Iwak #16 – Grungy
Iwak #18 – Conduire (Drive)

Iwak #17 – Journal

    

    C'est amusant, en lisant le thème du jour, j'ai immédiatement pensé journal au sens de diario, diary, diario, diário, Tagebuch, dagboek, dagbok, commentarius (?), et pas du tout au journal, le newspaper.

La langue française n'est pas dépourvue d'ambiguïtés.
Journal intime, l'expression française usuelle pour les désigner, ne me convient pas trop ; ce que j'écris l'est rarement : c'est factuel, ou la description de scènes vues. Un peu de mauvais esprit. Mes états d'âme seulement dans les périodes extrêmes ou quand ils sont provoqués par des événements généraux dans lesquels je me trouve concernée ne serait-ce que par ricochets (les attentats de 2015, l'enlèvement de Florence Aubenas et Hussein Hanoun en 2005, des concerts au stade de France en 1998 ...), je suppose alors qu'une lectrice ou un lecteur de longtemps plus tard pourrait y trouver de l'intérêt, en tant que comment c'était perçu par une citoyenne lambda de ce moment-là.

Je ne sais pas (sur)vivre sans tenir un journal, dans les périodes où je ne le fais pas (malade ou engloutie dans trop de travail, comme j'ai pu l'être à pas mal de reprises dans ma vie étudiante, celle de jeune mère, ou ma vie professionnelle), je perds le fil, je me perds, je ne suis plus moi. J'ai trop besoin de poser les chose et d'alléger la mémoire (une fois les choses retranscrites je peux les oublier, je sais où les retrouver), la charge mentale.
J'ai commencé en CE2 donc entre 7 et 8 ans, 7 ans étant je me le rappelle distinctement, le moment où le temps (tic tac et agenda) a cessé d'être une sorte d'océan dans lequel je tentais de surnager pour présenter des jalons, une régularité, et à constituer pour moi la quatrième dimension non pas au sens figuré mais littéral pour repérer la place d'un élément (1). En fait j'ai toujours été un navigateur de ma petite vie, qui ne sait pas faire sans tenir un journal de bord.

Quand je suis en forme et dispose d'un peu de temps personnel, je m'en sers pour me faire rire pour plus tard : j'essaie d'écrire de façon marrante ce qui est survenu, même si sur le moment c'était triste. Ainsi je suis très reconnaissante aux efforts de la moi de 12 ans (12 ou 13 ans étant l'âge auquel on a atteint ses capacités maximales en tant qu'enfant et ensuite on devient adulte et ce qu'on gagne en autonomie on le perd en grâce et en fulgurance d'intuitions, on perd la poésie pure, on devient marchands de nous mêmes avec des buts à atteindre, les épreuves à remporter, du temps compté), que je peux relire et qui me fait rire (au dépend des adultes d'antan, le plus souvent), et je tente de la rendre heureuse en retour en jouant beaucoup dehors (merci le triathlon et la course à pied) et en participant à toutes sortes de trucs un peu fous comme cet été les J.O. (2). En même temps je suis une vieille dame indigne (plus vieille que mon âge réel) et c'est très bien comme ça.

Je ne sais qu'être une diariste du soir, ce n'est pas faute d'avoir essayé différentes formules qui m'auraient permis de cesser de lutter chaque soir contre le sommeil afin de terminer d'écrire. J'ai besoin d'écrire avant d'aller dormir, pour clore la journée. Si nécessaire, je rattrape mon jour au lendemain soir, par exemple quand le travail et les trajets m'ont à ce point éreintée que je me suis endormie à peine rentrée - douchée. Ou qu'une catastrophe de la vie nous est advenue. Ou bien une corvée urgente sous peine de hors délais. Mais l'écriture n'est plus la même, ce n'est plus un jour frais et c'est toujours moins bon. 

Les blogs, j'en avais rêvé avant qu'ils n'existent. J'en tiens en fait une tripotée dont très peu sont lisibles et beaucoup de ceux qui ne le sont pas, sont vraiment sans intérêt pour qui que ce soit d'autre que moi : la météo du matin, les rêves dont je me souviens, l'entraînement du jour (les données chiffrées, je veux dire), la photo quotidienne de ma kitchen view, mon pavement diary, mon reading diario ... Beaucoup ne dessinent quelque chose qu'au bout d'un temps très longs.
Si du temps de retraite m'est accordé, de certains j'en retirerai la sève, ou le miel, et bien travaillé, ça pourra peut-être former quelque chose de partageable pour les autres sans ennui et même avec agrément. Sinon, ça restera l'usage que j'en ai, à savoir des aides-mémoire solides et secourables dans différents domaines de ma vie quotidienne.

Ils sont aussi une aide précieuse pour lutter contre la fatigue permanente qui tend à brouiller les pensées - salut à mes cousins les victimes des Covids longs qui doivent savoir de quoi je parle, et à mes frères et sœurs de thalassémie -. Ça permet de faire des sortes de crémaillères pour ne pas reculer davantage si l'esprit, noyé dans l'épuisement, perd ses repères, perd pied. On peut repartir de l'écrit précédent.

Si le sujet vous intéresse, l'Association Pour l'Autobiographie, dont je suis adhérente, inévitablement, fait un travail formidable.
Le thème de sa publication de ce mois d'octobre est précisément Les journaux personnels.

Écrivez, écrivez, il en restera toujours quelque chose, et qui pourra peut-être aider quelqu'un, qui sait ?

(1) Non je ne suis pas une adepte des mammouths de la 5ème dimension qui se sont perdus dans le permafrost il y a une semaine (merci à Gilsoub pour le lien ; on est d'accord que c'est un sketch, non ?), mais je perçois que les points de repères spaciaux ne se suffisent pas à eux mêmes, il faut l'horodatage.
(2) Trop vieille et n'ayant pas le niveau pour participer en tant qu'athlète, n'ayant pas pensé à tenter à temps de me faire recruter par l'orga (j'étais libraire et c'était mon bon métier, lorsqu'il aurait fallu que j'aille en ce sens si je l'avais plus que tout souhaité), je l'ai fait en tant que bénévole. Voilà.

 

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.

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