BDJ - Être réveillée par la voix de l'homme qui m'avait sauvé la vie


    C'était il y aura le mois prochain dix ans. Quelqu'un m'avait dit adieu d'une façon si soudaine, sans raison apparente, que cette annonce m'avait littéralement dépassé l'entendement. J'avais cru être en train de faire un cauchemar et me hâtais hors d'un grand bâtiment dans une sorte de tentative animale d'y mettre fin sans doute par un réveil violent, j'ignore comment. Ce dont je me souviens parfaitement c'est que j'avais totalement perdu contact avec la réalité, ce que j'étais en train de vivre ne pouvait pas être vrai, c'était insensé. 
Par chance je l'avais croisé qui faisait son travail, nous nous connaissions un peu plus que de vue mais pas beaucoup plus. Il parlait avec des collègues ou des amis, m'a vue passer probablement spectrale et je me souviens de le voir adresser quelques mots au deux personnes ou trois (quelque chose comme un instant je reviens), venir vers moi et m'adresser la parole, quelque chose comme "Hé, ça va ?" ou "Vous, ça va pas ", d'avoir eu un geste de soutien amical. Dans l'effort vers lui, mon cerveau a remis le son - depuis que j'étais dans le cauchemar je n'entendais plus rien, et ça ne me paraissait pas plus anormal que le reste, et puis c'était un rêve, un mauvais rêve, n'est-ce pas ? -, j'ai entendu ce qu'il me disait, j'ai répondu, avec brièveté, et grâce à ça, grâce à son intervention, repris pied. 

Je crois même que j'ai pu parler presque normalement. Le danger était passé. En intervenant, cet homme avait fait l'équivalent cérébral d'un massage cardiaque à qui fait un grave malaise. 
Ensuite j'avais pu me cramponner à mon petit Olympus, faire des photos, le lieu s'y prêtait, pleurer dans un coin discret, aller voir quelqu'un que j'avais espéré croiser et probablement tenir une conversation courante, quoiqu'avec les yeux gonflés. 

La suite, lancée par Samantdi, sur le sujet je l'ai déjà écrite dans ce billet-là.

Au fil des ans, celui qui m'avait permis de revenir dans le réel et moi nous sommes revus, au gré des livres qui sont notre point commun. Nous ne vivons pas dans les mêmes mondes, mais c'est un plaisir de se recroiser. 

Voilà que ce matin, au radio réveil à 6h23, c'était sa voix. Il parlait de son travail. C'est quelque chose de très chaleureux que d'être réveillée par qui vous a (jadis) sauvée. J'avais d'entrée de jeu un baluchon de courage pour la nouvelle journée, un peu comme s'il me disait Il ne faut jamais perdre espoir, tu sais.

 

PS : Il y eu un autre petit bonheur qui fut de parler un instant de l'art de l'envers du jacquard avec quelqu'un qui connaît quelqu'un qui le possède fort bien, mais je préfère le garder sous forme de bref clin d'œil.

 

billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour.
C'est l'amie Kozlika qui a lancé le mouvement et le lien vers tous les bonheurs (pour s'inscrire c'est par ici- grand merci à Tomek qui s'est chargé du boulot -) 

Chez Couac : Bonheur du jour 5

billet en commun avec Bella Cosa

 


Pourquoi sommes-nous touchés par certaines infos quand d'autres du même acabit nous laissent indifférents ?


    (Ce billet n'aura sans doute ni queue ni tête, c'est plutôt plein de questions que je me pose et que j'aimerais mettre en mots afin d'y voir moins pas clair).

D'emblée j'ignore si c'est très différent pour chacun de nous, d'être émus ou de se sentir concernés par une info en particulier, ou s'il s'agit d'un ressenti très personnel. À défaut de pouvoir généraliser, je vais essayer de piger pour mon propre cas (le seul pour lequel je dispose en intégralité des données).

D'une façon générale je suis peu intéressée par les faits divers et infos factuelles (1) qui ne me concernent pas ni aucun de mes amis ou connaissances, à trois exceptions près qui d'ailleurs peuvent se chevaucher : 

- le truc est drôle, en particulier par effet d'humour noir et de mauvais esprit. Typiquement aujourd'hui cet article du Monde qui révélait que Doris Lessing avait été surveillée pendant vingt années par les services secrets britanniques ;

- ce qui s'est passé est certes local mais tellement symptomatique de notre époque ; 

- ce qui s'est passé ferait un bon sujet de nouvelle ou de roman.

