Le poids de l'air (du temps)


    J'ai appris l'annulation de la braderie de Lille via FIP qui est la radio que l'on met (parfois) à la librairie : pas de réclame, programmation douce mais variée et de qualité et un flash d'info bref par heure à 50 de chaque (1). Ça m'a fichu un coup, un peu comme les témoins de cet article une première pensée aura été, Ils ont donc gagné. En même temps je comprends fort bien et trouve légitimes les motifs de l'annulation : au vu des événements récents, même en l'absence de menaces précises, maintenir serait tenter le diable. La foule est telle et la configuration des lieux, que le moindre fou d'Allah ou du reste, même faiblement équipé, pourrait faire un carnage. Disposer des hommes en armes destiner à protéger serait en soi risqué, le moindre échange de tirs atteindrait des malheureux tout autant que d'éventuels tueurs. Et il ne faut pas oublier les risques de type kamikaze qui se fait sauter en plein passage surpeuplé.

Mais voilà, on a beau à titre individuel être résolus à ne pas céder, à ne rien changer de notre façon de vivre, let haters hate, il faut bien tenir compte des derniers développements.

 *            *            *

Un autre élément de changement, se loge dans la perception des informations. Un fait divers si dramatique fût-il et profondément grave pour ceux qu'il concerne, devient presque un élément de soulagement dès lors qu'il n'est pas récupérable par la lutte islamiste armée. Un fou purement givré, une catastrophe, un incendie, font figures de drames admissibles, d'horreurs envisageables de la vie. 

*            *            *

Août 2016, on en est là. Et pour ce qu'il restait vaguement d'un esprit de fête (résiduel), les Jeux Olympiques sont, comme le fut l'Euro, une période de qui-vive.

 

 

(1) Ce qui est très pratique lorsqu'on ferme à l'heure pile, ça donne un bon point de repère pour commencer les tâches de fin de session


Et si on s'accordait une once de fierté ?

En rentrant du boulot, en cherchant tout autre chose, je tombe sur le témoignage "du gars en vélo", un de ceux qui a tenté à Nice d'arrêter le camion qui fonçait sur la foule :

Puis j'ai lu un article qui mentionnait l'homme en scooter et un autre qui n'a pas pu rejoindre le camion mais a aussi essayé (et a sauvé des tirs un passant).

Je sais que je ne sais pas comment en cas d'urgence je réagirai. On ne peut pas savoir, à moins de faire ou d'avoir fait parti d'un groupe particulier, entraîné, comment notre corps va réagir. Une des réactions possible est la sidération, la transmission qui du cerveau aux muscles ne s'effectue plus. Ce n'est même pas une question d'avoir peur ou pas. Ça se situe au delà.

Alors ceux qui plutôt que de penser à se mettre à l'abri parviennent à avoir des réactions de préservation d'autrui, au risque de leur propre vie, chapeau bas. 

En écoutant cet homme qui explique simplement ce qu'il a vu, compris et tenté de faire, comme s'il était lui-même surpris, m'est revenu qu'à Saint Étienne du Rouvray c'est une religieuse, qui est parvenue à s'enfuit et a donné l'alarme - le bilan aurait pu être pire sans l'intervention rapide de la BRI -, que dans le Thalys l'an passé, des passagers ont réagi suffisamment nombreux pour avoir raison du type qui voulait tuer, qu'au Bataclan il y a eu plusieurs témoignages parlant de ceux qui ont aidée les autres à s'enfuir, ou à rester calmes - je revois cette image d'une silhouette secourant une femme suspendue à une fenêtre -, d'autres récits tant aux terrasses des cafés en novembre 2015, qu'à Nice de personnes ayant le réflexe de protéger les autres, de s'interposer - quitte à en mourir -. Et les imprimeurs qui ont survécu à la présence des frères assassins - celui qui a protégé son employé, celui qui a su rester silencieux et parfaitement lucide -, et le gars qui à l'hyper casher était parvenu à faire sortir des gens. Il y a une jeune femme aussi, Aurélie Châtelain, morte assassinée alors qu'elle tentait de résister à un homme dit "radicalisé" et qui l'a probablement empêché de s'en prendre à d'autres.

Je n'ai pas suivi tout, simplement lu des articles, je me dis que si je cherchais je trouverais encore plus d'exemples.

Et si ces fous furieux au lieu de nous diviser nous faisait prendre conscience d'à quel point nous sommes parvenus collectivement à un niveau de courage et d'intelligence qui fait qu'à chaque fois il y a parmi nous plusieurs personnes capables plutôt que de l'écraser, de tenter de leur mettre au moins des bâtons dans les roues ?

Ce qui est plus particulièrement frappant dans le cas de Nice, c'est que les trois qui ont tenté t'intervenir n'étaient pas ou plus menacés, ils ont vraiment tenté le tout pour le tout pour les autres.

