Du (fait d'être au) chômage

 

    J'ai donc retrouvé du travail, un joli défi qui me ravit, près de la zone de vélotaf de Sacrip'Anne, ce qui me réjouit - ça m'autorise a croire qu'elle a un pouvoir magique, je l'accompagne une fois et hop une proposition stimulante apparaît -. 

Du coup et avant de quitter, le mois prochain et j'espère pour longtemps, le statut d'inscrite à Pôle Emploi - en fait grâce aux remplacements dans le cadre des Libraires Volants, je n'aurais pas tant eu à en bénéficier, seulement il fallait continuer à s'actualiser, fournir des documents, répondre à des propositions parfois étranges -, et comme nous vivons sous un gouvernement qui plus encore que d'autres semble considérer les chômeurs comme des fainéants, je voulais faire un point sur ce que ça peut faire d'en être. 

J'ai connu quatre périodes de chômage dont une seule fut longue (plus d'un an). La première correspondait à une nécessité de reconversion car l'emploi en cours avait perdu tout son sens ; je savais que j'allais partir, des contraintes financières m'en empêchaient, un événement subi m'aura finalement permis d'avancer l'appel de 2 ans 1/2. J'étais épuisée par les années passées à tenir le coup malgré tout. Et je pense que les huit à neuf premiers mois de chômage ont été nécessaire comme une convalescence, à retrouver de l'énergie, et la force et la capacité à nouveau de se projeter vers l'avenir. J'ai retrouvé du travail grâce à mes amies libraires et mes amies tout court et d'être très réactive : une piste, aller voir aussitôt, rencontrer les gens. Accepté des conditions humbles au départ et de la précarité, prouver sa capacité à bosser, et stabiliser les choses, jusqu'à ce que les conditions économiques générales ne nous rattrapent. 

Ce chômage-là ainsi que celui que je m'apprête à quitter est dû aux difficultés économiques de l'entreprise qui m'employait. À ce titre je tiens à signaler à nouveau que la rupture conventionnelle de contrat si elle vient réellement d'un accord entre l'employeur qui ne parvient plus à payer les salaires (ou anticipe de ne plus y parvenir) et le salarié qui a bien compris qu'il ne servait plus à rien de s'échiner malgré une conjoncture générale qui s'assombrissait, est une bonne solution. Une seule fois j'ai démissionné et même si c'était essentiellement dû à un problème physique lié à des conditions de travail (très lourds chariots à pousser), comme je n'avais pas compris ou compris trop tard, d'où me venait une étrange douleur qui me gênait à marcher, ce fut du chômage non indemnisé. J'avais en vue une reconversion concernant un autre domaine de mes centres d'intérêts (photographie ; apprendre à les retraiter), mais les attentats du 13 novembre 2015 l'ont escamotée.

Alors je peux témoigner pour avoir connu l'une et l'autre et dans des conditions "moyennes" d'urgence c'est-à-dire qu'un conjoint est là qui perçoit encore un salaire pendant ce temps là mais dont le salaire ne suffit pas à assurer la totalité des dépenses quotidiennes d'une famille de quatre personnes, que le chômage indemnisé n'est pas un luxe. Il permet vraiment et simplement de tenir le coup en attendant qu'une proposition d'emploi ne corresponde à nos compétences, d'éviter que l'on se retrouve contraint·e de prendre n'importe quelle opportunité de gagner quelque argent, voire parfois illégalement (1). 

Je sais que c'est encore plus crucial lorsque la personne au chômage représente le seul revenu pour un lot de personnes, ou est seule et risque très vite de ne pouvoir payer un loyer. Ça va très vite d'aller très mal financièrement, et je salue au passage "Le quai de Ouistreham" de Florence Aubenas en témoignage et "Feel good" de Thomas Gunzig en fiction mais très réaliste sur ce point, qui nous font comprendre combien chacun d'entre nous fors à être issu·e·s d'une lignée fortunée où quelqu'un pourra toujours proposer une porte de sortie ou à défaut un lit, peut être vite rendu à compter chaque sous. Ça va très vite de ne plus pouvoir payer un loyer.

De la même façon et sachant que je suis dans une configuration relativement privilégiée, je ne craignais pas de perdre mon logis, je peux attester que les mois passés sans travail rémunéré sont tout sauf des vacances. On est en permanence à l'affût, ou en train d'échafauder des projets d'entreprenariat, ce qui demande un temps fou et une énergie forte. Autant si on a un travail au niveau de stress raisonnable, on peut se permettre au soir de début de week-end de souffler un grand coup et se consacrer à sa propre vie et à sa condition physique (2) jusqu'à la reprise en début de semaine suivante, autant au chômage il est difficile de se dire "pause". Parce que l'on craint de manquer l'offre qui nous en sortirait, parce qu'on se met à gamberger sur ce que l'on pourrait faire d'autre, comme activité, quand notre domaine de compétences s'avère exténué (3). Sur l'ensemble de cet été, où j'étais concentrée sur ma recherche d'emploi au besoin en tentant de le créer, je n'aurais pris comme "vacances" que trois week-ends prolongés et, j'espère, la semaine prochaine, à présent que je sais avoir retrouvé [du travail].

Quand on est une femme s'ajoute au chômage la force de la charge mentale et ménagère de la maisonnée que tout le monde trouve du coup parfaitement normal qu'on assume intégralement, c'est logique en partie, puisqu'effectivement on dispose de davantage de temps pour s'y coller et de présences possibles par exemple pour attendre des livraisons ou des artisans pour des travaux. Il n'empêche que si l'on n'y prend garde on se trouve vite requises, et avec d'autant moins de temps pour chercher un nouvel emploi et ainsi de suite. 

Être au chômage ou dans des emplois précaires, c'est ne pas pouvoir prévoir un minimum d'activités sociales ou sportives. Or notre société requiert de plus en plus que l'on puisse réserver ou s'inscrire à l'avance, parfois un an plus tôt (4). On se retrouve vite éloignés de celleux que l'on aimait, et ce que l'ont aimait, d'activités qui nous donnaient du courage. 

J'enfonce des portes ouvertes, certes, mais y penser est une chose, le vivre une autre, et le mépris qui semble devenu la norme est insupportable quand on sait réellement ce que c'est que de s'y retrouver confrontés, devoir pointer à Pôle Emploi. 