En revanche je suis intéressée par la marche du monde et plus encore à présent que l'internet via les réseaux sociaux nous laisse en prise directe avec ce qui survient. Avec le danger de se planter car il n'est pas toujours évident de recouper l'info. J'ai suivi le cœur battant en 2011 la marche bouleversante des révolutions méditerranéennes puis de leur confiscation par de nouvelles dictatures, j'ai suivi autant que je le pouvais ce qui concernait les négociations pour la Grèce. Parfois je ne comprends pas tout et parfois j'ai le sentiment d'être complètement larguée malgré que j'ai lu bien des articles plutôt bien écrits et documentés (typiquement : les forces en présence en Irak, en Syrie ; la guerre entre l'Ukraine et la Russie (2).

Parfois quelque chose qui est à la limite du fait divers de catastrophe (naturelle ou pas), de la politique, d'un cas typique de l'air du temps, me saisit complètement. Je reste alors attentive au fil d'infos concerné tant qu'elles n'atteignent pas un pallier de type On en saura plus demain mais là on n'en sait pas plus.

Certaines fois il est clair qu'il s'agit d'un "hasard" temporel : ainsi les premières images des explosions de Tianjin sont apparues sur twitter alors que j'étais devant mon écran, j'ai donc passé toute la soirée du mercredi 12 à regarder, effarée, en tentant de piger. Pendant ce temps une partie de ma petite famille passait quelques jours de vacances en Normandie, dans une maison sans connexion ni télévision. Ils ont bien entendu des infos, je crois à la radio, vu des titres devant la boutique du marchand de journaux. Mais quand je les ai rejoints pour le week-end, encore pensive et dans l'esprit concernée, eux était en mode Ah tiens au fait, en Chine, il s'est passé quelque chose, non ?

Enfin, ce qui nous saisit procède dans certains cas de l'évidence : ainsi cette fusillade dans un Thalys aujourd'hui, en plus un vendredi à l'heure où il m'arrivait de le prendre en rentrant de Bruxelles quand j'y faisais un saut pour des raisons sérieuses dont la cause principale a disparu de ma vie il y a deux ans avec la violence d'une explosion et un même effet de surprise ; si ma vie avait suivi son cours, j'aurais fait potentiellement partie des personnes concernées ou sinon moins du moins quelque très proche. Comme il se trouve qu'entre temps certains de mes amis qui vivaient là-bas sont revenus à Paris, je n'ai plus d'inquiétude directe en apprenant l'info, mais subsiste un réflexe, et la conscience aigüe qu'être concerné(s), ma foi, ça aurait pu. 

Ce qui est d'une évidence éblouissante est que les moyens moderne de communication renforcent l'effet d'intérêt, l'effet de trappe, qui nous voit pendant quelques heures tombés dans un trou temporel, uniquement préoccupés d'une info (ou son absence) pourtant lointaine. J'ai le souvenir maintes fois d'avoir guetté des miettes d'entrefilets et pas seulement pour le coup d'état de 1987 au Burkina Faso lequel m'avait concernée puisque mon amoureux était sur place et qu'à l'époque "communications coupées" ça voulait dire, pas même un SMS, pas de possibilités d'appels téléphoniques, rien. Non, vraiment pour des événements qui m'intéressait parce que je me sentais reliée en tant qu'être humain à ceux qui étaient concernés. Par exemple Seveso, ou la mort d'Allende et le coup d'état associé, plus récemment Tchernobyl ou la chute du mur de Berlin. On devait attendre les flashs d'infos (ou que ceux-ci sur France Info ajoutent un élément nouveau), et la parution des journaux. Et un article ne comportait pas de liens hypertextes pour tenter d'en savoir plus que ce que disait le texte trop court qu'on avait sous les yeux.

Me voilà donc encore réveillée à une heure avancée parce qu'un type sans doute cinglé a tenté de tuer sur un train d'une ligne que j'empruntais il n'y a pas si longtemps et très régulièrement pendant plusieurs années. 

Comme pourrait l'écrire mon ami du Rien Quotidien, on est peu de choses et à quoi tiennent-elles.

 

PS : Toutes autres considérations mises à part, désormais ce sont les touites que les médias classiques quêtent (pas nouveau, depuis plusieurs années déjà) y compris afin d'y piocher les déclarations des politiciens concernés. Exemple typique dans cet article du Point sur le tireur du Thalys.  Quand on pense aux articles d'il y a six ans au sujet de ce petit truc d'oiseaux cui-cui qui amusait ces fadas d'internautes, je me dis qu'il ne faut décidément jamais jurer de rien.
Cela dit j'ai le souvenir d'un article raisonné et annonciateur chez Embruns qui avait tout bien vu venir. 

