Éclats de tristesses

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Il y a de rudes tristesses, puis nous y pensons moins, puis nous n'y pensons plus, ou plus beaucoup. En tout cas pas dans nos pas quotidiens, alors que nous sommes accaparés par nos tâches domestiques ou nourricières et nos tracas présents, quand il ne s'agit pas brutalement de violentes catastrophes. 

Quand soudain par un jour de pluie, en allant bosser ou bûcher ou prendre un cours de danse, voilà qu'un véhicule entrevu nous en rappelle un autre, et celui qui le conduisait, et qui depuis le temps en a sans doute changé, mais voilà, on s'est repris au creux du plexus un violent coup de chagrin et l'on repense à l'absent·e, qu'il ou elle soit mort·e ou qu'iel nous ait quitté·e·s.  6a00d8345227dd69e2019affc5d9f4970b-800wi

Et l'on se surprend à souffrir, même si ça ne dure plus, alors qu'on se croyait guéri·e. 

C'est ballot. 

 

 

 

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Paris sans voiture, la petite illusion

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Ah que c'est beau Paris sans voitures !

 

Bon alors en vrai, non, cette photo je l'avais prise à Bruxelles le 17 septembre 2006, parce que pendant que les Français s'appliquent consciencieusement à continuer de polluer, nos voisins, eux ça fait plus de dix ans qu'ils ont des journées sans voitures et intégralement. 

C'était un de ces petits déplacements en TGV qu'on s'accordaient avec le fiston avant ses fatidiques douze ans : nous profitions d'un tarif merveilleusement réduit grâce à une carte annuelle pas trop coûteuse qui permettait de payer les trajets trois fois rien et pour l'enfant et pour un adulte qui l'accompagnait. Nous avions choisi le week-end en fonction je crois d'une compétition de pétanque du papa, c'était aussi une façon d'éviter un dimanche de pétanque-widow. Nous ignorions que nous allions débarquer lors d'un jour particulier. Nous étions arrivés tôt le matin dans une ville sous la brume et totalement silencieuse. Nous avions vite pigé, ça n'en demeurait pas moins magique. Des vélos partout. La brume en plus atténuait les sons. Je me souviens de toute cette journée comme d'un très beau rêve.

À Paris, onze ans plus tard, c'est peu dire qu'en vrai, ça n'a pas fonctionné tout à fait : 

 

PA012752[photo prise en bas des Champs Élysées ce dimanche 1er octobre à 11:28 ; et ça n'était pas un moment d'exception]

Nous nous étions dit, naïfs, Tiens si notre entraînement de vélo nous le faisions dans Paris intra-muros ? Puis, gourmands, tiens si l'on s'offrait la place de l'Étoile ?, Oh, et les Champs Élysées ?, Et la Concorde ? (1)  Et voilà qu'en fait nous avons tout juste croisé un peu moins de bagnoles - en plus que les un peu moins au lieu d'être respectueuses parce qu'elles étaient de trop, en profitaient d'autant plus pour foncer -, un peu plus de vélos (ça au moins c'était sympa, et puis comme ça on échangeait quelques mots, certains étaient exprès venus de grande banlieue, malgré le crachin qui ce dimanche persistait), même pas pu descendre les Champs Élysées qui à l'heure où nous voulions passer étaient interdits aux vélos même tenus à la main (2) et nous sommes faits renvoyer  PA012750

par les rues adjacentes. Les purs piétons quant à eux pouvaient passer mais au compte-goutte puisqu'à présent, ce que l'on peut comprendre au vu des événements des deux dernières années et qui semblent ne plus jamais devoir cesser (3).

Nous nous en sommes donc retournés après une petite boucle réduite à vitesse réduite aussi (puisqu'aussi gênés qu'un autre jour ou quasi) - au temps pour moi qui avais espéré passer saluer mes camarades qui effectuaient un dimanche d'ouverture à la librairie -

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un tantinet déçus, il faut bien l'avouer.

Comme l'écrivait un ami sur Twitter, ça n'était pas Paris sans voitures c'était Paris avec un petit peu moins de voitures. 

Sans arrêt dans notre circuit nous avons dû faire attention à la circulation comme un jour ordinaire. À aucun moment nous n'avons eu l'impression que la rue était rendue aux vélos et piétons. 

Il se trouve que je suis ressortie dans l'après-midi entre 14h et 16h30 et que la situation ne s'était guère améliorée (4). On aurait même dit que pas mal de gens, particulièrement des deux roues, qui avaient dans un premier temps fait l'effort, avaient fini par se dire, puisque c'est comme ça, moi aussi je prends mon véhicule. 