 

 

(1) Moins que les premières fois mais de façon persistante, j'ai reçu des offres étranges après mon inscription à Pôle Emploi. Dont des propositions pour travailler à du recouvrement de créances.   

(2) Oui je sais certains en profitent précisément pour se la bousiller. Mais pour la plupart des femmes ça n'est pas le cas.

(3) Les jeunes, si vous lisez ce billet et "aimez lire", ne cherchez pas à devenir libraires, c'est tout autre chose comme métier et surtout les postes de qualité proposés se réduisent d'années en années. Ça ne peut fonctionner que si vous créez votre propre boutique, ce qui veut dire du 60 h/semaine facile et surtout une mise de fonds initiale souhaitable d'au moins 80 000 €. Sinon vous ne tiendrez pas au delà des premières années pour lesquelles la fiscalité sur l'entreprise est allégée. Et il convient si possible d'adosser la librairie à autre chose, par exemple un café, ou une laverie livre-service, ou un espace de co-working. 

(4) C'est le cas pour certains hébergements lors de festivals ou pour certaines compétitions (je pense au triathlon, ou à des marathons). 


Un bel article de Phil Plait

 

    Ce qui est intéressant après avoir passé un petit lot de jours sans presque être connectée - je n'ai toujours pas de smartphone, donc quand je suis loin de l'ordi je peux seulement lire les intitulés des messages reçus et parfois tenter un statut FB (qui désormais apparaît sous la marque de Microsoft, nous sommes décidément des pions) -, c'est de voir l'étrange ampleur prise par des événements par rapports à d'autres. Ainsi le fait que la chemise de celui qui présentait la mission Rosetta ait fait davantage parler que le projet lui-même.

Je suis féministe au sens que je ne considère pas les femmes comme une catégorie B de l'humanité, j'aimerais d'ailleurs qu'en toutes choses on cesse de considérer les humains que nous sommes tous par catégories liées à leur naissance - personne n'y peut rien d'être venu au monde ici ou là, de telle couleur ou telle autre, de telle sexe ou avec telle orientation sexuelles - mais qu'on prenne plutôt en compte ce que les gens deviennent et font. Le déterminisme social est déjà suffisamment écrasant, en rajouter n'est pas nécessaire. Je rêve d'un monde décloisonné où même les plus faibles seraient respectés. Ça n'est pas du tout à l'ordre du jour, je sais.

Pour autant cette déferlante au sujet d'une chemise à bimbos (1) me paraît démesurée, c'était surtout une grossière erreur de communication : si tu veux (homme ou femme) que l'on prête attention à tes propos évite d'être trop voyant.

C'est seulement ce matin, grâce @Kozlika qui a fait circuler le lien que j'ai compris quelques éléments de ce qui s'était joué là, en plus que ça fait toujours du bien de lire des points de vue intelligents : 

Shirtstorm 

 

(1) Sans doute parce que je suis une femme je ne comprends pas bien cette nécessité qu'éprouvent certains hommes hétéros à afficher partout des pépées blondes à gros lolos ; mais j'ai un peu tendance à penser que si vraiment ils ne peuvent s'en passer, au moins ça ne fait de mal à (aucune vraie) personne. 


L'habit providentiel

 

C'était dans ces mois difficiles après que F. m'avait quittée avec une si grande désinvolture et une si splendide lâcheté. Je n'avais pu échapper à la video d'une rencontre en librairie dans laquelle il roucoulait avec celle que j'avais toutes les raisons de supposer être la femme qui l'avait fait me congédier (1), sur le mode nous devons désormais nous en tenir à une stricte amitié ; comme si c'était envisageable, ce côté Je veux bien te garder sur la feuille de match mais sur le banc des remplaçants. Contente-t-en.

J'avais en vue de façon fragile un nouvel emploi dont je rêvais déjà mais qui m'inquiétait pour l'écriture. Mon meilleur ami disait être trop pris, l'on ne se voyait pas. Quant à celui qui prétendait m'aimer, il faisait des sortes d'efforts qu'il ruinait aussitôt par des propos insultants ou une négligence avancée.

Je l'avais cependant convaincu de m'accompagner pour voir Jimmy P. qui passait au cinéma d'à côté. Mais il était d'une humeur massacrante, avait fait cramer une partie du dîner que la sortie lui avait fait préparer à l'avance. Il avait un début de crève, des tracas pros, bref, rien n'allait et je le payais.

Il avait filé dès la fin du film au prétexte que les enfants (majeurs, adultes, parfaitement capables de se préparer à manger) attendaient le repas.

Pour complèter la chance, c'était pile au premiers jours des premiers froids après un début d'octobre heureusement clément.

L'un dans l'autre j'étais sortie en larmes du film - à cause de l'émotion aussi, cette amitié entre les deux hommes, James Picard et Georges Devereux -. Et dès le coin de la rue malgré que j'étais chaudement vêtue j'ai été saisie par une crise de froid. Ces instants où la glaciation semble venir de l'intérieur du corps où l'on claque des dents, où l'on a peur de ne plus pouvoir faire un pas, prise dans des glaces invisibles mais si fortes.

J'avais hésité à rentrer. Seulement j'étais trop mal physiquement, et trop fauchée financièrement pour envisager une autre option. Arriver jusqu'à l'appartement allait déjà être un exploit. Remontant la partie élégante de la ville, j'ai failli heurter une poubelle, à cause des gestes que le grelottement saccadaient. Ce n'est pas que je ne l'avais pas vue, c'est que j'avais du mal à marcher. C'était une poubelle générale (2). Au dessus, dans un sac plastique du supermarché voisin, des vêtements, quelque chose de brun qui ressemblait à un manteau, soigneusement plié, et d'autres pièces de tissus, en dessous, mais plus petites. J'ai déplié l'objet, c'était une belle veste de cuir à la doublure molletonnée, et qui faisait précisément ma taille en un peu ample. Elle semblait propre, j'étais gelée (3), par dessus le blouson que j'avais, je l'ai enfilée. À la guerre comme à la guerre.

Au coin de la rue suivante, le froid avait cessé. 