C'est ça que les terroristes tentent de détruire, le niveau de civilisation et d'altruisme que nous avons atteint, si imparfait que soit notre système de société. Puisque chaque homme ou femme mal dans sa peau et apte à la violence peut déclarer qu'il fait allégeance à l'EI et commettre n'importe quel crime, il y aura inévitablement d'autres attentats (1). Seulement si à chaque fois on parvient, certains d'entre nous parviennent, à faire bloc, à tenter de faire front, au bout du compte on l'emportera.

Et en attendant je crois que l'on pourrait peut-être, collectivement, s'accorder une once de fierté, que ça ne serait pas si déplacé.

 

(1) Au risque que comme vendredi passé à Münich un type qui se prenait pour un nouveau Breivik soit confondu un temps avec un djihadiste, alors qu'il agissait plutôt par racisme d'extrême droite. 

 


Je ne me souviens plus du printemps

Depuis 2013, qui était pluvieux, du moins il m'est ainsi resté en mémoire, je ne me souviens plus du printemps. 2014 était peut-être pas mal, mais il fallait aller à l'hôpital et nous étions si inquiets sans arrêts, 2015 était un deuil et le deuil aussi d'une autre relation et la difficulté qu'il y avait à travailler malgré tout alors que l'environnement n'était pas bienveillant - j'ai le souvenir de journées ensoleillées et d'un été plutôt chaud mais il reste comme sur une photo, sans ressenti, abstrait - et 2016 n'accorde de chaleur que par inadvertance. 

Ça fait longtemps, très longtemps que j'ai perdu les voyages, restaient les déplacements, quelques-uns, et Bruxelles. N'en restent plus qu'Arras et son festival de cinéma ainsi que deux week-ends de ciné-club - et encore coup de chance, j'avais un week-end non travaillé -. Faire l'amour s'éloigne aussi. J'ai passé l'âge des possibilités sans tout à fait avoir perdu l'envie, mais force est de constater que c'est bientôt fini.

Espérer rétablir l'équilibre de nos finances n'est plus qu'un espoir abstrait. Seul le départ des enfants ou que l'un d'eux contribue aux dépenses pourrait nous remettre dans une situation sans systématiquement des tracas de fins de mois et du jonglage et du report de dépenses élémentaires.

Travailler un peu loin c'était renoncer à une grande part de vie sociale, c'était déjà le cas dans le XVIème arrondissement (même si dans ce cas le "loin" n'était pas géographique), mais ça l'est désormais concrètement. Je m'y attendais, seulement ça peine.

Les problèmes d'argent pèsent aussi, joints aux prix délirants (par rapport à des salaires faibles) des consommations à Paris  

La rondelle

(photo récente d'un ticket de caisse d'un café parisien empruntée à Lola Spun et tellement significative, de la rondelle de citron taxée à 20 centimes à la CB minimum 10 € en passant par le prix de base des consos, 6,10 € le cidre, 4,20 € l'eau gazeuse)

Forcément, si on hésite à aller au café, parce que la moindre boisson c'est trente minutes de boulot qui se liquéfient, on voit moins les personnes à qui on aimait donner rendez-vous, sans nécessairement se faire inviter. On n'ose plus rien proposer.

Chacun est pris dans la nasse de ses propres difficultés et soucis. On est tous des hamster qui cavalent dans des roues, parfois on en descend, on dit deux mots au hamster d'à côté en tentant de reprendre notre souffle, et puis on reprend. Comment rester proches dans ces conditions.

L'opéra s'était terminé quand les files d'attentes collectives ont été supprimées et les places à 20 €. Ça me manque. J'ai au moins la conscience d'en avoir, grâce à Kozlika et au petit groupe qui s'était créé, vraiment bien profité.

La chorale s'était achevée avec mon premier emploi de libraire et les fermetures à 20h. Incompatibles avec les horaires de répétition. Et les répétitions en vue des concert qui prenaient les week-ends incompatibles avec les horaires des librairies ultérieures. Chanter me manque. La musique jouée me manque.

À présent c'est le théâtre. J'y allais en collectif avec un abonnement, certaines années deux (mais mon partenaire de Chaillot a totalement disparu de la circulation, quand je pense à lui désormais je pense aux morts dans la vieille série des Envahisseurs, un souvenir lumineux de la place qu'ils prenaient). Je vais quand même regarder ce qu'on m'a transmis mais je crois que je vais arrêter. Trop compliqué avec mes nouveaux horaires. Rare économie possible. Là aussi que de bons souvenirs. Que d'œuvres qui auront aidé à grandir.

Reste le sport, encore que (1), mais au moins la pratique quotidienne, elle, dépend beaucoup de moi et le nouveau travail la favorise. Est revenue une activité que l'éloignement des lieux et le peu d'entrain des miens m'avait fait abandonner alors qu'elle m'est une respiration vitale : les marches en forêt.

