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Épuisements du soir (my 3 hours a day life)


    J'avais repris espoir d'un semblant de vie personnelle retrouvée, après l'ouverture de la prolongation de la ligne 14 et qui me permet à la fois un gain de temps et une économie de fatigue pour aller et revenir du boulot.

Las, force est de constater que si les choses vont un peu mieux (je ne m'effondre plus à peine rentrée du boulot et douchée), ça n'est pas encore ça : 

je crois rentrer en assez bon état, et effectivement sors du métro munie d'une fatigue supportable (sauf jours de taf particulièrement infernaux), et pas de problème pour douche, dîner, voire même une brève séance de course à pied (ou, le mardi soir, l'entraînement collectif à la piste) et puis il est 21:00, il me reste 2 ou 3h max de disponibles, je me dis je vais enfin pouvoir m'occuper de (suit une tâche de gestion familiale, ou rangement, ou message à répondre ...) et soudain la fatigue insurmontable rapplique et je n'ai que le temps de courir jusqu'au lit (1).
Ça ne s'arrange pas avec l'âge.
Au jour de télétravail je m'en sors un peu mieux (j'économise 2h30 à 3h de transports) mais la journée en elle-même est souvent plus fatigante (2) et dépourvue des brefs moments collectifs de décompression.

Reste que partant tous les jours travaillés, de chez moi à 08:15, pour rentrer vers 20:00, il ne me reste guère que 3h de temps personnel par jour, en admettant que je parvienne à résister au sommeil jusqu'à minuit. Ça fait peu pour une vie.
Et les week-ends passent trop vite (sport le matin ou "choses à faire" (les courses, des rangements, des petites réparations ...), sommeil récupérateur l'après-midi et grosses nuits de sommeil sauf quand des voisins organisent une fiesta dont les flonflons éloignent le sommeil).
Encore quatre ans à tenir à ce rythme si les lois ne re-re-re-re-rechangent pas. Je me demande si j'y parviendrai. Le temps de sommeil nécessaire me semble augmenter chaque année pour au final être à peine vaillante une fois à pied d'œuvre.  

Je me souviens que lorsque j'étais dans ma cinquantaine et même si mon métier d'alors était particulièrement physique, je parvenais encore à faire quelque chose de mes soirées et à assurer les lendemains avec efficacité. Ces ans sont révolus. 

Comment tenir ? Comment faire ?

 

(1) J'ai littéralement l'impression d'être une petite proie que poursuit le grand aigle du sommeil et qu'il peut s'abattre sur moi alors que je ne suis que dans le couloir qui mène de la cuisine à la chambre. La semaine dernière je me suis encore endormie entre deux chaussettes et sans avoir eu le temps de quitter un vêtement d'intérieur chaud qui est de trop sous la couette. 
(2) Comme les personnes qui répartissent les appels, ne nous voient pas ces jours-là, elles ne peuvent savoir que nous venons à peine de traiter un appel et le suivant arrive alors que nous venons tout juste de raccrocher du précédent. De plus pour les cas compliqués nous sommes moins à même de nous faire seconder. De plus, je n'aime pas que le travail salarié envahisse mon espace privé.


Il a neigé


    Il a neigé aujourd'hui sur une grande partie de la France mais notamment en Normandie et à Paris.
À Paris ça n'a pas tenu.
J'étais en télétravail, journée intense (1) et n'en ai pratiquement rien vu. Juste pris une photo de ma fenêtre de cuisine à l'heure de ma pause déjeuner. 
Quand je suis sortie pour me rendre à l'Attrape-Cœurs à la rencontre avec Élisabeth Barillé et Blanche Leridon, il ne restait déjà plus que des traces de neige.

Tombée sur ceci sur les réseaux et ça m'a beaucoup plu : 

Capture d’écran 2024-11-21 à 23.28.33

 

Tombée aussi sur le site d'Adam Mastroianni et je me dis que j'irais y lire un jour (à mes heures perdues, persisté-je à penser alors que je sais pertinemment que je n'en ai guère). 

Il paraît qu'il fera 17°c dimanche, et j'ai du mal à le croire.
Mon amie Sacrip'Anne a écrit ces phrases merveilleuses : 
"J'y ai constaté que j'étais à nouveau capable de sentir des nuances dans la fatigue. Yeah. Ca va mieux."
Elle a en somme résumé l'histoire de ma vie. Du moins dans les phases où tout va mieux.

