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Essayer pour admirer

 

    Les algos de Youtube qui sont ma principale source involontaire de récréation (1) depuis que j'ai le boulot nourricier qui est le mien depuis le premier confinement, m'ont ce soir fournit ceci : 

Just how fast are race walkers walking

Le youtubeur semble s'être fait spécialité de tester des trucs de sport en se comparant aux pros et pour faire voir combien s'est difficile.
J'ai bien ri en regardant la vidéo, il faut dire qu'il y met l'humour qu'il faut et je me suis dit, J'aime bien la démarche.

Puis je me suis dit, Ben tu m'étonnes que t'aimes bien, t'as juste passé ta vie à faire ça.
J'ai fait du chant, de la danse, je pratique le triathlon, j'ai essayé tous les sports pas trop casse-cou que l'on me proposait d'essayer, joué du piano, appris des rudiments de violon, fait de la figuration dans des films et la cueillette des prunes dans le Val d'Oise (jadis), et toutes sortes d'activités (par exemple : des claquettes et du run archery) quand l'opportunité s'en présentait.
Et même : du bénévolat olympique.

Tout ça au fond pour me rendre compte de la difficulté. Ce qui en retour m'offre des moments d'émotions absolues, de grâces, de larmes de beauté quand j'admire les très grands et très grandes pratiquer leur art (bon, pas pour la cueillette des prunes, OK). 

Je regarde sur une retransmission Jakob Ingebrigtsen courir 3 000 m en 7'17'' et quelques poussières, en récupérant d'avoir couru 15 km en 7'26'' du kilomètre, et je me représente bien qu'il court 3 fois plus vite que moi, j'imagine, je ressens assez précisément l'effet fait par une telle allure, trois fois plus vite, alors je suis éperdue d'admiration en connaissance de cause et émue et contente qu'un humain en soit capable, ait su repousser ses limites comme ça.

Si je ne m'étais jamais confrontée au truc je me serais simplement dit Ah oui, ils ont l'air d'aller vite. Mais l'impression d'aisance qu'ils dégagent m'aurait trompée. Ça semble atteignable, ça ne l'est pas.

Tentez des trucs, ça donnera d'autant plus de bonheur ensuite face à celles et ceux qui les réussissent à la perfection, parce que vous en mesurerez d'autant mieux la beauté.

 

(1) Selon un rite involontaire presque immuable : je rentre décalquée du taf, je lance une vidéo de quelqu'un que je suis (donc : souvent de la course à pied, ou de la gymnastique, ou parfois un documentaire commencé la veille au soir et sur lequel je m'étais endormie) pendant que je dîne, souvent seule car je rentre du boulot après mon mari du sien, et que claqué lui aussi, il se met au lit à peine après avoir grignoté un truc et s'endort comme une bûche. C'est dur de tenir le rythme, passé 60 ans.
Comme j'ai quand même des trucs à faire (ne serait-ce que débarrasser après avoir dîner, souvent quelque paperasse, ou une lessive à lancer ou à étendre, les poubelles à descendre dans celles collectives de l'immeuble, or few others glamorous things, je me lève, pensant revenir dans un instant et reprendre le fil de ce que je regardais et bim lorsque je reviens, me retrouve avec en cours un tout autre sujet. Et de m'intéresser soudain à quelque chose d'inattendu me détend le cerveau comme peu de choses le fond. Alors je me laisse faire.

 

 

  


Ça me titille

 

    Ce n'est pas parce que face au principe de réalité (et une pandémie m'a hélas donné raison) j'ai mis ma vie entre parenthèses pour tenter encore un peu de la gagner avant de ne plus pouvoir le faire (la retraite finit quand même par s'approcher même si chaque pouvoir politique la recule d'un cran), que l'écriture m'a quittée.

Les idées continuent à pulluler. Parfois encore, j'ai des bouffées que je dois me contenter de jeter en vrac sur un carnet, un fichier. J'ai renoncé à en faire mon activité principale tant que la retraite n'y est pas : I'm not a hero et mon mari encore moins, donc il faut assurer le quotidien, je suis parvenue à prendre nos dispositions pour mettre notre fille à l'abri relatif (au moins quoi qu'il advienne, elle aura un toit). Contrairement à certaines de mes amies, et quelques copains, je ne suis pas capable de mener de front l'écriture et un emploi salarié à temps plein. J'ai testé. Testé le temps partiel aussi, mais les fins de mois étaient trop épiques.

L'abstinence relative forcée de ce qui aurait pu en d'autres circonstances de vie être ma principale activité, présente l'avantage de laisser les idées se décanter.

Deux axes se dessinent, deux sujets que j'aimerais aborder.

Probablement pour tenter d'y voir plus clair.

  • L'histoire des proches des coupables.
    Dans bien des cas, les proches des coupables de crimes, d'escroqueries fuligineuses, ou d'attentats tombent dans la sidération.
    Dans certain cas ils voient venir une dégradation, tentent en vain d'alerter, ne savent vers qui se tourner, et la catastrophe qu'ils craignaient a lieu.
    Mais dans un nombre non négligeable de cas, ils sont stupéfaits. N'ont rien vu venir chez la personne qu'ils côtoyaient quotidiennement et qu'ils aimaient. 
    Cela fait d'eux également des victimes. Des victimes avec un statut très particulier puisque peu de personnes ont pour elles de la compassion, voire les considèrent comme des coupables annexes.
  • La question des fans, de qui que ce soit.
    Comment une personne peut-elle en venir à accrocher sa vie à celle de quelqu'un d'autre ? Au point de passer des heures à attendre avec pour seul espoir de l'entrevoir. 
    C'est un total mystère pour moi, même si par trois fois j'ai ressenti une grande émotion lors d'échanges avec des personnes dont j'admirais le travail (artistique ou sportif). Cette question me traîne en tête plus particulièrement depuis les répétitions des concerts au stade de France en 1998 avec Johnny, et de rester perplexe devant ces personnes, généralement fort sympathiques quand on échangeait quelques mots, et qui passaient des journées à attendre devant les barrières, dans le simple espoir d'un échange si bref fût-il, avec leur idole. 
    Dans mon enfance, j'ai entrevu des images de la Beatlemania qui sévissait alors à plein tubes, et je crois que je suis perplexe depuis 55 ans.

Ça peut paraître bizarre de supposer qu'écrire, de suivre des personnages confrontés à ces configurations devrait pouvoir m'aider à piger, mais je sais que ça peut fonctionner.

Et je ne suis pas dupe : d'ici à ce que j'ai enfin le temps de m'y coller, j'ignore si j'aurais assez de santé ou si le monde dans sa marche, vers une très sombre situation pour la suite de l'humanité, n'en sera pas déjà arrivé au point où écrire de la fiction sera impossible et la survie seule occupation permanente exclusive (dans le meilleur des cas : celui de survivre).  


PS : C'est un article d'Emmanuelle Lequeux pour Le Monde qui est venu me gratouiller à nouveau sur le sujet. 
Et son corollaire, la question de l'amnésie globale transitoire qui est quelque chose qui m'est familier (mais dans un autre contexte : celui de catastrophes générales ou intimes)


Une analyse par RunWise (la finale hommes du 1500 m des J.O.)

    C'était le plus beau cadeau d'anniversaire de ma vie et la soirée fut effectivement fantastique - et puis y aller en voisins c'était une sensation de plénitude absolue, un cadeau de la vie perçu comme une sorte de remerciement pour avoir tenu bon au travers de toutes les difficultés, bref paradis unlocked -, seulement voilà le gars que je rêvais d'encourager jusqu'à la victoire (1) olympique s'est mangé le mur.

J'étais sans doute la seule dans les premiers tours à hurler Ralentis, je sentais bien qu'il allait au casse-pipe et que Josh Kerr n'attendait que ça pour trousser un emballage final supersonique. J'ignorais la pointe de vitesse finale de l'Américain, et donc à quel point c'était une erreur fatale que d'ouvrir la porte en laissant la corde (2)

(1) Jusqu'à un record du monde, c'est déjà fait (à Charlety en juin 2023, un atypique 2000 m)

(2) Ça n'est pas la première fois que Jakob Ingebrigtsen perd une course en se focalisant sur un seul adversaire et qu'un troisième larron l'emporte.

Grand merci à RunWise pour les explications et la transmission de l'interview d'après course que je n'avais pas vue.

 


Marchand-mania


    Il restera de ces J.O. en plus de leur cérémonie d'ouverture pétante de modernité, cet engouement merveilleux pour un nageur fabuleux. Un gars dont on sait depuis si longtemps qu'il était le digne successeur des plus grands, si toutefois rien ne venait fracasser sa progression, que l'on peut, pour une fois, croire à ses performances (1), et qui enchaîne les exploits.

Alors on retiendra ces grappes de gens dans toutes sortes d'endroits et de situations, parfois inconnus entre eux l'instant d'avant, rassemblés au moins une fois par jour autour d'un privilégié muni d'un téléphone avec la bonne appli, toutes affaires cessantes, même les matchs ou les compétitions d'autres sports, et scandant des Léon ! Léon ! et rugissant de bonheur quand il gagne (une finale) ou se qualifie (dans une série). 
Toutes générations, classes sociales et origines confondues et même des personnes qu'à l'ordinaire le sport ne passionne guère.

La marche du monde n'en est pas moins périlleuse, et les guerres meurtrières et nos droits réduits, il n'en demeure pas moins que ces instants de bonheur collectif partagé, qu'est-ce qu'ils font du bien !

Merci infiniment à Léon Marchand et tout son entourage, technique comme affectif.

 

(1) de l'avantage d'être nageur sur le fait d'être cycliste : dans le 2ème cas il y aura toujours, même pour quelqu'un venu de l'enfance avec une progression admissible, suspicion de dopage mécanique, d'une assistance dans un moyeux, alors que pour le nageur, si le gars à bossé depuis des années avec une progression régulière raisonnable, on pourra s'offrir le luxe de ne pas trop douter, à moins qu'il n'existe des palmes invisibles.