Huit ans

 

Ça fait huit ans ce jeudi que j'ai commencé à bloguer ici. Le tout premier billet faisait deux lignes, c'était plutôt comme un essai, une déclaration d'intention qui ne fut pas tenue : 

"Une cuisine, Paris ou pas loin, des barreaux qui dans un sens protègent, dans l'autre enferment et de toutes façons étaient là d'avant, la silhouette d'Eugène ..." Capture d’écran 2013-08-30 à 17.32.39

Ou plutôt qui le fut dans un premier temps mais que les circonstances subies ne me permirent guère de tenir longtemps. L'année 2005/2006 fut en effet celle où ma vie me tomba sur la tête et si je vais bien à présent (1) et qu'en tout cas je suis guérie, fors une séquelle, du plus lourd des accidents de ce temps, je le dois en belle partie aux amis rencontrés grâce à l'écriture sur l'internet. Sans eux, j'aurais peut-être sombré (et je ne disposerai pas de l'outil sur lequel je tape ces mots, ce qui est indéniable, très concret).

Inévitablement, les petites choses légères et réconfortantes que j'espérais partager ont pris du plomb dans l'aile, j'ai même parfois dû déclarer forfait.

Je tenais déjà régulièrement un fotolog depuis le 29 juillet 2004, un mini-blog chez 20-six sur une histoire de changement d'auto et qui reste à rapatrier (2) et le "Sans nouvelles" écrit à raison d'une note par jour pendant la période du comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun, racontant une de mes (més)aventures de jeunesse et dont je ne désespère pas de faire un bref roman.

Mais voilà, bloguer, le faire réellement, le faire pour de bon, c'est avec Traces et trajets que ça a commencé.

À l'époque il ressemblait à ça (3)9625805175_7751f92119

 

Je trouvais (et trouve encore) le texte clair sur fond noir beaucoup plus lisible (à l'écran) (que du noir sur blanc). Seulement il s'est avéré que ce n'était pas l'avis général. Quand j'en ai eu le temps, j'ai fini par tenir compte des protestations.

 

Au bout d'un moment aussi, j'ai éprouvé le besoin d'être moins limitée en largeur d'affichage qu'on ne l'était alors.

Huit ans après, les choses commencent à devenir intéressantes : j'ai moi-même paisiblement oublié la teneur de la plupart de mes propres billets, alors c'est instructif de se relire, parfois carrément drôle, parfois un brin flippant (4). La ville où j'habite et que finalement je n'ai pas quittée pour celle de la piscine de mes rêves (5) a profondément changé. Les sociologues diraient qu'elle s'est gentrifiée. 

Je suis heureuse de retrouver, grâce à moi (!), des images de ce qu'elle était. Ce n'est pas particulièrement nostalgique, c'est pour savoir que ça a existé, rendre palpable ce qui a été, conforter ma mémoire.

Un petit exemple parmi d'autres, celui de "ma" piscine, comme elle était avant la restructuration des vestiaire. J'y ai passé tant d'heures, j'aime qu'en ayant conservé une trace objective, ces heures n'aient en quelque sorte pas comptées pour rien. Elles sont, pourrait-on dire, homologuées. Ça ne procède pour autant pas d'un regret, la nouvelle installation à part la curieuse altitude des sèches-cheveux est plutôt plus fonctionnelle [billet à retrouver, la photo était drôle].

Entre-temps mes enfants sont devenus adultes et comme mon fils a beaucoup changé (de gabarit s'entend), c'est amusant de retrouver sa silhouette enfantine en tant que personnage (c'était lui Stéphanot, renommé pour l'occasion, afin de ne pas lui créer d'embarras éventuels).

Il me semble que lorsqu'on écrit, tenir un blog ou tout autre journal, permet d'assouplir la plume et de s'entraîner à s'y coller même quand on préfèrerait ne pas (car l'exercice n'a vraiment de sens et plus tard de valeur que s'il est, sinon quotidien du moins soutenu, par rapport au déroulé des jours). Il est évident qu'on n'échappe pas au paradoxe du diariste, mais si l'on parvient à tenir le rythme, il se peut que plus tard, ou que plus longtemps plus tard d'autres que nous, amusés des vestiges d'une époque passée, n'aient pas à le regretter. 