Au point que dans un reportage très pro-journée sans voitures, à plusieurs reprises (5), on voit les bagnoles dans l'arrière-plan pas si lointain. Ce qui n'est pas sans un léger effet comique puisque les personnes interrogées disent combien c'est formidable, Paris sans ces engins. 

Pendant ce temps ceux qui persistent à vouloir polluer (en oubliant qu'eux-mêmes vivent là et ont des poumons) hurlent leur colère sur les réseaux sociaux et insultent la maire de Paris, tout ça parce qu'on ose leur demander de faire preuve d'un peu d'intelligence et de civisme durant une journée.

Nous avons cependant fait une bonne petite balade que nous n'aurions pas tentée sans cette initiative, et dans une ville qui reste belle et qui malgré tout nous rend souvent heureux d'être là.

*                    *                     *

Rien à voir directement, mais il est difficile d'écrire quelques mots sur ce dimanche 1er octobre 2017, sans évoquer les nouvelles qui nous arrivaient de Catalogne par les réseaux surtout et un peu les infos au sujet du référendum sur l'indépendance que le pouvoir central de l'Espagne a déclaré illégal. Je n'ai pas d'opinion tranchée au sujet de l'indépendance de la Catalogne, je suis consciente de la complexité des enjeux et toujours un peu méfiante du combo (régionalismes, replis sur soi, glorification des traditions (lesquelles sont presque toujours ennemies du respect de la liberté des femmes)), méfiante également du côté oppressif des pouvoirs centraux. Il n'empêche que voir des gens pacifiques et non armés se faire tabasser par des forces dites de l'ordre qui s'efforcent de les empêcher d'aller voter est particulièrement révoltant et terrifiant. Je partage à tous points de vue Capture d’écran 2017-10-01 à 23.31.22

ce touite d'Attac France d'où l'image est tirée 

*                    *                    *

Enfin, impossible de clore ce billet sans évoquer la mémoire de Philippe Rahmy, dont l'annonce du décès survient via Le Temps, alors que m'apprêtais à éteindre l'ordi. Nous espérions l'inviter à la librairie, j'en avais parlé il y a dix jours avec l'un des ses éditeurs qui m'avait précisé qu'il faudrait que ça soit avant le 15 décembre ou après le 15 avril en raison de la résidence d'écriture prévue. Quelle tristesse.

Un bel article à son sujet dans La Tribune de Genève  

Son site, Rahmyfiction 

 Paris sans voitures paraît soudain d'une futilité méprisable. Mais sans doute que laisser le billet c'est aussi montrer à quel point l'annonce d'une mort peut être brutale, survenir alors que l'on relisait, un décès être inattendu et la peine éprouvée forte y compris pour quelqu'un qu'on avait tout au plus une et une seule fois croisé (mais son travail est inoubliable).

 

(1) Tous lieux de Paris où il n'est pas des plus agréables d'être un cycliste lors d'une quelconque journée

(2) Plus tard, j'ai appris qu'il s'était agi d'un défilé l'Oréal dans le cadre de la Fashion Week. Privatisation de l'espace public une fois de plus et de plus en plus. 

(3) Dans l'après-midi même à la gare Saint-Charles de Marseille un de ces pseudo-terroristes surtout bien cinglé tuera au couteau deux femmes qui avaient le malheur de passer par là. Désormais n'importe qui fait n'importe quoi en se croyant investi d'une mission divine de combat.

(4) Il était annoncé que la journée sans voitures c'était de 11h à 18h. J'en étais venu à me dire que puisque nous avions circulé au début de cette plage horaire, peut-être avions-nous essuyé les plâtres, le temps que les voitures soient vraiment mises à l'arrêt ou sorties.
(5) À 0'53" puis vers la fin

 


Une salvatrice manie

(quand la fiction croise la réalité d'il y a presque longtemps)

"[...] si bien que mon regard se promène sur les gens qui traversent le hall, les allées et venues, les arrivées et les départs, j'invente des vies à ces gens qui s'en vont, qui s'en viennent, je tâche d'imaginer d'où ils arrivent, où ils repartent, j'ai toujours aimé faire ça, inventer des vies à des inconnus à peine croisés, m'intéresser à des silhouettes, c'est presque une manie, il me semble que ça a commencé dès l'enfance [...]"  

