Désormais ce souvenir (impossible d'y échapper)

 

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J'avais pris cette photo une semaine plus tôt, remarquant pour la première fois, sur les quais près des salles du rez de chaussée, ces ensembles chaises et tables design, où l'on pouvait à défaut d'autres endroits plus calmes, moins fréquentés, se poser pour travailler.

J'ignorais que j'allais profiter des services de l'une d'elles, pas si longtemps après.

Pour recevoir un appel téléphonique qui m'avait fait une des plus fortes fausses-joies que j'aie pu éprouver - encore que, l'homme de la maison soit un expert, alors disons : que j'aie pu éprouver comme suite à un coup de fil -.

Je venais en effet, épuisée par les trois derniers mois (deux mois de pré-fêtes en librairie intenses puis un mois à faire l'inventaire tout en tenant boutique), et pressentant que Celui qui (1), après avoir eu quelque geste tendre lors d'une de nos rares rencontres à nouveau s'éloignait, qu'il avait sans doute une fois de plus "une amie" - mais que faut-il diable faire pour qu'il daigne honorer ? -, de poster un statut FB puéril car désespéré. Nos ennuis financiers empêchaient que je puisse me déplacer et je ne voyais pas le bout du tunnel : travailler à deux, vivre à quatre, ne plus avoir de traites à payer et pour autant ne pas boucler [les fins de mois]. J'aidais les autres très volontiers et c'était une rude période (des deuils, des chagrins, des ennuis professionnels chez les unes ou les uns), mais personne n'était là pour que je puisse parfois à mon tour poser les armes. Surchargé de travail et sans doute un peu las, mon grand frère électif n'était qu'aux abonnés intermittents.

Et voilà que j'avais pris en main mon téléphone (remisé dans un des sacs pour cause de passage au contrôle), et que comme souvent quand j'ai ce geste étrangement prémonitoire, il s'est mis à sonner. 

C'était toi. C'était lui.

J'ai eu le temps en décrochant d'éprouver une bouffée de bonheur : il avait compris aux messages de mes derniers jours, et à ce statut stupide, que j'allais mal, que j'avais besoin de lui, il appelait peut-être pour me proposer de passer enfin un week-end auprès de lui.

Las, c'était de travail qu'il s'agissait, il l'avait dit tout de suite "Je suis en réunion", un service à lui rendre, ainsi qu'à une auteure qu'il souhaitait promouvoir, rien de personnel au fond. Je m'étais alors assise à l'une de ces places songeant que j'allais avoir peut-être des infos à noter ou mon carnet d'adresses à sortir de mon sac. J'écoutais sa voix qui me servait une persuasion usuelle - le livre est exceptionnel, il faudrait une soirée littéraire -, j'écoutais ta voix sa voix, après tout assez rare, je me disais de profiter au moins de cela puisqu'au fond c'était tout ce qui m'était offert. Et puis il y eut cette phrase la condamnant à ses yeux, un "pas mon genre" vigoureux et que j'avais ressentie comme si elle me concernait moi, en quelque sorte la version habillée d'un très trivial, Pour des femmes comme vous (2) je ne banderai jamais.

Je m'étais cramponnée au positif de l'affaire, peut-être une occasion de se voir, avais indiqué quelques pistes, ne pouvant guère faire davantage : comment faire confiance à quelqu'un qui fait assez régulièrement faux bonds ?, et puis j'étais si peu pour lui, et il m'avait rendue malheureuse, ma vie sexuelle était tombée au fond d'un puits en partie à cause de lui, il n'était pas possible de trouver l'énergie pour faire des miracles et convaincre les gens. Il avait l'air content, mais j'ignorais de quoi. Peut-être parce que je n'avais pas prononcé le Vafan auquel il avait légitimement droit. De toutes façons dans aucune librairie je n'étais décisionnaire. Je ne pouvais que suggérer, tout en mettant en garde (qui diable paierait les frais ?).

 

Il m'avait fallu du temps ensuite pour m'installer au travail, être opérationnelle. Ce scénario était si courant dans ma vie : la femme qu'on néglige, qu'on ignore en tant que telle, voire qu'on blesse mais à laquelle on pense immédiatement lorsqu'il s'agit de demander un service, un travail non payé (ou très peu), celle que l'on considère trop gentille, et donc bien un peu bête, pour savoir dire non.

Sauf qu'à force d'être traitée mal, je ne pouvais plus en état d'aider quand bien même mon incurable gentillesse m'y poussait.

 

Dans l'après-midi, plus tard, j'avais pu travailler. Un "je t'embrasse" encore en tête, peu possible à enlever.

  

Les petites places de travail venaient d'être annexées par ce souvenir mitigé. Je savais parfaitement qu'en attendant le prochain amour ou la prochaine embellie de l'amour (3), ou d'être devenue trop vieille ou trop malade pour avoir envie d'y rêver, je ne pourrais plus croiser ces chaises sans penser à lui, sans entendre sa voix, les mots qu'il avait prononcés et les quintaux de non-dits qui alors subsistaient.

Heureusement, entre temps, les choses se sont (un peu) arrangées.

 

(1) Le copyright de cette appellation est il me semble pour Anne Savelli. 

(2) La personne concernée était du sud aussi.

(3) Je ne désespère jamais des amours précédents, c'est mon problème et ma qualité. 


Trop réglo

Un vendredi, il y a un moment

 

On s'apprêtait à partir en week-end, le vendredi s'annonçait chargé et rentrée tard dans la nuit d'à la fin du jeudi, je n'avais trouvé le temps que d'envoyer un mot très bref à l'homme de mes pensées : prévenir de l'absence, de la cavalcade potentielle des jours prochains, qu'il ne s'inquiète, ni ne croit que je le négligeais. Je savais sa vie difficile par les temps qui couraient.

La réponse était arrivée, qu'il pensait sans doute chaleureuse, que je passe du bon temps au loin, que ça me fasse du bien et ne disait rien d'autre et pas un mot de lui. Si laconique qu'il pouvait indiquer que mon éloignement ne risquait en rien de compter.

Je m'étais sentie mortifiée. Seul un silence eût été pire.

Dans l'après-midi de la même journée, studieuse, à la BNF j'écoutais un entretien de "Lecture pour tous" consacré à Elsa Triolet. Je n'avais jusqu'alors connu d'elle que des textes, les siens et ceux des hommes de sa vie à son sujet et vu des photos muettes. C'est peu de dire que la forte femme m'impressionna. 

En me demandant pourquoi elle les avait rendu si fous d'elle, ou plutôt comment, j'eus la révélation de mon erreur. J'eusse dû ne rien dire de mon bref départ, de ma sur-occupation, laisser l'homme dans l'incertitude, qu'il soit persuadé que j'avais quitté, au moins temporairement, le petit rôle que dans sa vie après m'avoir séduite il daignait m'accorder. C'est alors lui qui serait revenu vers moi, peut-être un brin inquiet, venant aux nouvelles qui auraient manqué. Et qui sait, prenant conscience que la place consentie ne suffisait pas et que je comptais au fond bien plus que ça. Je ne voulais pas jouer ce jeu-là, ni faire semblant de quoi que ce soit. Je l'avais traité comme j'aurais aimé l'être de mon côté en pareil cas. C'est ma façon d'être sauf aux jours d'épuisement.

Je ne suis pas attirante car je suis trop réglo.

C'est ce qu'on appelle ne pas savoir se faire désirer.


Une erreur de débutant(e) (on n'est jamais à l'abri d')

Last year, un dimanche

 

C'était un touite de quelqu'un que je ne suis pas mais qui était relayé par quelqu'un dont les 140 me font généralement (sou)rire, un dimanche matin calme au ventre légèrement douloureux, j'avais envie de détente (et besoin). 

Il présentait comme le blog photos de sa vieille grand-mère ce qui était une galerie sexy pour les hommes qui aiment leurs semblables, j'avais effectivement trouvé drôle l'écart entre l'accroche et le résultat, ri, et sans plus réfléchir RT.

Heureusement un ami attentif était en fin de matinée venu émettre un bémol. Que dans un premier temps je ne comprenais pas. 

Le touite que j'avais relayé, se moquait en effet mais sans en rien citer de celui-là , lequel renvoyait vers un site aux photos maladroites et désuettes, délicieusement légendées et qui avait un charme fou - du moins pour les doux, pas pour les moqueurs jaloux -. Ne faisant pas partie des lecteurs de cette personne, je n'avais pas vu ce premier lien et n'étais donc pas consciente du côté moquerie / parodie, de ce qui était une sorte de réponse sournoise. Ce que j'avais pris pour un trait d'esprit n'était qu'une petite mesquinerie.

J'ai dé-RT et m'en suis allée admirer l'original, qui le méritait.

Il n'empêche que c'est sur l'internet une erreur facile à faire : ne connaissant pas la source première, se méprendre sur le sens d'une publication consécutive qui ne l'a pas citée.

Je me suis depuis efforcée d'y prendre garde.


 


Je ne serai jamais riche (et je le sais)

L'an passé un matin pluvieux de piscine

 

J'ignorais si l'homme de la maison avait acheté du pain. Afin d'éviter cette déconvenue devenue régulière de rentrer affamée d'un entrainement de natation pour découvrir qu'il avait fait faux bond, j'avais décidé d'aller avant de remonter acheter sinon du pain (crainte de doublon) du moins un croissant. 

En passant devant le marchand de journaux où se tenait telle qu'à son habitude le clochard du quartier, un type sympa dont on se dit qu'il en faudrait peu pour qu'il puisse s'en tirer (1), j'aperçois un instant avant lui et à trois pas à peine, deux billets de 10 euros soigneusement pliés, et comme tombés d'une poche. Avant la moindre pensée je les avais saisis, les lui avais donnés. 

Je n'oublierai pas son sourire que dans ses yeux un "trop tard" navré avait précédé, trop brièvement pour qu'il déclenche mon geste déjà amorcé.

J'avais en revanche totalement estompé que ni l'homme ni moi pour notre travail du mois précédent n'avions été payés, et que malgré notre aisance apparente et l'espoir raisonnable que notre situation s'arrange dès que nos employeurs y auraient remédié, nous étions au tout bord d'être sans liquidités.

Je ne suis pas faite pour ce monde où l'on doit penser à soi d'abord sans arrêt. Mal adaptée.

 

(1) Certains de ses collègues semblent dans un état si désespéré qu'on croit qu'il est trop tard. Lui, non. D'où qu'on espère en aidant secourir.


Une méprise favorable

un vendredi, au bord d'un long couloir,

 

Il m'avoue qu'il attendait une amie, enfin une connaissance, bredouille un peu, précise que de visu il ne la connaît pas et que bref dans un premier temps il a cru que c'était moi. Comme il est jeune et beau je suis flattée déjà.

Le temps que nous échangions les quelques mots amusés que la situation nous inspire, arrive la femme du rendez-vous. Fine et jolie et surtout d'une bonne vingtaine d'années de moins que celles que m'attribue tout calendrier pourvu d'honnêteté.

Je m'esquive équipée d'un grand sourire intérieur.

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