Et puis j'avais l'impression que quelqu'un quelque part m'avait voulu du bien, comme mes bons amis (4). Le petit dieu des livres sans doute (quand celui de l'amour violemment s'acharnait : quelle malédiction étais-je en train de payer, moi qui n'avais strictement rien à me reprocher sauf de n'être pas une belle (fausse) blonde ? Les hommes n'étaient-ils plus capables que d'honorer des femmes artificielles ? (5)).

J'avais ce soir-là été sauvée par une inconnue que son vêtement lassait mais qui avait pensé à le poser à part des autres rebuts dans le généreux souci que quelqu'un puisse en profiter. Je pense qu'elle n'avait pas imaginé qu'il s'agirait d'un si fort secours, ni si parfaitement coordonné. Laissée pour compte par les hommes, j'avais été sauvée par un vêtement qui l'était. La vie parfois ne manque pas de logique.

Le sac contenait quelques autres bricoles dont certaines un jour peut-être me serviraient.

 

 

(1) Sur les photos et les images elle correspondait en tout point au cahier des charges qu'il m'avait un jour énuméré pour expliquer qu'une de ses stagiaires était à ses yeux physiquement la femme idéale. Ce n'était pas la première fois que je croisais un homme avec des critères physiques de parfaite féminité (et qu'ils soient pour le caucasien de base si standardisés, la belle grande blonde aux yeux clairs sophistiquée aux jambes interminables, aux seins conséquents mais néanmoins aux attaches fines), c'était la première fois que j'en croisais un qui n'osait pas ( ou plus ? il avait l'âge de l'andropause) tenter de faire l'amour avec qui en divergeait - alors qu'il avait néanmoins entrepris la séduction avec soin et longuement -. Il s'était avec moi comporté comme un prédateur qui attrape, blesse grièvement une proie mais sans daigner conclure la chasse. Je n'avais pas su me remettre assez vite sur pied et m'enfuir. Ça avait donc été pour moi destructeur. D'autant qu'il avait ajouté à l'ensemble une forte dose de déni - si je n'avais pas eu d'écrits, j'aurais pu me croire folle, mais heureusement j'avais, je détiens toujours des preuves tangibles que je n'avais pas rêvé -.

(2) Je veux dire, non recyclable.

(3) alors qu'il faisait frais mais pas glacial

(4) C'était aussi une période durant laquelle ils s'étaient montrés formidables, qui m'avait invitée à la danse en attendant que je puisse repayer mon abonnement échu, qui m'avait prêté de l'argent pour me protéger d'un travail que j'avais failli prendre par désespoir financier, qui prenait sur son temps pour me voir alors que sa propre vie était très compliquée, qui m'invitait pour m'éviter le repli sur moi-même qui aurait été fatal, qui me refilait ses SP ... Bref, les proches d'entre les proches étaient défaillants mais les copains et surtout copines chaleureux et présents.

(5) Je finissais vraiment par me poser la question, surtout après avoir lu des choses étranges chez un ami que je savais sujet à d'éventuelles pannes d'origines, comment dire, esthétiques.

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Toujours vivant(e), cet étonnement

 

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Une fois de plus tu as cru mourir de fatigue (ce qui l'été est rare) et puis finalement non. Après deux jours dans d'étranges limbes mais qui te sont assez familières, heureusement la lecture reste encore possible - et tu t'es régalée des livres cousins d'Olivier et de Thierry -, tu reprends pied dans la vie. 

Revoir Simone, revoir Milky, croiser un ami (oui parce qu'en vrai Paris c'est tout petit) ; porter un appareil à la révision et voilà la journée remplie. 

Recevoir cet appel sur ton téléphone que tu as cru de ton banquier : il y était question de ta banque et si c'était là ton compte principal. Tu as mis plusieurs répliques avant de piger qu'il s'agissait de réunions de consommateurs et tu as été sidérée d'être discalifiée au motif que tu consultais tes comptes par l'internet à ton âge avancé (1). 

Bon d'accord tu y as ajouté un instant de beauté - et oui, ça peut paraître bizarre, la beauté peut fatiguer, elle touche quelque chose tout au fond qui laisse un peu secoués -, un détour pour saluer Paul et comme j'aime autant taquiner
les défunts définitifs que les vivants marrants
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j'ai lu non loin de là quelques chapitres d'un excellent roman où son "ami" est évoqué souvent. J'aimerais bien savoir ce qui s'est joué entre vous à Bruxelles, il se joue toujours à Bruxelles entre les gens des trucs surprenants.

 

- Hé, tu sais quoi, monsieur Paul, ça serait maintenant, vous pourriez vous épouser. En revanche revendiquer poète comme profession, ça pourrait plus, c'est mort. Ou alors vos textes il faudrait les slamer, les raper. En faire des paroles punk-rock. 

 

Vous dites quoi ? Ah, vous dites : "quoi" ? Ah oui, il s'est passé des trucs quand même un peu depuis tout ce temps là. N'empêche, vos textes on est encore tout plein à les connaître, et pour certains par cœur. Moi je suis juste une voisine, je passe donner les nouvelles, comme ça, mais j'ai quelques amis qui savent vraiment tout. Et est-ce qu'on vous a dit au moins pour le débarquement ? "Les sanglots longs. Des violons" ?

 

Le quoi ? Ah je vois, même ça. Je crois qu'il va falloir que je revienne plus souvent. C'est bizarre comme votre tombe est toujours fleurie je croyais qu'on était nombreux à venir, à vous dire. A te dire. Au fait je ne sais plus, on se vouvoye ou on se tutoie ?

Ah, les autres ne parlent pas. C'est dommage, si j'y arrive pourquoi ils n'y arrivent pas ?
Peur ? Ah oui, moi non. Peur j'ai pas, je suis toujours un peu entre les deux, des maladies enfants, des fièvres fortes, de l'épuisement, quelqu'un qui nous quitte violemment. Ça tient à pas grand-chose qu'on revienne ou pas. Si je devais éprouver un truc ce serait la surprise d'être toujours là. Enfin je veux dire : du côté où aujourd'hui je suis moi.

Bon, je vous laisse, j'ai un livre à finir. Oui, je travaille comme libraire. C'est un métier qui existe encore, mais plus tout à fait pareil et plus pour très longtemps. On lit moins qu'avant. Et puis aussi sur des écrans. 

D'accord la prochaine fois j'explique les écrans et le débarquement. On garde le slam pour la rentrée, OK.