Philippe Besson, "Arrête avec tes mensonges" (Albin Michel, janvier 2017, pages 11 et 12)

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Merci à celui qui avait la même manie que son narrateur et savait en faire un usage pratique en cas de besoin. Tout aurait pu s'arrêter pour moi, pour cette fois, à Bruxelles, le vendredi 17 février 2006. Tu ne t'en souviens sans doute pas, ou peut-être vaguement (en pensant Ah oui, une fois, on s'était vus à la Foire du Livre, tu n'avais pas l'air en forme, dis-moi), la personne qui m'avait mise en danger poursuit sa vie sur-occupée, elle m'a sans doute effacée, un petit mauvais souvenir, une erreur de mi-jeunesse. Parfois peut-être, ou peut-être même pas, une de nos connaissances communes lui parle de moi, Tu as des nouvelles ?, Non, non, elle n'en a pas.
Peut-être qu'elle a oublié m'avoir dit "Ça serait mieux qu'on ne se revoie pas" et qu'elle m'a rangé dans la collection des personnes qui un jour cessent de donner signe de vie, sans que l'on sache trop pourquoi. Ça serait classique, un tel déni. Peut-être qu'elle m'a virée de sa mémoire comme de son répertoire téléphonique. Nous nous sommes revues et saluées, bref échange, mais il y avait du monde - autour d'elle, et j'étais accompagnée -, j'ignore ce qu'elle pensait. Peut-être que c'était un simple réflexe de courtoisie (J'ai déjà vu cette personne, je ne la remet pas, mais elle fait partie de mon milieu professionnel, en lui parlant qui sait si ça me reviendra).
Je ne prétends pas ne pas avoir vieilli et mon visage après janvier 2015 et ces attentats-là a changé, est resté marqué. Mes cheveux étaient noirs, ils sont à présent gris. Je n'ai pas de coiffure fixe : je laisse pousser et puis si j'ai de l'argent à une belle saison je fais faire une ultra-courte puis je laisse pousser à nouveau jusqu'à ce que j'en ai assez ou qu'une fin de mois soit sans difficultés. Peut-être suis-je difficilement reconnaissable. 
Entre temps j'ai écrit (pas assez) et aimé (trop). Je ne suis plus la même personne que celle qu'elle avait supprimée.
Je ne saurais rien de tout ça si je n'avais pas croisé, alors que ma vie se confondait avec un cauchemar au point de ne plus savoir où était la réalité, un gars qui regarde les passant-e-s passer et leur tend la main s'il les voit mal aller. Merci encore. It's been worth it.

(et je n'ai pas dit mon dernier mot) 

 


Deux ou trois souvenirs de Gotlib

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Mes souvenirs de Gotlib sont essentiellement des souvenirs d'enfance. 

Il y avait Gai-Luron dans Pif Gadget que j'aimais bien : j'aime l'humour à froid ça date de mon atterrissage au monde, la mort de Kennedy sans doute. 

Et puis Rubriques à Brac et les Dingodossiers, que je lisais en les empruntant à une bibliothèque, Isaac Newton et la pomme, l'enfant qui perdait soudain la magie de sa comptine, Le blésmouti labiscouti oui leblésmou labiscou, la coccinelle, des trucs de type jeux de mots foireux (1). 

 

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En revanche Super Dupont et Pervers Pépère étaient trop "mecs" pour mon humour de fillette ou d'adolescente. Depuis le temps que j'ai envie de relire ceux qui me faisaient rire, peut-être que des publications "en hommage", me permettront de ré-accéder à mes enchantements d'enfant.

Un autre souvenir date du dimanche 17 septembre 2006. C'était l'époque où Bruxelles était pour moi la ville d'après la ville d'avant et la ville d'avant ce qu'elle serait pour moi après, une sorte de seconde maison. L'époque aussi où avec le fiston qui n'avait pas douze ans, nous profitions tant que nous le pouvions d'un tarif miraculeux d'alors à la SNCF pour enfant de moins de douze ans et un accompagnant.

Donc, Bruxelles, tous les deux, un dimanche d'après la rentrée scolaire, histoire de se détendre un peu. Et comme je souhaitais avant tout faire plaisir à l'enfant notre visite principale fut pour le musée de la BD. 

Et voilà que parmi tant d'autres choses il y avait sous verre certaines pages des cahiers d'écolier de Marcel Gottlieb. Dès que l'exercice le permettait, il faisait des illustrations épatantes (2). 
Et il y eut (au moins) un instituteur ou un professeur intelligent qui avait noté sur un de ses devoirs, 

"+ 2 pour les illustrations !"

