Jan Palach, le football, les affaires d'état et le temps disponible

 

    Je lis ces temps-ci "La vie brève de Jan Palach" d'Anthony Sitruk, dont je pense qu'il est une bonne approche contemporaine pour des jeunes qui n'ont rien su du sacrifice du jeune étudiant tchèque en son temps. Le fait d'allier à la reconstitution des faits historiques le présent d'un homme de maintenant et ses interrogations peut rendre le sujet accessible et c'est bien.

Parmi les questions que l'auteur se pose et nous pose, revient celle de notre apathie face à la marche néfaste du monde, ce que Jan Palach par son geste souhaitait réveiller. C'est quelque chose qui me titille moi aussi, et chaque fois que j'ai pu ou ressenti que je devais militer je l'ai par moment fait. Mais bien des fois je n'ai rien fait parce qu'entre mes devoirs familiaux et mes obligations professionnelles, je ne pouvais guère me libérer.  

C'est ce qui nous sauve et ce qui nous entrave. Le quotidien qu'il faut assumer. Que l'on ne peut jamais laisser bien longtemps entre parenthèse lorsque l'on ne fait pas partie de ceux qui ont les moyens et l'aptitude de déléguer à d'autres leurs tâches du quotidien.

En cette période de resdescente d'euphorie après une victoire de l'équipe nationale à la coupe du monde de football, accentuée par le déroulement d'une affaire d'état - j'ai ri aux premiers jours tant une part ubuesque et burlesque s'exprimait, mais je la trouve effarante et très inquiétante, pas d'illusion sur la suite, ce qui est probable c'est qu'après le vacillement, la surveillance et la répression du moindre mouvement de protestation se feront encore plus fortes, dûment pourvues de validations officielles que cette fois le gouvernement aura pris soin de faire préciser par avance,
(J'espère me tromper)
en cette période donc il est particulièrement flagrant d'à quel point lorsque l'on fait partie du menu peuple le moindre jour détaché de la besogne se paie cher en rattrapage à assurer.

Concernant le football c'est particulièrement flagrant. Du moins pour qui s'y intéresse, même sans nécessairement faire partie de qui le suit au jour le jour au fil des ans. 
Les débuts d'une compétition telle que la coupe du monde s'accompagnent d'un regain d'énergie : on met du cœur à son ouvrage sachant que plus tard dans la journée viendra le moment récréatif de suivre un match. 
Puis pour peu qu'aucune catastrophe n'intervienne et que le tournoi soit réussi, ce qui fut splendidement le cas ce coup-ci, du beau jeu, des buts, on est pris par l'événement, voir la suite devient important. On aménage notre emploi du temps, ou l'on regrette de ne pouvoir le faire.
À un moment les choses s'emballent et l'on met sous le boisseau une part de nos corvées afin de parvenir à rester sur la vague, comme sous sa protection. 
Qu'il y ait défaite à un moment donné ou bien victoire tout au bout, la redescente est presque la même : tout ce qui avait été mis sur le côté reprend ses droits. Le travail nous réclame ou si l'on en a pas d'en retrouver afin d'assurer notre subsistance, le travail de la maison ne peut souffrir une trop longue période sans.
La liesse régresse, y compris pour celles et ceux qui peuvent enchaîner sur des congés : il faudra bien que quelqu'un s'y colle de préparer les repas, faire les courses, les vaisselles ou les lessives, ranger et nettoyer. Il faut surveiller les comptes, de plus en plus souvent rester en lien avec le travail qui ne saurait souffrir d'une période prolongée d'absence absolue.

Le phénomène, la joie et la prévisibilité des étapes en moins reste le même pour une affaire d'état : impossible de suivre de près ses développements si les choses se prolongent au delà de quelques jours. Les spin doctors le savent qui poussent à jouer la montre. La précarité de plus en plus généralisée accroit le phénomène : de moins en moins de boulots sont routiniers, on se retrouve requis-e , rentrant chez soi avec la fatigue de la journée sans forcément la force de faire l'effort de se tenir au jus.

Les consciences ne sont pas nécessairement endormies, elles sont accaparées. Sans pouvoir se permettre de se détacher trop longtemps du quotidien qui nous épuise mais fait qu'on tient. 

Je vous laisse, j'ai à faire. Bien obligée.

 


Tellement c'est mieux sang, j'y pensais même plus


    C'est une nageuse chinoise, Fu Yuanhui, qui en expliquant simplement qu'elle n'était pas au mieux de sa forme lors des finales parce qu'elle avait ses règles, a porté la question sur la place publique, et je pense que c'est franchement bien. Rien qu'en étant une sportive amateure ou plus simplement en menant une vie quotidienne classique on peut s'en trouver gênées, y compris pour qui n'a pas de syndromes menstruels compliqués, il est bon qu'enfin on puisse avouer que certains jours malgré nous ça n'est pas tout à fait ça.

Après, il paraît que ça peut être un atout dans certains sports, ce que j'ai du mal à croire, n'ayant pour ma part pas connu l'aspect "sautes d'humeur", ou uniquement la part, déprime de fatigue (et vraiment dans ce sens : le fait d'être encore plus fatiguée qu'à l'ordinaire et donc peu capable de faire ce qui était devant être fait induisant un découragement, un sentiment d'injustice aussi). Et puis, dans les jours suivants on peut bénéficier d'un regain d'énergie, comme toute personne qui sort d'avoir été moins bien (ça le fait aussi après un rhume, ou n'importe quelle bricole de santé qui met patraque mais pas totalement hors jeu). 