Salut monsieur Paul, repose toi bien. Quoi ? L'éternité ? C'est malin, alors je fais l'effort d'éviter l'allusion pour pas être reloud et c'est vous toi qui la fais. Charleville ? Non, jamais allée. Je suis quelqu'un qui n'a eu que les sous moyen moyen pour voyager, et Charleville ça s'est pas trouvé. Mais j'ai un ami qui est pas trop loin et qu'à chaque fois il fait le détour. Un peu comme moi pour vous. 

(C'est vrai que ça serait top un wi-fi des morts). Ah zut, c'est vrai vous entendez aussi ce que je me dis à moi-même. Wi-fi c'est un peu compliqué à expliquer sans les étapes qui précédaient. Mais je le mets aussi sur la liste des trucs à expliquer.

Allez, maintenant j'y vais.

Et tu es allée lire un peu plus loin, un passage où il était solidement question d'Arthur et de ses voyelles. Après ça, quoi d'étonnant à ce que tu ne croies pas que le hasard soit si hasardeux qu'on croie. 

Tu croyais avoir passé l'heure de la sieste, victorieusement, pas ensommeillée pour un rond et puis ça t'a pris après le retour de bonne heure de l'homme de la maison. Il était secoué par l'annonce du départ en retraite du médecin qui le suit. Tu as tenté maladroitement de le réconforter. Tant d'échanges tout au long de la journée t'avaient en fait épuisée alors tu t'es endormie en tout début de soirée. 

Mais ça avait été quand même une belle journée, allez.

 

(1) Ça n'était pas dit comme ça mais s'ils cherchaient des personnes de ma catégorie d'âge c'était précisément pour évaluer leur capacité à passer enfin aux consultations de comptes et autres opérations via l'internet. #ohwait comme on disait sur twitter il y a deux ans.


Les pompiers sauvages

(tout à l'heure à l'entraînement)

Nous avons l'habitude, c'est plutôt agréable, d'avoir le mardi des pompiers qui viennent après nous à la piscine s'entraîner. Nous en connaissons quelques-uns de vue à force. Ils viennent pour 8 heures, moment auquel nous libérons le bassin. 

Mais ce matin les types étaient venus en nombre, plutôt du genre des musculeux (1) ; sans doute avaient-ils des tests à passer. 

Arrivés vers 7h50 ils n'ont pas tardé à investir le bassin plus particulièrement la partie sans ligne précise où, arrivée en retard pour mon propre entraînement, je m'étais retrouvée et ce sans prévenir ni même demander qu'on se regroupe sur les autres lignes, non d'un seul coup à la hussarde et que revenant d'une longueur en dos, je me suis trouvée presque nez à nez avec des types qui faisant la course, crawlaient.

Notre heure était presque achevée et j'avais mieux à faire que taper la protestation, nous étions en sous-nombre, alors à quoi bon. Mais j'ai trouvé le procédé plus qu'un peu cavalier. Et indigne de ce qu'ils sont censé représenter.

J'espère que mardi prochain nous retrouverons les habitués, bons nageurs (2), respectueux et civilisés.

 

(1) C'est plus fort que moi, je ne parviens pas à considérer les muscles issus du travail aux appareils (et de quelques compléments alimentaires qui ne m'inspirent guère), comme des vrais. 
(Jusqu'au jour où je me prendrais un poing dans la gueule, et avant de sombrer aurait le temps de me dire, Ça n'était donc pas [que] du chiqué ?)

(2) Parce qu'en plus ceux-là étaient du style à bouger beaucoup l'eau pour finalement pas grand chose, on est tellement plus efficaces en glissant correctement.


Cet instant où mon corps t'a cru mort

 

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Un avantage de l'âge et donc de l'expérience (il y en a) est que l'on finit par savoir quoi tenter de faire en cas de chagrin, même si ça ne fonctionne qu'au bout d'un temps certain. 

Ainsi mener une vie intense et presque plus intéressante (au moins intellectuellement) que celle qu'on aurait eue avec qui nous a abandonnées est une option salutaire. D'autant plus qu'épuisées on dort ensuite de plomb ce qui diminue le nombre de rêves érotiques avec le bien-aimé envolé (par exemple) ou de temps heureux partagés avec la grande amie, la presque sœur et qui nous a plantée là, Ce serait mieux qu'on ne se revoie pas (1). 

C'est efficace sur des lots d'heures, par exemple samedi soir en la compagnie de très bons amis et de camarades de l'internet que je rencontrais enfin en pour de vrai, j'ai oublié ma peine, ma place était juste auprès d'eux et donc à Paris. Elle n'a même pas osé me rejoindre sur le chemin du retour, c'est dire si la soirée avait été heureuse.

Le travail que j'ai trouvé, parce qu'il me va et me plaît et que les collègues sont agréables à fréquenter, aide aussi pour toutes les heures que j'y passe - sauf quand mes yeux tombent sur un certain guide touristique, mais bon, à force je vais m'insensibiliser -. Sauf qu'il tend à rendre les autres et particulièrement celles du retour du soir et de la pause déjeuner, redoutables. C'est comme si ta silhouette d'absent me guettait et telle une ombre ne me lâchait plus.

J'ai donc pris le parti d'avoir une pause active le midi. Une amie est déjà venu me voir, ce qui m'a permis ce jour-là de ne pas penser à toi que je suis sommée d'oublier. Si le temps le permet je sillonne le nouveau quartier : il m'est inconnu, je n'y mettais les pieds que pour le théâtre de Chaillot auquel je me rendais avec La Vita Nuda aujourd'hui disparu je ne sais où (2). C'est bien aussi pour le travail : je pourrais bientôt renseigner les personnes qui passent et nous demandent différents lieux ou des rues. 

Enfin, dès que le climat le permettra je pourrais goûter les joies de lire dehors, dans les jardins du Troca. Avoue qu'il y a pire vie.

Hier cependant il faisait beau mais trop froid. J'ai donc rempoché mon livre, à regrets (3) et m'en suis allée explorer le cimetière de Passy où je n'avais pas souvenir d'être jamais entrée. J'ignorais d'ailleurs que quelques patrons de prestiges y étaient enterrés, j'avais oublié jusqu'à l'existence de Marcel D., père de Serge ; ne peux pas dire que ça manquait. Ni le souvenir de ce boss de BTP qui portait ton prénom.

