40 ans, c'est sidérant.
11 mai 2021
J'ai passé la journée à me dire, mais comment ça, quarante ans ?!
À un moment j'ai même recompté sur mes doigts, tellement je n'y croyais pas, que ça fasse tant que ça.
Le 10 mai 81, je m'en souviens fort bien. À six mois près je ne votais pas, c'était enrageant. Je fais et faisais déjà partie du petit peuple de gauche, et ça a été un espoir fort cette élection, une liesse. Et au début on y avait cru : les 39 heures, la retraite à 60 ans. On ne demandait pas de rien foutre, mais on voulait tant que notre travail, et par là nos vies soient enfin respectées.
Mais très vite l'économie a repris le dessus et au bout du compte les années 80 furent encore plus des années fric pour les riches que celles qui avaient précédées.
Je me souviens que je passais le bac et que les bruits, même lointains - dans la cité pavillonnaire de grande banlieue les gens se réjouissaient paisiblement chez eux, ou car nombreux étaient ceux tenus par un solide syndrome du larbin et qui s'effaraient de la méchante gauche au pouvoir, se désolaient dans leur coin -, de fêtes m'inquiétaient un peu. Et s'ils m'empêchaient de dormir, juste avant les examens ?
Du fait du baccalauréat à passer, et qu'on n'allait pas à Paris si facilement que ça, je n'ai pu participer à aucun mouvement de célébration. Mais, même si j'étais plus circonspecte que bien des adultes, comme si c'était moi la détentrice de l'expérience qui rend méfiante, ça me laissait croire à un avenir plus ouvert, un respect du travail auquel un jour j'accéderai.
Il y avait un truc indubitable : il n'y avait aucun doute que cet homme avait la stature pour la fonction, qu'il était un casting parfait pour cet emploi. Comme Jean Paul II pour faire pape ou Élizabeth II pour faire reine d'Angleterre ou plus tard Angela Merkel pour faire chancelière fédérale ou Kennedy ou Barack Obama pour président des États-Unis, c'est pas forcément qu'on soit d'accord avec leurs décisions, leurs prises de positions, leurs choix, mais n'empêche, le rôle leur va.
Je l'ai toujours vu en prince florentin, qui aurait pu lui-même écrire "Le prince" ou dans un autre registre, "L'art de la guerre", ai toujours été consciente d'un côté sombre, lequel convenait à la fonction (quelqu'un comme moi, au pouvoir même d'une petite association serait une catastrophe) ; mais je lui faisais confiance pour ne pas faire de mal au pays et ses successeurs me l'ont fait admirer.
Quarante ans, ce moment où on a eu le fol espoir que même les petits métiers permettraient désormais aux gens de vivre décemment de leur gagne-pain.
PS : Il y a dix ans (!?!) j'avais trouvé le temps de me replonger dans mes diarii d'antan et d'en retirer ce qui persistait :
Dimanche 10 mai 1981, journée studieuse et électorale
Lundi 11 mai 1981, Mitterand président (sic)
10 mai 1981, les jours d'après