Impressionnée par ma lecture du jour - ce bonheur des vacances quand les enfants sont grands et la vue encore bonne : pouvoir lire un roman de A à Z sans presque s'arrêter -. Un thriller érotique dont le crime semble assez secondaire en fait et dont le charme à mes yeux n'est pas dans les passages censément affriolants (1).
Il se trouve que l'un des personnages et ce qui lui arrive du point de vue affectif ressemble assez fort à ce que j'ai traversé il y a bientôt une dizaine d'années. Être rejetée par ceux qui issu d'un autre monde social l'avait dans un premier temps adoptée. Présenter malgré soi un danger. Des éléments de ce genre. Se trouver sacrifiée à une ambition que l'on est incapable de comprendre lorsque l'on vient et que l'on est encore dans un milieu où seule importe la survie.
Il se trouve que la femme à laquelle comme lectrice et sœur de malheur je m'identifie pique une tête dans un bras de fleuve ne pouvant résister à l'appel de l'eau - ce qui est quelque chose qui pourrait totalement m'arriver, tant j'ai de mal à rester plusieurs jours sans nager -.
Or l'auteur ne m'est pas inconnu. Il est l'ami d'un ami, nous nous rencontrons parfois, avons participé à quelques soirées communes.
Il se trouve que je ne lui ai fait aucune confidence, en société je préfère profiter du bon, je n'aime pas parler de moi si ce n'est pour rendre service à quelqu'un qui traverserait une mauvaise passe comme j'en ai connues. Que notre ami commun sait quelques éléments de ma vie personnelle mais pas l'épisode qui présente certaines similitudes avec celui du roman.
Il se trouve que bien décidée à échapper à la pente glissante de l'autofiction, je n'ai pas commis de manuscrit sur ma malheureuse histoire, rien qui ne traîne dans quelque maison d'édition.
Peut-être tout simplement que ce qui s'est joué dans ma vie comme dans la fiction est caractéristique de notre temps, du hic et nunc très bien capté, d'ailleurs, dans ce roman.
N'empêche.
Si j'avais raconté quoi que ce soit à cet homme sympathique, ou laissé quelques traces explicites que j'aurais pu imaginer transmises, je serais probablement en train de me dire qu'il est un peu gonflé, qu'il aurait pu me demander mon avis avant que de l'utiliser.
Il sera(it) sans doute le premier surpris d'apprendre qu'il a vu si juste que ça ressemble, dans sa part la moins spectaculaire mais la plus implacable à quelque chose que j'ai connu. Le même engrenage de sentiments et de contraintes sociales qui y produisent un revirement.
Je me dis que le métier d'écrivain n'est pas simple : qu'on peut facilement se trouver accusé d'avoir utilisé ceux qu'on connaît, alors qu'il peut simplement s'agir d'avoir très bien imaginé. Trop précisément intuité.
(et je suis rudement contente des confidences que je n'ai pas faites, ce qui m'a permis d'apprécier l'ouvrage, quoique par moment un tantinet estomaquée) (et que du coup on pourra continuer à boire des coups joyeusement, sans que s'infiltre un doute insidieux)
PS : Le drôle du truc c'est que si j'avais lu le roman avant l'épisode de ma vie ressemblant j'aurais trouvé tout ça bien un peu invraisemblable. Alors qu'à présent je le trouve d'une justesse criante.
PS' : Le versant un peu gênant, c'est que les autres personnes concernées si elles tombent sur le roman et apprennent que l'auteur et moi on se connaît, pourront croire que j'ai parlé et qu'ils sont personnellement visés. En plus qu'on fait d'eux de vrais assassins (ce qu'ils n'ont pas été sinon je ne serais pas là pour écrire ce billet). Dans la collection des apparences trompeuses ...
(1) Non qu'ils soient mal écrits, il y a d'ailleurs ce qu'il faut d'humour et de respect réaliste avec les limites que les corps imposent, c'est peut-être même sensuel. Mais, effets des difficultés générales de la vie, d'un désir congédié, de mon corps fatigué, et qui sait peut-être un peu de l'âge, les mots en la matière me laissent assez indifférente.