Il ne nous restera même pas ça (Fotolog has been closed without forewarning)


    8853933627_285a539765_oHier, j'avais le temps de mettre à jour mon fotolog, j'étais à la BNF, ça ne fonctionnait pas. Ça n'était pas la première fois que le réseau de partage de photos semblait ramer, et parfois à la BNF certains sites semblent rejetés par le proxy, je ne me suis pas plus que ça inquiétée. 

Ce matin, de chez moi, même avis d'absence, pas même un cache disponible. 

Alors je suis allée à la pèche aux informations et suis arrivée jusqu'à plusieurs articles qui évoquaient sa fermeture, par exemple celui-là, ou cet autre, aucun ne fournissant davantage d'éclaircissements, ni la réponse à la question clef : comment récupérer nos données ?

Sur twitter j'ai pu constater que je n'étais pas la seule à n'avoir pas été avertie de la prochaine disparition de fotolog. Il se trouve que j'avais, afin d'éviter la publicité et de pouvoir publier plusieurs photos par jour, souscrit à l'option Goldcam, payante légèrement. Ça fonctionnait par renouvellement mensuel et fin décembre j'ai payé ma paire d'euros pour janvier, tutto bene, aucun avertissement, aucun mail, rien si ce n'est la trace du réabonnement. 

Je suis parvenue à remonter jusqu'à HiMedia Group qui avait racheté fotolog en novembre 2007. Mais que ça soit sur Twitter ou ailleurs le moins qu'on puisse dire c'est que pour une entreprise de communication ils ne sont pas très causants. La page wikipedia la plus complète n'est pas non plus d'un grand secours.

Bref, toute info est la bienvenue. 

Jusqu'à présent, toutes les plateformes que j'ai connues qui ont fermé ou changé leur mode de fonctionnement avaient prévenu au moins quinze jour à l'avance et proposé des liens vers un téléchargement personnalisé. Twitpic, par exemple, fut parfait, ou MySpace lorsqu'ils ont fermé la partie blogs, ou encore U-blog ou posterous.

Fotolog avait connu à plusieurs reprise des périodes de plantage et son message de surcharge, quoiqu'un peu moins connu que la baleine de Twitter restait assez célèbre. En internaute aguerrie, j'avais à plusieurs reprise cherché en vain sur le site une possibilité de download pour sauvegarde, et n'en trouvant point ni d'adresse de contact efficace (j'ai retrouvé la trace d'un [email protected] mais qui ne répondait guère), je m'étais mise en tête de créer mon propre blog miroir :

Clandestines Sardines

et depuis quelques temps j'y dupliquais toutes mes entrées. C'était une copie de sauvegarde : le charme des échanges n'y était pas ou plus.

D'ailleurs à part quelques amis de la vie d'en vrai, la fermeture sans préavis m'aura fait perdre bien des amateurs d'images avec lesquels j'échangeais depuis longtemps.

Je n'ai pas eu le temps d'y porter mes archives puisqu'il fallait le faire image par image et que j'y figurais depuis l'été 2004 avec une photo par jour, fors à certaines périodes. Je m'étais précisément dit qu'en ce mois de janvier puisque je n'ai pas de travail salarié, j'aurais peut-être enfin le temps de m'y coller.

Trop tard.

Il ne me reste plus que quelques copies d'écran, réalisées lors de jours où le site ou ma connexion plantouillait 

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, une tentative de compilation, abandonnée par manque de temps, et 163 billets miraculés grâce à pinterest  Car il ne sera pas dit que je ne m'étais pas méfiée du côté "travail sans filet". Simplement je n'avais pas disposé du temps libre suffisant.

Alors comme sans doute tant d'autres utilisateurs de la plateforme - malgré les départs vers instagram et autres réseaux, nous étions des millions - je me sens privée d'un pan de mon passé. C'est bien moins grave qu'après une mort, une rupture subie, pour les objets un incendie (ou une inondation majeure, ou un cambriolage complet), mais c'est une trace des dix années écoulées qui sans préavis s'en est allée et qui tiraille dans la même zone que celle des blessures des deuils de 2015, d'un "Ça serait mieux qu'on ne revoie pas" qui date qu'il y a dix ans, et d'une sorte de "Va-t-en, j'ai trouvé mieux" qui en a bientôt trois, tout ce qui tient d'un événement du présent qui bousille notre passé rétroactivement ou dans ce cas précis l'efface. Une sorte d'Eternal sunshine of the spotless mind de nos souvenirs numérisées. 

PS : Les photos en tant que telles ne sont pas perdues, je sauvegarde régulièrement mes images, mais les textes et la sélection quotidienne si.