Il n'empêche qu'aux jours mêmes ou aux 24 heures avant, il y a ce "moins bien", un manque d'allant certain. Et je crois bien que c'est général, que peu de femmes y échappent.

À titre personnel je suis reconnaissante envers cette jeune femme de m'avoir fait prendre consciente d'à quel point c'est un soulagement quand vient la fin de ces temps rythmés plus ou moins irrégulièrement par des tracas de saignements. J'en suis sortie depuis deux ans et c'est devenu si agréable si vite (malgré une sorte de rechute après le 7 janvier 2015, le corps lui-même était déboussolé) de n'avoir plus à se préoccuper de ça du tout et d'être soi-même au fil du temps sans oscillations périodiques, que j'avais complètement oublié tout ça, le côté matériel (devoir se pourvoir en protections (1)), les moments de déceptions - on aimerait tellement pouvoir être au mieux de sa forme, au moment de tels examens, telles compétitions, telles retrouvailles et vlan ça tombe à ces jours précis -, ceux d'inquiétudes quand du retard imprévu survient (2). Et que le mieux ressenti, malgré pas mal de fatigues dues à un job trop exigeant pour moi physiquement, était tel que de nouvelles ambitions sportives m'avaient saisies et très sérieusement, que je compte pouvoir concrétiser prochainement. Que le temps (tic-tac), lui aussi, paraît plus grand, qui n'est plus morcelés en jours avec et jours sans, chaque période d'insouciance et de ventre sans douleur n'étant plus le répit avant un nouveau lot de cinq jours d'amoindrissement. Le "en forme" est devenu l'état permanent, sauf problème (autres et inattendus). Le "pas en forme" ayant disparu des prévisions, des obligations de se préparer mentalement à devoir accomplir telle ou telle chose malgré la gêne. Et je parle en temps que privilégiée qui déjà n'avait pas trop à se plaindre de conséquences réellement invalidantes. Je ne peux qu'imaginer l'ampleur du soulagement pour mes consœurs qui souffrent ou ont souffert chaque mois pendant toute la durée de leur fertilité.

Grand merci donc à Fu Yuanhui et pour les femmes encore jeunes qui grâce à sa déclaration se sentent moins seules à se être régulièrement amoindries et pour celles de mon âge ou plus grand qui grâce à elle prennent conscience d'à quel point, c'est vrai, on se sent mieux ... sans ce sang.

 

 

(1) Il paraît que les coupelles sont une bonne solution, c'était déjà un peu tard pour moi pour m'y mettre alors que je trouvais déjà les progrès effectués depuis mon adolescence en solutions jetables déjà remarquables. Du coup jusqu'au bout j'aurais connu la corvée de devoir faire au bon moment les courses qu'il fallait.
(2) Pour ma part j'ai peu connu, je suis de la génération qui est devenue femme alors que la contraception était légale et répandue et que même dans un milieu non favorisé à demi immigré on pouvait sans problème demander à aller voir un médecin qui pouvait conseiller. C'était avant le Sida, le préservatif ne faisait plus guère partie de la panoplie. Et le fait que l'avortement soit légal et possible offrait soudain à toutes un filet de sécurité. Des cousines et des sœurs aînées étaient là pour nous confier et nous faire prendre conscience d'à quel point c'était une chance et une sécurité. Pour la plupart d'entre nous, il était peu possible de savoir si nous étions des enfants subis ou souhaités, ce confort rassurant qu'ont pu connaître les générations d'après, même si c'est semble-t-il redevenu compliqué.


Joe Cocker, Jacques Chancel, et quelques effets du surmenage


Photo1446(billet en cours de rédaction - pbs de mémoire ou de connexion -)

L'une des conséquences étranges des périodes dédiées au travail entièrement est de se retrouver en dehors du monde, à l'écart du temps.

Je croyais pourtant écouter les flashs infos sur France Culture à mon réveil et lire un peu d'internet avant de partir le matin et le soir en rentrant, j'étais pourtant à côté du déroulement.

L'ami Pierrot m'avait prévenu pour Joe Cocker. Un bref texto. Depuis 9 semaines 1/2, je l'avais un peu perdu de vue. Mais il n'en demeurait pas moi que son interprétation de "With a little help from my friends" restait un des moments (1) les plus marquant de Woodstock. Ce sens qu'il donnait aux paroles que les Beatles eux-mêmes tendaient à lénifier. Alors qu'avec Cocker, les amis aidaient. Ça devenait un air à se chanter dans les moments de la vie où c'est difficile. Sa disparition ne me laisse pas indifférente.

Pour Jacques Chancel, en revanche, l'ami ne m'avait rien dit, qui n'est pas grand fréquentateur de télé ni accroché à sa radio. J'étais seulement étonnée qu'à la librairie plusieurs clientes parlent de lui dont une qui répétait que son mari en était le sosie, vocal aussi. "Le grand échiquier" était pour moi comme "Apostrophe", une émission que je ne pouvais pas trop souvent regarder (télé rationnée) mais dont l'existence me rassurait et qui m'apprenaient beaucoup quand je les regardais. J'ai d'excellents souvenirs de leurs génériques (non, je rigole, mais comme celui des "dossiers de l'écran" ils me sont restés) et de "Figures de proues" écoutées lors de retours de La Brosse Montceau en voiture le dimanche soir ; avec l'étonnement de cette voix que l'âge n'avait pas touchée. 