J'étais dans la curiosité de découverte d'un lieu nouveau. 

C'est mon cœur qui ratant un battement m'est tombé dans les pieds et je n'ai pigé qu'après. Sur l'une des tombes pesait un semblant de vase, sans plantes poussées, mais dûment pourvu de tes initiales.

Alors que mon cerveau pensait à tout autre chose mon corps t'avait cru mort. Le premier n'avait pas eu le temps de compléter l'information par mes yeux enregistrée. Le plus terrible en fait était de constater qu'alors que je te sais désormais un fameux saligaud de l'oubli, je n'ai pu que constater que je n'en avais pas fini te t'aimer. 

Constatation dûment accompagnée de son corrolaire : si tu venais à mourir, sans doute ne l'apprendrais-je que plus tard, et trop pour venir accomplir mes adieux à toi qui auras tant compté, même si tu as toi aussi (4) pour une belle fausse blonde décidé illico de m'effacer (5).

Il m'a fallu des clients particulièrement adorables, et le quiproquo hier évoqué, pour cesser de me sentir moralement plombée (6). 

 

 

(1) J'en ai un peu assez d'être quittée pour des actrices, là.

(2) Et le blog et son tenancier. Or c'était un bon camarade. Pourquoi s'est-il envolé ?

(3) "Ombre et soleil" de Dominique Sylvain un excellent cru d'Ingrid et Lola.

(4) Ce n'est guère que la troisième fois. Dieu que les hommes sont influençables.

(5) Ou pire, d'envisager que je resterais tranquillement à tenir la chandelle. Je peux comprendre qu'un homme a besoin de davantage que moi, je sais bien que vous avez besoin d'une plus jolie pour bander facile et vous exhiber bien accompagnés, mais la répartition à l'autre le sexe et les jeux de l'amour, à moi les affinités électives strictement intellectuelles dans les interstices que la vie maritale de l'autre laisse, me paraît un tantinet insoutenable, tu vois.

(6) Il faut dire que les problèmes de santé au niveau familial global mènent une nouvelle offensive. Et que ceux financiers ne vont pas via le doux gagne-pain que j'ai trouvé immédiatement cesser. C'est une lutte de chaque journée pour surnager. 


Désormais ce souvenir (impossible d'y échapper)

 

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J'avais pris cette photo une semaine plus tôt, remarquant pour la première fois, sur les quais près des salles du rez de chaussée, ces ensembles chaises et tables design, où l'on pouvait à défaut d'autres endroits plus calmes, moins fréquentés, se poser pour travailler.

J'ignorais que j'allais profiter des services de l'une d'elles, pas si longtemps après.

Pour recevoir un appel téléphonique qui m'avait fait une des plus fortes fausses-joies que j'aie pu éprouver - encore que, l'homme de la maison soit un expert, alors disons : que j'aie pu éprouver comme suite à un coup de fil -.

Je venais en effet, épuisée par les trois derniers mois (deux mois de pré-fêtes en librairie intenses puis un mois à faire l'inventaire tout en tenant boutique), et pressentant que Celui qui (1), après avoir eu quelque geste tendre lors d'une de nos rares rencontres à nouveau s'éloignait, qu'il avait sans doute une fois de plus "une amie" - mais que faut-il diable faire pour qu'il daigne honorer ? -, de poster un statut FB puéril car désespéré. Nos ennuis financiers empêchaient que je puisse me déplacer et je ne voyais pas le bout du tunnel : travailler à deux, vivre à quatre, ne plus avoir de traites à payer et pour autant ne pas boucler [les fins de mois]. J'aidais les autres très volontiers et c'était une rude période (des deuils, des chagrins, des ennuis professionnels chez les unes ou les uns), mais personne n'était là pour que je puisse parfois à mon tour poser les armes. Surchargé de travail et sans doute un peu las, mon grand frère électif n'était qu'aux abonnés intermittents.

Et voilà que j'avais pris en main mon téléphone (remisé dans un des sacs pour cause de passage au contrôle), et que comme souvent quand j'ai ce geste étrangement prémonitoire, il s'est mis à sonner. 

C'était toi. C'était lui.

J'ai eu le temps en décrochant d'éprouver une bouffée de bonheur : il avait compris aux messages de mes derniers jours, et à ce statut stupide, que j'allais mal, que j'avais besoin de lui, il appelait peut-être pour me proposer de passer enfin un week-end auprès de lui.

Las, c'était de travail qu'il s'agissait, il l'avait dit tout de suite "Je suis en réunion", un service à lui rendre, ainsi qu'à une auteure qu'il souhaitait promouvoir, rien de personnel au fond. Je m'étais alors assise à l'une de ces places songeant que j'allais avoir peut-être des infos à noter ou mon carnet d'adresses à sortir de mon sac. J'écoutais sa voix qui me servait une persuasion usuelle - le livre est exceptionnel, il faudrait une soirée littéraire -, j'écoutais ta voix sa voix, après tout assez rare, je me disais de profiter au moins de cela puisqu'au fond c'était tout ce qui m'était offert. Et puis il y eut cette phrase la condamnant à ses yeux, un "pas mon genre" vigoureux et que j'avais ressentie comme si elle me concernait moi, en quelque sorte la version habillée d'un très trivial, Pour des femmes comme vous (2) je ne banderai jamais.

Je m'étais cramponnée au positif de l'affaire, peut-être une occasion de se voir, avais indiqué quelques pistes, ne pouvant guère faire davantage : comment faire confiance à quelqu'un qui fait assez régulièrement faux bonds ?, et puis j'étais si peu pour lui, et il m'avait rendue malheureuse, ma vie sexuelle était tombée au fond d'un puits en partie à cause de lui, il n'était pas possible de trouver l'énergie pour faire des miracles et convaincre les gens. Il avait l'air content, mais j'ignorais de quoi. Peut-être parce que je n'avais pas prononcé le Vafan auquel il avait légitimement droit. De toutes façons dans aucune librairie je n'étais décisionnaire. Je ne pouvais que suggérer, tout en mettant en garde (qui diable paierait les frais ?).