 

 

(1) ou disons normalement mal compte tenu de nouveaux développements ; il doit être écrit dans quelque sombre grimoire que mon lot est de me faire jeter douloureusement tous les sept ans. J'aimerais bien savoir ce qui chez moi provoque ça.

(2) Pour l'instant je n'ai fait qu'esquisser la migration 

(3) Merci à qui à la BNF s'occupe de la sauvegarde d'une partie de la mémoire de l'internet. Je retrouve ainsi des éléments de mon propre travail dont je ne dispose déjà plus.

(4) Il m'arrive d'être, croyant plaisanter ou envisager l'impossible, terriblement prémonitoire.

(5) Quand je serais riche, un petit pied-à-terre, qui sait ?

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Toujours pas de chance avec les princes

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Eugène, le dragon domestique : - C'est l'histoire d'une princesse qui avait été empoisonnée ...
Stéphanot, l'interrompant : - Tu triches, Eugène, un conte ça doit commencer par Il était une fois, ou alors c'est pas la peine, écris un manga.
Eugène (soupir patient) : - Il était une fois une princesse qu'on avait empoisonné.
Stéphanot, qui se dit que décidément les mangas c'est mieux : - Ah bon, mais par qui ?
Eugène (calme olympien du dragon) : - Si tu ne me laisses pas raconter, tu ne le sauras pas.
Stéphanot : - ... (silence de, bon d'accord je ne dis plus rien).
Eugène :
Il était une fois une princesse qu'on avait empoisonné. En fait, deux fois. La première c'était une vieille sorcière avec une pomme pourrie, mais après un long temps de sommeil et un baiser qui sauve, elle s'en était tirée.
Peu de temps après elle avait rencontré un bon prince, pas très charmant mais plutôt séduisant et qui avait eu ce mérite de n'être pas rebuté par son aspect légèrement maladif. On ne reste pas tout un morceau de siècle à dormir d'empoisonnement sans que ça laisse des séquelles, tu comprends ?
Stéphanot : - Oui mais pourquoi un autre prince ? Celui du baiser ne suffisait pas ?
Eugène : - En fait celui du baiser, c'était une princesse, et puis elle n'était pas restée. Elle n'avait que le temps de sauver les gens, pas celui de s'attarder. Dis mon garçon, si tu écoutais un peu ? Parce que cette histoire-là je l'ai déjà racontée ...
Stéphanot : - ah oui je me souviens, il y avait une histoire d'orange aussi. Pourquoi dans les contes, il faut toujours des histoires de fruits ?
Eugène, pris au dépourvu, ce qui est rarissime : - Je n'en sais rien. Sans doute pour que les personnages ne manquent pas de vitamines ?
(reprenant). Elle n'avait rien contre ce bon prince, elle n'aspirait qu'à un peu de bonheur calme, après les tourments qu'elle avait connus.
Ils se marièrent.
Stéphanot (moqueur) : - et ils eurent beaucoup d'enfants.
Eugène sans se démonter : - Non pas tant que ça, deux ou trois en fait. Mais ils vécurent effectivement heureux. Au moins un bout de temps.
Seulement voilà, le prince devait souvent se déplacer à travers le royaume et les duchés voisins afin de bien faire son métier de prince. Pendant ce temps la princesse restait en leur château à s'occuper de l'intendance et de la progéniture. Ca l'occupait bien.
Lui aussi d'ailleurs. Comme prince, il prenait son métier plutôt au sérieux.
Sauf que ces voyages étaient l'occasion de faire des rencontres. Et que certaines contesses étaient plutôt accortes ...
Stéphanot : - Oh bon ça va, j'ai compris, alors il a planté là sa précédente princesse et elle est morte de chagrin.
Tu sais Eugène, c'est un peu tout des vieilles histoires toujours pareil. Les mangas, c'est mieux.
Eugène : - Tu vas trop vite en besogne. Elle n'est pas morte, du moins pas tout de suite, elle n'a même pas été quittée. Il rentrait toujours en leur château, il était juste un peu distrait et de moins en moins souvent là.
Elle était seule et se sentait triste. Comme les enfants grandissaient et réclamaient moins de soins, elle se trouva avec des heures vides (je vous rappelle jeune homme qu'en ces temps anciens n'existaient ni télé, ni jeux vidéos, ni même musique en conserve, si vous vouliez écouter un air, il fallait le jouer ou le faire jouer ; Stéphanot : - Parce que toi tu crois qu'une princesse elle aurait joué aux jeux vidéos ? ; Eugène : Ben oui, pourquoi pas ? Elle aurait pu jouer en réseau avec les petits princes - ).
Elle tenta d'occuper son temps en se lançant dans le tissage. Il est vrai qu'à l'hiver au château il faisait fort froid et que la confection de chauds tissus pour tentures ou couverture était de toute utilité.
Stéphanot : - Je la connais celle-là, encore une qui va se piquer au rouet et en prendre pour cent ans. Pourquoi dans les contes c'est rien que des histoires avec des princesses qui dorment ?
Eugène (perplexe) : Peut-être qu'elles ont une alimentation déséquilibrée. Pas assez de fruits, manque de vitamines, elles tombent plus facilement malades ...
Stéphanot  : - Mais pourtant on a vu que dans les contes il y avait plein de fruits.
Eugène (ignorant l'interruption) : - Ordonque (1), elle devint vite habille au tissage, et exigeante quant aux matières premières et coloris. Au point d'en rechercher certaines teintures par elle-même. Du vert notamment. Et puis un gris-bleu si difficile à obtenir.
Un matin qu'elle y travaillait, elle fut prise d'un malaise violent. En fait on avait remplacé l'un des constituant par un produit toxique dés qu'on le respirait.
Parce que voilà, l'une des jolies comtesses, à qui le prince avait sans doute promis davantage qu'il ne pouvait tenir, en était venue à tant désespéré qu'elle avait résolu d'éliminer sans plus attendre la source même de son chagrin.
Stéphanot avec ce sens moral rectiligne qu'on a quand on a 10 [ans] : - Et alors, elle a été punie ?
Eugène : - Ce fut inutile. Prise de panique à la vue de celle que l'état de la pauvre princesse avait suscitée, elle s'était enfuie à travers la campagne, qu'elle connaissait mal. Elle a finit dans un marais où elle s'est bêtement noyée en tentant de traverser où il ne fallait pas.
Stéphanot : - bon, et alors, et la princesse ?
Eugène : - On la mis sur son lit et on envoya chercher le prince. Lequel fut fort affligé, car il avait de l'affection pour sa princesse, il ne faut pas croire. Mais il ne savait que faire. Le temps passa. Elle n'allait pas mieux, elle n'allait pas pire. C'était comme si ce poison récent avait réactivé l'effet de la mauvaise pomme et qu'elle avait retrouvé son sommeil mauvais d'avant.
L'homme se remit à parcourir le royaume, ajoutant à ses tâches courantes et rendez-vous professionnels inévitables, celle de recherche d'un antidote. Il interrogeant ainsi peu à peu tout ce que le territoire connaissait de mages et d'enchanteurs ; et croisa même quelques fées. Dont l'une d'elle ...
[là Eugène s'interrompit de lui-même, comme un peu troublé] ... ne le laissa pas tout à fait indifférent.
Peu de temps plus tard, lors d'un autre voyage, il croisa la princesse du baiser, celle qui savait sauver les gens tombés par les pommes, la seule peut-être qui pouvait aider.
Stéphanot : - Et alors.
Eugène : - Et alors. Rien. Il la croisa. Ils se saluèrent. Et c'est tout.
Stéphanot : - Mais c'est nul ! Et puis elle a pas de fin ton histoire.
le "je" des trajets : - Mais ne t'en fait pas, tôt ou tard, ils le trouveront, l'antidote. Et s'ils ne le trouvent pas, moi j'irai.
Stéphanot : - Toi ?
le "je" des trajets : - Oui moi.
Stéphanot : - Mais quand ça ?
le "je" des trajets : - Dés demain, si il le faut. 
(1) merci Kozlika

[photo : passage Brady, le 27 mai 2005]

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Pas de chance avec les princes

   
(Zut alors c'était donc contagieux !)
ou des effets différents mais pas tant que ça entre pomme (empoisonnée) et oranges (assoiffantes)
   
nb : Il se pourrait bien que la narratrice soit Blanche Neige ou sa cousine contemporaine, Eugène le dragon ne m'a hélas pas donné plus de précisions à cet égard et à présent il s'est endormi sur le fil de l'imprimante. Je ne saurais le réveiller pour si peu. Il ne faut pas réveiller le dragon qui dort (c'est bien connu).
       
 
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La dernière fois que j'avais croisé un charmant prince, c'était pour le coup du baiser qui réveille. Sauf qu'en vrai ça fait pas du bien, ou pas tant que ça ou pas tout de suite et qu'en plus c'est tombé que pour moi c'était une princesse.
      
Personne n'en a rien dit dans la version officielle, parce que les lois d'alors n'étaient pas favorables, et qu'il nous aurait fallu recourir à l'adoption pour le et elles "eurent beaucoup d'enfants".  Remarquez, comme ensuite elle n'est pas restée, pas le temps ou bien déçue, ou appelée par quelque prince bien plus digne de son rang, la question ne s'est pas posée et le "vécurent heureux" fut lui-même présomptueux.
       
En tout état de cause, moi je n'avais rien contre, tout ce que j'attendais du fond de mon sommeil tout gris, c'était qu'on me sorte enfin de cette léthargie. Qu'elle me quitte avant d'avoir fini tout bien le boulot n'est sans doute pas de grande importance, l'essentiel était fait, et si j'encaissais les terribles douleurs des membres engourdis qu'on tente de bouger lentement à nouveau, elle m'avait remise en vie et de là au travail.
Je gardais néanmoins de cette sombre expérience, celle du sommeil mauvais et plus tard de l'abandon muet, une solide fragilité.
      
Le sachant, j'aurais dû jeudi sérieusement me méfier. Par affection pour les amis qui m'y conviaient, j'avais accepté sans crainte et dans la joie une soirée auprès d'un Prince lui aussi pourvu de soucis fruitiers, il cherchait trois oranges quand je fuyais une ancienne pomme.   
      
Avant d'en trouver ce remède juteux, il souffrait sans relâche d'une hypocondrie carabinée, qu'aucun médecin hélas, ne pouvait soulager. Grâce à sa quête agrumicole, il s'en est bien tiré.
 
       
Hélas, bien que ne l'ayant pas approché de trop près, restant à l'écart et plutôt haut perchée, je crains d'avoir à mon tour attrapé son mal ; deux jours d'incubation auront suffi à m'en faire à mon tour développer les symptômes, et me voilà ainsi, réveillée mais souffrante et seule et sans recours.
 
      
Dans quelle cuisine trouverais-je alors le remède à mes maux ?
 
    
[Stéphanot, tout à l'heure : - Ben, ça se finit comme ça ?
   
le "je" des trajets  : - Oui, Eugène s'est arrêté là. Et puis là, il dort. C'est une histoire pour les grands, tu sais ; ça ne se finit pas toujours bien.
   
Stéphanot : - Je sais, mais là ça se finit carrément pas. Moi, j'irai la chercher la princesse qui réveille.
    
le "je" des trajets : - La Blanche Neige d'Eugène n'est plus endormie, elle souffre d'un autre mal à présent. Peut-être que la princesse qui réveille ne peut plus rien pour elle, peut-être que c'est pour ça qu'elle est partie, que son travail à elle était tout bien fini quoi qu'on en pense.
   
Stéphanot : - Oui mais moi je suis certain que si elle revient, ça ira mieux. Elle saura comment faire, en tout cas. C'est une princesse magique. J'irai la rechercher.    
   
le "je" des trajets : - Comme tu veux, mais ne tarde pas trop à rentrer si tu ne la vois pas ou si elle ne veut pas. Et dis-lui bien merci d'avoir auparavant tout enchanté nos vies.] 
 

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