Mais bon en attendant qu'il fasse 17°c et que je reprenne du poil de la bête, le froid d'aujourd'hui même à l'abri et même en ne souffrant plus du froid comme je le faisais autrefois, m'a vidée les batteries.
Et il me reste deux jours à tenir pour boucler cette semaine de travail salarié.
Alors au lit.

PS : Comme le chantait Stephan Eicher Les nouvelles du monde sont mauvaises d'où qu'elles viennent. C'est particulièrement le cas aujourd'hui. Je n'ai pas le courage d'en parler ici. D'autant plus que je n'ai pas un point de vue plus éclairé que quiconque. Simplement j'ai atteint le point où je suis soulagée de n'avoir pas de petits-enfants et peu d'espoir d'en avoir un jour, au lieu que de m'en sentir plutôt triste. Mode Advienne que pourra on.

(1) Au cours de laquelle j'ai dépoté un "ticket" pas si simple, et ça n'est pas fréquent, mais je n'étais pas mécontente de mon boulot. Parfois mon cerveau se souvient que je fus ingénieure, que diable !


Mes rêves de riches

Ça n'est pas tant de ne pas avoir l'argent que de ne pas gréver gravement le budget familial pour quelque chose qui n'est pas indispensable (et je crois bien que même si soudain je bénéficiais d'une forte somme je ne saurais pas sortir de cette façon de penser, tellement elle est ancrée).

  • un violon de qualité pour ma fille (en remplacement de celui qui fut jadis volé)
  • un thérémin (parce que bon, les ondes martenot c'est carrément inabordable)
  • des montres de luxe vintage (en particulier des chronographes comme les Universal Genève)

J'ignore pourquoi de tous les trucs de luxe qui profondément m'indiffèrent seules les montres échappent à ce rejet. Peut-être parce qu'elles sont également un outil. Peut-être aussi parce que je suis d'une génération pour laquelle les montres, la première montre offerte, marquait un pas important dans le chemin vers l'âge adulte, au moins le sortir de la petite enfance où l'on subit totalement l'organisation par les autres de notre propre vie.

Sinon, je rêve d'équipements sportifs, un super home trainer connecté, un tapis de course à pied pour les jours de météo infernale, une mini sale de gym à domicile. Mais où trouver la place, anyway ?
Au fond mes rêves de riches sont une fois de plus pour disposer de meilleurs outils (ou : de conditions plus favorables).

Et mon vrai rêve reste : de disposer de mon temps pour pouvoir travailler à ce qui m'intéresse, et peut être utile à la vie de ma petite famille et de quelques autres ; pouvoir également me reposer quand mon corps le réclame, car je n'en peux plus de perpétuellement forcer sur la fatigue.


Iwak #31 – Repère

 

    J'ai traversé mon enfance et ma jeunesse avec une santé fragile, pas gravement fragile, mais perpétuellement : sans cesse rhumes et angines, parfois de redoutables indigestions (1), et parfois de la fièvre et une fatigue colossale sans trop d'explications. Je pense, mais son diagnostic fut pour moi tardif, que la thalassémie n'y était pas pour rien.
Et puis savoir d'où ça venait n'aurait pas aider à soigner.

Ma génération est de celles qui ont été éduquées à être dures au mal, pour le meilleur comme pour le pire et donc le plus souvent j'allais bosser même en n'allant pas fort ; de toutes façons je ne pouvais pas trop me permettre de m'arrêter, et j'y allais coûte que coûte.
Sauf qu'une ou deux fois ça s'est mal terminé, à presque rien d'être expédiée aux urgences, et du temps où je bossais dans une grande entreprise qui détenait un service médical, au service médical, le temps de tenir suffisamment sur mes jambes pour être rapatriée chez moi en taxi.
Souvent le fait d'avoir ou non de la fièvre est établi comme critère d'être opérationnel·le ou pas. Ce que j'ignorais c'est que ma température usuelle est inférieure à la moyenne : lorsque je vas bien je navigue à 36,2°c. Et que donc un 37,5°c qui n'inquiéterait personne témoigne d'une poussée de fièvre chez moi.

Alors il avait bien fallu que je m'invente un point de repère pour savoir si j'allais bosser ou pas. J'avais fini par en trouver un : 
suis-je encore en état de lire, ou pas ?

