback particulièrement remarquable. Mais les gens étaient perdus et avaient protesté, alors le projectionniste avait repassé les bobines dans l'ordre à partir du moment de confusion, et ça avait donné quelque chose comme bobine 1, bobine 4, bobine 3, bobine 2, bobine 3, bobine 4 ... ce qui donnait a huge sense of deja vu, mais aussi un très intéressant éclairage nouveau aux scènes et il ne me reste aucun souvenir précis du scénario, mais en revanche la leçon d'écriture ou de cinéma inoubliable, qui apprend que l'exacte même scène selon le moment d'un récit où on la voit, ne se perçoit pas du tout pareil et ne signifie pas du tout la même chose. 

Ça me revient, je crois : j'avais vu et admiré Rusty James auparavant, et donc supposé que The outsiders valait aussi le détour, et j'avais vite déchanté, ce fut à mes yeux un West Side Story en moins bien.

Et je n'ai plus aucun souvenir de pourquoi dans le film Rusty s'appelait ainsi. Et puis de toutes façons le vrai titre du film était Rumble fish, alors ...

 

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Iwak #22 – Camp

    Ces écritures à petits sujets sont révélatrices de ce que l'on est, par les associations d'idées qui nous viennent.
Pour ma part camp me fait avant tout penser camp d'entraînement et donc stage de sports.
On a les inclinaisons qu'on peut !

Depuis mon inscription dans un club formidable de triathlon, je m'efforce chaque année d'aller au stage de printemps qu'il organise, peu importe la région et les conditions d'hébergement.
Tandis que pour mes camarades le défi est sportif, le mien est avant tout professionnel : il faut que je parvienne à obtenir des congés à une période généralement très demandée (souvent : avril), et que j'aie le budget, qui, même si le club y met du sien en rémunérant les coachs et en prenant en charge le camion qui transporte les vélos, est conséquent. 
Une fois sur place, seulement, il devient sportif et je m'efforce de ne pas manquer une seule séance, même si je fais le vélo en parcours allégés. 

J'ai adoré en 2024 découvrir un coin de Catalogne, et la façon raisonnable qu'avaient les automobilistes espagnols de conduire. 
Et j'aime consacrer mes journées au sport, que ça soit le sport qui organise les journées.
Je crois que j'avais le mindset (je ne trouve pas le mot juste en français) pour être sportive professionnelle, ça n'est pas pour rien qu'à 11 ans je mettais "footballeuse" à la rubrique qu'est-ce que tu aimerais faire plus tard (1) dans les fiches qu'on remplit pour les professeurs en début d'année. Sauf que non seulement je n'ai pas de don physique particulier, mais bien plutôt des handicaps : thalassémie, pieds plats, fortes difficultés de coordination (2). Par dessus le marché je n'ai pas un esprit de compétition traditionnel - je n'ai pas spécialement envie de battre qui que ce soit ; on n'est pas les mêmes au départ -, mais plutôt une solide appétence pour le dépassement de soi. Et mes petits tracas de santé m'ont rendue dure au mal. 
Si jamais la retraite cesse enfin de reculer et que j'ai la chance formidable d'y parvenir en bonne santé, je m'offrirais bien un peu de cette vie de sport-là. Histoire de voir ce dont je suis réellement capable.

C'est une première association d'idées sur le mot "camp", qui vient d'un point de vue finalement assez privilégié.


La deuxième est triste, c'est "camp de réfugiés" et il se trouve que l'on traverse une époque où les personnes concernées sont de plus en plus nombreuses, sans compter celles et ceux qui tentent de s'en sortir par eux-mêmes et se retrouvent souvent dans des camps de fortune que persécutent les autorités des pays qu'ils souhaitent atteindre ou simplement traverser. 
J'ai le sentiment que nous filons vers des jours sombres, sans distinction d'où nous venons et que nous sommes tous les futurs réfugiés d'une guerre ou d'une prochaine catastrophe environnementale ou climatique. J'espère me gourer. 

Bien sûr il y a également les camps de concentration, mais je n'y songe qu'ensuite, car mon esprit tente dans un élan d'optimiste désespéré de laisser le concept cloué à une période historique révolue de l'Europe, ou des périodes précises dans des pays lointains (par exemple sous Pol Pot au Cambodge). Comme si le fait de n'y penser qu'après pouvait protéger en quoi que ce soit de l'atrocité, toujours prête, comme les guerres, à revenir envahir nos vies.

Grâce à Matoo qui a indiqué un lien vers @verynastystories, je parviens à élargir le champ du camp, et ai appris que camp était, parmi d'autres, un mot du polari, ce que j'ignorais. Et je me dis au passage que bien trop de films ne passent pas la barre au test Vito Russo.

 (1) Pour écrivain, à quoi je pensais depuis les souvenirs d'enfance de Marcel Pagnol et le CM1, un adulte avait eu les mots dissuasifs lors d'une assemblée (familiale ? associative ?), en reposant la question Oui mais comme métier, pour gagner ta vie ?, disqualifiant immédiatement écrivain comme gagne-pain. Or j'étais dans un milieu social où 1/ On doit gagner sa vie sinon on n'a pas de toit et l'assiette est vide 2/ Seulement accessoirement on peut avoir une légère option de choix.

(2) Auto-rééduquées par la pratique assidue de la danse pendant 35 ans.

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Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.