(1) Ce n'est peut-être pas le mot juste : je veux dire concernant des choses qui surviennent par oppositions à des événements prévus (par exemple une finale sportive : on sait quelle est censée avoir lieu, c'est le résultat qui est l'inconnue) ou voulus (par exemple : une loi est en train d'être débattue au parlement et puis tel jour tombe l'info qu'elle vient d'être votée). Ou encore des choses qui sont survenues sans qu'on le sache pour lesquelles l'info est leur soudaine découverte (généralement x ans après).

(2) J'ai beau avoir lu de fins articles (d'ailleurs : comment se fait-il que l'on en parle plus, alors que rien ne semble vraiment résolu ?), ça me paraît aussi absurde que si la France et la Belgique se mettaient à guerroyer ; preuve que je n'y comprends rien. 

addenda du 22/08/15 : témoignage de Jean-Hugues Anglade et un article assez complet dans Libé.


La fin de Twitpic (et la subséquente réapparition de la piscine de mes rêves)

Hier ou avant-hier en voulant partager une photo via twitpic, je me suis trouvée face au message suivant : 

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C'était au départ l'outil de partage d'images associé (je l'ai du moins longtemps cru) à Twitter et qui a dû ne pas pouvoir continuer longtemps après que ce dernier avait offert la possibilité d'en publier directement.

Lequel Twitter qui non content de ressembler de plus en plus à un facebook sans les événements, est en train de se saborder (merci @Le_M_Poireau pour le lien) ; à force nous n'aimerons plus y partager nos mots instantanés. Ce soir, à l'instar du Poireau je suis d'ailleurs allée sur Tsû qui semble posséder quelques charmes du Twitter des premiers temps. Mais le risque est que chacun au bout du compte migre dans un coin différent du voisin que l'on avait plaisir à côtoyer ailleurs que sur l'incontournable FB.

 

Ce qui est curieux c'est que je m'étais posée récemment la question de la sauvegarde des images ou copies d'écran que je déposais sur Twitpic. Voilà qui est fait. J'ai exporté mes données. 

Et récupéré d'une part mes photos ... de l'autre leurs légendes. 

Aux heures perdues dont je ne dispose pas, je reprendrais donc peu à peu leur réassemblage. 

Le blog est créé

Sauvegarder le téléchargement général a été l'occasion d'entrevoir les clichés, certains avec le sourire - la plupart des images rassemblées là ont ce but pour l'essentiel -, et d'autres le cœur étreint. En 2013 les hommes ont tourné une page de ma vie dans laquelle j'avais l'espoir d'un jour pouvoir être bien et sans laquelle j'ai été atterrée. Le temps (tic-tac), la petite famille, les amis m'ont aidée à me relever. Tomber quatre fois, se relever cinq, comme dirait Philippe. Chaque fois pour des ruptures subies cumulées avec des périodes de fréquentation assidue des hôpitaux pour accompagner quelqu'un - pas toujours la même période, heureusement -. Cumulées avec des difficultés professionnelles et financières. Les liens entre tous ces points n'étant pas si évidents, comme s'il s'agissait à chaque fois d'une tempête générale. J'ai beau avoir recommencé à pousser mon petit rocher vers le haut de la colline, je commence à me lasser.

Par exemple, revoir la piscine de mes rêves n'est pas encore anodin. Elle est toujours la piscine de mes rêves en fait. Quand y retournerais-je ? 

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PS : Lu aujourd'hui l'édifiante histoire de Stephen Hawking dont je connaissais pour partie les travaux, ou du moins la vulgarisation qui en fut faite, mais non la vie privée et le rapport avec la maladie. D'habitude je ne m'intéresse que de très loin à la vie privée des gens que je ne connais pas, mais j'ai trouvé que quelque chose dans son cas était édifiant - ceux qui ont choisi de faire son biopic comme ils disent (dont j'ai vu la trace ici), ont dû supposer l'édification potentiellement rentable -. Passé leurs égarements les hommes reviennent parfois. Mais dans quel état.


Caos non tanto calmo

 

 