Grâce à ce repère je parviens à établir une frontière entre Ça va pas mais secoue-toi ?
et : Attention tu risques de ne pas finir la journée.

Me concernant, c'est donc un repère fiable.

Fun fack : lorsque j'ai eu le Covid, en octobre 2023, la question ne s'est même pas posée. Ce qui ressemblait à un début de rhume la veille en fin de journée, c'était mué dans la nuit en une impossibilité de tenir debout sans me sentir défaillir. J'avais quasiment rampé pour aller jusqu'aux toilettes (pourtant chez nous ça n'est pas grand) et utilisé mes dernières forces pour passer deux appels, le bureau et l'époux (lequel démarrait sa propre journée de taf avant moi) et j'allais si mal qu'il a pris son après-midi ou sa matinée le lendemain, inquiet. Le repère habituel n'avait plus de sens, la question ne se posait pas.
Si vous le pouvez, évitez le Covid.

 

(1) On ne disait pas gastro-entérites à l'époque

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.


Iwak #30 – Violon

    Nous nous sommes fait voler beaucoup de choses dans notre vie, j'ai commencé par des trousses au collège (1) et on a eu le splendide épisode du voisin voleur, mais entre temps aussi une voiture (qui fut retrouvée), chacun un téléphone au moins, un appareil photo ... en bons citadins, nous disposons d'une liste longue. 
Mais je vous garantis que le plus douloureux des objets dont on peut se faire délester c'est un instrument de musique en général, et un violon en particulier.
Ce n'est pas un objet inerte, il a une âme et ça n'est pas qu'au sens figuré et pour peu qu'il ne s'agisse pas d'un violon d'usine, on ne retrouvera jamais la même relation, le même toucher, le même son.
Celui que nous nous sommes fait voler était celui de notre fille, dans la chambre de service où alors elle logeait. Rien d'autre n'avait été volé. Seulement le violon.
Il n'était pas d'extrême haut de gamme mais représentait pour nous quand nous l'avions acheté pour elle, un fort investissement. Nous n'avons pas pu en racheter un. Je m'étais promis de le faire quand je toucherai des droits d'auteurs.
Ce qui m'est parfois arrivé, mais dans une échelle de dix fois moins que le prix de l'instrument. L'espoir est ténu.

Longtemps plus tard, nous en étions encore à vérifier lorsqu'un violoniste se produisait dans le métro si ça n'était pas le nôtre.
Et notre cœur se serre encore lorsque nous y repensons. Est-il tombé en de bonnes mains, après sa revente probable ?

Le deuxième vol le plus gênant fut celui du carnet d'adresses dans mon sac d'ordinateur, le vieux carnet d'adresses qui n'avait de valeur que pour moi et dont la perte, jointe au surmenage professionnel permanent (trop fatiguée sur mon temps libre, pas assez disponible) m'a fait perdre de vue tant d'amis. 

Le moins grave fut finalement celui de l'ordi : j'avais une sauvegarde hebdomadaire, et dès le surlendemain, nouvel équipement acheté, modèle équivalent, données transférées, tout y était à peu de choses près.

Mais un violon, un vrai, un déjà un peu vieux à l'époque, ça ne se remplace jamais tout à fait.
Voilà, à cause d'un voleur, à quoi le mot violon me fait désormais songer, quand je devrais avoir des airs émouvants à l'esprit en premier.

 

(1) C'était d'une dégueulasserie sans nom : pendant les cours de sport nous étions obligés de laisser nos cartables sous le préau dans des grilles de stockages métalliques, totalement ouvertes (un peu comme des casiers à bouteilles mais pour des sacs). Forcément des petits malins se débrouillaient pour passer par là pendant que d'autres classes étaient en cours de gym et vidaient les sacs des seules choses éventuellement avec un brin de valeur, qu'ils comportaient en ces temps frugaux : les trousses. Mais on était quand même obligés de les laisser là (non négociable). Et bien sûr c'était du temps où l'enfant qui se faisait voler se faisait en plus engueuler à la maison, car remplacer toute la trousse (2), ça coûtait cher.
(2) Il y avait du petit matériel pédagogique obligatoire donc se faire voler la trousse signifiait refaire tout l'assortiment (les ciseaux, le compas, le criterium etc.)

    

 

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.