[copie d'écran : comme disait en 2011 ou 2012 le fiston] 

addenda du 15/01/16 00:13 : Grâce à une indication de Benoistj je vais pouvoir en récupérer 188 autres


Le téléphone à cadran

(rêve de sieste étonnant (1))

(le début s'est échappé, j'ignore de quoi il était fait) Je rentre dans notre immeuble j'ai dû repasser prendre quelque chose pour la suite. Dans le songe c'est clair, par exemple les maillots de bain pour aller nager (peut-être qu'il y a la mer à Paris, c'est un de mes rêves récurrents), ou le pique-nique pour aller pique-niquer ou des livres que je dois apporter à quelqu'un. Ce qui reste : ce n'est pas quelque chose de triste ni de grave, simplement une chose à faire vite fait : monter à l'appartement, prendre le nécessaire et m'en retourner. 

Je remarque que dans le hall d'entrée sur la droite existe désormais un petit ascenseur individuel et je pense qu'il a été installé probablement pour Madame xxxxx vieille voisine qui a du mal à marcher (2). 

Je me dirige vers l'ascenseur habituel qui est le nôtre, ancien, en bois, mais une fois la porte fermée m'aperçois que les boutons n'y sont pas (3). Alors que je me dis qu'il serait plus prudent de sortir, il démarre cependant. Je suis plus amusée qu'effrayée, où va-t-il me mener ? Il est lent, s'arrête par moment. Je m'apprête à devoir supporter une attente avant d'en être libérée et commence à m'armer de patience. Mais il reprend son ascension. Puis avance de manière latérale. Je m'aperçois d'ailleurs que je vois le paysage qui est ensoleillé et plutôt agréable, les beaux quartiers d'une ville en Inde tels qu'entraperçus dans le film The Lunchbox (4), l'ascenseur s'arrête alors dans une autre partie de l'immeuble voisine de la première, c'est un hôtel confortable et en même temps chez moi (5). 

D'ailleurs mon fils est là, à son âge de maintenant (6), qui m'aide à préparer mon sac avec ce que j'étais venu chercher. Alors que nous nous activons, sort d'une table de chevet en marqueterie un son de fax qui s'imprimerait. J'ouvre la petite porte qui est comme celle des meubles à minitel (7) et effectivement c'est un écran de minitel Socotel-s63-vue2mais sur un téléphone gris à cadran dont je me dis qu'il ne va pas rester là longtemps, alors j'appelle le fiston qui est en train de sortir des objets de cartons comme si nous nous installions quelque part après un déménagement, 

- Viens viens, dépêche-toi c'est ta seule chance de savoir comment c'est d'utiliser un téléphone à cadran.

Il se moque légèrement, Ben oui il est à cadran, mais c'est quoi de spécial ?

- Allez, essaie, c'est marrant.

Il s'exécute, ça le fait marrer, et je suis contente pour lui. Je sais qu'après une numérotation l'appareil ne pourra plus servir ou qu'il disparaîtra et je trouve bon qu'elle soit pour lui.

Je me réveille heureuse. 

  

(1) Ceux des rêves dont je me souviens sont en général rarement oniriques mais très terre à terre : pas exemple je vais faire les courses dans une ville qui ressemble à la mienne mais pas tout à fait, ou je fais le même travail qu'en vrai pour gagner ma vie, mais dans un autre endroit. C'est souvent très concret.

(2) En fait c'est une jonction avec la réalité d'une cliente de la librairie qui loge dans un immeuble où les ascenseurs sont privés s'arrêtant directement dans chaque appartement et la porte de sortie de l'ascenseur est leur porte d'entrée.

(3) Trace d'un regret pour ceux en bakélite sauvagement remplacés par un tableau de bord aux nouvelles normes pour handicapés (alors que l'ascenseur est trop petit pour un fauteuil roulant)  

(4) Ce n'est pas une réflexion a posteriori mais bien dans le rêve lui-même dans lequel je me dis, Mais je suis dans la ville de The Lunchbox 

(5) Pas besoin d'aller loin : c'est l'hôtel Best Western à Uccle place des Héros et ses deux ailes avec chacune un ascenseur distinct.  

(6) Souvent dans mes rêves mes enfants sont encore petits.

(7) Celui-là vient d'Arras de la chambre d'hôtes que nous y louons. Et la marqueterie d'une petite table chez mes parents. 

PS : Photo de socotel S63 (l'exact modèle du rêve) empruntée ici en attendant d'en retrouver une des miennes de celui de chez mes parents.