Ce sera sans doute pour moi la fin d'un rêve récurrent, celui d'un grand échiquier lors duquel je rassemble et fait connaître le travail de mes plus grands amis, chante et danse avec eux, ou lis à voix haute et que tous ensemble nous prouvons que ce qui est populaire n'est pas nécessairement d'un piètre niveau. 

Il y a quand même quelques avantages d'avoir vécu une semaine environ en dehors du temps : les violences du mondes et les accès de folie mégalomaniaque d'aucun dirigeants (ou ex-) me sont restées inconnues. Les apprendre après coup heurte moins.

J'espère pouvoir à présent reprendre le cours aussi normal que possible de ma vie. Mais deux voix exceptionnelles, celles de Cocker et de Chancel, n'en feront plus partie. 

[photo : ce qu'il reste après la razzia de Noël d'une pile qui fut conséquente]

(1) L'autre restera pour moi Hendrix et l'hymne américain, de cette façon qui prouve qu'on peut survivre aux plus profonds chagrins d'amour. Je prends conscience en l'écrivant que les deux présences qui m'ont le plus marquées du témoignage d'alors sont celles qui destructuraient. 

 

PS : S'il reste en ligne, un documentaire sur Hendrix à Woodstock.

PS' : Alerte pépite, une Radioscopie de 1972 avec Patrick Modiano en invité.

 

 


L'écart parfois long entre le dernier jour avec et le premier jour sans

 

C'était donc aujourd'hui depuis 32 ans mon premier jour vraiment sans - il y eut à deux périodes une dizaine de mois sans, très volontairement, mais il n'y avait jamais eu d'autres interruptions. Et peut-être une seule fois (ou deux ?) un oubli, qui correspondait (allo Dr Freud ?) à une journée bruxelloise (hélas ?) sans aucun risque.

Le dernier jour avec fut la semaine d'avant et c'était fort curieux, précisément ce décalage. Car finalement le dernier jour avec ne marque pas une fin alors que le premier jour sans, si.

Le premier jour sans fait bizarre, je n'ai pas encore l'habitude de l'insouciance absolue. En fait et en l'absence de symptômes, je n'y crois pas vraiment. J'ai l'impression d'avoir atteint un nouveau niveau dans le jeu de la vie. Un niveau où plus grand chose ne devient très risqué, ni n'a vraiment d'importance - le risque que le désir créé un indésirable tend désormais vers zéro -, mais où l'espoir de faire l'amour n'existe plus trop non plus.

Je remarque alors que bien d'autres couples (dernier jour avec, premier jour sans) fonctionnent dans une existence (et plus particulièrement une vie de femme) avec des écarts de temps.

Le dernier jour avec le bien-aimé fut de plusieurs mois loin du premier sans lui lequel précédait de très peu des retrouvailles prévues. D'où qu'il s'est sans doute résolu avant qu'un paparazzo ne le saisisse en scooter sortant de chez sa nouvelle conquête quand il a su que je perdais l'emploi qui me rendait utile à son travail, à me prévenir à ce moment précis. Il se doutait que je ne ferais pas défaut pour un petit boulot que j'effectuais pour lui à titre affectueux la semaine suivante, parce qu'il concernait deux autres personnes qui n'étaient pour rien dans son comportement. Et que je suis du genre qui ne fait pas faux bon.

Le dernier jour de mon boulot d'"Usine" précéda de trois mois mon premier jour officiellement sans - un 1er avril, ça ne s'inventait pas -. Mon dernier jour avec l'amie qui tant comptait précéda de huit mois le premier jour sans elle dans ma vie - "Je n'imagine pas la vie sans [Biiiip]" a déclaré plus tard celle qui m'avait succédée et à laquelle je devais, sans qu'elle n'en sache rien, mon éviction ; je n'imaginais pas plus qu'elle, j'ai été en danger -. Elle n'était déjà plus là, la grande amie, la presque sœur, que je la croyais toujours proche, et simplement trop prise par tout le boulot qui l'accaparaît.

Le dernier jour avec mon père précéda d'au moins trois mois d'une terrifiante agonie le premier jour vraiment sans lui. Il n'était plus lui-même, tout cerveau dévoré.

Je pourrais continuer cette liste plutôt triste encore longtemps. Même s'il doit bien y avoir en particulier dans les moments de convalescence, un tel écart possible de façon positive.

Je me demande ce que la suite me réserve. Je ne parviens pas à croire que je ne vais plus saigner. Qu'un certain nombre de petits tracas physiques périodiques me seront désormais épargnés.

Au moins cette fois, le premier jour sans n'était pas une accablante surprise, puisqu'au dernier jour avec je le savais prévu. 

Mon premier geste du matin est désormais d'ouvrir "La Recherche" et d'y lire environ deux pages et demi. Rituel que j'avais mis en place avant de savoir que celui de la chimie protectrice allait prendre fin. Cette chance du "juste avant" qui m'aura sauvée si souvent. Puisse-t-elle perdurer. 


Se cogner aux limites

 

Par trois fois cette semaine je me suis cognées aux limites que l'anémie (bien soutenue par une inquiétude légitime et un chagrin qui l'est sans doute moins ; celui qui l'a provoqué le disqualifie) me met.

C'est une soirée - nuit que mes commensaux prolongeaient, et des plus remarquables, en la compagnie desquels j'étais ravie, mais voilà, il m'a fallu rentrer avant de tomber d'épuisement. L'âge m'a appris à écouter mes alarmes dans les cas où c'est possible (pas le travail, pas les moments où je dois assurer à tout prix) très strictement. 