Tu t'attendais à une semaine rude, le lundi t'explique que tu vas être servie. Pour des raisons de service et qu'à la base ça ne te dérangeait pas et qu'aussi rendre service fait partie du boulot, tu bossais ce lundi (alors que normalement pas). Pour des raisons familiales il fut ensuite question d'hôpital - pas directement pour toi mais l'inquiétude est forte -, ton manque d'ubiquité pousse l'homme de la maison à assurer et comme il a par ailleurs un ennui dentaire mécanique et coûteux, après tout il pourra peut-être tout concilier ; ce qu'il a fait. Reste qu'un vide en moins dans la dentition créé par un phénomène quasi Newtonien, un trou dans les finances familiales. L'ensemble fabrique une étrange journée que tu passeras à guetter des textos, l'un semi rassurant de la malade finira par arriver, te rassurant effectivement à demi, mais guère plus, ne rêve pas. Il y a donc une partie de la famille qui est à l'hôpital pour une durée indéterminée et une suite des opérations incertaine. S'il n'est pas compromis l'avenir du moins a le front bas. Un autre, SMS, de son père signale l'ouverture d'un nouveau front, que tu avais pressenti la veille mais sans pouvoir agir : de l'eau fuit. Et elle ne le fait pas tant chez vous que chez le voisin du dessous, ce qui laisse à supposer une galère de diagnostic et une réparation plus coûteuse encore que les questions de dentition. Avec sans doute intervention de différents corps de métier. Comme tu guettais les textos tu as vérifié aussi ta messagerie, ton petit téléphone permet de le faire même si c'est malcommode. À  la librairie, d'ordinaire tu t'en abstiens, mais là entre deux clients, soucieuse, tu consultes. Tu t'aperçois alors d'appels répétés effectués par ta mère sur le fixe du domicile. Ton téléphone ne te permet pas d'écouter les messages vocaux du répondeur du fixe et de toutes façons au travail c'est exclu, tu supposes de toutes façons que c'est parce qu'elle s'inquiète pour celle qui souffre, espère qu'une fois rentré à la maison quelqu'un répondra.

Ce fut le cas. Mais pour apprendre que ta sœur avait eu un accident de voiture. Qui transmet la nouvelle à son tour à ton retour, te précisera qu'elle n'a rien ou rien de grave mais qu'il s'en serait fallu de pas grand chose. Et tu l'apprends à une heure trop avancée pour pouvoir téléphoner - l'internet là-bas se pratique assez peu -.

La sagesse et l'épuisement t'indiquent de te coucher au plus vite afin de clore ce jour néfaste, afin de devancer la petite (1) ou grande catastrophe personnelle suivante. Je consulte vite fait mes messages reçus, méfiante d'une urgence. Une amie très chère te fait parvenir un lien et à la petite bouffée de plaisir d'avoir de ses nouvelles succède un décrochement du cœur et l'insidieuse nausée du chagrin : une librairie bruxelloise que tu aimais bien, que ton bien-aimé de là-bas t'avait fait découvrir et un moment fréquenter (2) va fermer fors à ce qu'une souscription de la dernière chance rencontre un franc succès ; il s'agit d'un livre collectif auquel auront contribués tous les auteurs amis dont l'homme qui t'a traitée si mal et pour tout dire escamotée et, tu es prête à le parier, sa dulcinée. Voir cet objet sera trop de souffrances, et puis il y a des limites à tout dont celle qui consiste à contribuer à la sauvegarde du pigeonnier où les néo-amoureux se seront exhibés en train de roucouler. Mais cela même te fait mal : à un an près tu te serais battue pour la survie de l'endroit où tu te croyais la bienvenue, et où travaillent des collègues qui si ça ferme perdront leur emploi. Mise au rebut tu ne peux plus que constater que tu n'es plus à même d'aider. Et que les pensées qu'on t'a par chagrin collées ne te ressemblent guère. S'il s'était montré seulement respectueux ...

Le pire est qu'aussi les ennuis précédents avaient au long du jour eu au moins cet avantage de te préserver des pensées délétères sur l'affection primordiale perdue ("À quelque chose malheur est bon") et que ça aura trouvé moyen de te rattraper au moment de maximale vulnérabilité, l'extrême fin d'une dure journée.

Tu as beau ne croire à aucuns pères Noël ni non plus aux sornettes de destinées tracées, savoir que depuis que le monde est monde la vie est ce qu'elle est c'est-à-dire fondamentalement injuste et fonctionnant selon la loi du plus fort et le principe de prédation, tu as juste un peu envie de hurler 

MAIS QU'EST-CE QUE J'AI FAIT POUR MÉRITER ÇA

tout en sachant qu'une bonne âme ou la tienne personnelle si personne ne s'y colle avant toi viendra vite t'expliquer qu'en étant logée au chaud et le ventre plein dans une ville qui semble en paix tu n'as pas le droit de te plaindre, que l'essentiel y est.

Et que personne n'est mort.
So far.

Qu'aussi la journée de librairie, pour une qui fut traversée la tête ailleurs s'est doucement passée. Que tu as écouté en début de soirée un chorégraphe passionnant (3), qu'un recueil de nouvelles écrit par quelqu'un que tu apprécies, sur le thème de l'inconstance des hommes (4), malgré le sujet qui ne te porte pas particulièrement à rire au vu de ta vie amoureuse telle qu'elle fut, précisément t'a fait marrer à plusieurs reprises (exploit). Et même émue profondément (une fois). Que la compagnie de tes collègues te sied. Que la journée n'aura pas été constituée que de calamités. Que tout à l'heure au bord du jour te sera accordée si tout va bien la volupté de nager. Qu'une soirée passionnante est prévue. Que ta petite famille et toi-même avez à force une bonne résitance au chaos.

