Nous sommes des gens de peu
25 janvier 2024
Une vie de gens de peu, n'est pas forcément caractérisée par la contrainte financière, l'aliénation au travail pour pouvoir se nourrir - laquelle laisse peu de liberté de réel choix -, le manque de culture - on peut être très cultivé, surtout dans une société où domine le rapport à l'argent -, mais plutôt par la répétition perpétuelle de ce schéma : on bosse dur, on stabilise un peu quelque chose puis survient un élément extérieur (d'une maladie grave à une guerre, en passant par toutes sortes de nuances ou de catastrophe dite naturelle, jusqu'à des choses plus petites telles qu'un employeur défaillant) qui remet le fragile équilibre en cause, et c'est reparti, passé le temps de l'épreuve elle-même, pour un tour de reconstruction.
Aux marges de mon emploi du temps rendu par le travail nourricier trop lourd, je lis "Retrouver Estelle Moufflarge" de Bastien François et comprend bien des choses.
Je me souviens aussi de la brève période où j'étais libraire à Montmorency, Au Connétable, et plutôt heureuse. La maladie puis la mort de ma mère, âgée mais qui aurait pu l'être bien plus car d'une constitution remarquable, étaient venues clore cette phase de ma vie et même si j'ai quitté suite à une proposition d'emploi qui ne pouvait guère se refuser, il m'est évident que je n'aurais pas pu rester bien longtemps sur les "lieux" (1) du deuil.
Être des gens de peu, c'est passer son existence à s'adapter et survivre face aux coups durs, plus rarement aux coups de chance, qui surviennent. C'est ne pas avoir les moyens de faire autrement.
(1) Mon travail était proche de l'hôpital d'Ermont dont sa prise en charge dépendait.