C'est une journée de boulot excellente, je crois avoir bien fait ma part et tenu le rythme et je m'effondre après, mettant pour rentrer autant de temps qu'un type qui aurait trop bu ; simplement je pédalais au hasard jusqu'à rechargement minimal de ma batterie interne, quelque chose comme ça, concentrée uniquement sur chaque tour de pédales ou de roues, sur les aléas de circulation, ne pas avoir d'accident ne pas tomber, on verra bien où je serai quand le malaise aura cessé (1). Finalement rentrée, j'ai pu assurer le le lendemain une autre grosse journée, dont je suis sortie indemne. En plus que cette fois-ci j'étais accompagnée. Je ne suis pas totalement seule dans l'adversité ; mais jamais non plus totalement épaulée.

C'est sur les conseils d'amis coureurs de fond souhaiter mesurer ma VMA. La bonne blague ! Réussissant à parcourir des distances honorables à force de ténacité d'entraînement, j'avais oublié qu'il ne sert à rien que je me compare à des performances moyennes de ci ou ça. Tentative d'effort en vitesse = petites étoiles parsemant le champ de vision et risque de perte de conscience. Les muscles, les articulations, la coordination et le cœur en bon vaillant petit soldat tout répond présent ... mais le carburant n'y est pas comme il faudrait, l'oxygénation vient à manquer bien avant que je sois à bout de souffle. Cette tentative de test m'aura simplement appris qu'un jour viendra peut-être où je serai capable de boucler des 10 km à 9 km/h mais qu'à moins d'un grand amour (heureux) ou d'un produit dopant (alors Panoramix, ça vient ?), je ne dois pas demander à mon corps davantage.

C'est compliqué d'avoir à écouter The Inner Voice who says : Ne tente pas de faire comme tout le monde, tu ne peux pas et tu le sais et par ailleurs la personne que je suis de cerveau et de caractère (d'esprit ?) et qui me rappelle que si j'ai une vie, certes pas drôle, mais passionnante très au delà de ce qui m'était assigné c'est parce que je n'ai jamais accepté de me laisser abattre et que l'anémie soit une excuse.

Entre les deux un chemin sage bien difficile à retrouver. 

L'un dans l'autre je peux quand même me dire que si je les avais vécues il y a 20 ou 25 ans, je n'aurais sans doute pas su faire face à ces mêmes situations, prolongeant la fête à en être KO et pour les 4 jours d'après, craquant avant la fin de la journée de travail, ou allant droit au malaise de vouloir faire le test d'effort "comme tout le monde". Il ne faut pas que je m'attarde sur ce que ma vie a de foirée parce qu'il me manque toujours un petit quelquechose (en fait la bonne santé et d'être un peu jolie) pour être celle que l'on garde auprès, il faut que je mesure ce que je reste capable de "faire malgré". Et c'est loin d'être rien.

 

(1) C'est l'avantage de connaître la ville et d'avoir un sens de l'orientation à toute épreuve ou presque : je sais qu'où que je me retrouve je retomberai sur mes pieds. Même les moments d'égarement n'en sont pas.


Si je gagnais

 

C'est cet article qui m'est revenu en tête en lisant cet entrefilet dans le Canard Enchaîné de la semaine.

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Un Canadien vainqueur d'un très gros lot mais qui n'avait pas particulièrement besoin d'argent, après un long temps de silence et parce qu'apparemment il ne pouvait persister dans l'anonymat, a décidé "en accord avec ses enfants" de verser la somme à des œuvres de bienfaisances.

Ça m'a remonté le moral de lire ça.

Ainsi donc tout le monde n'est pas contaminé par cette fausse valeur qu'est le fric mais sans laquelle hélas il est si difficile de survivre, de vivre, d'avancer.

Je me suis vaguement demandée ce qu'à sa place je ferais. Il y a un volet pour moi évident : je liquiderai les petites dettes qui depuis bientôt 5 ans d'écriture dont une partie comme libraire à temps partiel se sont accumulées. Je m'arrangerais pour faire quelque placement autant que possible éthique (mais je suis très sceptique sur ce que proposent les banques sous ce genre de label, un peu comme pour les produits bio) qui me garantisse cette rente mensuelle dont pour vivre au quotidien là où je suis (1) dont j'ai besoin pour écrire l'esprit libre. Je garderais l'anonymat et je me tairais autant que possible (2).

Néanmoins rembourserais au centuple et si possible en exauceant leurs rêves les amis qui m'ont aidés et m'aident en ce moment aux heures de difficultés. Ce qui risque d'être compliqué en gardant le silence (non, non ce n'est pas du blanchiment ;-) )

Mais pour le reste. 

Mettre ce qu'il faut de côté pour la période de très grand âge de ma mère, je vois venir avec effroi le moment où elle perdra son autonomie et où je serai bien incapable d'aider à payer quelque placement que ce soit - si tant est que je lui survive, bien sûr -.

Mettre mes enfants à l'abri du besoin mais pour après ma mort, qu'ils puissent en attendant vivre une vie normale, dans laquelle contrairement à l'heure actuelle je pourrais les dépanner en cas de besoin, mais qu'ils aient quand même à se confronter au principe de réalité et d'utilité encore quelques années. Ça aide à acquérir de bonnes bases et préserve de certaines dérives. 