À l'époque je ne connaissais pas l'histoire du petit Antoine qu'une institutrice bienveillante avait laissé écrire soudain en marge de son cahier, se gardant bien de le rappeler à l'ordre et enjoignant même ses camarades à respecter sa concentration.

Mais j'avais été émue aux larmes par la clairvoyance et le soutien de cet adulte grâce aux encouragements duquel nous sommes des milliers (millions ?) de lecteurs à avoir pu profiter de l'art de ce grand Marcel. Ça m'avait tellement marqué que ce soir, sans avoir trop à le rechercher j'ai trouvé mes photos de l'époque et les photos du cahier, alors qu'elles n'étaient pas même taguées : en ce temps-là notre mémoire numérique était toute fraîche et nous n'imaginions pas un jour nous retrouver à la tête de bibliothèques personnelles d'images parmi lesquelles des retrouvailles seraient difficiles.

Gloire aux enseignants qui protègent et encouragent les enfants créants. 

À part ça, cette année 2016 est décidément une hécatombe. Tous ceux et toutes celles que j'admirais dans ma jeunesse et qui ne l'avaient pas déjà fait, poussent leur soupir dernier.

 

 

(1) J'aime les calembours, c'est un point commun avec feu mon père.
(2) J'imagine une mère attentive, le soir avant le souper ou juste après, - Marcel fait tes devoirs au lieu de [toujours] dessiner.
- Mais maman, je les fais.

 


Tram 33 : un site qui semble intéressant (à voir)


    La fille qui à Bruxelles était montée dans un tram 33 rien qu'à cause d'une vieille chanson ne pouvait pas ne pas s'intéresser à ce site-là : 

Tram 33

Il dépend du journal Le Soir, j'espère qu'il restera consultable [sans complications]. Le contenu pour l'instant est de qualité, et l'interface fort belle.

Un exemple parmi d'autres : 

Aventuriers urbains

On peut suivre le projet sur twitter.


Deep sadness


    Le café serré de ce matin de Thomas Gunzig m'a aidée comme sa réponse hier lorsque j'ai entamé, avant que FB ne se réveille, un safety check à la mano. 

Que les amis se manifestent vite a été d'un grand secours. Mais déjà je sais certains d'entre eux concernés par ricochet : même scénario qu'en novembre à Paris ; en touchant une grande ville à des points de rassemblement, on touche facilement presque tout le monde ne serait-ce qu'en second cercle sans parler de tous ceux qui ont eu chaud aux fesses, ils auraient dû ou pu se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. 

En l'occurrence quelqu'un que je connaissais de l'ancienne librairie prend le métro, celui-là tous les jours vers cette heure là mais elle avait congé mardi. Une équipe junior de gymnastique qui fait partie de celles qu'accompagnent quelqu'un qui m'est cher devait s'envoler pour la Chine et être au check in à l'aéroport une heure plus tard. 

C'est les années soixante dix en Italie en pire : à l'époque les types ne se faisaient pas sauter avec leur bombe ce qui laissait peut-être une chance de repérer un "colis suspect". Les attentats suicides sont quasiment imparables, à part de demander à tout le monde de circuler sans sac et nu. Sans compter que les assassins peuvent se faire sauter dans une des files d'attentes créées par les contrôles. 

Plus tard, comme à l'époque, on découvrira de sales collusions. Mais le mal sera fait et des partis de haine auront sans doute pris le pouvoir. Remember Piazza Fontana, remember l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro. Il y a ceux qui font le sale boulot exaltés à point, privé d'un usage raisonné de leur cerveau, et ceux qui manipulent qui ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Et peuvent même être des ennemis déclarés des exécutants.

Un immense gâchis et des vies broyés pour assouvir la soif de pouvoir de certains. Les dieux et les idéologies ne servent que comme levier pour les petits assassins. Quand on maîtrisera la technologie des robots tueurs ça sera plus simple : il n'y aura plus besoin d'enrobage, juste la programmation. 

La seule réponse possible est de résister à la haine qui s'étend - en France avec son passé colonial et les séquelles de la guerre d'Algérie, elle est si facile à attiser, en Belgique j'espère un peu moins - et de continuer nos activités le plus normalement possible. 