Mais s'il était un cran plus calme, ça ne serait pas de refus.

 

(1) Je m'abstiens dans ce billet de raconter celles-ci mais il y a quand même eu entre autres (!) un monte-charge deux fois bloqué, un accès internet coupé, et quelques autres trucs du même acabit. 

(2) Tu prends soudain conscience que c'était toujours sans lui et que ce qui semblait naturel dans les moments de revoyures aux emplois du temps minutés te semble soudain la marque éclatante de sa duplicité (et de ton incommensurable naïveté).

(3) Daniel Dobbels dont voici un exemple du travail

(4) Je ne dis pas que certaines femmes ne le sont pas ; de celles qui d'ailleurs parviennent à rendre les hommes fous amoureux fous. C'est que son thème est celui-là, récits de femmes amoureuses qui soudain s'aperçoivent que leur amour n'est plus là ou ne fait plus que terriblement bien semblant. Voire même encore plus subtil car la plupart des nouvelles ont trait au séisme qu'est une naissance dans ce qui était une relation de couple et que l'animal humain mâle va chercher ailleurs la pitance sexuelle que sa partenaire femmelle ne parvient alors temporairement plus à fournir aussi bien. Sans parler des cas moins hétéronormés.


Les piscines parisiennes (ouvertes ou fermées)

 

Ne disposant point d'un téléphone magique plein d'applis y compris pour éviter les autres (!?) (1) je trouve le lien suivant précieux. 

Et comme je connais quelques-un(e)s des passants d'ici que ça peut également concerner, je partage : 

horaires d'ouvertures des piscines de Paris

J'espère avoir enfin trouvé un lieu où m'entraîner lorsque mon club est fermé et qui me consolera d'être à présent si loin de la piscine de mes rêves

 

(1) Ça me fait rire parce qu'au temps que l'on se fréquentait je croisais sans cesse V. par hasard dans Paris (parfois loin de chez nous ou mon lieu de travail). Ça a duré un an et demi après qu'elle m'avait éliminée de son existence, et du jour où j'ai rencontré F. (au début uniquement d'un point de vue épistolaire) ça ne nous l'a plus fait. Et c'était bien avant le temps des Truc-phones. À présent c'est revenu à mon état natif, je recroise des amis, des connaissances, divers et variés, rarement deux fois les mêmes. Je ne parle pas du fait de se retrouver sans l'avoir anticipé dans des points de rassemblements sociaux où par le jeu des connaissances communes ou du travail il n'est pas si hasardeux de se revoir, je parle de se croiser dans la rue, d'être dans la même rame du même métro etc.

PS : note pour plus tard en cas de retour à meilleure fortune 10 km.be


Un an après, et se dire : tout ça ne comptait donc pour rien pour toi ?

 

C'était que de passage à Paris pour ton travail et malgré qu'une vieille amie que j'aime beaucoup t'accompagnait (1) tu tiens à ce qu'on se voie.

Nous partageons une assiette de foie gras. Tu lui expliques combien pour le nouveau petit roman dont tu nous fait admirer la jolie couverture, qui donne envie, j'ai compté. Mes messages au bon moment pour te donner l'élan. Ma connaissance du cimetière de Dieweg (et qui comptait dans le fait que j'aie encouragé).

Au moment de partir tu as oublié que je ne prenais pas le train avec vous. Ces limites idiotes du manque d'argent : riche et sans contraintes de travail avant le lendemain 14h, je serais montée sans aucun souci d'aucune pénalité, régler ça tranquillou en allant voir le contrôleur. Dans la dèche relative mais suffisante l'idée de monter sans billet, l'idée d'aller en prendre un ne m'effleure même pas. Et comme je sais ta situation tout aussi difficile (2), ça ne m'effleure pas même non plus que je peux monter et que tu m'aideras. D'ailleurs tu ne dis pas Viens, mais nous nous saisissons les mains et nous embrassons.

Tu as pensé à m'apporter de la Pasta Speculoos Crunchy te souvenant qu'un jour je t'avais dit que c'était bizarre, qu'en France on ne trouvait que la simple (qui m'indiffère) et jamais la Crunchy (avec des vrais morceaux de speculoos dedans, et qui me régale). J'ai si peu l'habitude, à part certaines très bonnes amies, que l'on pense ainsi à moi, qu'on se rappelle d'un petit truc que j'ai dit qui [me] manquait pour en faire un cadeau attentionné, que j'en ai presque pleuré.