Me border, ainsi que leur père, en vue des prochaine étapes de nos vies qui peuvent être d'ici à 20 ans, et c'est très court 20 ans, la dépendance, la mort, toutes choses coûteuses pour les restants. Prendre mes dispositions pour en cas de maladie incurable dégradante ou violente dans les souffrances pouvoir aller mourir sans crainte et dignement là où on l'autorise (3). 

Faire refaire l'électricité dans l'appartement, car notre installation est dangereuse, refaire la salle de bain comme elle était avant notre installation (4), faire faire toutes les réparations qui s'imposent (chauffe-eau, fuites d'eau, plafond de la cuisine) et que le manque d'argent nous fait différer. 

Bref des choses sérieuses, et rien qui changerait fondamentalement ma propre vie. Peut-être un séjour en Toscane, en chambre d'hôtes, et un pied-à-terre modeste et discret à Bruxelles, pour pouvoir retourner nager dans la piscine de mes rêves dès que ça pourrait, et voir souvent les amis que j'y ai. M'habiller sans complexe financier chez le boutiquier hypermnésique. Renflouer la maison d'édition de mon bien-aimé

Et puis, cet entrefilet. Ces deux mecs virés pour avoir dit Non, qu'ils ne voulaient pas pour un job, sans doute en plus pas tant payé, mettre en danger irrémédiablement leur santé.

Alors je sais. Ça prendra le temps que ça prendra, mais si je gagnais un vrai gros lot monstrueux au loto je créerais une fondation ; il doit bien y avoir un moyen pour le faire en conservant une part solide d'anonymat aux yeux de l'extérieur. J'embaucherai un(e) assistant(e) pour tout ce qui relève du secrétariat et de la pré-compta et d'un peu plus que ça, la cheville ouvrière. Et puis aussi un(e) fin(e) limier(e) capable de se débrouiller dans le monde entier. Et quand je tomberai sur une information de ce style, je ferai en sorte que la fondation verse une compensation équivalente à ce que les gens auront perdu (ou par exemple une aide équivalente au salaire qu'ils touchaient le temps qu'ils trouvent un nouveau travail). Pour qu'au moins ponctuellement puissent s'en sortir ceux et celles qui auront eu le courage de dire non. De ne pas accepter le n'importe quoi qu'on leur aura imposé les croyant sans ressources ou endettés et donc à la merci de tout pouvoir abusif. Mais comme on ne peut pas même en étant devenu immensément riche aider le monde entier, et que changer le monde est un tout autre projet, qui nécessiterait sans doute de commencer par une sérieuse modification de la nature humaine, le critère d'entrée serait celui-là, ceux qui ont su dire non alors que dans l'immédiat ça les condamnait à de gros ennuis, mais qu'il en allait de leur intégrité, leur dignité, leur survie à plus long terme.

Par ailleurs je créerai une résidence d'écrivains (ou peut-être plusieurs mais séparées) dans des endroits accessibles à peu près en train mais qui n'ont rien de prestigieux ni de remarquables. D'anciennes villes industrielles par exemple. Des endroits avec le nécessaire mais rien de superflu et une bourse d'écriture permettant de tenir mais sans gras, et je sélectionnerai les candidats avec mon frère d'élection et peut-être l'assistant(e), en ne jugeant que sur la qualité de potentiel de textes fournis et la motivation d'accepter pour un temps les conditions de base offertes. Il n'y aurait aucune obligation simplement une limite de temps convenue au départ et non renégociable sauf ennuis de santé. Avec des possibilités de fractionnements pour ceux qui auront de jeunes enfants et des remboursement de frais de transport pour s'ils veulent aux week-ends retrouver leur famille. Mais le séjour de travail s'effectuerait seul(e) car c'est un service à rendre que parfois d'obliger.

Et puis bien entendu je continuerai à dépanner les potes comme je l'ai toujours fait lorsque c'était possible, mais pour ça pas besoin de gagner un gros lot, s'en sortir correctement au mois le mois suffit. 

 

 

(1) La proximité de Paris, même une fois les murs payés coûte si cher.

(2) Je veux dire d'un point de vue administrativo-juridico trucs comme ça. Ne rien dire sinon ne me pose aucun problème. 

(3) Vu comme c'est emmanché je sens que le gouvernement actuel va nous pondre un truc de b... molle en demi-mesure et qui fera semblant qu'on autorise la mort dans la dignité mais que dans tout plein de cas en pratique on en restera avec l'hypocrisie actuelle qui consiste à trouver la personne compétente pour aider en secret.

(4) Seuls travaux que nous avions faits ... et une erreur (mal conseillés, peu fortunés)


Papelitos

 

PB257587

Je dois me rendre à l'évidence : de même qu'il y a par période des migrations de chaussettes solitaires et désolidaires, il semble y avoir des épidémies de désagrégation de sacs désireux de prouver leur biodégradabilité.

Il se trouve qu'un autre sac que celui, récent, dont je parlais, vient de se morceler étalant en plein passage ce qui y avait été en vrac, il y a plusieurs années, fourré. 

Sa composition totalement désordonnée - alors que je pratique plutôt une forme de désordre par zones organisé, et que le bazar est quand même en général regroupé par thème ou par teneur - me laisse à penser qu'il faisait partie des affaires entassées dans l'urgence lors d'un dégât des eaux par remontée d'eaux de cuisine usées fin 2008 ou 2009 -. Donc s'y trouvait tout et n'importe quoi : un vêtement dont je ne me souvenais pas, des câbles d'alimentation ou de connexion (qui ne m'ont pas manqué tant que ça), des papiers ennuyeux (vieilles factures, heureusement honorées), des cartouches Parker bleu-noir (difficiles à trouver) et tout un lot de post-it pour la plupart non datés. 

