Après (juste)
24 novembre 2015
La première info accessible concerne le Stade de France, il y aurait eu "des explosions". Du coup le premier message de Tu vas bien ? que j'enverrai sera à un ami que je sais susceptible d'y être peut-être avec ses garçons.
Je tente de piger ce qui se passe et me mets à RT, quasiment machinalement ce qui me semble pertinent. Tout en chuchotant quelques infos à celui qui m'accompagne. Autant dire que du débat je n'ai rien capté, sinon que réalisatrice et actrice présente tentaient de faire bonne figure et le public de jouer le jeu - mais tout le monde n'avait pas de téléphone connecté -. Beaucoup étaient comme moi, penchés sans vergogne sur leur petit écran, sidérés ; restant par politesse (et impuissance) (nous étions loin) mais de fait impolis.
Je ne sais plus quand je comprends qu'il y a plusieurs lieux concernés. Et plusieurs types d'actions, bombes et fusillades.
À un moment je m'efforce surtout de RT ce qui peut être utile, consciente pour le reste de n'avoir aucune valeur ajoutée, même si je me rends compte qu'affinée au fil des années ma TL est particulièrement efficace pour suivre des infos.
À un moment je crois comprendre qu'il y a des otages au Bataclan et c'est pire que tout.
à 23h26
L'échange après le film n'aura pas duré très longtemps, tout le monde est préoccupé. À peine sommes-nous sortis dans la rue que j'appelle ma fille qui me donne davantage de détails, elle a des amis au Bataclan et suit ça de près. Il est 23h37. Je la remercie pour la présence d'esprit de son envoi. Arrivés à la maison, communication achevée, je me mets sur l'ordi, tout en envoyant quelques textos, tout en répondant à quelques autres, touchée que pour moi l'on s'inquiète (1).
Passé minuit :
En même temps que je RT ce qui me paraît utile j'ai allumé la télé, que nous sommes à deux à regarder puis éteindrons assez vite une fois une salve de résumé achevée.
À 0h03 je viens par SMS aux nouvelles de mon vieux grand ami, je ne le suppose pas trop au Bataclan, j'ai surtout peur pour l'un de ses fistons (musicien). Il me répond 18 minutes plus tard dans un premier temps que ça va "mais un peu tendu" et deux minutes plus tard me signale où il est et je percute que c'est tout près des restaurants visés. Je lui signale le hashtag #porteouverte. [Ce n'est qu'à 10h passées le lendemain matin qu'il regagnera son domicile.]
Je continue à en RT quand j'en vois passer :
À 0h54 je poste sur FB un statut pour ceux qui ne suivent pas tout en Français
Et à 1h19 après un pieu mensonge (il fallait prétendre être sur zone afin de pouvoir s'enregistrer) je me signale sur le Safety Check. Pour la première fois je suis reconnaissante aux fonctions de flicage de FB, c'est dire si j'ai eu peur pour mes amis, dont je vois les noms s'égréner, "a indiqué être en sécurité" "est signalé en sécurité".
À 1H22, je confesse :
Certains touites sont entre temps devenus cryptiques :
Quelqu'un s'inquiète pour le groupe :
(et je m'aperçois que je les supposais implicitement premiers visés et donc morts)
Je RT sans avoir vérifié une déclaration trop ancienne de Trump (mais il en a effectivement remis une couche le lendemain donc finalement ...)
Je continue de RT les #porteouverte tandis qu'apparaissent les premiers avis de recherche regroupés :
Je tombe à un moment donné grâce à Marie Julien sur le fil reddit Paris shooting live thread
À partir de là c'est ce fil puis un autre que je suivrais.
Pendant ce temps sur FB les choses se précisent, un de mes amis qui habite sur zone relaie ce qu'il entend et voit, une amie est à France Culture et s'apprête à bosser H24 devant l'urgence. Timidement certains commencent à me souhaiter un bon anniversaire en précisant "malgré tout". Je me rends alors compte que j'avais complètement oublié. Mon époux me fait un bisou lui aussi avant de capituler face au sommeil et d'aller se coucher.
Je tombe aussi de sommeil mais n'en continue pas moins à tenter de m'informer. En fait je voudrais savoir si s'est fini ou non au Bataclan, l'épuisement me porte à croire qu'il y aurait moins de victimes si on ne les laisse pas tomber en se désintéressant de leur sort, quelque chose d'aussi "pensée magique" que ça.
À 2h14 je transmets le nouveau fil reddit
Il se dit que les taxis se sont mis en mode gratuit. Quelqu'un dément dans son cas précis :
Je suis particulièrement émue de "croiser" à nouveau Patrick Pelloux qui m'avait tant impressionnée en janvier de chagrin de force et de dignité. J'échange en DM avec quelqu'un à son sujet, nous partageons notre admiration.
Entre amies, on tente de s'entre réconforter en voyant le positif des choses :
À près de 3h du matin je change ma photo de profil FB qui était toute joyeuse. Je la remplace par une Tour Eiffel perdue dans la brume au matin du 7 janvier. Ma dernière photo "avant" (la première série de cette vague-là d'attentats)
À 4h du matin je poste une ultime récap :
Puis je m'effondre de sommeil, devant le défilé des touites de recherches de proches (2).
Le premier touite suivant est de 9h du matin et marque mon soulagement d'avoir quitté mon job dans les "beaux" quartiers à temps.
La journée du 14 sera vraiment bizarre dans mon cas :
J'aurais conscience de me réfugier dans les films. En même temps, que faire d'autres puisque nous étions là et de peu d'utilité générale (pas soignants, pas journalistes, pas membres des forces de l'ordre ...).
(1) paradoxalement pas les tous plus proches qui eux me savent à Arras.
(2) Je n'en trouve plus trace parmi mon flux personnel : soit je n'en ai RT aucun (possible, me présumant peu utile dans la recherche) soit ils ont été supprimés de l'ensemble de twitter depuis ce qui est plausible. J'ai vu par exemple ces jours-ci des articles qui avaient été modifiés à la demande de leurs proches afin de préserver l'anonymat des victimes.
PS : Une récap générale par Nicolas Vanderbiest pour Reputatio Lab - dans laquelle on apprend que c'était une jeune fille qui avait pris en charge l'un des comptes de recherche des victimes les plus efficaces, chapeau bas -.