 

Il m'avait fallu du temps ensuite pour m'installer au travail, être opérationnelle. Ce scénario était si courant dans ma vie : la femme qu'on néglige, qu'on ignore en tant que telle, voire qu'on blesse mais à laquelle on pense immédiatement lorsqu'il s'agit de demander un service, un travail non payé (ou très peu), celle que l'on considère trop gentille, et donc bien un peu bête, pour savoir dire non.

Sauf qu'à force d'être traitée mal, je ne pouvais plus en état d'aider quand bien même mon incurable gentillesse m'y poussait.

 

Dans l'après-midi, plus tard, j'avais pu travailler. Un "je t'embrasse" encore en tête, peu possible à enlever.

  

Les petites places de travail venaient d'être annexées par ce souvenir mitigé. Je savais parfaitement qu'en attendant le prochain amour ou la prochaine embellie de l'amour (3), ou d'être devenue trop vieille ou trop malade pour avoir envie d'y rêver, je ne pourrais plus croiser ces chaises sans penser à lui, sans entendre sa voix, les mots qu'il avait prononcés et les quintaux de non-dits qui alors subsistaient.

Heureusement, entre temps, les choses se sont (un peu) arrangées.

 

(1) Le copyright de cette appellation est il me semble pour Anne Savelli. 

(2) La personne concernée était du sud aussi.

(3) Je ne désespère jamais des amours précédents, c'est mon problème et ma qualité. 


Le mauvais esprit

 

Alors voilà, je sais que c'est quelque chose que bien des gens ne comprennent pas, mais ce sont des choses que l'on ne maîtrise pas ou au prix d'un effort insoutenable. Des connexions dans nos cerveaux qui se font plus rapidement que la part pensante (et qui est capable, elle, d'être respectueuse et raisonnable) d'où qu'on sort parfois des trucs qui nous fâchent des gens pour deux ou trois éternités même si au départ ce sont eux qui l'ont bien cherché (1). 

Et donc typiquement ce matin, en parcourant cet article du Monde (2), tout en constatant avec l'infinitaire de tristesse que ce #FrenchVaudeville possède hélas une part réconfortante pour moi (3), j'ai aussitôt vu cette scène 

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de "ma" Comédie Croate : The priest's children (à 17' 59"), c'était irrésistible, je n'ai pas pu m'en empêcher et le pire c'est que ça me faire rire, et que chaque fois que j'y repenserai ça me fera marrer.

Comme l'écrivait avant-hier l'amie @brigetoun :

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oui, il faudrait que je prenne la vie au sérieux. 

Le problème est que personnellement, j'ai trop mauvais esprit, que l'humour noir ne débranche jamais (4) et qu'en même temps il y a intérêt à ce que sur lui je puisse compter, car au vu de ce que j'ai pu encaisser venant de ceux qui l'instant d'avant prétendaient qu'ils m'aimaient - et moi, sincère, qui les croyais -, je ne serais plus là pour vous embêter avec ce billet. Sans parler de deux grands moments de ma vie professionnelle en entreprise qui furent d'une dégueulasserie inouïe (5). Ça va qu'en dehors du domaine affectif je suis blindée. Si je n'avais pas tant l'esprit à rire ni par ailleurs le sale instinct du paparazzo qui te fait prendre une dernière photo et que ça éloigne la mort qui ne sait patienter, il y aurait déjà au moins quinze fenêtres par lesquelles j'aurais sauté.

En attendant je me fends la pêche de ce qu'il ne faudrait pas et je navre ou fâche des gens très bien qui ne le comprennent pas.

Tant pis hélas pour eux et moi.
 

 

(1) Oui je sais, jamais je n'aurais dû te traiter de Don Juan à queue molle même après ce que tu m'as fait.

(2) "Vie privée : Hollande promet de clarifier sa situation" signé Le Monde avec AFP et garni de touites comme c'est la mode depuis quelques temps, ce qui permet de substantielles économies de rédaction.

(3) Je ne suis pas la seule à m'être fait quitter sournoisement pour une actrice, même s'il ne s'agissait pas du même type de relation et que comme dirait Facebook C'était compliqué. Et surtout moi qui me reprochais amèrement mon incommensurable naïveté, là ça va soudain mieux. Parce que l'autre infortunée, comme naïve, on fait mieux. 

(4) sauf en cas de deuil de quelqu'un de très proche et très aimé ou de même pas très proche, d'ailleurs (je pleure toujours Patrice Chéreau et sans savoir vraiment pourquoi à ce point-là, même si rationnellement c'est quelqu'un que j'admirais très très fort ; mais voilà cet homme me manque comme un grand ami me manquerait, alors que nous ne nous sommes que deux ou trois fois croisés) ou quand on me quitte comme si l'on me tuait, entre le sens littéral ou figuré du mot supprimer.

(5) Le retournement de veste insensé de monsieur G. alors que Very Big Chef et soudain lui voulaient me pousser à la démission pour atteindre leurs objectifs de compression. Retour de maternité, un stage de formation qui n'avait pas été validé car le site où l'on m'avait envoyée était restructuré (6), j'étais la suivante sur la liste des gens à éjecter.

La cheftaine scoute psychorigide qui m'engueulait pour être restée à tenter de réparer une ânerie qu'elle avait faite et qui avait bousillé certaines données et leurs accès.

(6) Oui je sais ma poisse est assez Bessettienne quand j'y pense. Et je n'ai pas ses qualités.


Une colère que je n'ai pas (mais peut-être devrais-je ?)

 

Aujourd'hui a fait grand bruit sur l'internet une émission piteuse de type caméra cachée dans laquelle un jeune homme que l'on pourrait estimer suffisamment bien de sa personne pour n'avoir pas besoin d'avoir recours à d'aussi grossiers subterfuges, voler des baisers prononcés à de jeunes et jolies (1) inconnues après les avoir sommairement abordées.

Ce qui m'embête c'est qu'en parler, même pour signaler que c'est plus qu'incorrect, carrément méprisant, c'est lui faire de la réclame, peut-être qu'il se fera virer de ce boulot-là mais que ce brin de notoriété conquis d'une façon pourrie lui servira de tremplin vers d'autres aventures. 

Je n'aimerais pas être sa mère. J'aurais honte.

Mais bon, il y a plus grave, me disais-je, et puis le type n'était pas en mode grosse brutalité, il semblait possible de lui coller en retour de tentative le bourre-pif qu'il méritait.