J'y ai jeté un œil avant de les jeter. Ils sont divers et variés de couleur et d'intérêts. Sans doute certains sont-ils des notes de lecture, mais le livre n'est pas indiqué. Il y a les éternels numéros de téléphone non nommés (depuis, j'ai fait des progrès, n'en note plus sans au moins une indication), des chiffres devenus mystérieux. 

Tous sont de ma main, je crois reconnaître ma façon de griffonner. Ce qui me semble intéressant c'est qu'aucun sauf un ne me rappelle rien. Ils pourraient avoir été écrits par quelqu'un d'autre. Most of them don't ring any bell. Je serais incapable pour certains de savoir s'il s'agit de quelque chose qu'il m'est venu d'écrire et que j'aurais noté sur la première feuille à ma portée ou bien une citation tirée d'un livre.

Ils vérifient donc parfaitement la pratique du Robinson (je ne mets pas le lien le bougre ne blogue plus) : à savoir que des écrits éventuellement intimes au bout d'un temps certain perdent cette qualité. Les détails de leur raison d'être immédiate se sont perdus dans les mois voire les années écoulées, les personnes concernées ne sont plus là ou plus vraiment les mêmes. Devenues affaires de mémoire, les faits, nécessairement se sont paré d'une aura de fiction. La réalité est trop complexe pour être saisissable via ce qu'il en subsiste un long moment après.

La suite n'est pas nécessairement destinée à être lue : si vous vous faites chier, vous l'aurez voulu. D'autant plus que je compte battre au passage mon record de notes de bas de pages. Je vous aurais prévenus. C'est pour moi dans l'idée d'un travail ultérieur que je n'aurais sans doute pas le temps d'effectuer (je connais ma vie), afin de savoir où retrouver la transcription exacte et exhaustive (matière première). Dans l'ordre de leur étalage sur le sol : 

Post-it 1 - bleu vert - carré - stylo bille 
Hubert Lucot "Le Noir et le Bleu Paul Cézanne" (Argol)
06 78 61 38 68 le 17/07 à 18h40

Post-it 2 - bleu vert - carré - crayon à papier et feutre violet
rue de Croulebarbe
Nuala O'Faolain Mona gildaf
flickr
la vie sauve (1)
pedzouille = country bumpkin

Post-it 3 - blanc - petit format - stylo bille noir stylo plume bleu en surcharge
Esmeralda Dennison (2)
300 000
3000 3000 300 300
Marianne Marion
Will Collins (3)

Post-it 4 - rosé - carré - stylo bille et feutre violet
→ incapable de répondre non même à un référendum (4)
42 25 17 (5)
6 12 70 72

Post-it 5 - bleu vert - carré - crayon à papier (6)
- Pourquoi la fenêtre a des barreaux
- Pourquoi on perd sans arrêt nos chaussettes
- Pourquoi on n'est jamais allé à Hauteville House (7)

Post-it 6 - bleu vert - carré - stylo bille (8)
Jonathan Coe 26/08/06 20h-21h
Viviane Hamy 26/07/06 France Cul 23h20 → ? (9)
6 août 21h-22h Sylvie Germain

Post-it 7 - bleu vert - carré - stylo bille (10)
17h-17h30 Culture
11 août Marie Darrieusecq
14 août Sylvie Testud
17 août Rykiel ⤻ Sarraute - Woolf
24 août Ariane Ascaride
25 août Frédéric Mitterrand
07/11/01

Post-it 8 - bleu vert - carré - stylo bille
② ──────────── France Cul
Annie Saumont (Losfeld)
qu'est-ce qu'il y a dans la rue qui m'intéresse tellt ?
────────────
lundi 17 juillet 11h20→30
Italo Calvino
jeudi 20 juillet Ourania
Le Clezio

Post-it 9 - bleu vert - carré - stylo bille bleu fin
dimanche 25 juin
France Culture
Vivre sa ville
7h05/8h00
cimetière parisien des Batignolles

Post-it 10 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin
La goutte d'eau
désaltère
en même (abrégé) tps qu'elle
altère
────────────
"quelques fois j'ai les idées
si claires qu'elles me 
font mal aux yeux"
du pas de plus la 1ère

Post-it 11 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin (11)
vers les 26 et 27/05/05
photos pour Arles
à nice and new pedestrian way

Post-it 12 - orange - carré - stylo bille noir fin et la dernière phrase au crayon à papier (12)
Pour les ressemblances
c'est pas
exprès et
pour le reste
d'ailleurs non
plus
───────
à plus tard comme tu voudras

Post-it 13 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin et des essais de refaire fonctionner un stylo bleu
mettre en mot
pour moi
c'est parfois
un peu lourd
(+/- from David)

Post-it 14 - bleu vert - carré - stylo plume bleu sombre qui n'aurait pas fonctionné depuis longtemps
une tâche de café en bas à droite
on en crâme
on en crêve
name from spam
→ Zelma Magnani
why be an avera guy
any longer (13)

Post-it 15 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin et feutre mauve (au dos)
① France Cul
mercredi 26 juillet
Viviane Hamy
de minuit à 0h40
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dimanche 23 juillet 18h10
Stella Baruk
dimanche 6 août 21h
Sylvie Germain
(au dos) qui ont permis à cette fiction d'échapper à la réalité.