Never say never (Bernard Pivot, bon dimanche, François Mitterrand)


    Si l'on m'avait dit qu'un jour, je pourrais me dire face à un early sunday evening five o'clock blues, J'ai passé un bon dimanche grâce à François Mitterrand, et bien ri, je n'en aurais rien cru.
Si l'on m'avait en plus dit que ça serait grâce à Romain (Slocombe) dont j'apprécie tant les livres (pour certaine gamme de ses photos disons que je ne fais pas partie du ... cœur de cible), je serais restée incrédule : du temps de l'émission en question je vivais dans un monde où l'on pouvait ignorer que le métier de réalisateur de cinéma existait et où les écrivains étaient des martiens dont après de longs voyages certaines œuvres parvenaient jusqu'à nous. Du temps de l'émission en question, si du haut des mes quinze ans je remarquais qu'il y manquait les femmes, je me disais simplement qu'elles avaient eu mieux à faire qu'à passer à la télé, qu'elles n'avaient pas envie de jouer à ce genre de football - ça ne me venait pas à l'idée de songer que c'est peut-être qu'à part Duras leur présence n'avait pas été envisagée -. J'étais seulement capable de penser que l'imposant politicien ressemblait terriblement à mon père, surtout lorsqu'il évoquait ses années en pension et que l'homme bafouillant avait un charme fou.

En attendant, du fin fond d'un dimanche de novembre, solitaire, un peu triste, de la deuxième décennie du siècle suivant, je me suis régalée de les écoutant (1) et que j'ai bien ri. Il ne faut décidément jamais dire jamais.

 

(1) C'est sans doute une ré-écoute, je me rappelais trop bien certains propos ; or à 15 ans encore on m'obligeait à me coucher tôt. J'ai donc dû voir une rediffusion il y a quelques années.


"La première fois que j'ai bu le vin sans eau [...]"


    L'inconvénient d'être libraire, c'est qu'il est parfois difficile de résister à la tentation surtout si l'on sait que le livre qui nous tente ne sera pas présent longtemps. J'ai ainsi craqué aujourd'hui pour "Les mystères du vin" de Noël Balen aux éditions Transboréal et qui ne coûtait qu'une heure de travail (1).

En commençant sa lecture dans la cafétéria de la BNF où je grignotte un morceau avant d'attaquer ma troisième journée (2), je suis restée en arrêt devant cette phrase qui m'a fait le coup de la madeleine, en plus liquide : 

"La première fois que j'ai bu le vin sans eau, ce fut avec mon autre grand-père, un montagnard [...]"

Elle suivait quelques paragraphes où les traditions de nos campagnes ou des régions viticoles étaient décrites, celles du moins concernant le vin et son initiation pour quelqu'un de ma génération. 

C'était un temps où les adultes, sauf contre-ordre médical qui les faisaient plaindre, buvaient par défaut du vin. On buvait à table de l'eau enfant, puis du vin. Quand un adulte au repas demandait de l'eau c'est qu'il devait prendre un médicament. Mon oncle Étienne faisait exception qui sujet à des migraines coupait le vin d'eau. Et pour quand les enfants grandissaient, pour peu qu'ils en manifestent l'envie, on en faisait autant pour eux.

Je crois que la première fois que j'ai bu du vin coupé d'eau c'était en Italie, un barbera ensoleillé de ceux qu'un de mes oncles rapportait en dames-jeanne de chez le viticulteur et qui était trop bon, si bon aussi pour la santé (ce qui se disait) qu'il eût été dommage que les enfants n'en profitent pas.

J'ai aimé ça. J'avais sans doute déjà cette particularité physique qui me permet de boire sans ivresse (3), je ne comprenais donc absolument pas pourquoi les adultes faisaient tant d'histoires pour empêcher les enfants de boire du vin - car le boire coupé d'eau n'était pas en boire -.

(Il faudrait qu'un jour j'établisse une liste de tout ce que je n'ai pigé que récemment, persuadée que ce que j'éprouvais ou n'éprouvais pas était la norme, la moyenne, alors qu'en fait pas ; entre autre avec l'énergie, je ne savais pas que c'était possible, adulte, d'en avoir trop et d'éprouver le besoin de la canaliser)

Je dois reconnaître que les adultes de mes deux familles paternelles et maternelles avaient la boisson maîtrisée, et si le ton et les rires en cours de repas montaient, je n'avais jamais vu parmi eux personne ivre. Ceux qui l'étaient c'étaient : à la bière d'imprévoyants ados et sinon les pères de famille qui après le boulot prenaient avec les collègues de trop copieux apéro (et donc : du pastis, des alcools forts).

Le champagne, quant à lui, faisait exception, les enfants avaient le droit de boire une gorgée, lorsque l'on trinquait. Il faut dire que le champagne n'était sorti qu'à l'occasion des fêtes, familiales ou générales et que le risque d'accoutumance était conséquemment léger.

On disait : les enfants, les jeunes doivent éviter l'alcool tant qu'ils n'ont pas fini leur croissance. Comme grâce à Giscard d'Estaing (4) on était majeurs à 18 ans, il était en gros considéré qu'à 18 ans on avait enfin le droit de boire comme des grands.