Reste le cinéma, entre le Cinema Paradiso découvert près du boulot et le Méliès de Montreuil cette année est faste. 

Restent les livres, mon métier retrouvé me remet dans une situation d'abondance. C'est déjà une vie très privilégiée, jointe au travail que j'aime. Aimer ce qu'on fait pour gagner sa vie est quelque chose de si précieux.

La lecture, le cinéma, le sport, trois éléments qui ne se rétrécissent pas dans une existence qui depuis 2013, que je le veuille ou non, se resserre.

Reste la BNF même s'il est frustrant de n'y pouvoir y aller que certains matins. J'y suis si bien, au calme, à mettre de l'ordre dans mes idées, avancer mon travail personnel, étudier.

Reste l'écriture, justement. La seule chose qui contre vents et marées échappe au renoncement pour l'instant, sauf qu'elle échappe aussi à la mise en œuvre de chantiers un peu longs. La seule chose qui me console c'est de n'avoir rien à me reprocher : j'y fonce dès que j'en ai la possibilité.

Je ne souviens plus du printemps, j'ai renoncé à avoir chaud, est-ce que ça existe encore ? Mais je n'ai pas renoncé encore à l'essentiel. Quelqu'un me soutient.

Peut-être aurais-je enfin davantage de printemps l'an prochain. 

 

 

(1) Je voudrais m'inscrire à la saison prochaine au Levallois Triathlon après une tentative trop tardive pour la saison 2015/2016 mais deux mails sont restés sans réponse pour l'instant. Je suis une femme, je ne suis pas jeune, je n'habite pas Levallois mais juste à côté, sans doute que je ne les intéresse pas.

PS : Le problème est aussi que les tracas externes grandissent en plus du climat général délétère et violent, mais je ne souhaite pas évoquer les premiers qui sont ceux de tous adultes vieillissants dont les parents atteignent au grand âge, et j'ai déjà beaucoup parlé du second.

addenda du 27/05/16 : À croire qu'il suffisait de demander, aujourd'hui un climat normal de printemps vers l'été #itwasabouttime 


Depuis le début des manifestations, tout semble fait pour criminaliser le mouvement

"Joël Labat analyse les violences dont il a été victime et témoin comme « une volonté politique évidente d’effrayer les manifestants et les gens qui filment. Tout est fait pour criminaliser le mouvement et pour que les mobilisations se passent mal. J’étais à la manifestation du 1er mai avec ma femme, nous nous sommes retrouvés pris dans la nasse, c’était très angoissant. Nous sommes en train de sombrer dans une époque qui bafoue les droits »."

article complet sur Reporterre

Un CRS a tiré une grenade sur un réalisateur - et l'a blessé - pour l'empêcher de filmer

 

Je suis les événements actuels seulement d'assez loin : prise par un nouvel emploi et des tracas à hauteur personnelle, quand bien même j'aurais encore de l'élan militant, je serai incapable de me libérer pour participer. Aux interstices j'écoute les amis qui se dévouent pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être, je lis les infos sur des sources internet variées, et je veux bien croire qu'il y a des casseurs venus pour ça (payés pour ?), mais globalement je vois des témoignages de gens au départ peu violents et qui en subissent plus qu'à l'ordinaire, comme si une part de la violence soulevée par les terroristes islamisés retombait sur les citoyens qui souhaitent défendre leurs droits. 

Pour l'instant, à part de brefs passages à l'occasion d'un retour, place de la République - les fois où j'y étais j'ai plutôt entrevu une ambiance bon enfant ; peut-être trompeuse, comment savoir lorsqu'on ne peut rester ? -, et une file d'attente impressionnante vers Ermont Eaubonne pour de l'essence et que la police canalisait, un soir aussi dans Paris vers la gare de Lyon les traces d'un passage violent (écrans publicitaires brisés ...), je n'ai rien vu de ce qui s'est passé et se passe. Un peu comme si j'évoluais dans un monde parallèle. On croise cependant de nombreuses troupes en uniformes, soldats, CRS ou policiers. Il y a une atmosphère tendue. Pas dans la banlieue réputée calme où je travaille mais dans la grande ville elle-même.

Ce témoignage de Joël Labat est un parmi d'autres qui vont tous dans le même sens. Le pouvoir souhaite que les choses dégénèrent. Pour pouvoir accuser qui en fait, et de quoi ?

L'état d'urgence est déjà là, prolongé, reprolongé. Que veulent-ils provoquer ?  CjZ0__yW0AEzPCk

 

Pourquoi un gouvernement réputé à connotation "de gauche", pilote-t-il à ce point à droite toute, contre son électorat même, violence répressive incluse (1) ? 

photo prise ou partagée par @jbrkmr (à Rouen semble-t-il)

 

(1) quand l'urgence devrait être de lutter contre Daesh, ISIS ou quoi que ce soit qui sont prêts à assassiner de manière aveugle et l'on prouvé. 