Puis j'ai lu ce billet écrit par une jeune femme que je ne crois pas connaître (2) :

Cette colère qui ne s'éteint plus

J'ai été émue. Et j'ai pris conscience d'un truc : que moi aussi, aussi peu jolie et sexy que je sois et la plupart du temps équipée en sportive, j'en avais connu à la réflexion pas si peu souvent que ça du harcèlement de rue. Que peut-être mon opinion était en train d'évoluer sur ce sujet.

Qu'à part deux ou trois fois et toujours des matins à des heures et des trajets d'aller au bureau, en plein jour dans des quartiers plutôt réputés calmes et bien fréquentés, je ne l'avais tout simplement pas perçu comme tel.

Deux fois seulement j'ai dû faire usage de ma force pour m'en défendre dont une qui me laisse fière (j'ai balancé sur le quai un tripoteur de mes fesses, sous les yeux de ses acolytes en attendant juste l'instant avant que les portes de ne ferment - nous étions dans une rame de métro -. Il s'est trouvé tout con à nous regarder repartir, je n'ai pas eu un seul regard pour ses complices qui jusqu'alors se marraient et soudain regardaient leurs pieds, je suis allée m'adosser un peu plus loin, comme si de rien n'était, ignorant les quelques rires soulagés d'autres passagères). 

Plusieurs fois j'ai joué les emmerdeuses quand j'avais un doute si des types étaient en train de gêner une fille ou pas. Généralement poser d'un ton courtois la question : Euh vous êtes ensemble ou pas ? suffit à décourager ceux qui sont seulement de gros relouds. Après il faut être capable de pouvoir faire face à toute réaction ... dont celle de se faire engueuler par les deux (certains ont des modes d'expression fort étrange de leur amour).

Très souvent, parce que je ne me considérais pas comme une cible possible, j'ai mis si longtemps à capter qu'il s'agissait de ça, que ça en rendait la tentative ridicule et que le type de lui-même abandonnait. Parfois c'est d'ailleurs à ce moment là que je pigeais ( #BécassineBéate ). Cela dit pour que même une fille comme moi se soit fait régulèrement embêter, avec mes jeans et mes gros pulls ou au temps du bureau mes habits corporate si peu seyants, et mon absence absolue de blondeur, c'est qu'effectivement Something is rotten in the state of Denmark (Hamlet I, 4).

Très souvent aussi, je suis tellement dans la lune et perdue dans mes pensées que je ne capte d'ailleurs une anomalie environnementale qu'après. J'ai le souvenir hilarant d'un exhibitioniste de fond de bus pour lequel je n'ai compris que le truc qui à la périphérie de mon champ de vision dépassait n'était pas sa main mais sa bistouquette, qu'au moment où il la remballait dépité par mon absence totale d'attention (je lisais). Après seulement, j'ai éprouvé une grande pitié.

Une autre fois c'est un type qui m'a coincé un genou (j'étais en pantalon mais léger) dans les siens pendant toutes les stations rives gauche du RER C. En fait je bouquinais, complètement prise par ce que je lisais, j'avais à peine capté qu'il y avait quelqu'un en face et vers pont de l'Alma je me suis dit, Tiens c'est bizarre, j'ai mal au genou, quelque chose coince, et puis j'ai fait un geste pour bouger l'articulation ou dégager de se qui pesait sans avoir compris ce que c'était (un peu comme un geste de la main qu'on ferait pour chasser une mouche qui nous tourne autour), et se faisant lui ai collé très involontairement un bon coup de pied ; au moment où je m'en excusais et à sa réaction illogiquement confuse et qu'il se carapatait j'ai compris que (et j'ai bien ri).

La plupart du temps ça peut tourner, quand la tentative n'est pas physique, à un brin de causette ou un bout de chemin. Plusieurs fois alors que je rentrais tard dans la nuit, des types qui n'avaient pas d'intentions louables (ni trop méchantes non plus), m'ont finalement accompagnée jusqu'à un endroit que j'avais décidé (généralement Porte de Clichy) c'est à dire j'explique que j'ai une famille, que je rentre à pied parce que je n'aime pas le taxi, et vous vous allez où, ils me disent un lieu, je dis jusqu'à tel endroit c'est la même route, si vous voulez on fait un bout). Peut-être ai-je eu une chance inouïe, ou une mocheté rédhibitoire - dans ce cas pourquoi m'avoir abordée ? -, mais je suis toujours tombée sur des types tout bêtement seuls et malheureux qui n'ont pas insisté au delà de l'endroit accordé. Si l'un d'eux avait été armé ou un tueur en série je ne serais plus là pour tenir ce blog. Mais je ne conserve aucun mauvais souvenir de ces curieuses rencontres, plutôt celui d'avoir finalement été laissée assez tranquille puisque de fait je semblais accompagnée ( #astuce ).

Souvent ils étaient très reconnaissants - en même temps ils avaient eu droit à une séance gratuite de psychothérapie ambulante, peut-être qu'ils pouvaient ? -.
Certains tentent leur chance dans l'espoir de ne pas terminer la nuit seuls, mais sont respectueux, si on leur dit Désolée mais non, ou J'ai quelqu'un qui m'attend, ou qu'on répond avec une blague discrète et un sourire, ils n'insistent absolument pas. Je ne compte pas leurs tentatives comme du harcèlement. Mes parents se sont rencontrés dans un bus, il a bien fallu qu'ils se soient adressés la parole à un moment. Il n'est pas exclu qu'un de ces compliments éculés, ou quelques regards appuyés n'aient pas servi d'amorce.


Je crois aussi que si je ne me sens pas agressée c'est parce que je ne suis pas sujette à la peur ; que je sais que si ça dégénère (ça peut toujours, et très vite ; la violence est, le plus souvent, avant tout une accélération), à part s'ils ont une arme à feu ou sont nombreux, je peux me défendre ; souvent les hommes comptent sur la frousse comme alliée mais si l'on réagit fermement elle peut changer de camp. La plupart du temps, j'ai des chaussures qui me permettent en cas de besoin de filer en courant, et une condition physique et une connaissance des lieux susceptible de me permettre de semer un pataud. Je suis aussi capable de jouer sur l'humour, avec certains ça fonctionne, une esquisse de surrenchère (plus risquée mais généralement efficace), me mettre à discuter football (oui, je sais toutes les  femmes ne savent pas, mais si vous tombez sur un passionné vous faites d'un chasseur à l'affut un pote ou un ennemi juré si vous en tenez pour l'OM et lui le PSG mais bon vos fesses resteront en paix), et saoûler un type qui se sera dit Je vais la faire boire.