Je crois cependant que la première fois que j'ai bu du vin sans eau date d'avant, que c'était vers 16 ans à un repas de fête à Turin chez mon oncle Nicola et ma tante Paola, ou peut-être dans l'un des somptueux restaurants dans lesquels nous invitait mon oncle Piero, une de ces occasions où le vin proposé était trop bon pour être coupé d'eau et que j'en avais profité pour suggérer que je pourrais peut-être le goûter tel que.

Et je l'avais trouvé âpre mais je m'étais dit que probablement, plus tard, je comprendrais. qu'à un moment donné je deviendrai apte à apprécier des goûts comme ça, compliqués. Des goûts à plusieurs voix. Et j'avais déjà pigé depuis plusieurs années que l'on peut trouver une boisson ou un met divins dès lors que les circonstances qui nous le font découvrir sont des très bons souvenirs en cours de fabrication.

Pour l'heure, si longtemps plus tard, devenue amateure de whiskies, ayant moins d'occasion de goûter les grands vins, je suis reconnaissante à Noël Balen de m'avoir rembarquer dans l'Italie des années 70, la Bretagne ou la Normandie, ces moments de détente où la vie riait et l'avenir, pas notre avenir particulier, mais celui de toute l'humanité semblait plein de promesses et porteur de progrès. Paix et prospérité. La seule menace était la guerre froide, mais même ça nous avions l'impression que ça s'arrangeait (5). 

 

 

(1) Le hic c'est qu'à force d'acheter des livres qui ne coûtent qu'une heure de travail je cours le risque de vendre chacune d'elles plusieurs fois.

(2) La première étant l'intendance corporelle et ménagère, la deuxième celle de libraire, la troisième celle d'écriture et de lectures instruisantes. 

(3) Je n'ai guère eu qu'un peu la tête qui tourne pour mes toutes premières bières, mais la bière y était pour bien moins que l'amour. Je suis d'ailleurs restée fidèle ... à celle qu'il m'avait fait goûter - du moins lorsqu'elle est disponible -.

(4) Du moins c'est sous sa présidence que la majorité légale est passée de 21 à 18 ans, et si les adultes considéraient que c'était de la démagogie, les jeunes, eux, étaient ravis.

(4) Depuis que Nixon, qui avait quand même un méchant côté va-t-en-guerre, avait été contraint par l'affaire du Watergate à démissionner, on se sentait (presque) rassurés.


Un des plus beaux cadeaux qu'en mots l'on m'ait faits


    C'était en début de soirée une dame moins jeune que moi qui entrait dans son appartement dans lequel avec son assentiment je l'avais précédée, la porte étant restée ouverte ainsi que l'avait laissée la dame qui l'accompagnait, et qui a dit :

- Comme ça fait du bien de rentrer et de trouver la porte ouverte.

Madame, ça m'étonnerait que vous passiez du temps à flâner sur l'internet, mais sachez que tant que je serai moi-même, je n'oublierai jamais.  


La fin de Twitpic (et la subséquente réapparition de la piscine de mes rêves)

Hier ou avant-hier en voulant partager une photo via twitpic, je me suis trouvée face au message suivant : 

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C'était au départ l'outil de partage d'images associé (je l'ai du moins longtemps cru) à Twitter et qui a dû ne pas pouvoir continuer longtemps après que ce dernier avait offert la possibilité d'en publier directement.

Lequel Twitter qui non content de ressembler de plus en plus à un facebook sans les événements, est en train de se saborder (merci @Le_M_Poireau pour le lien) ; à force nous n'aimerons plus y partager nos mots instantanés. Ce soir, à l'instar du Poireau je suis d'ailleurs allée sur Tsû qui semble posséder quelques charmes du Twitter des premiers temps. Mais le risque est que chacun au bout du compte migre dans un coin différent du voisin que l'on avait plaisir à côtoyer ailleurs que sur l'incontournable FB.

 

Ce qui est curieux c'est que je m'étais posée récemment la question de la sauvegarde des images ou copies d'écran que je déposais sur Twitpic. Voilà qui est fait. J'ai exporté mes données. 

Et récupéré d'une part mes photos ... de l'autre leurs légendes. 

Aux heures perdues dont je ne dispose pas, je reprendrais donc peu à peu leur réassemblage. 

Le blog est créé

Sauvegarder le téléchargement général a été l'occasion d'entrevoir les clichés, certains avec le sourire - la plupart des images rassemblées là ont ce but pour l'essentiel -, et d'autres le cœur étreint. En 2013 les hommes ont tourné une page de ma vie dans laquelle j'avais l'espoir d'un jour pouvoir être bien et sans laquelle j'ai été atterrée. Le temps (tic-tac), la petite famille, les amis m'ont aidée à me relever. Tomber quatre fois, se relever cinq, comme dirait Philippe. Chaque fois pour des ruptures subies cumulées avec des périodes de fréquentation assidue des hôpitaux pour accompagner quelqu'un - pas toujours la même période, heureusement -. Cumulées avec des difficultés professionnelles et financières. Les liens entre tous ces points n'étant pas si évidents, comme s'il s'agissait à chaque fois d'une tempête générale. J'ai beau avoir recommencé à pousser mon petit rocher vers le haut de la colline, je commence à me lasser.