Les meilleurs moments d'une vie


    Les temps troublés que nous traversons et qui vont résolument vers le pire, nous conduisent à prendre en main des projets dont on se serait dit, dont on se disait, c'est bien, c'est beau, ça serait bien, ça serait beau (et peut-être utile à d'autres) mais il y a toujours le quotidien à accomplir qui est plus fort que tout. Il faut assurer des rentrées d'argent pour régler le minimum vital de dépense - dans une société comme la nôtre, dès lors qu'on vit en ville, qu'on est plus de deux, il est assez élevé. Il faut faire face aux maladies, les nôtres ou celles de l'entourage. Il faut tenter de faire face aux contraintes administratives et ménagères. Se maintenir en forme. Dormir. Alors le temps dédié aux chantiers personnels est vraiment rétréci. 

Ces jours derniers, Couac s'est lancée. Elle a décidé d'interviewer les gens qu'elle croise dans la vie de tous les jours, par exemple les voisins. 

Ça se passera par là. Et le premier est FreD.

Je suis d'autant plus réjouie que ça correspond à une idée, germée pour un peu les mêmes raisons, à laquelle j'avais renoncé (pas le temps, pas forcément la bonne personne pour le faire) et je suis heureuse que quelqu'un que j'apprécie beaucoup l'aie eue aussi et avec le courage assorti et les dons qu'il faut pour la mener à bien.

Au passage grâce à elle je découvre Grand chose (pas grand chose mais en mieux) qui est un beau blog collectif sur comment on peut se débrouiller de peu pour une maison accueillante.

De mon côté, en plus de mes nombreux chantiers qui demanderaient que je puisse enfin un peu me poser, il y a celui-ci, blogo-compatible et donc potentiellement menable à bien, qui serait de raconter ce qui peut constituer pour une vie en Europe entre la fin du XXème siècle et le début du XXIème, les meilleurs moments, des souvenirs formidables, des trucs qu'on aimerait que nos arrière-petits enfants (si la planète ne craque pas avant) puissent savoir et que ça les ferait rire ou les rendrait heureux. Des trucs qu'on aimerait aussi avoir noté quelque part pour soi-même, afin dans les moments qui nous poussent au désespoir de nous souvenir que la vie, même la nôtre, peut comporter des instants de grâce.

Tout à l'heure, Ken Loach recevant la Palme d'Or , m'a donné envie de m'y mettre. En espérant pouvoir en faire quelque chose de collectif un jour. Ou au moins que l'idée fera germer des envies de suite chez des amis moins fragiles et mieux organisés. En tout cas voilà, avant qu'elle ne s'achève j'aimerais au moins parvenir à écrire les meilleurs moments d'une (petite) vie. 
(et si je vais commencer par la mienne, c'est parce que c'est celle que je connais le mieux - ou crois connaître, je suis bien placée pour savoir qu'on ne comprend certains éléments que parfois des années, des décennies plus tard -).  

Il ne faut pas attendre d'en avoir le temps : n'importe quoi peut survenir n'importe quand. 

 


Bribes en vrac d'une belle soirée

 

    Les survivants se rassemblent et ceux qui ont survécu à ceux qui n'ont pas survécu. 
Nous avions tant d'estime et d'affection pour notre ami commun. 

Beaucoup ont réagi par le travail. 

Il a fallu, je crois, prendre ses distances. 

Il y a : ceux qui dorment trop, ceux qui ne dorment plus.

Le corps physique a ses limites. 
Les esprits, c'est fort, ne sont pas défaits.

Tu comprends que la jeunesse actuelle n'a rien d'un passé militant (conversation).

Les forces de l'ordre, certains, ne se cache même plus pour jouer les casseurs puis mettre un brassard. Ce qui permet de dire, il y avait des casseurs et nous avons chargé. Nous les avons dispersés (conversation)

Tu entrevoies un ami qui envisage le football. Les Émirats Arabes Unis ont disqualifié le Qatar par mercenaires interposés. Mais les supporters font semblant de croire qu'il s'agit encore d'une équipe de leur ville avec des joueurs qui n'iraient pas ailleurs pour davantage d'argent. Ils font aussi semblant de croire que l'issue de leurs paris compte moins que le sport, le score, l'honneur. 
De nos jours un supporter, ça fait beaucoup semblant.
Un grand rugissement. Ils ont marqué, avance un ami, tout en démontant la tente. Pas certaine qu'il ne s'agissait pas de déception, dis-tu.  

Il ne fait pas froid.
Tu ne peux pas dire : je ne souffre plus du froid depuis que votre père est mort. C'est pourtant la stricte, surprenante et dérangeante vérité.