Iwak #29 – Navigateur

    Comme j'écris ce billet au soir d'une semaine de boulot de dingue (1), et malgré la proximité du départ de la course en voiliers, que je croyais s'appeler Le Vent des Globes avant de voir un jour le nom dans un journal écrit, Navigateur me fait penser à ce qui nous sert pour nous balader sur les internets. 

Je me souviens des tout premiers, qui nous semblaient merveilleux - Français, nous débarquions du Minitel, Ingénieure, je déboulais des messageries élémentaires des lieux de travails un > -- et l'on se causait. Toutes instructions de recherche tapées en lignes de commandes.
Les revoir à présent et combien ils étaient en fait rudimentaires, nous ferait sourire.

Je me souviens de Netscape et d'Internet Explorer et que je dois d'être une des early utilisatrices de Chrome à François Bon, lequel avait souligné le côté logique de son organisation.
J'avais essayé et à l'époque il disposait effectivement d'une longueur d'avance sur les autres. 

Par plus tard qu'aujourd'hui, j'ai encore expliqué à une utilisatrice la différence entre navigateur et moteur de recherches et mesuré combien il reste difficile pour la plupart des gens de se repérer parmi les possibilités infinies que nos outils numériques nous offrent ; et je ne parle même pas de l'avènement des IA.

Un de mes amis s'est fait cyber-harceler car il a osé dans un entretien-canular dire "Mon éditeur est une IA" et filer la métaphore avec la complicité du copain qui l'interviewait.
Une foule de gens, pieux défenseurs de La Littérature, sont venus en commentaires lui sonner les cloches.
Ils ne disposaient pas du second degré.
Et puis il se trouve que ledit éditeur, bien connu dans le milieu [littéraire, pas mafieux], ne l'est visiblement pas encore, ou pas assez, pour le grand public. Ce qui fait que pendant que celles et ceux qui connaissaient le lascar, allègrement se bidonnaient en l'imaginant IA, bien des gens ont cru, non pas à une plaisanterie potache, mais bien au destin du monde, qui commençant par les livres, était en train de basculer. Ils ont flippé et laissé libre court à leur agressivité de personnes se percevant menacées.

Il est devenu difficile de nos jours sur l'internet, de savoir sans heurter les écueils, naviguer. 
C'était bien plus léger quand nous étions (relativement) pionniers.

 

(1) Petite fourmi industrieuse que je suis, j'ai encore travaillé plus d'un soir tard sans contrepartie, pour tenter d'écluser les retards (dus à la charge de travail) et prendre quelques congés sans laisser des scories trop brûlantes à mes collègues.

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.


Une phrase de 119 ans


    Il y a longtemps, lors des obsèques au Père Lachaise d'un de mes vieux professeur, quelqu'un avait lu un passage d'un texte formidable, repris en plus court et plus récemment par un amie de ma vieille amie Claude, morte en ce printemps, et je voulais tenter de la retrouver, alors j'achète un vieux livre où il se pourrait qu'elle figure.

Comme je l'avais en main en attendant le passage au vert d'un feu piéton, je l'ouvre et lis la première phrase qui me tombe sous les yeux.

 

Péguy

Le triomphe des démagogies est passager. Mais les ruines sont éternelles.

Il a écrit ceci en décembre 1905.
La parfaite adéquation avec l'ambiance mondiale du moment (de maintenant) est sidérante et admirable.


C'est aujourd'hui la fin de la malédiction de la piste cyclable maudite de la Porte de Clichy. Au début je me suis gaussée, elle était toute joliment repeinturlurée, ce qui m'a bien fait rire : ça n'allait en rien dissuader les cars et les camions de transports de marchandises vers des contrées lointaines qui se tiennent là tout le temps. 
Mais lorsque je suis rentrée du travail, une longue file de solide potelets la délimitait. 
Cette sécurisation va m'aider pour mes retours Vélotaf, pour cette dernière portion de trajet dangereuse, que la fatigue aidant j'appréhendais toujours.

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Et enfin une pinte de rire : un article du Parisien faisait état de l'arrestation d'un (ancien ?) majordome de Matignon est en garde à vue car "L’équipage de brigade anticriminalité qui l’a contrôlé a découvert dans le coffre de son scooter 28 bonbonnes de cocaïne, soit l’équivalent de 51 g."
J'avais déjà lu l'expression bonbonnes de cocaïne, le plus souvent pour décrire le contenu de coffre de voitures de trafiquants arrêtés, et dans mon incommensurable naïveté imaginais des sortes de dames-jeannes avec leur garniture en osier mais qui auraient contenu des stupéfiants à la place du vin.
D'après la conversation sur Mastodon qui m'a permis de piger, je ne suis pas la seule. 