Par exemple, revoir la piscine de mes rêves n'est pas encore anodin. Elle est toujours la piscine de mes rêves en fait. Quand y retournerais-je ? 

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PS : Lu aujourd'hui l'édifiante histoire de Stephen Hawking dont je connaissais pour partie les travaux, ou du moins la vulgarisation qui en fut faite, mais non la vie privée et le rapport avec la maladie. D'habitude je ne m'intéresse que de très loin à la vie privée des gens que je ne connais pas, mais j'ai trouvé que quelque chose dans son cas était édifiant - ceux qui ont choisi de faire son biopic comme ils disent (dont j'ai vu la trace ici), ont dû supposer l'édification potentiellement rentable -. Passé leurs égarements les hommes reviennent parfois. Mais dans quel état.


Patois (et l'irruption d'un sombre souvenir d'accident voyageur)


Malgré les efforts insupportables du crooner d'hier qui nous a seriné à longueur d'après-midi de vieux tubes bien pourris en les modulant avec un vibrato de super-marché, le juke-box fou que j'ai dans ma tête m'avait ce matin pourvu d'une chanson ancienne que je tenais de ma mère et dont le refrain comporte ces vers : 

Et pourtant je regrette tant, je regrette en secret
La gentille maisonnette que mon père habitait.

J'en ai vite retrouvé une version sur l'internet et capté via un forum qu'il s'agissait d'une chanson-tiroir dans laquelle chacun pouvait glisser les paroles qu'il voulait. Et puis je suis arrivée sur un blog qui me parle de ma Normandie (c'est assez logique étant donné que la chanson me vient de ma mère) et de questions que je me pose aussi quant à ce qui est en patois et ce qui ne l'est pas. Parfois ma mère elle-même ne le savait pas. 

Au passage je lis un billet qui me parle comme on disait. Il y avait ce truc dans ma famille aussi, que les ennuis de santé devaient se taire. Je n'ai jamais compris pourquoi. Il ne s'agit pas de se plaindre, non, mais au moins de prévenir l'entourage, les collègues, les amis que si une personne est absente ou amoindrie ce n'est pas sans raisons. Pourquoi reste-t-il comme un vieux fond de honte avec la maladie ?

En plus que ça n'est pas rendre service aux autres. Par exemple j'ai longtemps ignoré que j'étais porteuse d'une anémie. Je me faisais engueuler par ceux qui auraient dû me prévenir, parce que je ne m'étais pas assez couverte (?!) et que j'étais encore enrhumée. Je sais aussi que lorsque j'avais une douzaine d'années mon père a été opéré de quelque chose au ventre. L'omerta fut parfaite : je n'ai pas su de quoi. Là où je travaillais un suicide aurait pu être probablement évité si l'on nous avait avertis que ce nouveau responsable venu d'un poste de haut niveau qu'il tenait en Italie était en dépression. Un suicide d'un ancien du service, celui-là mûrement réfléchi avec toute une stratégie : quelqu'un qui souhaitait vivre à fond et choisir son heure, avait eu lieu quelques jours auparavant. Au cours d'un déjeuner auquel j'ai eu la chance de ne pas participer, l'homme récemment arrivé s'est enqui de l'affaire, des détails, du procédé. Il a sans doute mesuré que la communauté de travail gardait estime au disparu et le pleurait. Lui-même n'en pouvait plus mais on l'ignorait. Après avoir quitté les collègues à ce moment d'après la cantine lorsque les liseurs passent à la bibli, les fumeurs au bureau de tabac, les mères de familles grapiller quelques minutes de soirée disponible en allant faire quelques courses au proche Monoprix, il était allé se jeter sous le RER A (1).

Alors voilà il ne s'agit pas de geindre ni d'en faire tout un plat, mais dire les choses avec les mots précis c'est ce qu'on peut faire de moins mal ou de mieux. De toutes façons tenter de taire c'est ouvrir la porte à toutes sortes de commérages, rumeurs et autres ragots. Il vaut mieux le dire quand quelque chose ne va pas. 

 

(1) Je crois bien que je revenais de quelque part, peut-être du métro Sentier près duquel était installée la discothèque (là où l'on empruntait des CD, pas une boîte de nuit) et que remontant ligne 3 vers Opéra j'avais entendu l'annonce de "l'accident voyageur" qui interrompait la ligne A. Combien il était étrange et douloureux de constater que l'inconnu accidenté n'en était pas un, en fait. 