Tu voudrais offrir son livre à ton grand vieil ami, ton presque frère. Mais tu n'as pas d'argent et l'ami pour te voir n'a plus du tout de temps. (double un peu triste constatation)

Nous avons les mêmes valeurs, presque les mêmes opinions mais nos sensibilités diffèrent sur Eddy Bellegueule et Merci Patron ! (conversation)

La police fait des rondes, tant et si bien que tu finis par te dire qu'effectivement il pourrait y avoir un danger. Mais ça t'es égal. Ils méritent qu'on le coure.

Tu as honte de te remettre lentement quand les vrais concernés font face vaillamment. Pleurer d'avoir en sus reperdu un amour perdu te semble d'une faiblesse ridicule. Notamment face aux filles sans [plus de] pères, qui sont là et sourient. Faire face à l'adversité.

Tu sais le score du foot dès la fin du foot, tu sais qu'il vaut mieux éviter de rentrer en vélib, pas de place près de chez toi où les raccrocher, les stations sont saturées (vie moderne).

Nous démontons la tente, sous la direction de M., notre grand spécialiste.

Ta grande amie est venue qui pour sa dédicace ne donne que son prénom. Je ne commets pas l'erreur d'expliquer à la jeune femme qui elle est. Mais, allez, avoue, ça t'a effleurée.

Tu remercies une femme remarquable pour son travail fait à la librairie où tu as appris le métier. C'était il y a quatre ou cinq ans. Elle réfléchit, puis se souvient. Avec un sourire triste. C'était ça ma vie d'avant. Les libraires, les réfugiés.

Elle raconte un cadavre de vélo à cause d'un chauffard colérique. (conversation)

Tu noies tes chagrins, celui du deuil en particulier, dans les verres de gingembre.

Un camarade âgé veut tout bouger. Et à plusieurs reprises. D'où lui vient cette bouffée d'énergie ?

Quelqu'un avait écrit dans la première version de transcription d'une interview que la femme qui le racontait avait eu pendant dix ans une relation avec un homme marié. Non seulement c'était faux mais elle se demande encore ce qu'elle a bien pu dire qui fut noté ainsi. Elle a pu [faire] corriger, du coup c'est resté drôle.

Tu rentres à pied munie d'un (petit) cadeau (alimentaire).

Je prends des billets de train pour le 1er mai. 

Paradoxe de la belle soirée dont on aurait aimé qu'elle n'eût jamais lieu.

[À présent] Il faut dormir.  Demain, mon ordi sera réparé. 
Que deviennent les humains ?

 


Cette période globalement agitée

Au passage et avant toute chose, chez Boing Boing une belle synthèse au sujet des Panama Papers : 

It's the criminal economy, stupid !

*        *        *

Il y a cette chanson de Lennon; "Nobody told me" there'd be days like these, strange days indeed, most peculiar Mamma, qui me trottine dans la tête beaucoup ces jours derniers. Et pour une fois le juke box fou de dedans ma tête me semble plutôt pertinent.

Il y a ce témoignage d'Isabelle Ducau (1), lu ce matin via Le Monde (article ou interview par Emeline Cazi). Comme suite à un burn-out elle a cessé de suivre les infos de façon permanente et en tout cas dans les médias mainstreams - qui sont depuis vingt ans au moins devenus terriblement orientés sur le faits divers (plutôt terribles par définition, trop rarement marrants fors quelques "insolites") -. Et elle s'en est sentie tellement mieux qu'elle n'a pas repiqué au truc. 
J'aurais du mal à en faire exactement autant : j'éprouve le besoin, fors brèves parenthèses ou moments de ma vie particulièrement bien remplis, de me sentir au courant de l'état du monde. Et puis j'aime bien les histoires cocasses ou miraculeuses. Mais pour aller à leur rencontre il faut souvent traverser les horreurs. Il n'en demeure pas moins que j'ai cessé depuis longtemps de regarder les journaux télé à moins de me trouver dans un endroit où ils déroulent (2), je n'écoute plus guère ceux de la radio fors le 6h30 et le 7h de France Culture, radio réveil oblige. Je suis l'actualité via l'internet et pas de façon permanente - quand je bosse, je bosse -, plutôt dans les interstices, et c'est bien assez comme ça. 

Il n'en demeure pas moins qu'en ce moment, pour qui souhaite suivre, c'est assez fou.