Iwak #28 – Géant (Jumbo)

 

    Je m'aperçois que j'ai du mal à considérer comme géant quelqu'un de très grand mais très mince. Par exemple, "géant" me fait penser à Teddy Riner et à David Douillet, mais pas à Victor Wembanyama ; lequel a pourtant une taille de géant, mais la taille seulement.

Il me souvient d'un jour du temps où je gagnais ma vie en effectuant du grouillotage informatique dans une banque qui sponsorisait le judo et offrait à quelques champions des emplois à temps partiels (1), et du temps où son siège social n'avait pas encore cramé, lors duquel l'ascenseur que je comptais empruntais, s'était ouvert, déjà garni, sur David Douillet, qui le remplissait.
Il avait eu un geste - regard, amusé, pour dire Désolé, et s'était reculé pour que je puisse entrer. Je ne suis ni grande ni grosse, on tenait à l'aise. 

La seule chose est qu'en temps normal, on y circulait souvent à six.

Après cette brève pas-même-rencontre (Nous n'avions guère échangé que les mots de courtoisie usuels de qui partage cet espace le temps de quelques étages), je me suis souvent demandé quel effet ça pouvait faire d'être très grand, très fort et de pleine santé. Comment se passaient les mêmes gestes de la vie quotidienne, par exemple ceux pour préparer son petit-déjeuner.
Qui a dit là-bas au fond, oui mais si tu es un géant, c'est rarement toi-même qui le fait ?

 

 

(1) Lesquels n'étaient pas fictifs et j'ai ainsi été amenée à expliquer le fonctionnement de nos logiciels de l'époque à une collègue de passage qui n'était autre qu'une championne olympique. Nous avions passé un bon moment, tout en restant sérieuses, en jouant le jeu. 

 

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.


Pendant ce temps, il fait frisquet

Pendant ce temps, tandis qu'après un été étonnamment muni de trois semaines d'insouciance, l'automne voyait le monde à nouveau s'appliquer à courir à sa perte, nous étions tenu en alerte (et au frais), par un petit feuilleton local, lequel m'a rappelé très fort qu'à quelque chose malheur est bon.

Le chauffage dans notre immeuble dépend du chauffage urbain. Pour avoir disposé d'une enfance principalement pavillonnaire et bercée par les pannes de chaudière au fuel, de moments où mon père s'épuisait à tenter de réparer des choses, ou à trouver le merveilleux "un collègue qui", et une réparation s'effectuait, suivie trois jours après par des radiateurs glacés, des douches froides et une inquiétante odeur de mazout (1), j'étais ravie, les premières années, de ce chauffage urbain, collectif et impavide, qui laissait parfois de curieuses sorties de vapeurs dans nos rues, un petit côté film américain qui me plaisait bien.
Alors bien sûr ça nous valait des avril et des octobre en pull-over à cols roulés : il faisait déjà trop froid ou pas encore assez chaud dehors et le chauffage n'était pas encore ou plus là.
Mais un jour, on rentrait du boulot et ça ne sentait plus l'humidité (2). Ou dans l'autre sens, un jour le soleil devenait vraiment efficace, et le fond de l'air cessait d'être (trop) frais.

Seulement cette année, nous sommes le 7 novembre et le chauffage n'y est toujours pas. Nous n'avons pas été pris en traitre, le Syndic de Copropriété fait le job de nous tenir informés, c'est ce pour quoi il est payé.

Ainsi peu après fin septembre nous avions appris que des travaux urgents de "mise en conformité des réseaux secondaires" avaient été réclamés face au mauvais état de la sous-station qui dessert notre immeuble (3) et que les travaux auraient lieu les 24 et 25 octobre.
Vers la fin d'octobre on nous a indiqué qu'un retard de matériel les reportaient au 7 novembre.
Aujourd'hui, on nous apprend que la livraison du matériel est décalée au 8 novembre. 
Et que la remise en service du chauffage aura lieu après la fin des travaux.

Notre suspens est plus soutenu que celui de l'issu des élections américaines. 
J'espère que son issue sera moins cruelle.