L'ordinateur de mon rêve

 

Une fois de plus cette nuit comme d'autres jours de la semaine et du début de l'été j'ai été réveillée par la pluie qui en rideau tombait. Le rêve en cours dont je crois avoir conscience qu'il durait depuis un moment s'est interrompu aussitôt et désintégré, n'en reste qu'un arrêt sur image de l'action en cours lors de l'interruption : j'étais en train d'écrire (un texte long, un roman ?) sur un Goupil G5 (1). La précision technique de mes rêves me laisse parfois tout espantée. SMT-Goupil-G5

source de l'image : l'ordinateur de nos greniers

(1) Type d'ordinateur sur lequel j'ai beaucoup travaillé lors de mes débuts professionnels. De ceux qui avaient des disquettes 5 pouces et l'écran monochrome je crois les caractères en orange sur fond noir (ou sinon gris, ou sinon verts)


Choses qu'on savait mais qu'à voir ça peine

 

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Je n'étais pas retournée depuis sa pré-fermeture à la librairie où j'ai aimé travailler et où j'aurais appris malgré les temps difficiles grâce à un homme passionné (et qui quoi qu'il en disait le restait) les beautés du métier. (Les difficultés pas besoin de les apprendre on se les mange en plein dans le nez). 

L'homme de la maison est venu ce soir me chercher à mon nouveau travail et c'était un peu comme si nous marchions au hasard, mais un peu pas totalement. À un moment donné il m'a proposé puisque nous nous sommes trouvés à dîner non loin, de passer, allez.

Je crois qu'il avait compris que comme pour les chutes de cheval, il ne faut pas trop attendre pour remonter en selle lorsqu'elles ne furent ni handicapantes ni mortelles. Je crois qu'il a compris aussi qu'il vallait mieux à causes des chagrins coordonnés, que je n'y passe pas en étant seule et que comme il n'y a plus personne d'autre pour le faire, il s'est finalement dévoué. 

Qu'enfin il était peut-être plus que moi un peu curieux de voir ce que ça donnait, qui préférais ne pas me hâter d'être confrontée au fait que déjà mes années là étaient de l'ordre du pur souvenir.

Voilà donc en lieu et place d'une librairie qui ne manquait pas d'âme, une prochaine boutique d'une enseigne générique vinicole. C'est plutôt honorable, au vu du quartier et je peux supposer que c'est le moins pire des successeurs possibles. Des personnes repartaient de ces lieux avec un bon livre, elles repartiront avec une bonne bouteille, l'endroit restera un lieu où l'on vient chercher des pièces de réconfort.

J'étais presque avertie, je n'ai pas été prise par surprise, rien de cet ordre. Il n'empêche que c'est le même écart qu'entre être quitté(e) par la personne qu'on aime et du coup ne plus se voir et finalement un jour la croiser au bras de son ou sa nouvelle bien-aimée. On était super bien placé pour le savoir, ce nouveau couple qui s'était formé, mais le voir tripe les entrailles.

Finalement la boutique et moi avons subi sort semblable, d'être éliminée pour un produit plus standard, mieux adapté à ce monde d'apparences, de fric et de rendement. Un monde où l'on a de moins en moins la possibilité d'être différents, d'avoir sa façon, de refuser le "faire semblant".

Et je suis très consciente que mon pincement au cœur devant le nouvel aspect des lieux n'est rien à côté de ce que doit éprouver mon ancien patron si d'aventure il vient à passer - peut-être que comme je l'ai fait pendant près d'un an, il a évité d'avoir à le faire récemment -. Malgré mes limites physiques qui m'ont empêchées d'écrire comme je voulais (surtout la dernière année, cet hiver qui refusait d'en finir), j'aurais connu grâce à lui en ces lieux un vrai temps de bonheur professionnel. C'est quelque chose qui ne s'oublie pas.

Il est étrange pour moi de constater à quel point la destruction de mes lieux de travail successifs semblent être une constante ; dans la mesure où je n'y suis pour rien, je me demande s'il ne s'agirait pas d'un élément symptômatique de notre époque, que tout salarié s'y trouve même si à moindre degré concerné.

Enfin, cette crise dont on souhaite nous faire croire qu'elle est derrière, continue ses ravages : le nombre de boutiques il y a un an encore actives désormais vides équipées d'un panneau "bail à céder" et de "Bureaux à louer" dans les étages dans les avenues et rues entre mon ancien lieu de travail et la gare Satin Lazare a augmenté d'une façon qui s'impose à l'œil.  CIMG7705

Comme chantait Souchon dès 2005, "Putain, ça penche. On voit le vide à travers les planches"

 

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Complètement cramé (18 ans déjà)

 

Dix-huit ans déjà que par un beau dimanche matin je reçus de Hong Kong un très étrange coup de fil d'un bon vieux copain de promo et qui disait : - "Dis Gilda, je crois que ton bureau est en train de cramer". J'ignore quelle heure il était chez lui, peut-être victime d'une insomnie, d'un petit coup de Heimweh, regardait-il les infos de Paris, "C'est sur France 2" m'avait-il dit. 