  • Il y a les guerres au Proche et Moyen Orient (j'ai renoncé à comprendre qui était réellement allié avec qui ou non ou si un peu mais pas toujours) et les réfugiés correspondants et des possibilités d'accueil ou de violentes fermetures, des réactions contradictoires d'états européens et la France elle-même qui par moment fait semblant d'aider et par moment surtout pas.
  • En Ukraine, à moins que j'aie loupé un épisode, il me semble bien que même si les médias généralistes n'en parlent plus, rien ne soit résolu.
  • On ne parle plus de la Grèce pour les problèmes économiques parce que l'afflux de réfugiés est venu poser un problème plus aigu, mais je crois bien que c'est toujours en mode "mission impossible" et que les gens souffrent, qu'ils peinent à subsister.
  • Il y a les primaires aux USA et c'est loin d'être neutre pour la suite de l'histoire mondiale et ce Trump qui en disant des horreurs, qu'on se demande à chaque fois si c'est du second degré d'humour gros reloud, mais non, il fait comme s'il pensait ce qu'il balance, est en passe d'être le représentant pour les Républicains (les vrais, pas la gnognote de retitrage franchouille). Ce qui est juste max de flippant.
  • Il y a bien évidemment les attentats, les djihadistes, les gamin-e-s qui quittent l'Europe pour la Syrie persuadés d'avoir une mission divine à accomplir, un destin ou une destinée, et prêts et volontaires pour mourir pour ce qu'ils croient être Dieu et tuer un maximum de gens qui n'en demandaient pas tant. Et ça bouge, il y a eu non seulement des attentats mais aussi des arrestations et d'ailleurs des attentats qui ont par conséquences de celles-ci changé d'endroit-cibles (3). 
  • Il y a cette Loi Travail qui aurait pu s'appeler Loi de retour au Servage. D'où les protestations, et qui enflent, et ce mouvement de #NuitDebout auquel j'aimerais croire, mais qui ne parvient pas à emporter totalement mon adhésion. Peut-être parce qu'une fois de plus on est d'accords pour n'être pas d'accord mais on n'est pas d'accords entre nous (et d'ailleurs : qui est ce "nous" si composite ?). Là aussi, j'ai du mal à suivre, je crois comprendre que c'est évacué, et puis non de toutes façons on refait tout tous les jours, et puis mais si mais là c'est évacué pour de bon, et puis mais non, et d'ailleurs ce soir tu viens ?
    J'y suis passée une nuit en rentrant, brièvement. C'est vrai que ça donnait envie que ça réussisse à quelque chose. Il faudrait qu'un leader émerge, quelqu'un de charismatique et qui fasse le poids.
  • Il y a les Panama Papers et j'ai passé du temps pour le coup à lire beaucoup d'articles et j'en découvre tous les jours. Pas surprise la plupart du temps : tout ceci était déjà sinon à l'œuvre du moins en gestation quand je travaillais à l'"Usine" et je n'étais pas stupide au point de ne pas capter certaines choses sur les sociétés offshore et toutes sortes de manipulations légales stricto sensu mais pas franchement éthiques. J'ai vu reculer une ancienne façon de travailler qui était respectueuses de quelques choses, ne serait-ce que par un vague reliquat de patriotisme et de sens de l'honneur, au profit d'un mode cow-boys ce qui compte c'est d'abattre l'ennemi et tous les coups sont permis. 
    Bref, la deuxième décennie du XXIème siècle aura été le moment de convergence entre banques, multinationales et mafias, les dirigeants de toutes finissant pas adopter les mêmes comportements, déteindre les uns sur les autres.
    À tel point que finalement j'aurais été étonnée par une embrouille ultime : utiliser le nom de la Croix Rouge Internationale à son insu comme caution morale pour des fondations façades.
    Toutes précisions dans cet article du Monde d'où je tiens cette citation : 
    "Le prestataire de services offshore précise qu’il n’a pas l’obligation d’informer la Croix-Rouge du rôle qu’elle joue malgré elle dans ces centaines de sociétés offshore."
  • Il y aura sans doute des bricoles côté Corée du Nord, un jour on va s'apercevoir que derrière leurs faux essais nucléaires se cachait peut-être un réel péril.  
  • À venir l'Euro de football et puis les J.O. qui, que l'on s'y intéresse ou non, vont saturer les temps de communication.

 

J'oublie sans doute quelque chose, un ouragan ou deux, sans compter quelques actions de défense locales, un-e blogueur/-euse attaqué-e, un expulsable dont toute la famille est par ici, une lanceuse d'alerte qui a fait de la prison alors que le procès qu'elle avait contribué à faire avancé menait à la condamnation du coupable, et quelques victimes de l'état d'urgence (4).

La période actuelle est donc particulièrement agitée, je crois que c'est la première fois depuis que l'internet nous donne accès à des infos à la fois plus larges mais mieux filtrées (5) où en ayant une vie personnelle bien remplie, il semble impossible de suivre les derniers développements dans tous les sujets cruciaux.

Et d'ailleurs peut-être qu'en ce moment-même ...

