Prise de conscience progressive (au sujet de la fracture numérique)
22 juillet 2024
Mes propres parents n'ont jamais voulu s'y mettre, j'ai découvert sur le tard que monsieur mon mari, s'il était capable parfaitement d'utiliser ses logiciels pro était mal à l'aise sur l'internet grand public (à présent c'est bon à part qu'il s'énerve facilement il sait faire), j'étais consciente que certaines familles n'avaient pas les moyens d'être bien équipées, mais pensais que les enfants et adolescents nés avec un téléphone en main et ayant grandi dans ce monde connecté (ayant sans doute travaillé sur ordi en classe) étaient à l'aise, puis j'ai compris que non, puis lors de mon emploi dans une maison de la Presse j'ai découvert que vraiment beaucoup de gens avaient besoin d'un tiers pour effectuer leur démarche et qui n'était ni très vieux ni particulièrement démunis.
Ce soir il s'est trouvé que j'ai reçu de la part du Fiston qui ne pourra y aller, des places pour une compétition des J.O. qui aura lieu à Lille, très rapidement malgré un des sites qui laguait un tantinet j'ai réservé billets de train et une nuit d'hôtel et repéré le trajet sur place pour nous rendre au stade.
Peut-être parce qu'il était tard et que j'étais fatiguée, j'ai eu conscience de devoir quand même mobiliser quelques compétences et pas seulement ma carte bancaire, que ce que j'effectuais en quelques clics et en sachant quoi faire lorsque ça laguait, n'était pas à la portée de qui ne l'avait jamais fait.
Si j'avais dû m'occuper de tout ça, à la mode d'autrefois, j'eusse dû me rendre en gare, prendre place dans une file d'attente, décider des billets en m'en remettant à une personne qui peut-être ne me proposerait pas l'ensemble des choix possibles. Et j'aurais dû téléphoner à mon mari pour qu'il confirme que c'était OK (alors que ce soir je l'avais près de moi). Puis j'aurais dû appeler différents hôtels. Essuyer des refus pour cause de C'est complet. Ne pas trop pouvoir voir sur une carte auparavant où précisément était situé l'hébergement.
J'aurais été très contente d'avoir bouclé en 48 heures cette préparation de notre petite aventure.
Et c'est rendu plus difficile de nos jours puisque précisément les trains comme les hôtels et comme les billetteries sont désormais prévus pour se réserver en ligne et pas trop autrement.
Mon travail qui me conduit à dépanner des personnes aux niveaux d'usages informatiques très variés a accentué ma prise de conscience. Et le décès en ce printemps d'une vieille amie qui avait consenti à force que j'insiste, que je lui indique comment envoyer un texto mais restait rétive à l'apprentissage de l'ordi pour tout autre usage que d'y taper des textes, alors qu'elle disposait d'une des plus vive intelligence que j'aie connue et de capacités de mémoires hors du commun (1). Le fait d'être hors circuit pour tout cela devait contribuer à la faire se sentir hors jeu avant l'heure.
Il serait peut-être temps qu'au lieu de chercher à tout prix les gains en productivité, on se soucie de maintenir un minimum de solutions via des personnes, et que l'on cesse de traiter mal les personnes que la technologie rebute.
Et ce d'autant plus que, comme on l'a vu vendredi dernier, nos beaux systèmes rapides et efficients sont d'une forte fragilité, qu'une mise à jour se digère mal ou que le courant électrique vienne à manquer.
Il n'est pas exclu qu'une partie des votes pour les partis racistes et rétrogrades viennent de personnes qui se sentent larguées et croient aux postures populistes, ont l'illusion qu'on les prendra en considération et que tout redeviendra comme du temps où ils ne se sentaient pas largués.
Ce soir, je me suis rendue compte que la chance que j'avais n'était pas seulement que l'on nous offre deux billets, et que nous ayons l'argent pour nous offrir le déplacement correspondant, mais aussi celle de pouvoir évoluer dans le monde numérique avec facilité ; que c'était un privilège et que ça ne devrait pas tant en être un.
(1) C'est quand elles ont décliné qu'elle s'est sentie glisser et a senti que la fin était venue.