Je ne savais pas, ça alors. Ben je vais aller voir, merci, ai-je répondu en substance peut-être assorti d'un Hé merde bien senti. Je me doutais qu'un incendie, aux salariés n'apporterait que des ennuis. 

J'ai raccroché, j'ai dit J'y vais. Je ne sais pas pourquoi comme ça j'avais filé, ça ne changeait rien. Je crois que je voulais voir l'ampleur du désastre, savoir que faire au lundi, si c'était seulement l'agence bancaire au rez-de-chaussé où les étages qui étaient touchés. Je n'ai appelé aucun collègue, je voulais voir d'abord.

Et quand j'ai vu sortir un gros panache noir des fenêtres précises où étaient nos locaux, c'est à mon amis Pierre que j'ai téléphoné. D'une cabine (1). Les pompiers ou plutôt la police avait bouclé le périmètre. J'ai le souvenir d'une bonne dame équipée d'un cabas dont dépassait un poireau et qui tentait vainement d'obtenir l'accord pour retourner chez elle. Elle était sortie faire son marché et voilà qu'elle ne pouvait plus rentrer. Elle avait au moins de quoi manger.

L'incendie faisait rage, je me souviens de l'avoir très exactement pensé que j'avais sous les yeux l'illustration même de cette expression, qui se révélait (hélas) sans exagération. 

Je me suis revue le vendredi soir finir un peu plus tard pour achever une sauvegarde, étiqueter soigneusement la disquette, la ranger dans un boitier avec quelques autres déjà ordonnées, le boitier dans le placard derrière mon bureau, de ces placards professionnels hideux avec rideau coulissant gris, d'avoir fermé à clef, la clef dans le pot à crayons - pour le principe -, revenir sur mes pas alors qu'au seuil de la porte, car les fenêtres, élevées (par elle on ne voyait pas elles étaient au dessus et je souffrais énormément de cette sensation d'enfermement) étaient restées ouvertes. La manivelle, les refermer. Dès fois qu'il y ait un orage, sait-on jamais.

De mon bureau lui-même il n'est rien resté : il s'est trouvé dans une partie du bâtiment qui s'était écroulée. Celui qui était à l'époque ma directe hiérarchie me confiait tous les documents importants : j'étais du genre organisée (essentiellement pour ne pas perdre ensuite du temps), lui non. Au moins dans ton bureau, on sait où ils sont. 

On savait désormais qu'ils avaient entièrement brûlé. 

Alors que son propre bureau sis dans la partie que les pompiers s'étaient acharnés à préserver - zone des hautes hiérarchies, œuvres d'art aux murs, et sans doute dans les coffres des secrets bien gardés - n'avait que peu été touché. Et qu'il récupéra l'intégralité de ses dossiers. Sous une couche de cendre noire poisseuse, sans doute un peu toxique, mais néanmoins.

J'étais rentrée peu auparavant de congé de maternité et n'avais pas encore eu ni le goût ni le temps de personnaliser ma place. Hormis une calculette, et un vieux dictionnaire de l'informatique, déjà vieux en ce temps-là et que je gardais pour les définitions d'appareils déjà alors obsolètes dont la description m'amusait, je n'ai rien perdu de personnel dans l'aventure. En revanche de précieuses archives professionnelles, dont des classeurs de dépannages informatiques où je m'étais constitué un stock très utile de "pannes vues", les symptômes et leur solution. Comme une partie de notre travail consistait à aider des utilisateurs parfois lointains, cette documentation sur mesure était très utile. Elle me manqua longtemps.

De même qu'au fil des ans et des demandes, des programmes, des fichiers, des documents qu'on prenait alors conscience d'avoir eux aussi perdus.

La perte d'intérêt du poste que j'occupais date de ce moment-là : au lieu d'être sur de nouveaux projets nous avons passé notre temps à combler ce qui n'aurait pas dû cesser d'exister. Quand ce fut éclusé nous avons dû nous gaver les modifs et tests de passage à l'an 2000 puis le passage à l'euro (et dans les fichiers et bases de données tout ce que ça impliquait).  C'est à dire des surcharges de travail mais uniquement pour des choses mécaniques, qui n'en appelaient pas à de la réflexion satisfaisante ni à un savoir-faire exceptionnel. Finies les journées bouclées en se disant, Mazette, j'ai résolu ce point délicat, je ne m'en serai pas cru capable ; et d'avoir un emploi fastidieux mais comportant d'un point de vue neuronal de stimulantes satisfactions. Ingénieur, quoi.