 

 

(1) Qui par ailleurs tient le blog "Les carnets du bien être". 
(2) Les derniers doivent dater du 12 juin 2005, quand les copains m'avaient dit que j'y figurais et que je ne comprenais pas car j'avais cru répondre à la RTBF ; parfois ponctuellement via les sites des chaînes pour une raison particulière. 
(3) Si je travaillais encore à La Défense j'aurais un tantinet l'impression que les Bruxellois sont morts pour moi. Et si j'avais un-e proche atteint dans les attentats de Bruxelles, j'aurais le cœur encore plus lourd de me dire que ça n'était pas ce qui était prévu, comme une double injustice - même si ces pensées sont peu rationnelles, je sais que je les aurais eues -.
(4) dont un homme qui a été confondu avec un autre mais a dû se soumettre à l'assignation à résidence pendant plusieurs mois avant d'être mis hors de cause. Il a entre temps perdu son emploi.
(5) Si je ne souhaite pas m'intéresser aux faits-divers sans sens général particulier, j'y parviens fort bien.

 

 


Coupla' things


    La conscience qui ne date pas du 22 mars ni même du 13 novembre ni des 7 à 9 janvier, mais que tout ceci réactive de façon nette que chaque activité que l'on fait doit mériter que l'on prenne un risque conscient et concret. C'était déjà le cas d'un point de vue budgétaire : plus jamais n'aller au café seule sauf besoin urgent, ça le (re)devient pour le fait d'être dans la ville, d'aller voir un film, assister à des lectures, retrouver des amis. It has to be worth it.

    Le retour du fotolog : voulant rechercher un lien (j'ai repris mes sauvegardes d'images en 2012), je m'aperçois que le message menaçant "sauvez vos photos nous risquons de ne plus être en ligne après le 20 février" a disparu. Tout semble redevenu comme avant la coupure sauvage du 4 janvier dernier. J'attends d'avoir résolu quelques tracas d'ordis pour aller aux nouvelles.

    Un instant d'absence ... anticipative : combien de fois par le passé ne m'est-il pas arrivé "d'oublier" par exemple une rupture, un décès ou que tel moyen de transport était fermé sur la période (et de me diriger vers une station que je savais pourtant fermée). Il m'a fallu des années pour ne prendre qu'un exemple qui ne fâchera personne avant de ne pas avoir cette pensée de Tiens, Bashung n'a pas sorti de nouvel album depuis longtemps, oubliant (refusant) sa mort. Mais ce matin alors que je dois me rendre Croix de Berny j'ai songé : prendre la 14 porte de Clichy puis le RER B à Châtelet. Ça me semblait naturel. Trois ans à l'avance ?

    Une connivence parfaite avec ce personnage de roman, qui par ailleurs est inspirée par quelqu'un qui exista jadis et loin réellement, je me dis que je trouve que ses réactions face à ce qui lui arrive sont vraiment très bien vues, me sens un peu moins seule et en pleine empathie. Soudain à deux ou trois phrases que je reconnais - j'avais cherché mes termes, voulais exprimer quelque chose d'assez subtil -, je comprends (aux 3/4 du livre quand même ! je comprends vite mais je mets longtemps) : l'amie en écrivant, consciemment ou non, a repris ce que je lui avais confié de ce qui il y a trois ans m'arrivait - effectivement il y a quelques similitudes avec ce qui fut l'histoire de cette autre femme, sur un point en particulier -. J'ai ri de bon cœur et ça m'a mis un peu de baume au cœur. Quelqu'un quelque part m'a très bien comprise. Et pas n'importe qui. C'est une façon agréable, quoi qu'assez insolite, de se retrouver dans un livre. J'imagine que les doublures au cinéma pour des séquences précises, des parties de leur corps, ou des actions qu'elles savent effectuer, ressentent quelque chose d'assez proche en voyant l'œuvre une fois terminée. 

    Le moment de reprendre un emploi salarié approche, ça y est je suis dans la zone de jours où je mesure ce que je n'aurais pas le temps matériellement d'achever avant, y compris dans le cadre du rangement de l'appartement. Il faudra prendre un rythme. Depuis que j'ai fait remettre en état mon vieux biclou, j'ai davantage confiance en moi. Yes you can. J'ai hâte de m'y mettre. 
Je suis cependant triste des amis que je ne serais pas parvenue à revoir avant d'être prise par mon activité.


Analogos disparu

 

    C'est un touite de Christophe Sanchez que je vois passer alors que j'étais en train de me préoccuper de mon moyen de locomotion pour aller à mon bientôt nouveau travail, je me dis que j'ai dû mal comprendre, puis j'en lis confirmation chez Daniel Bourrion. Ainsi qu'une trace qui semble indiquer que ça fait quatorze jours que tout était terminé.