En fait c'est un peu comme pour les photos : je suis celle qui les prends, pas celle qui y figure. Sauf que pour les photos je préfère ça. Alors que pour les cadeaux, cette réaction que j'ai eue en ce lundi d'hiver très froid me fait comprendre que quelque chose me manque parfois. [Heureusement qu'à ce Noël, l'homme de la maison m'a fait à son tour un petit présent comme ça, un cadeau de bonne mémoire et d'avoir écouté l'autre]

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Peut-être aussi que le froid a joué, pour m'empêcher d'avoir la réaction sauvage et salutaire qui eût pu changer le cours des choses. Je tiens debout avec peine, couverte de quatre épaisseurs de vêtements, engoncée malgré le secours de la doudoune ultra-light japonaise, et qui sert de doublure à ma veste d'hiver, elle-même chaude à la base.

Mais voilà je reste à quai et quelques mois plus tard quand il s'agira de chercher les livres pour les diffuser, je n'aurais pas l'argent du voyage et tu ne me proposeras pas de me l'avancer, alors je ferais le simple coursier, à la maison d'édition. Un peu déçue quand même, mais sans aucun soupçon.

Et plus tard, en février, j'accepterai de me débrouiller pour la présentation du premier roman de ton auteure italienne, et l'assurerai en juin malgré que tu as attendu quelques jours avant pour m'annoncer que j'étais désormais celle de trop. Et je le fais alors qu'en morceaux, mais voilà ni l'amie libraire qui nous accueille, ni la jeune femme écrivain n'y sont pour rien, elles n'ont pas à pâtir de ta désinvolture, et que je me sois laissée si facilement manipuler.

Moi qui suis quelqu'un de stable dans mes sentiments, même quand survient la passion, j'ai du mal à comprendre que quelque chose qui a eu lieu et durait depuis longtemps, très peu de temps plus tard soit déjà atteint d'une absolue péremption, en quelque sorte gommé entièrement (3). Et j'ai du mal d'avoir perdu d'un seul coup sans l'avoir vu venir l'intégralité du plus beau de mon existence de ces derniers cinq ans. Même si rien n'était simple puisque pour toi seul le fait de séduire importait et pas celui d'ensuite d'assumer au moins a minima les conséquences du trop facile exploit.

 

(1) Ta phobie des déplacements est-elle si forte qu'il te faille à chaque fois du monde autour de toi ?
(2) À moins que ce ne fût un mensonge ça aussi. Après tout, le doute désormais est permis pour chaque chose.
(3) cf. le très beau film de Michel Gondry Eternal sunshine of the spotless mind sauf que ça serait l'autre qui déciderait de tout effacer, celui qui nous a quitté(e).


Les employés fatigués

 

J'étais peut-être partie ce soir pour un billet personnel et pensif, partie pour remercier l'amie grâce à laquelle je peux poursuivre en attendant la fin du mois mes cours de danse malgré l'abonnement échu, mais qui était bien parti pour déraper vers la tristesse que c'est de n'avoir plus au sortir de celui-ci l'habituel petit message du bien-aimé attentif, ni non plus la présence de l'homme qui dort ou n'est pas là, lequel a quand même fait l'effort quelques fois (1). J'avais un peu songé à mes amis susceptibles de troubler du premier une apparition publique qui le réjouissait - hé oui, les temps ont changé - et que j'étais prête à dissuader : qu'y a-t-il à venger à part mon infinie naïveté ? Au premier déni, très vite, j'avais su certaines choses du passé, sans même l'avoir cherché. Mais une femme prise et bien prise a presque toujours cette présomption de croire qu'elle sera celle avec laquelle tout se passera mieux, que l'homme a tiré les leçons de ses errements précédents, qu'il a eu suffisamment peur au moins par deux fois d'être une sorte de meurtrier, qu'il se montre attentif désormais et que son étrange intransigeance à l'égard des femmes s'est calmée. J'ai été naïve et présomptueuse, je paie pour ces deux erreurs. Avant d'être décevant, le partant avait été secourable, et avec moi formidable il y a quatre ans pendant plus de huit mois. Après, tout était devenu compliqué : il semblait soudain avoir changé d'idée, ne plus me vouloir. Depuis la bonne distance n'avait jamais vraiment été trouvée. Se passer l'un de l'autre reste difficile. Surtout pour moi qui éprouvais plus qu'une simple amitié et cette attirance dont il ne voulait pas mais qu'il avait par ses mots, ses gestes et ses regards un temps suscitée.

Voilà tout. S'il y a une profonde blessure de confiance bafouée à panser, il n'y a, je le répête, rien à venger.

Donc oui j'étais partie pour ce genre de sombres réflexions, issues des peines à répétition.