Post-it 16 - orange - carré - stylo noir (14)
→ 020406
name : Marcelino
14h27 1h47 36 jours 40 8 mois
37 jours
11'39
1 47
07/11/03
99
47
9h52 1h47 

Post-it 17 - orange - carré - stylo noir puis feutre
La beauté déborde
je ne peux la cadrer
────────────
pour Traces
Monsieur Pinault
se préoccuperait-il 
de ma pilosité ? (15)

Post-it 18 - orange - carré - stylo noir puis feutre (16)
Prova racogliere
meie pezzi si
che ti sei portata via
con te -
je suis en permanent danger

 

Ce dernier post-it est presque réconfortant : ça a beau être rude, c'est quand même moins pire cette fois-ci. Je crois plus en l'amitié qu'en l'amour d'où que celui-ci fait moins de dégâts en disparaissant brutalement.

   

(1) Ça je sais, c'est le titre d'un roman qui pour moi a beaucoup compté. 

(2) Not the slightest idea who it can be. Rien trouvé de probant sur les moteurs de recherche. Il s'agit donc peut-être d'un nom de personnage de roman. Lu ? Que je comptais écrire ? Ou d'un patronyme qu'un spam utilisait.

(3) Lui, je sais : famous old poet

(4) Je ne pense pas qu'il s'agisse de moi dont la capacité à envoyer promener sans la moindre diplomatie n'est pas à prouver. Qualification d'un personnage ?

(5) chiffres écrits verticalement. Je soupçonne une soustraction.

(6) forte thématique "questions existentielles" :-) . Ce serait des notes en vue d'un de ces billets de blog pour participer à un questionnaire qui circulait (et dont l'usage peu à peu se perd mais qui florissaient au début des blogs), que ça ne m'étonnerait guère.

(7) Hauteville House ou bien l'appartement de celle qui était mon amie intime et que j'appelais ainsi par référence au nom de sa rue. La question porterait alors sur le fait de n'y être jamais allée en famille au complet.

(8) On dirait un relevé d'émissions de radio que je souhaitais écouter.

(9) Cette entrée est encadrée, sans doute voulais-je ne surtout pas louper cette émission

(10) On dirait le petit frère du précédent, le mois est le même mais la seule date entière indiquée précède de cinq ans. Elle n'a donc peut-être rien à voir.

(11) Je me souviens très bien avoir joué les photographes en second pour le comité de soutien de Florence Aubenas et Hussein Hanoun. Aurions-nous fourni des images pour le festival d'Arles ? (plus aucun souvenir - pas exclu) 

(12) Troublant : on dirait des bribes de messages. Mais je n'ai pas l'habitude de noter quoi que ce soit avant : quand j'en écris c'est dans l'instant. Ou alors étais-je à "l'Usine" et dans un cas d'empêchement mais ne voulais surtout pas oublier. Ces phrases pourtant semblent anodines. Perplexité.

(13) La fin semble provenir d'un spam

(14) Plus aucune idée de ce à quoi peuvent correspondre ses décomptes. Peut-être m'embêtait-on sur les heures du temps partiel que j'ai occupé du 1er avril 2005 au théorique 1er avril 2009 ? Marcelino est peut-être un prénom de spam qui m'avait amusée.

(15) Le "pour Traces" étant précédé d'un "OK", je peux supposer que j'ai réellement sur ce thème écrit un billet, je crois savoir quoi (billet du 28 juillet 2006)

(16) Note d'après le 17 février 2006 c'est évident. Et je reconnais bien ce qui m'arrive quand ça ne va pas d'avoir recours à mes autres langues plutôt qu'au français

 

 

 

 

 

 


Le déni

Hier soir, chez les amis qui nous avaient invités à dîner

 

Nous ne nous étions pas vus depuis longtemps, il y avait du peu d'appétit qu'on espère ponctuel à justifier, la conversation a roulé sur le sujet de nos santés.

L'homme de la maison est équipé d'une maladie chronique dont il persiste à nier qu'elle a un caractère héréditaire. Le déclenchement de ses crises, ses périodes de poussées sont favorisées par le stress, mais la pathologie, le fait d'avoir une fragilité on le récupère de naissance et on le transmet.
Il n'a jamais été un foudre de guerre mais durant nos jeunesses, alors que sa pathologie n'était pas encore apparue au grand jour (1), c'était souvent lui qui allait bien, et moi qui tombais malade et ne sortais de toutes façons presque jamais de la fatigue.

Or depuis de longs mois, le grand fatigué, c'est lui plus que moi. Ce qui m'inquiète, je tente de le persuader d'en parler à notre médecin de famille, de cet épuisement et de ses conséquences. 

Dès qu'il n'est ni au travail ni sorti faire les courses ni présent à son club de sport, il s'effondre au lit où la plupart du temps il dort.

Moi qui suis la première à estimer que je consacre bien trop de temps à cette activité, trouve alarmant de côtoyer quelqu'un qui dort plus que moi. Lui-même s'en plaint à longueur de journées - du moins quand il est réveillé -, émerge en proclamant "Vivement ce soir qu'on se couche" et ça n'est pas pour rigoler, souvent s'interroge "Mais qu'est-ce que j'ai ?".


Et voilà qu'aux amis, à un tournant de la conversation au sujet de la maladie qui les atteint notre fille et lui, il prétend qu'il s'en sort très bien et que d'ailleurs il se trouve pour son âge plutôt en grande forme. Elle et moi n'avons pu retenir une exclamation de stupéfaction. Il a évoqué un stress, passé (2), de son travail, mais que non, maintenant il allait bien ; très.

