Le message

Très troublant rêve vers cinq heures du matin dont tout s'est trouvé effacé par le fait d'émerger, sauf ceci : 

j'ai cru avoir reçu un message de Celui qui, un message dans lequel il m'aurait suppliée de le pardonner, aurait évoqué un engouement sexuel physique et passager, serait sorti du déni dans lequel il m'a enfermée afin de mieux m'escamoter. 

Et la réception du message, le téléphone qui marquait son arrivée, le quelque chose qui faisait que je savais qu'il venait de [censuré], et non d'un autre homme, avait la consistance de la réalité. Ce fut très troublant, c'était comme lorsqu'on fait un songe dans lequel le réveil sonne et qu'on s'aperçoit qu'il sonne en vrai, mais inversé : j'avais la sensation très précise et réelle de l'arrivée du message mais non c'était seulement dans le rêve qu'il était. J'ai alors consulté mes mails sur mon téléphone, à demi somnambule, pas encore réveillée-éveillée. C'est en constatant qu'il y avait d'autres messages (merci à toi ;-) ) mais pas le sien que j'ai compris que j'avais rêvé. Et que je me suis réveillée tout à fait. Attristée.

J'écris en fin de matinée et suis encore sous l'emprise de la déception que ce ne fût pas vrai. Mais seulement un songe hyper-réaliste avec une très faible probabilité de se réaliser.

 


Los Santos and Blaine County

Capture d’écran 2013-10-02 à 10.14.30

Un moment déjà que ça ne t'étonne plus : cette absence de besoin des plus jeunes de voir le jour au matin. Le garçon plus que sa sœur, capable aux jours de congés de se lever sans ouvrir les rideaux, filer dans la pièce de l'ordinateur dont il va les fermer si ce n'est déjà fait : la lumière du jour le gêne pour l'écran.

Toi, la vieille, déjà tu laisses ouverts les volets afin d'être réveillée si possible par le soleil, et puis sauf par grands froids tu ouvres une fenêtre, tu tatonnes l'air du temps, tu remercies notre étoile vitale mentalement de continuer son boulot et les nuages de nous apporter l'eau.

Et puis ce matin tu t'apprêtes à traiter tes petites photos quotidiennes, les copier, trier et sauvegarder, c'est ta façon à toi, avec l'écriture, de rester en vie, de rester raccrochée au réel dont tu te sais capable en l'absence d'assez d'amour de partir assez vite assez loin assez bien. Et tu tombes par sérendipité sur ce groupe aux photos qui ressemblent un peu à la Californie ou à certains paysages du Nord du Mexique, ou du Centre des États-Unis, tu confonds certes un peu, mais ça a l'air impressionnant ce coin-là. 

Quoiqu'un peu futuriste. Et puis tu fais enfin gaffe à ce qui est marqué, complètes par une recherche via un moteur que tu n'aimes pas tant mais qui est performant, et, lente, tu comprends : ceux qui ont créé ce compte sont les photographes d'écrans d'un jeu tout récent. Les paysages de son décor ont une définition, une luminosité et un souci du détail qui les jettent si l'on n'y prend pas garde à hauteur de ceux de la planète où nous sommes hébergés.

Alors tu comprends (un peu) (moins mal) pourquoi les jeunes générations ont si peu besoin du dehors, de la lumière directe ; le faux monde a presque rejooint la teneur du vrai. Et ce qu'on y fait, tout en étant sans risques, est tellement plus excitant. On peut y tuer et s'y faire tuer tranquillement. Sans puanteur et sans douleur. Seulement les délicieuses sensations des "Comme si" des jeux d'enfants.

La lecture et cet effort, pour nous autres vieux briscards aguerris inconscient, de former à partir de signes des images dans notre tête, ne peut rivaliser face à ces beautés parfaites, séduisantes et prémâchées.

Ton soleil du matin, guetté à la fenêtre, incertain, n'atteint pas la séduction des lumières rasantes, aux brumes artificielles, choisies et calibrées. La nature devient désuète.

Et l'écrit un vague vestige traditionnel d'un monde déjà ancien.

Alors tu te rassures à petit brin par la consolation que d'aucuns dans le jeu, au lieu d'entrer comme prévu dans la compétition, la quête de performance, se seront laissé aller à poursuivre quelques bribes de beauté. La poésie (nous) survivra.

 

Le groupe flickr : Landscape photographers of Los Santos and Blaine County


Au ciné

 

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J'étais chez le kiné, il est venu plus tôt, car j'arriverais pour la séance, sans trop de marge en fait. 

Il a pris les billets pour m'éviter la honte de devoir débourser pour une seule séance, à deux, l'équivalent de deux heures du boulot que je viens de perdre.

M'éviter aussi d'être tentée par les offres de cartes ceci ou abonnements cela, ces pièges à consommer encore et toujours plus.

Ce qui fait que quand je suis arrivée je n'ai pas eu à m'inquiéter d'attendre, ni me préoccuper du moindre achat. En plus qu'il m'a embrassée avec une grande tendresse.

Le film était formidable, plein de scènes dansées, certes pas aussi bien que Pina mais quel plaisir de voir des corps aussi libres et vifs que ceux-là.

Nous sommes sortis heureux, avec du temps de libre, et comme il se doutait que je n'avais rien avalé depuis le matin il m'a proposé sur le pouce un petit restau. Nous sommes allés au Quigley's où la dernière fois je n'avais pu prendre qu'une bière. Manger m'a sortie un peu du chagrin qui m'enserrait et que la séance de kiné qui fait du bien au corps mais par certains gestes thérapeutiques presques tendres, rend vulnérable qui est blessée, avait dans un premier temps revigoré.

Nous sommes rentrés lentement, en nous promenant comme des amoureux.

Il comptait profiter de ce jour de congé pour aller jouer à la pétanque, s'entraîner. Mais comme j'avais piètre moral il est resté

*        *        *

 

pour m'aider à traverser cette journée difficile, entre impuissance et écœurement. Six ans d'une relation intense mis au rebus comme de rien après une hésitation trop longue ; on dit "sauver les apparences" mais l'apparence condamne en fait. Je ne suis pas spectaculaire, je le sais. Mais un homme sans lâcheté, après avoir tant fait, m'aurait accordé une chance. Et parlé.

Ça tombe mal, très mal qu'il n'y ait plus le travail pour s'amarrer à la dignité de l'activité, le travail pour autrui s'entend. Mon travail personnel devient noir, trop noir or c'est le moment où jamais où je devrais avancer au lieu de me retrouver avec les mots mazoutés.

Où trouver la force de ne pas renoncer ?

 

[à part le cinéma et le kiné, d'y être allé vraiment, et les paragraphes après les *        *        *, ce texte est une fiction ou plutôt une anti-réalité. Rêver est tout ce qui me reste. En particulier, le film était décevant]