Puis l'homme qui n'était pas là est finalement rentré au même moment que moi et restaient des courses à faire. Je ne souhaitais pas rester seule. Et depuis certains propos de leur patron, je cherche de bons spaghetti pour remplacer les Barilla que nous consommions habituellement. Ce n'est même pas que je cherche à participer à un boycott, c'est que depuis ses mots, bizarrement, je leur trouve un arrière-goût déplaisant. Donc autant aller voir dans l'hypermarché local quelles autres marques sont proposées (2). L'homme qui dort, travaille beaucoup (3) et n'est pas (souvent) là fait de gros efforts de consolation ; mais lui-même a du mal avec la vie, alors comment faire ?

La balade n'est pas désagréable tant que le temps n'est pas trop froid. Nous avons carressé un chat dont on se demandait s'il était libre et de rue ou bien échappé et désemparé. Il cherchait notre compagnie ; acheté aussi une bonne bouteille, j'espère tant avoir bientôt quelque chose d'heureux à fêter, et qu'à nouveau l'existence puisse avancer au lieu de n'être plus composée que de fins successives et subies.

Et puis au rayon charcuterie traiteur, étant les derniers clients, nous avons discuté avec les employés. Leur journée du samedi les avait laissés éreintés. Ils nous ont raconté la foule, la fatigue des pas de long en large et recommencer, cherché à estimer le nombre cumulé de kilomètres avalés. Un homme et une femme si différents, sauf peut-être d'âge, et que rassemblaient le boulot ponctuellement. Ils avaient décidé d'y mettre du leur pour que tout se passe bien, malgré les conditions, et de ne pas se laisser robotiser sans résister. La femme trouvait moyen conserver son humour, l'homme d'être pédagogue et nous montrer comment on peut faire pour tenir quand vient l'épuisement. Ils ne nous avaient pas adressé la parole d'emblée pour se plaindre mais parce que nous la leur avions, nous, adressée comme à d'autres être humains et non pas des robots coupeurs de parts de produits semi-frais. Et puis c'était venu, je crois, qu'elle n'avait pas coupé droit une tranche, avait présenté ses excuses et pas pu s'empêcher d'ajouter comme pour elle-même Je n'arrive plus à couper droit, je tiens plus debout.

Je me suis sentie profondément honorée de leur confiance : nous aurions pu être des cadres masqués, des clients-tests, quelqu'un destiné à les piéger ; de nos jours, hélas, ce sont des pratiques possibles et gare à eux si leur lassitude il leur prend la faiblesse de la touiter. J'étais juste une cliente, occasionnelle mais vraie, et me garderai bien de citer la moindre enseigne.

Ils avaient l'air en tout cas de bien s'entendre et leur efficacité en tant que coéquipiers leur avait sauvé la journée.

Ce n'est qu'après coup que j'ai pensé qu'ils n'avaient pas même au poste de caisse de quoi brièvement s'appuyer, ce qu'à la librairie on avait et qui permettait entre deux recherches en boutique de soulager les jambes. Ils s'appuient donc sur les avant-bras quand ils le peuvent au comptoir, malgré qu'il est bas. Pour soulager le dos aussi.

J'aimerais que dans tout travail l'on fit tester aux décideurs ce qu'ils ont estimé faisable par les autres, afin de les rendre dans leur chair enfin attentifs à l'ergonomie et aux effets de durée.

Quant à mes MGCP (4) du début du billet ils ont soudain été ramenés à une très relative importance.

J'aimerais pouvoir aider ceux qui travaillent ainsi, mais sans leur nuire à mon insu (5). Je ne suis personne d'influence ni de poids. Alors comment faire ?

 

 

(1) dont une parce qu'il avait les soldes à faire dans le quartier et qui de plus tombait mal car une amie consolait ma solitude ce soir-là. On s'habitue tellement au rien que lorsqu'il n'a plus lieu on est prise par surprise.

(2) J'ai trouvé des Sacla qui semblaient appétissantes. Quelqu'un saurait-il si cette marque dépend d'un groupe plus grand et si oui, lequel ? (parce que bon, si c'est une filiale de Barilla, j'aurais l'air fin)

(3) Je finis à nouveau par le croire. Il avait beaucoup fait pour m'en laisser douter.

(4) Méga-Gros-Chagrins de Privilégiée (sur le modèle des MPP d'Anita la Baleine)

(5) Sans doute qu'en théorie ils n'ont pas le droit de s'épancher vis-à-vis des clients. Écrire à la direction afin de relever que leurs conditions de travail sont, à moins d'être marathoniens, trop exigeantes risquerait même sans mentionner qu'ils (nous) ont parlé sans doute facteur pour eux de convocation pour un savon. Nos paiements par carte bancaire avec en plus carte de fidélité, peut permettre de tracer notre grief, et munis de la date et de l'heure, d'aller chercher des noises aux employés de permanence à ce moment. 


