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Varda in extremis

 

    Avec les camarades du vieux ciné-club dont je fais partie, je suis allée voir l'expo Varda à la cinémathèque la veille du dernier jour.
Je voulais écrire à ce sujet mais je n'en ai pas eu le temps dès en rentrant et à présent qu'il se fait tard, l'énergie me manque.
Bien des points n'étaient pour moi pas des nouveautés, j'appréciais Agnès Varda depuis fort longtemps, ainsi que son travail. Je connaissais ainsi son côté pionnier, et que les autres suivent mais qu'un "mouvement" n'est reconnu comme tel que lorsque les hommes s'y mettent à leur tour.
J'ai plusieurs fois été fort émue, malgré la foule - aller voir une exposition à Paris dans ces derniers jours est rarement à recommander ; seulement pour nous ça n'avait pas été possible avant -. Quand au dernier mur, en compagnie de Delphine Seyrig et Chantal Ackerman où elles expriment haut et fort combien les femmes manquent de place, il m'a profondément remuée. Ce qu'elles exprimaient c'était tellement ça. Le gag étant qu'alors que j'étais appuyée sans bouger au mur en face du mur écran, comme tout le monde le faisait, par deux fois des hommes ce sont littéralement collés devant moi sans même un regard à l'arrière. Au 2ème et comme j'étais encadrée par d'autres personnes qui m'empêchaient de me décaler, j'ai tapoté l'épaule avec un geste de Hé bah, lorsqu'il s'est retourné. 
- Oh pardon allez-y a-t-il déclaré contrit tout en se décalant, mais comme si j'avais demandé qu'il se pousse pour me mettre alors que je n'avais pas bougé.
C'était tellement typique de ce qui était dénoncé que j'ai échappé de peu au fou-rire.

Typique aussi la mauvaise humeur du Joueur de pétanque sur le trajet du retour, car pour une fois un samedi après-midi il ne jouait pas à la pétanque. Galvanisée par Agnès et ses sœurs de courage, je l'ai un tantinet recadré. D'autant plus qu'il avait apprécié l'expo et le déjeuner, même si par effet de groupe et de forte fréquentation de l'établissement (1) ce dernier avait duré longtemps.
Je n'étais responsable en rien de cet inconvénient, ni ne l'avais exhorté à venir.

Je n'oublierai jamais, concernant Agnès Varda, la tristesse des habitants de son quartier lorsqu'aux jours suivant sa mort j'effectuais un remplacement dans une librairie voisine de la rue Daguerre. Elle y avait ses habitudes. Une commande l'attendait encore et ça m'avait serré le cœur.
Quelqu'un dont le départ définitif rend les gens "proches non-proches" tristes à ce point, ne pouvait qu'être une personne formidable presque tout le temps et avec tout le monde. Je me souviens d'avoir songé que si j'avais été de la librairie la détentrice, je me serais permis d'ouvrir un registre de condoléances que j'aurais ensuite remis aux enfants de la réalisatrice. Tant de personnes parlaient d'elles si bien.

Bien sûr j'ai quitté l'expo avec une furieuse envie de revoir ses films ou voir ceux que je ne me souviens pas d'avoir vus (2) et de relire "Décor Daguerre", aussi.

(1) L'auberge aveyronnaise, dont l'aligot est fameux.
(2) Concernant "Le bonheur" j'ai un doute solide. Vu et grandement oublié, ou pas vu et connu pour certaines séquences ?


La maladie imaginaire

    En dépit de la béta-thalassémie mineure qui ne me facilite pas la vie, j'ai rarement été en arrêts maladie, ou alors brefs, terrassée par la fièvre, le temps qu'elle baisse et que je tousse moins, moins d'une semaine pour le Covid par exemple malgré que pendant deux jours rien qu'aller du lit aux toilettes dans l'appartement de taille modeste était une expédition.
Il n'y aura eu de long qu'un arrêt de quelques semaines ( 2 ?) au décès de mon père, et lorsque j'ai été au bout du rouleau (de nos jours on dirait un burn out) juste avant de quitter la banque.
Je me suis absentée pour les deux maternités, délai légal de la convention collective des banques, même si l'un d'eux sur mon relevé de retraites est estampillé "incapacité". 

Pour autant, ce soir en examinant mon relevé de carrière en vue d'une retraite que je pourrais si je survis envisager de prendre à 64 ans et 10 mois, je constate une période estampillée "maladie" de février 2003 à novembre 2003.
Aucun souvenir d'avoir eu de maladie longue ou alors la maladie elle-même était une amnésie.

Mon conjoint n'a aucun souvenir mais n'est pas du tout en mode Si tu avais été malade je m'en souviendrais (grumbl), mes enfants étaient petits, mes parents ne sont plus de ce monde.
Je ne bloguais pas encore et le fotolog où je déposais des photos chaque jours a disparu, j'en ai des copies quelque part mais où ?
Dans un dossier papier je retrouve quelques messages imprimés de la période, imprimés sur mon lieu de travail (le service s'appelait DCAF ce qui ne m'évoque pas grand chose), ce qui prouve que j'y étais.
Il est trop tard pour me lancer dans des fouilles archéologiques de dossiers de bulletins de paie d'il y a 20 ans.

Cette maladie que je n'ai aucun souvenir d'avoir eue et qui figure dans un fichier par ailleurs plutôt pas mal renseigné n'est pas sans me troubler.
Et à part retrouver mes bulletins de salaire sans inscription de maladie, je ne sais pas comment faire corriger cette bizarrerie.

Il y a une autre bizarrerie mais qui correspond à une réalité amusante : 

Capture d’écran 2024-01-25 à 22.14.02

 

 

 

Je vous laisse deviner.


Nous sommes des gens de peu


    Une vie de gens de peu, n'est pas forcément caractérisée par la contrainte financière, l'aliénation au travail pour pouvoir se nourrir - laquelle laisse peu de liberté de réel choix -, le manque de culture - on peut être très cultivé, surtout dans une société où domine le rapport à l'argent -, mais plutôt par la répétition perpétuelle de ce schéma : on bosse dur, on stabilise un peu quelque chose puis survient un élément extérieur (d'une maladie grave à une guerre, en passant par toutes sortes de nuances ou de catastrophe dite naturelle, jusqu'à des choses plus petites telles qu'un employeur défaillant) qui remet le fragile équilibre en cause, et c'est reparti, passé le temps de l'épreuve elle-même, pour un tour de reconstruction.

Aux marges de mon emploi du temps rendu par le travail nourricier trop lourd, je lis "Retrouver Estelle Moufflarge" de Bastien François et comprend bien des choses.
Je me souviens aussi de la brève période où j'étais libraire à Montmorency, Au Connétable, et plutôt heureuse. La maladie puis la mort de ma mère, âgée mais qui aurait pu l'être bien plus car d'une constitution remarquable, étaient venues clore cette phase de ma vie et même si j'ai quitté suite à une proposition d'emploi qui ne pouvait guère se refuser, il m'est évident que je n'aurais pas pu rester bien longtemps sur les "lieux" (1) du deuil.

Être des gens de peu, c'est passer son existence à s'adapter et survivre face aux coups durs, plus rarement aux coups de chance, qui surviennent. C'est ne pas avoir les moyens de faire autrement.

 

(1) Mon travail était proche de l'hôpital d'Ermont dont sa prise en charge dépendait.