Ce n'était pas le temps ni le lieu sur ce sujet-là d'entamer un débat, lequel risquait de virer intime. 

Mais certains dénis sont quand même extrêmes. 

Et pour l'entourage un peu lourds à porter.

 

 

(1) Il est tombé malade après la naissance des enfants, ce qui fait que nous ignorions le risque qu'on leur faisait courir, nous ne connaissions que celui de la thalassémie mineure, que je considérais au vu de ma propre vie acceptable.

(2) Alors qu'en fait, s'il ne ment pas, il semble avoir beaucoup de travail, être surmené.

 


Stage pour corps ?

Ce soir devant l'ordi.

 

Je regarde l'athlétisme, les J.O. sont le bon moment pour ça. Il y a ce grand extra-terrestre d'Usain Bolt, dont la puissance, le développement (comme on dirait au vélo, pour le grand braquet) me stupéfie. Et je me demande une fois de plus, moi qui vis dans un corps en perpétuelle fatigue, a certes appris à compenser mais dois en tenir compte sans arrêt, quel effet ça peut faire, pas tant d'être un homme (puisqu'au fond je ne sais plus très bien ce que c'est que d'être une femme) que d'être grand et fort.

Chaque chose doit être différente.

Je ne parle pas de courir, il surclasse même ceux qui s'entraînent comme lui. Non, je parle des gestes les plus simples de la vie quotidienne.

Par exemple : être assis dans la cuisine, et aller jusqu'au placard prendre un bol et se préparer un café, en remplir le bol et le boire.

(pour simplifier l'expérience on supposera qu'Usain aime le café et qu'il n'a pas de contre-indication à en consommer, malgré qu'on aura sans doute classé le café parmi les produits dopants).

Pour commencer, lui grand et fort, assis dans sa cuisine il n'a pas froid.

Moi si, je viens d'ailleurs de fermer la fenêtre - et oui, on est en août -.

Lui à peine il s'est dit qu'il avait envie d'un café, il est debout devant le placard, la porte ouverte sans qu'il ait eu conscience de faire quoi que ce soit pour et il s'apprêt à saisir le bol dans une main.

Moi, pour commencer je tergiverse : c'est que j'ai l'impression que je viens seulement de m'assoir. C'est quand même mieux d'attendre un peu. Mais comme je frissonne, j'ai vraiment besoin d'un truc pour me réchauffer. Allez, debout, café.

Équipée d'une tension basse, je sais qu'il me faut me lever avec mesure dans le mouvement si je veux éviter que la tête ne me tourne trop au bord du malaise. J'effectue ensuite quatre pas afin d'aller jusqu'au placard.

Il s'est contenté d'un et demi.

Je bande les muscles de mon bras droit pour ouvrir la porte : elles sont conçues pour s'ouvrir du côté naturel pour les droitiers, et de même que pour passer les portillons du métro parisien, il est plus facile de se conformer malgré un effort accru, que de s'efforcer à faire le geste avec le "bon" bras pour nous. 

Le bol est sur une étagère du haut, celles qui sont à ma hauteur ne sont déjà que trop surchargées d'objets.

Je dois pousser une chaise, y monter à demi, avant d'attraper l'ustensile convoité.

Usain, lui, son souci est de le pas serrer dans sa main trop fort un objet qui risquerait de s'y briser, se contente de déplier une main distraite. Non pas distraite, justement : le bol est fragile, il faut faire attention, se retenir à toute force d'en mettre dans ce mouvement.

Pendant ce temps je dois me méfier de ne pas relâcher l'objet par manque de pression exercée sur lui. Il me faut aussi contrôler l'effort de préhension mais à l'inverse, pour veiller à ce qu'il soit suffisant.

Préparer le café est à mon avantage : mes mains légères effleurent la machine qui obéit.

L'homme fort, de son côté, doit procéder avec prudence, il pourrait exploser la machine s'il oubliait qu'il doit se contrôler. 

Je retourne à ma place, le bol plein et brûlant, mais sans me faire mal : je le tiens vers le haut, à deux mains, comme le ferait un enfant.

Lui n'a besoin que d'une seule main pour le tenir. Il s'assoit sur la première chaise venue : personne, tant qu'il n'a pas fini son café, ne l'y importunera.

Je m'efforce d'aller jusqu'à ma place habituelle, celle à laquelle je ne serai pas dérangée. À petits pas : ce n'est pas le moment de renverser quoi que ce soit.

(J'ignore s'il sucre ou pas, mais s'il faut se relever pour aller chercher un sucrier, à peine y a-t-il songé que les gestes nécessaires sont déjà faits).

Je ne sucre pas, geste en moins à faire et pour un goût qui ne m'attire pas.

Comme j'ai le gosier rude, boire très chaud me va. Le café est trop vite englouti.

Lui le trouve trop fort. Et boit lentement. Pas question qu'il se brûle aussi stupidement.

Je dois faire un effort afin d'aller me rassoir. Précautionnement. 

Il buvait plus lentement que moi pourtant il a déjà fini. Et le bol attend un lavage, tranquillement dans l'évier, il a juste du faire attention de ne pas le poser trop forcément.

Je laisse le mien près de moi sur la table. Les trois pas pour aller jusqu'au l'évier s'ajouteraient aux 10 ou 12 qu'il me faut fournir afin d'aller me mettre au lit.

Lui reste debout, il n'a pas sommeil. Peut-être qu'à lui qui n'en a guère besoin, le café fera effet.