Nous avons été du lundi - oh la rencontre fortuite d'un bon ami d'alors, perdu de vue depuis, j'ignore encore pourquoi : il a cessé de venir aux week-ends du ciné-club puis n'a plus répondu à rien et qui me croise sur le trottoir à la hauteur d'alors Del Duca, Que fais-tu là ? - C'est mon bureau, il a brûlé et je montre le bâtiment et lui qui passait en se hâtant lève les yeux et voit l'étendue du désastre - au mercredi en chômage technique, dès le jeudi dans des locaux à la Défense à rebrancher des ordis qui étaient des périmés d'autres services, de ceux qu'on garde dans une réverve pour pallier une panne d'un plus neuf. J'ai un plutôt bon souvenir de la période Remontons nos manches et les mains dans le cambouis. J'aimais la bidouille, une liberté retrouvée. Loin du Siège Social nous subissions moins la pression hiérarchique, je me suis même autorisée à venir bosser en jean (ben oui quoi, on bricolait). Le jean étant pour moi le vêtement de travail parfait. Le bleu de travail. Tout autre tenue me voit moins efficace, fors le maillot de bain pour nager et le short pour le foot.

Je n'ai plus jamais retrouvé mon aptitude à ranger. L'appartement en témoigne. C'est l'année où les choses puisqu'elles n'étaient plus faites à mesure, ont commencé à déraper, les papiers à s'entasser, les vêtements et les chaussures à subir du retard dans leur indispensable tri Été / Hiver. (Les livres pour leur part avaient déjà tendance à proliférer, je ne crois pas que l'incendie ait modifié quoi que ce soit).

Dès années après il m'est encore arrivé de remarquer une perte que le feu avait occasionné. Ainsi ce matin en lisant ce billet chez Baptiste Coulmont, un début d'étude marginale que j'avais faite sur les fréquences par années des prénoms et comment les modes descendaient les niveaux hiérarchiques car j'avais remarqué cette tendance via quelques données (dont un sous-fichier pour l'arbre de Noël en l'occurrence, pour lequel j'avais été en désespoir de cause chargée d'ôter les doublons et triplons à la main (1) d'où l'attention sur les prénoms ; la rubrique "naissances" du journal interne, également). Voilà, 18 ans après je prends conscience de sa disparition. Mon petit chef, que ça amusait et qui trouvait qu'il s'agissait d'un excellent entraînement, m'avait à l'époque donné sa bénédiction à condition que ça soit fait sur les interstices quand les sujets officiels piétinaient.

Il y avait aussi une magnifique étude sur les temps de transports en Île de France dans les années 70 et qui était passionnante pour qui savait décrypter. Je l'avais un jour sauvée de la benne - les temps avaient changé, on ne se souciait plus du confort des salariés, au contraire, on avait bien envie de les décourager -.

Je n'éprouvais pas d'attachement affectif envers mon travail, c'était un gagne-pain et vécu comme tel. Je m'efforçais d'être irréprochable, effectuais mon travail du mieux que je pouvais, mais mon âme ailleurs vivait. Il n'empêche que tout perdre, brutalement, par le feu est une expérience qui reste, laisse des traces, et nous change. Je me suis souvent demandé comment des collègues qui eux "s'investissaient" et aussi ceux qui personnalisaient beaucoup leur poste de travail s'en étaient au fond tirés. Peut-être mieux que moi qui me croyais détachée, mais suis sensible aux infimes infinis détails du quotidien.

Il m'arrive encore de rêver du siège social tel qu'il était, en particulier le gymnase au sous-sol (que mes songes agrémentent volontiers d'une piscine), le jardin intérieur en soubassement (sans doute pour cela que celui de la BNF me "parle" autant), l'escalier en double révolution (revu depuis, il a survécu) et puis "l'entrée en tombeau de Napoléon" côté arrière, voulue par l'un des présidents, des années de lourds travaux ... partis en fumée.

 

(1) Il fallait veiller qu'un même enfant ne perçoive qu'un seul cadeau or certains pouvaient apparaître trois fois à la suite d'un divorce et d'un remariage au sein de l'entreprise, déclaré par la mère, le père, la nouvelle femme du père. Le gros des troupes filtrables par programme, mais toujours de somptueux cas particuliers. Certaines personnes ayant visiblement des existences agitées mais que ça n'empêchait pas de vouloir profiter même indûment de tous les avantages. Cette double aptitude au rock'n'roll doublé d'une capacité à examiner le moindre document administratif m'a toujours sidérée. Alors que ça n'est pas strictement contradictoire, en fait.

 

(1) Hé oui c'était au siècle dernier. D'un portable tout le monde n'était pas équipé.