Habitant Paris, ayant grandi les étés en Italie durant "les années de plomb", j'ai toujours eu conscience d'un risque permanent, partout, tout le temps. Ces derniers mois la probabilité a fortement augmenté. Mais il a toujours existé. Je n'ai pas particulièrement peur. Advienne que pourra. Mais je ne me rends que là où ça en vaut la peine. Ça rend exigeant sur nos activités. Il ne manquerait plus que ça que de mourir en se rendant à un boulot où l'on est traité comme un pion. L'ennui devient proscrit. Je ne vais plus qu'à des endroits et retrouver ou écouter des personnes pour lesquelles je serais assez fière si un attentat survenait d'être ramassée. Et il est hors de question que je renonce à circuler en métro - sauf à ce que des contrôles soient instaurés qui rendent l'accès trop compliqué -. J'y vais peut-être davantage en fait : pas certaine qu'en ces temps troublés on ait une nouvelle occasion de se croiser.

Je me suis aperçue que j'avais si peu de haine en moi que je me fais du souci même pour ceux qui aurait plutôt mérité que je profite de l'occasion pour leur rendre la monnaie de leur pièce comme on disait dans le temps. Je m'en veux d'être si peu capable de défense, si facile à attendrir pour l'éternité.
Il y a un immense soulagement heureusement à recevoir des nouvelles des amis, dès lors qu'ils vont bien, on s'aperçoit alors que c'est dommage d'être restés si longtemps sans se voir (1). 

Il y des surprises, il y en a dans toutes situations : ainsi ceux dont on ne se doutait pas qu'ils étaient à Bruxelles et qui soudain écrivent, Oui je devais arriver à l'aéroport mais mon avion est dérouté vers un autre, ne vous inquiétez pas (ah bon, mais d'où reviens-tu ?), ceux qu'on croyait encore habitant en Belgique mais qui sont depuis quelques mois à Paris et avec quelqu'un d'autre (2), celle qui vit à Bruxelles alors qu'on l'ignorait, celui qui a disparu de FB (on le trouvait effectivement un peu silencieux ces temps derniers) et dont on s'aperçoit qu'on n'a plus vraiment d'autres façons de le joindre, celui qu'on croyait seul et qui s'inquiète pour sa femme, celui qui est en Chine (mais répond aussitôt) (Je préférais quand c'était un capricieux volcan islandais qui nous offrait de telles surprises (comment ça : 6 ans déjà ?)), l'amie qui va bien mais reste inquiète pour l'un de ses fils (adulte) et finalement ça y est aussi rassurée (ma propre inquiétude pour des garçons que je n'ai pas vus depuis quatre ans et qui sont sortis si brutalement de ma vie (qu'a-t-on bien pu leur raconter à mon sujet ?)), celui dont on espérait un texto à la mi-journée, au moment de sa pause, il devait bien se douter que c'était difficile. Mais non, rien (3). 

En revanche qu'il y ait des attentats après l'arrestation d'un des suspects de ceux de novembre et le plus recherché n'était pas surprenant. Ne serait-ce que pour une question de "destockage" avant saisies d'autres planques, en plus du côté stratégique. Je pensais plutôt à Paris, supposant Bruxelles sous trop haute surveillance (en même temps : l'un n'exclut pas l'autre, nous n'en avons pas terminé).

Certains politiciens en profitent, on finit par prendre l'habitude, pour faire un concours de la déclaration la plus gerbante. D'une fois à l'autre ils font des progrès dans l'insupportable. Tout ce qui compte pour eux c'est de flatter l'électorat dans le sens du poil, alors au lieu de calmer le jeu, de montrer l'exemple, ils soufflent sur les braises : la colère rend bêtes, flattons l'imbécilité. On préférerait qu'ils se taisent.

On oublie tout ce qu'on avait d'utile à faire. Pour autant je ne suis pas restée scotchée à l'ordi, plutôt en fait, les messages aux amis sur différents outils. On finit quand même au fil des horreurs et des années par intégrer que les infos en continu n'apportent pas grand chose, des journalistes qui répètent en boucle le peu qu'ils peuvent annoncer, des témoins qui tentent de faire bonne figure mais peuvent difficilement dire autre chose que la panique et l'étonnement d'être survivants. 

On attend non sans crainte les listes de victimes, cette sinistre loterie. Une amie sait déjà deux de ses connaissances, peut-être des collègues (je n'ai pas osé lui poser la question), sérieusement blessés.

Je devais lire (pour le métier), n'ai pas pu réellement avancer. Ça n'est pas grave. Sans doute sommes-nous nombreux à n'avoir pas pu faire ce qu'on devait. Les jours suivants il faudra redoubler d'efforts.

Continuer, tenir bon et parier sur la chance.