Bref à chacune d'adapter à ses capacités les façons possibles de se dégager d'une emprise non souhaitée. Mais ça va mieux si on sait à quoi s'attendre et si l'on connaît par avance certaines ripostes possibles.

Sans parler des quelques cas, par exemple si on se fait prendre par surprise et mettre KO, quelle que soit la nature de l'agression, son but, dans lesquels on ne peut rien faire. Les hommes courent ce risque aussi pour leurs biens matériels, le téléphone s'il est prestigieux, l'appareil photo, l'ordinateur portable ... 

Il y a les situations plus embarrassantes, lorsque le harcèlement de rue devient de l'insistance déplacée en lieu (relativement) fermé. 

La fermeture de la librairie où je travaillais m'a de facto débarrassée de deux ou trois pénibles qui venaient tenter de m'imposer leur charme, comment dire, assez peu perceptible de prime abord. Dont un qui était un type d'une courtoisie et d'une apparence de gentillesse à toute épreuve mais d'un gluant fini. L'épreuve était aussi pour moi de parvenir à me dépêtrer de son extrême ... euh ... sollicitude (3).


Cet été encore dans un café normand je me suis fait un peu embêter, mais le mec était bourré, je lui ai claqué mon ordi sous le nez, j'ai regardé ses potes d'un air, Il est toujours comme ça ? Un des mecs se tenait mieux que les autres qui a répondu à ma question non formulée, Il est bourré (genre : ça excuse tout, mais ce n'était pas le moment de relever) et le dragueur a titubé jusqu'à son groupe en grommelant de vagues excuses et que je n'étais pas marrante, Ben désolée mais là non. D'une certaine façon il a gagné, et les tenanciers du rade ont perdu une cliente, car par la suite et malgré un correct wifi, j'ai évité de retourner là - very bad oloé -.


Le coup du Oh pardon je vous croyais seule ! fait effectivement plus mal, même si on ne me l'a jamais fait en mode pure marchandise comme à Béatrix, car il y a ce côté : "élément déjà possédé par quelqu'un" qui est insupportable. Pire encore : être accompagnée par un homme qui malgré notre présence ne se gêne pas pour jouer les harponeurs des rues. Euh, si je te dérange, je peux m'en aller. Le pire : quand ils le font en s'adressant à une femme qui se trouve derrière nous (4). Dans ces cas-là on a l'impression au mieux d'être transparente, un petit fanôme en plus vivant, au pire d'être si laide qu'ils éprouvent le besoin de regarder ailleurs. L'un d'eux m'a répondu une fois le plus sérieusement du monde et très surpris que je proteste : Mais c'est seulement par galanterie ! Son idée était qu'une très jolie femme pouvait prendre ombrage qu'un homme qu'elle croisait ne la complimente pas et que ça devait lui faire plaisir de se l'entendre dire. Ah mais non mais attends là, je crois qu'il faut que je t'explique.

Bien que nous soyons au XXIème siècle déjà un peu entamé, l'incompréhension persiste. Que les vrais harceleurs, des dangereux, des pervers existent et sont trop nombreux mais pas tant. Qu'en revanche beaucoup d'hommes sont avant tout dépourvus de la conscience que leur attitude est gênante, pesante et qu'elle peut être perçue comme une agression. Qu'il faut peut-être savoir rester indulgente à la part qui ne relève que d'une vague tentative déplacée de flatterie - le compliment glissé au passage s'il n'est pas vulgaire ou rabaissant -. Et qu'aussi on peut parfaitement se parler, et entamer dans la rue ou autre lieu public une conversation, mais à condition indispensable qu'elle soit placée sous le signe d'une égalité. 

 

 

PS : Parfois un simple, Mais pourquoi vous faites (/ dites) ça ? peut se révéler des plus efficaces. Et si l'homme envahissant se montre insistant : Vous aimeriez qu'on fasse ça à votre fille ?

(1) jamais des vieilles et moches, espèce de dégonflé !

(2) avec les pseudos, sait-on jamais

(3) Pour ceux qui me suivent aussi sur d'autres lieux, c'est lui à qui j'avais lancé "Je dois y aller, Bessette m'attend !" et que sa relative inculture avait rendu d'une surprenante efficacité.

(4) Ainsi cette fumeuse assise derrière moi sur le muret qui borde l'église Saint Pierre à Uccle et entreprise exactement comme si je n'étais pas là par l'homme qui se trouvait assis tout près de moi. Je crois qu'elle s'était posée là pour finir sa clope tranquille, au lieu de quoi après avoir répondu par une banalité elle s'est hâtée de s'éloigner. Lui n'a pas capté combien c'était pesant pour elle, humiliant pour moi et gênant pour toutes les deux. Comme il allait fort mal à ce moment là j'ai laissé filer. Peut-être qu'il faudrait que je m'équipe d'une dose d'indifférence au mal-aller et me défende aussi bien face aux souffrants qu'aux autres. Peut-on changer ?


En espérant pouvoir un jour paraphraser Proust

 

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Crise aiguë dans la nuit de pallud du chagrin, dû changer de tee-shirt quatre fois (le rose au départ trempé par la transpiration de la fièvre, puis le bleu, puis le rose qui entre temps avait un peu séché puis le blanc dans lequel au matin je me suis réveillée encore en train de frissonner), ce qui doit être mon record depuis le début de l'été.


Je le note ici dans l'espoir un jour de pouvoir écrire en paraphrasant ce bon vieux Marcel : Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu un grand amour, pour un homme qui m'avait séduite assidûment mais que je n'attirais pas, dont je n'étais pas le genre !

En attendant, même si je n'étais qu'une amie il paraît, c'est dur à traverser et fracassant pour la confiance d'avoir été quittée après de longues années avec peu de respect et pas mal de lâcheté.

 

PS tant qu'à faire : La vraie citation, sauf erreur de ma part vient d'"Un amour de Swann" : 
"Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre !"