Je lis des billets sur les blogs amis, et j'en entends parler ici ou là. Hé oui, le premier confinement, le vrai celui où nous fûmes consignés à la maison c'était il y a cinq ans.
Comme toujours avec les durée, je suis stupéfaite. Cinq ans, déjà !
En plus que ça veut dire que ça fait cinq ans que je suis dans le #NouveauBoulot, qui n'est donc plus si nouveau que ça. Je n'ai vraiment pas l'impression d'avoir tant d'ancienneté dans le poste. Il faut dire que comme les innovations sont permanentes, les changements de configs et les contraintes (Ah Chorus pro et ses charmes, Ah le Pass Culture ...), nous sommes sans arrêt en train d'apprendre.
Concernant le premier confinement, nous avions eu la chance ... d'avoir eu des malheurs les années d'avant. Dont pour Le Joueur de Pétanque et moi les décès chacun de nos parents survivants, et pour moi la perte d'un emploi formidable (mais la librairie dans la rue avait dû fermer, pour devenir un peu plus tard un corner à ground control où ma présence n'était pas requise, ni un salaire payable), la recherche d'un autre, une tentative de reprise qui n'était pas raisonnable avec les moyens financiers dont je disposais, une période épuisante dans une maison de la presse et mon incapacité à vendre du tabac (1). Une période vivifiante comme libraire volante mais très insuffisamment rémunératrice. Et puis cette annonce à laquelle je réponds, pour mon job actuel et début mars 2020, les entretiens.
Je suivais les infos italiennes depuis le départ du Fiston pour une colocation, dans la même ville que nous. L'accès aux chaînes italiennes était payant chez notre opérateur et c'était mon auto-cadeau de consolation pour supporter le vide laissé par son départ. Ça m'a donné un coup d'avance, j'ai tout vu venir, j'étais mentalement préparée.
Je me souviens d'avoir passé un jeudi après-midi un premier entretien, en toute détente grâce à deux amis, dont l'un était venu d'Espagne aller-retour dans la journée ou presque, car il avait pigé que c'était le dernier moment possible, et l'autre nous avait bricolé un petit déjeuner délicieux, à la bonne franquette. Et l'entretien après ça était passé crème, je me disais que l'amitié existait et était quand même un sacré bon socle dans la vie.
Puis il fallait deux autres entretiens et ils furent casés le lundi avant la déclaration du Président Macron qui aller donner à chacun jusqu'au mardi midi pour aller se caler quelque part et n'en plus bouger.
J'ai pu voir les amis Franck et Kozlika en leur balcon en repartant (à vélo), car mon potentiel futur boulot était à peine un peu plus loin que le coin de leur rue.
Puis ce fut un peu Conseil de guerre familial car que faire ? Au bout du compte notre fille nous a envoyé en Normandie. Elle se trouvait en situation de devoir télétravailler et l'appartement était trop petit et encombré pour trois adultes dont une devrait bosser. Le joueur de pétanque allait se trouver en chômage partiel, et moi dans l'attente de savoir si les entretiens avaient été positifs. C'était déjà OK en gros mais j'attendais la confirmation officielle. Nous étions convenus que la date de début de mon contrait serait ... quand nous serions libérés.
Nous avons embarqué nos affaires essentielles, de la bouffe pour 14 jours (pour éviter de faire les courses à l'arrivée et de risquer d'importer le Covid là où nous allions), et zou.
Ce fut une période inquiétante car nous avions peur les uns pour les autres, que des personnes que je connaissais perdaient leurs parents, ou leurs grands-parents, où tombaient malades et restaient un paquet de jours sans plus donner de nouvelles.
Je me souviens qu'étrangement, moi qui suis plutôt de santé fragile, ou en tout cas plus jeune l'avait été, je n'étais pas spécialement inquiète pour moi-même. Ou alors, fataliste.
Plus tard, nous avons appris que nous l'avions sans doute attrapé dans les semaines qui précédaient, car l'époux avait dit avoir été fortement fiévreux et avoir perdu l'odorat et le goût pendant 48 heures. Mais il avait juste eu l'air enrhumé, et à part l'état fiévreux ne s'était plaint de rien. À la suite j'avais eu un rhume, comme l'hiver j'ai une fois ou deux. Une grande fatigue comme j'ai presque tout le temps, à peine un peu pire. C'est seulement quand il avait été question du symptôme spécifique d'être sans odorat ni goût, que monsieur s'était dit, Mais c'est ce que j'ai eu ?!
Partant de là et donc avec cette réserve de l'inquiétude pour les autres, nous avons vécu notre meilleure vie. Pour la première fois de ma vie d'adulte j'ai disposé de deux mois de mon temps, à ma main, entièrement. Pour la première fois, nous avions l'époux et moi une vraie vie conjugale : du temps ensemble qui ne soit pas du temps avec des choses à faire, mais bien du temps où nous pouvions ensemble faire ce qui nous semblait bon. Ensemble, nous étions heureux, tout simplement.
J'ai débroussaillé le petit jardin, lui ai créé un mini terrain de pétanque. J'ai trié une foule d'objet.
Et grâce à une voie verte qui passait non loin de la maisonnette, nous avons joué à respecter à la lettre les contraintes et leurs élargissement, 1 km 1 heure (et donc des aller retours), puis 5 km, puis 10. Et j'ai commencé de sérieux entraînements de course à pied. Des séances spécifiques - puisqu'il n'était dans un premier temps pas possible de faire de longues sorties, il fallait pimenter celles-ci par des blocs de travail, des allures et des rythmes -. Pour la première fois de ma vie il m'est arrivé d'arrêter de lire parce que j'avais assez lu - et non pas parce que je tombais de sommeil ou avais ci ou ça à faire -.
C'était un printemps ensoleillé et chaud, magnifique. J'ai passé des heures dans le petit jardin. À désherber, tailler, sarcler. Nous écoutions un troglodyte mignon qui nous enchantait.
Faisions des séances de tabata grâce à l'un de nos jeunes coachs du triathlon. Petites séances en fin d'après-midi en visio.
Dès notre retour, son boulot reprenait et le mien allait commencer, nous avons été saisis par le flot des temps contraints et n'avons guère disposé de temps pour épiloguer. Je traversais une reconversion, la deuxième un peu radicale, et dans les conditions très particulières que nous traversions (J'ai dû très vite prendre en charge des dossiers, des questions, des "tickets" qu'en temps normal j'aurais fait avec l'appui d'autres personnes), ça m'a totalement engloutie.
J'ai adoré cette vie douce et calme. La liberté dont je disposais. Et clairement compris que la liberté de temps était pour moi bien plus importante que celle de déplacement dont finalement, salariée, j'ai toujours assez peu profité, si ce n'était lors de trop courts congés.
Comme nous avions rejoint la petite maison familiale où des produits courants d'entretiens étaient déjà stockés, et que nous étions partis avec des provisions, et que nous n'étions que deux et pas avec des voracités de jeunes, nous n'avions pas eu à souffrir de restrictions.
Enfin, j'avais du temps pour écrire ; ce qui fait que je me sentais libre d'être moi-même.
(1) Il faut dire que moralement, ça me posait question. J'avais l'impression que l'on vendait aux gens leur poison.