 

(1) En même temps dans mon cas c'est simple, depuis 3 ans, c'est financièrement trop raide pour m'octroyer le luxe d'un déplacement de pur agrément. Je rêve de retourner à Torino, à Bruxelles, revoir la famille, les amis. Mais il n'y a plus de gras dans le budget, les factures se paient à l'arrache, les impôts, tout (je suppose que nous sommes loin d'être les seuls dans ce cas : des vies simples et sérieuses et pour autant des budgets qu'on ne boucle pas, la moindre réparation, une calamité, des frais dentaires peu remboursés, des mois à remonter). Donc je ne vois guère que ceux qui passent à Paris. Et la maison est dans un trop sale état pour les accueillir.

(2) Il n'y a pas à dire : une recherche d'emploi ça vous coupe bien du monde. Entre la fin du précédent travail (et que j'ai mis toutes mes forces pour le terminer proprement), le mois de novembre si violent (l'impression au retour du festival de cinéma d'Arras que ma vie a été engloutie dans un espace-temps de sidération), le mois de décembre très occupé (merci à ceux et celles qui sont passés me voir au Rideau Rouge), et voilà que mes recherches actives en janvier et février m'ont mise dans une zone de temps à part et que je n'ai plus suivi.

(3) Parfois je mesure que j'avais quand même quelques circonstances atténuantes quant à mon extrême naïveté. Si peu l'habitude qu'un bien-aimé se soucie de moi. 

 

 


La surprise du jour


    Elle vient de l'ami Zvezdo via ce touite

 

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et donc cet article (1) du Soir.

Et l'impression d'un étrange et curieux effet de contagion (même si je connaissais ses accointances d'enfance et de jeunesse (2), les miennes ne datant que de mes 19 ans), à cause de ce passage-ci en particulier : 

"Quelle idée pour une Française qui, comme le dit Florence Aubenas, n’a pas de fortune à défiscaliser. Sa motivation est beaucoup plus basique : «  Je me sens belge. D’ailleurs, je suis ici depuis quelques heures seulement et je m’y sens super bien. »"

Une rupture et par ailleurs de solides tracas financiers ne me laissent d'autres choix que d'essayer d'en guérir, mais j'espère pour elle qu'elle pourra aller au bout de ce désir-là.

Pour la part intellectuelle, je peux supposer que comme moi elle souhaiterait en cas de besoin pouvoir choisir de mourir dignement (ce qui est permis chez nos voisins, plus évolués, et que l'actuel président de la République française avait promis dans son programme et auquel il a renoncé alors que ça ne coûtait rien, simplement de fâcher une frange rétrograde de son électorat) et que cette histoire de déchéance de la nationalité envisagée par nos dirigeants pour flatter les bas instincts des nationalistes, nous donne assez envie d'en essayer une autre qui affectivement nous correspond.

 

(1) Je mets les liens à part, rendue méfiante par un twitter très versatile en ce moment (politique d'affichages de la TL, longueur max remise en question et puis (ouf) finalement non ...) Donc par précaution je préfère garder une image fixe, mais tant pis un peu plate, du touite que je souhaite citer.
(2) Souvenirs de l'été 2005, cette étrange sensation d'en savoir davantage sur la vie de quelqu'un qu'on ne connaissait personnellement pas, que sur la sienne propre (à force de confidences écoutées et dont j'étais le réceptacle précisément de par mon rôle d'inconnue présente, selon un mécanisme voisin de celui de l'inconnu au pub à qui on raconte sa vie)

PS : Info non recoupée par ailleurs, donc risque non nul de démenti ultérieur. Mais je la trouve fort plausible.


Photos retrouvées (Il nous restera ça)

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Je cherchais à récupérer une information de date sur une prise de notes faite sur mon téléphone malin et suis tombée sur la "galerie" photos qui n'est pas l'interface que j'utilise habituellement pour récupérer mes images. 

Je me suis alors rendue compte que l'appareil avait accès via une appli de messagerie qui y était encore reliée - mais après un changement de nom général - à tout un lot de photos prises pour la plupart en 2008. 

Elles étaient totalement sorties de ma mémoire sauf pour certaines qui concernaient Bruxelles - et qui sont soigneusement archivées par ailleurs -. Il est clair que certaines étaient là en vue d'un partage, d'un envoi.

Je me souviens parfaitement des photos prises à la demande de Camille Renversade lors de sa rencontre au Festival Étonnants Voyageurs le 1er juin 2009 avec Michael Palin (1).  P6010058

 

 

 

 

 

 

 

 

Ou de celles prises pour l'ami Eduardo, par exemple celle-ci alors qu'il recevait Gilles Jacob dans les sous-sol de la Fnac Montparnasse, à présent dévolus au prêt-à-porter. C'était le 21 mars 2009.