Is it a crime ? (four months after)

 

Quatre mois aujourd'hui qu'en lieu et place d'une revoyure annoncée j'ai eu droit à un coin de message pour me signifier que je n'étais pas celle qui comptait et que j'étais priée de dégager ou d'accepter dans ton existence de ne jouer que les utilisées. Au fond le plus dur c'est la déception quant à l'estime que je te portais et d'avoir accordé ma confiance à un type capable de tant de désinvolture et tant de lâcheté. Je comprends que les hommes soient victimes du coup du loup, et qu'aucun jamais ne le sera à mon égard, je n'y suis pas éligible et ne cherche pas à l'être car c'est un peu méprisant et je n'aime pas tricher ; ce n'est pas une raison pour traiter sans respect celle qu'on délaisse car c'est une autre et pas elle qui fait frétiller. Mon premier amoureux, lorsque nous avions 20 ans en avait été capable, malgré son peu d'expérience, et si j'ai été crucifiée qu'il me quitte, je ne lui en ai jamais voulu : il n'avait pas fait traîner les choses, pas joué double-jeu ou très très brièvement, seulement le temps d'y voir clair dans ses sentiments, et il avait pris le train malgré son faible pécule de jeune étudiant pour venir me dire ce qu'il en était. Nous sommes encore de bons amis et j'ai aussi beaucoup d'estime pour sa femme ; qu'ils aient au fil des années constitués un couple durable a donné du sens à mon effacement, je n'avais pas été sacrifiée pour une simple question d'attirance.


J'ai cette fois-ci plus de mal à tourner la page. Sans doute car il ne s'agissait pas d'amour simple, quelque chose d'un autre ordre se jouait là aussi, même si du désir demeure, même si je ne suis pas (toujours ?) (entièrement ?) seule, même si la vie est bien plus complexe que ça, même si quelqu'un m'aime encore. Même si mes sentiments à ton égard sont désormais teintés d'une once de mépris comme sur le métal un empiècement rouillé, tu restes encore celui qui me fait songer.


Is it a crime ?

 

PS : Pour le cinéma, c'est bon, je t'ai remplacé. C'est bien ce que tu voulais ?


Leaving Montreuil

 

J'ai passé hier une belle soirée à Montreuil. Kim Thuy était l'invitée de Folies d'Encre et même si je suis arrivée trop tard pour les lectures (1) la revoir était un plaisir, ainsi que Jean-Marie. Je retrouvais une amie pour un tranquille moment qu'enfin on s'accordait et c'était bien aussi.

Mais je me suis à cet occasion rendue compte que j'avais en quelque sorte quitté cette ville qui fut pourtant mon refuge pendant 6 à 7 ans. J'y fréquentais le Méliès, sur l'indication d'amies de mon ciné-club qui habitaient déjà à proximité. Du cinéma j'étais passée à la Librairie, un jour de grande détresse intime où ça m'avait sauvée. J'avais appris que le centre nautique venait de réouvrir après de belles transformations. Notre piscine municipale étant alors embarquée dans des travaux longue durée, j'avais pris là (à 1h20 de chez moi quand même, aller nager à Bruxelles eût été guère plus long) une carte de fidélité.

Il y a eu de travailler avec des horaires pour partie en nocturne (finir à 20h à l'autre bout de Paris rend une séance à 20h30 impossible ; et une lecture à 19h illusoire). Il y a eu d'aller mieux, ou d'aller mal pour autre chose que le chagrin d'amour initial et le chagrin d'amitié collossal que j'avais encaissés.

J'ai eu moins besoin de refuge.

D'une façon diffuse aussi j'appréhende d'y croiser madame A. Je ne saurais le faire sans parler (quelque chose de l'ordre du sens civique, savoir qu'un danger plane, en avertir la personne concernée), je ne sais pas si ce n'est pas mieux qu'elle ne sache rien, ou du moins rien tant que la peine n'est pas arrivée. Le plus simple est donc de ne pas se rencontrer, c'est sans doute prématuré. Il ne faut pas devancer l'appel des malheurs, plutôt se préparer à devenir assez forts pour les encaisser.

Je n'ai plus de raison d'aller au cinéma depuis qu'il n'est plus ce qu'il était : même si la programmation redevient attrayante, pourquoi courir si loin de chez moi pour voir un film projeté aussi dans Paris dès lors qu'il n'y a pas de rencontre avec le réalisateur, de présentation instructive, de leçon de cinéma.

Je m'aperçois donc qu'à mon insu j'ai quitté Montreuil, comme si j'y avais logé puis en avais déménagé.

Une page est tournée.

 

(1) en partant de l'avenue Franklin Roosevelt à peine avant 20 heures, forcément.

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