Préoccupée par ce qui s'est passé à Bruxelles, accaparée par mes préparatifs de nouvelle vie - du travail, très bientôt, mais hors de Paris, tant de choses à régler avant -, je n'avais pas même eu le temps de me dire Tiens, depuis quelques temps il est bien silencieux.

Tout récemment, encore ces motsCapture d’écran 2016-03-28 à 17.06.45

. Je n'étais pas intime tout au plus amie d'ami-e-s et lectrice tranquille de partages sur l'internet accessible.

Il n'empêche. 

Quel vide soudain (1).

 

 

(1) D'autant plus que je m'aperçois que comme une idiote j'avais lu (chez Brigetoun) sans comprendre, focalisée sur "Bruxelles", peut-être ailleurs aussi, mais sans que le cerveau n'enclenche. Il y est vrai que je n'ai vu de mots nulle part qu'en dehors du cercle d'amis, ce qui me paraît si étrange compte tenu de la qualité de ses écrits. Le monde d'aujourd'hui, méconnaît la poésie.

addenda du 29/03/15 : chez Brigetoun ce beau billet (avec quelques extraits)


Après les attentats à Bruxelles : chez les amis, des mots, des liens


    Mardi matin, comme tant d'entre nous, Paris et Bruxelles sont si proches, de géographie et d'affections, je me suis fait un sang d'encre. 

J'ai infiniment apprécié et l'ai déjà marqué, que Xave ait très vite retrouvé son humour mardi (et signalé qu'il allait bien) (si tant est qu'il ne l'ait jamais perdu, car nous avons probablement ce "défaut" là en commun, dès lors que personne que nous aimons n'est directement en danger). Son touite m'a fait un bien fou, même si je conçois que beaucoup ne puissent pas comprendre qu'on se défende du pire comme ça.

Capture d’écran 2016-03-27 à 21.08.30

C'est très secondaire, eût égard à l'horreur générale, mais pendant plusieurs jours je me suis sentie vraiment trop naïve ? bête ? sentimentale ? gentille ? de m'être inquiétée pour tous ceux que je connaissais à Bruxelles, y compris pour quelqu'un qui m'a fait un mal fou, et très particulièrement le 8 janvier 2015 par un message insupportable - odieux en temps normal, dégueulasse en sachant que le 7 j'avais un ami qui s'était fait tuer (et normalement il savait que je connaissais Honoré) (je n'ai en regard qu'un fail de password de quelques heures, où il n'était pas nommé, où je ne faisais qu'exprimer ma douleur et qui aurait dû rester discret je m'en étais excusée auprès de l'intéressée) -.
Et puis voilà qu'un touite de Mitternacht posté mardi lu tardivement, m'a remis dans le droit chemin, au lieu de m'en vouloir d'être faible, même si elle n'a pas de griefs équivalents envers qui que ce soit (du moins tout me porte à le croire), bien sûr, elle a raison :

Capture d’écran 2016-03-27 à 21.17.26

Du coup si je m'en veux d'une chose, c'est de n'avoir pas moi-même pensé à touiter cela.

Un billet m'a émue et peinée, d'autant plus que j'avais vu passer les avis de recherche, c'est chez Couac, qui connaissait l'une des victimes probables de l'attentat dans le métro : samedi 26 mars 2016

L'intelligence et la culture de Carl Vanwelde font toujours du bien, plus encore en ces jours terrifiants : Étrange époque
J'y retrouve l'effet que fait la survenue d'attentats près de chez soi lorsque l'on n'y est pas, et loin - ce que nous avons connu l'homme de la maison et moi en novembre -. J'y découvre un intéressant effet d'inversion : presque tout ce dont il dit s'être senti relativement à l'abri car éloigné de ses pratiques quotidiennes (être un journaliste satirique, un fan de rock ...), c'est ce qui pouvait me concerner de près alors que ce qu'il répertorie comme proche, dont l'aéroport de Zaventem, où en pas mal d'années de fréquenter Bruxelles (dès 1983 en fait, pour la Foire du Livre dans les années 2000 puis assidûment entre 2008 et 2012) je n'ai jamais mis les pieds. Et oui, depuis les années 70 en Italie, je vis dans l'optique de ses petits-enfants. Mais j'aime la façon dont il l'exprime ; triste et calme.

Pour ceux qui ont FB, Dom Moreau Sainlez, une amie que je vois trop rarement, a posté une suite de liens très très intéressants. Si quelqu'un débarquait en se disant, Que s'est-il donc passé ?, il trouverait là l'essentiel. Et sans les dérives débiles.

Enfin, Xave a remis un lien vers cette belle intervention de Louis T. après le 13 novembre et même si je n'en suis plus aussi persuadée, à force que tant des lieux concernés me soient familiers, et que des personnes connues de mes amis soient parmi les victimes des attentats aveugles ici ou là, j'aime sa façon de remettre les pendules à l'heure et de nous enjoindre de raison garder.