En attendant nous nous souvenons que nous sommes d'une génération avec des souvenirs de logements sans chauffage central (4), et qu'on sait "faire avec" (ou plutôt : faire avec faire sans).
Et je me souviens qu'avant le 7 janvier 2015, je souffrais réellement du froid, au sens d'une souffrance de maladie, comme on peut avoir mal au dos, avec des sensations comme si ma peau était le seul espace de chaleur pris entre un sang qui véhiculait des glaçons et le froid de l'extérieur, et une douleur réelle (comme si les glaçons en circulant heurtaient des parois).
Et puis il y avait eu ce jour funeste et au soir j'errais comme tant d'autres, Place de la République, j'avais assuré ma journée de boulot (Comment avais-je tenu le coup ?) et j'étais partie aussitôt qu'elle fut finie et j'avais ma veste chaude d'hiver ouverte, le téléphone à la main (5) et seulement très tardivement j'avais remarqué que les gens de je croisais en plus de pleurer grelottaient, et moi non. Je ne ressentais rien de cet ordre. J'étais engourdie.
J'ai cru que ce syndrome d'indifférence au froid serait passager. Il ne le fut pas.
Quelque temps plus tard, j'avais pris conscience que je ne ressentais plus les présences arrières, ni les regards sur moi (6) (7).
Ces attentats semblaient avoir débranché, de par l'état de choc, quelque chose au sein de ma colonne vertébrale.

Pour ce qui est du froid, c'est un grand avantage parfois.
En ces jours de grand frais du logis pas chauffé, et alors que je me dis qu'il s'agit somme toutes d'un entraînement pour les temps troublés à venir, j'ai décidé de considérer que ma surprenante bonne résistance m'a été offerte par le vieux copain en partant. C'est plus joli ainsi. 
Moins désespérant.

Un jour peut-être le chauffage sera réparé. 
Quant au monde, c'est mal barré. 



(1) J'en ai conservé une allergie tenaces aux solutions "Je fais moi-même" et "Je connais quelqu'un qui" dès lors que des fluides ou de l'électricité sont de la partie (pour les choses inertes, pas de problème, on peut s'amuser, se gourer, recommencer). Hélas, les hommes français, adorent avoir une bonne combine, un "collègue qui", et des talents de bricolage qu'ils estiment sous-estimés. Dès qu'on m'en laisse le choix, je fais appel à des professionnels dûment facturés, ce qui m'autorise à des recours le cas échéant. 
(2) Radiateurs éteints, les tuyaux qui permettent le cheminement d'un étage à l'autre suffisent à réchauffer l'atmosphère.
(3) Association d'idée de mon cerveau fatigué : saviez-vous que le sous-commandant Marcos avait annoncé en qu'il renonçait à la direction du mouvement zapatiste qu'il dirigeait au Chiapas et prenait le nom de sous-commandant Galeano en mémoire d'un compagnon de lutte qui s'était fait tuer ? (source de confirmation : Wikipédia) ?
(4) Généralement ceux de nos grands-parents ou ceux de nos parents à leur tout début de jeunes couples, avec ou sans nous.
(5) Le petit groupe d'amis d'Honoré dont je faisais partie s'échangeait désespérément les nouvelles ou leur absence le concernant. Et de toutes façons nous étions atterrés pour ses collègues.

(6) Le truc qui fait que si quelqu'un vient nous rejoindre en arrivant par derrière nous, et nous regarde en s'approchant on sent son regard sur notre nuque.

(7) Ni non plus peur de Vladimir Poutine dont la moindre image me faisait littéralement froid dans le dos.


Une prière

L'état du monde est tel, et le règne de la violence et de la brutalité approuvé, que ce qui m'est venu en premier fut plutôt une prière, une des rares que je connais, pour l'avoir, un jour de mariage, mémorisée : 

Onze Vader (Schollaert)

Onze Vader,
die in de hemel zijt,
geheiligt zij uw naam.
Uw Rijk kome.
Uw wil geschiede  op aarde als in de hemel
Geef ons heden ons dagelijke brood
En vergeef ons onze schulden,
gelijk ook wij vergeven
aan onze schuldenaren.
En leid ons niet in bekoring
maar verlos ons van het kwade.
Vant van uw is het koningkrijk en de kracht 
en de heerlijkheid
in eeuwigheid.
Amen

(C'est dire le niveau de sentiment d'impuissance)