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Je me souviens de cette soirée de réveillon, à l'orée de l'année 2009 qui fut pour moi si bouleversante, où nous avions bu du champagne extra-ordinaire. 

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Je me souviens du tram 33 et de ce soir bruxellois où le voyant passer sur le quai où j'en attendais un autre, je n'ai pas pu m'empêcher d'y monter sans même savoir où il allait.

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C'est ce qui s'appelle de l'emprise culturelle

 

 

 

 

 

 

 

Je me souviens bien sûr de la soirée du 28 août 2008 au centre culturel d'Uccle

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Et si je n'avais pas oublié que Claudie Gallay était venue à l'Attrape-Cœurs je ne savais plus que c'était le 11 septembre 2008.  CIMG9706

 Je me souvenais qu'elle avait le même tee-shirt à manche longue que j'avais failli mettre, le même exactement (couleur, taille, marque) (mais I. V. au dernier moment m'en avait dissuadée). 

Nous avions beaucoup ri, il en reste une photo floue, étrangement cadrée.

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Et d'ailleurs c'est l'un des mystères de ces images retrouvées pour la plupart huit ans après, c'est qu'elles ne sont en rien triées, ce qui n'est pas cohérent avec ma première hypothèse qu'elles aient été là pour partage. Figurent parmi elles des silhouettes de type street-view-ghosts, dont je connais la cause (j'évite le plus possible d'utiliser un flash sauf pour certains effets et donc les mouvements pris en lumière basse donnent parfois ces résultats).

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L'autre mystère étant quelques bribes qui sont des copies d'écran, dont celle-ci qui date du 22/09/2013 - quand les photos datent d'entre 2008 et 2011 - et correspond à une demande de mouchardage de la part de FB (à laquelle je n'avais bien sûr pas répondu).

Capture d’écran 2016-02-28 à 21.36.25 Ce qui était drôle était qu'une de mes amies se trouvait alors en déplacement professionnel à Mexico et que la machine me demandait si elle y habitait.

À l'opposé du spectre figurent quelques photos, dont celle qui ouvre ce billet et qui me paraissent trop bien pour avoir été prises par mes soins, sauf que je reconnais l'attribution de titres automatique de mes appareils successifs. Il serait peut-être temps qu'enfin j'apprenne à faire quelque chose de celles qui sont venues bien. En attendant je suis heureuse de les (re)trouver.

P8290067 Bastille again and again_260908_P9260039 Le rêve et le reste_Bastille_260908_P9260046

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Bien sûr certaines sont drôles, d'où que je crois bien les avoir prises (elles ne font peut-être sourire que moi)

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J'ai également retrouvé une expérimentation du 19 juin 2011 qui me fait chaud au cœur (peu importe le résultat)

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Me revient alors que la photo avec le chien et les personnes attablées en terrasse avait été prise au Palais Royal et que je voulais faire un clin d'œil à Milky (2) qui s'était lancée dans une série New-Yorkaise : les gens avec leurs chiens.

Voilà donc un ricochet étrange de cette époque où nos appareils servent à notre espionnage et peuvent conserver certaines traces à notre insu : le retour de mémoires personnelles imprévues. Comme de regarder les albums photos de quelqu'un qui nous fut cher et qu'on avait un peu perdu de vue. 

L'expérience dans mon cas aura été plutôt plaisante. J'y apprends qu'après les traumatismes personnels (2006) ou collectifs (11/09/2001) une forme d'insouciance peut renaître et à nouveau des sentiments chaleureux. Je me demande ce qu'il en sera pour l'après 2015 (3). Je trouve aux images des années précédentes une légèreté qui me semble désormais inaccessible. Mais elles font du bien à revoir. 

Comme le slamme Grand Corps Malade, il nous restera ça.

 Il est amusant de constater qu'à l'orée d'une nouvelle étape de ma vie, qui se présente plutôt bien et dont la perspective en tout cas me stimule, des éléments extérieurs (la fin annoncée du fotolog, des fichiers en mémoire de mon téléphone retrouvés sans les avoir cherchés) me poussent à faire le point avant de clore le chapitre précédent, ses bonheurs et ses douleurs. Une expression extérieure d'un besoin d'archiver soigneusement pour passer à la suite sans entraves tout en emportant les précieux acquis de celles qui furent mes plus intenses années. Elles m'auront au moins permises d'apprendre un métier que je m'apprête à nouveau à exercer. Je le ressens comme un privilège.

Oui, il nous restera ça.

 

PS : Le bizarre album des retrouvailles est .

PS' : Accessoirement, en tentant de rechercher si j'avais déjà posté cette photo en la documentant un tantinet et alors que j'avais oublié d'ajouter le filtre "your own photostream" (qui en fait n'existe plus), je me suis aperçue que sur flickr on pouvait voir toutes les photos laissées publiques prises par des personnes ayant le même appareil (ou un appareil qui inscrit les photos en mémoire de la même façon) le même jour (mais pas forcément la même année) dont c'était le même numéro d'ordre dans les photos de la journée et qui n'ont pas modifié le titre. Ça me donne des idées (d'écriture). 

 

(1) Rien à voir avec Sarah et tout avec les Monty Python (je mets le lien pour l'intéressant article wikipédia en V.O.)
(2) Je choisis ce lien vers un billet précis car il m'émeut particulièrement. Je suis sous l'emprise de plusieurs mécanismes de ce genre, en particulier après les violences de 2015, et ça atteint l'écriture et aussi les vœux (mais les plus proches d'entre vous avez sans doute remarqué). Et d'ailleurs grâce à Milky il me vient une idée.
(3) Sachant qu'on risque d'encaisser de nouvelles horreurs, qu'on n'en a pas terminé. Mais ce n'est surtout pas une raison pour baisser les bras, ni renoncer par avance à quoi que ce soit.

 

 


Photo douce que j'aime à retrouver

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    C'est encore une photo retrouvée de photo retrouvée (1). Elle date en fait du 28 août 2010 mais je l'avais une première fois recroisée en mars 2011. Elle était alors de mémoire fraîche : l'enfant qui avait peur de l'eau, l'adulte qui prenait le temps de le rassurer (avant je le présume un nouvel essai).

C'était à la piscine de mes rêves (2) et son bassin de longueur idéale (3), son cadre idyllique (on se croirait en forêt), ses vestiaires au charme désuet (ils ont peut-être changé), où depuis au moins quatre ans je ne suis pas allée nager (4).

J'essaie à présent de me dire que j'aurais au moins connu ça : la chance de savoir que ce lieu existe et d'y avoir nagé.

Je m'efforce de croire, en regardant cette photo, que des enfants que l'on traite, petits, avec respect ne vireront pas plus grands impavides assassins. Même si plus tard quelque secte, quelque pouvoir malsain s'avise de (tenter de) leur vider le cerveau.

Prendre le temps de la douceur, de l'attention, ça n'est jamais le perdre.

 

(1) J'en suis ce matin à l'année 2011 dans mes sauvegardes du fotolog.
(2) Longchamp, à Uccle
(
3) 33 mètre
(4) Lors de mes derniers séjours elle était en travaux et une fois je suis tombée sur un jour férié.


J'avais cru être délivrée (ça n'était pas si faux, mais pas non plus si simple)

FireShot Capture 1834 - C'était aujourd'hui la fin de ce_ - http___www.fotolog.com_gilda_f_31285820_

    Je redécouvre que c'est lorsque F. m'a confirmé avoir bien connu lui aussi V. que je me suis sentie enfin dégagée de ce lien avec elle qui avait mal tourné. 

Ce qu'il m'a à cette occasion appris sur sa façon de faire, dont je n'avais pas été la seule personne à faire les frais.

Croyant m'être libérée, je ne faisais au fond que changer d'emprise, tout en étant alors persuadée qu'au contraire non - comme si le fait qu'ils se soient connus empêchait désormais notre relation -.

Je me souviens que la façon dont j'avais pigé leur lien était vraiment étrange : j'en avais eu dès avril 2004 la trace sous le nez et il avait fallu un rangement dans mes livres début 2009 et tomber sur cet exemplaire d'une obscure publication de type "résultat de résidence" pour que je vois, sur ce projet pourtant beaucoup plus ponctuel, leur association.

Que je le veuille ou non et quoi qu'il advienne par la suite, ces deux là auront rudement compté, et bien qu'elle ait par deux fois ainsi été mise en danger mon existence en est sortie améliorée. 

Ils m'auront fait sortir du "métro-boulot-dodo" auquel j'étais de par le déterminisme social, y compris celui qui s'applique aux transfuges, condamnée. 

À l'orée d'une nouvelle étape, réjouissante, de ma vie professionnelle, je leur en sais gré.

Et s'il me dure une bonne santé, je suis loin d'avoir dit, d'avoir écrit mon dernier mot pour rejoindre un jour la place que pour moi ils entrevoyaient.   FireShot Capture 1835 - à présent le printemps - gilda_f_ - http___www.fotolog.com_gilda_f_31332545_

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