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Née en exil


    J'y repense en suivant une video de course à pied de Roxane Cleppe, mais ça pourrait être en lisant un roman, et ça l'est chaque année quand je retourne dans les Ardennes pour le trail de La Chouffe, et ça l'a été très fort quand j'ai fait ma tentative de marathon à Bruges, mais voilà, alors que certaines personnes souffrent de dysphorie de genre, j'éprouve pour ma part un décalage entre la nationalité que j'ai par ma naissance et celle que je ressens comme la mienne ; c'est vraiment curieux car je ne sais pas pourquoi. Je me sens belge, donc et depuis mes 19 ans (1), lorsque rencontrant quelqu'un j'ai eu la sensation de retrouvailles.
Et de rentrer chez moi en lui rendant plus tard visite. À la fois rentrer chez moi et un délicieux dépaysement, comme si j'avais grandi dans une lointaine colonie et qu'étudiante je découvrais la métropole. J'ai pris des cours de néerlandais, afin d'au moins comprendre pour partie le flamand.
Ça ne s'est pas arrangé par la suite.
En général, grâce à l'Europe, je le supporte sans problème. Je me sens européenne, voilà tout.
Seulement la pandémie de Covid, qui nous a recollé des frontières à grands traits car les obligations et contraintes et soins et chance ou non de s'en tirer, n'étaient pas les mêmes selon le pays où l'on était, m'a redonné le blues de la nationalité. Et puis des mouvements politiques nationalistes ont partout le vent en poupe, les dirigeants de la Russie soutenant tout ce qui peut torpiller une Europe forte. Le risque de retomber en des temps où on sera assigné fortement au pays de ses papiers redevient fort.

Même si après 2013 pour un triste cumul de raisons (dont : c'était la dèche, globalement), je suis restée longtemps sans aller en Belgique, à présent que j'y vais à l'occasion de courses, j'ai toujours cette sensation de retour au pays. Très voisine de celle que j'éprouvais enfant, quand pour les vacances d'été nous allions en Italie, retrouver ma famille paternelle.

Il y a quelque chose de la poésie, de l'humour et d'un brin de folie, celui qui pousse à monter soudain dans un tram à Bruxelles sans savoir où il va mais simplement parce que c'est le tram 33, qui m'est natif du coin. Quelque chose dans le regard photographique, une joie des choses décalées. Mais je reste sans raison objective à mon ressenti.

À moins que mon père, venu d'Italie, n'ait eu autrefois pour projet de ne pas s'arrêter à Paris, mais de poursuivre plus au nord. Et qu'il soit resté en la capitale française parce que ma mère était rencontrée et qu'aussi un boulot stable y était, où à défaut de s'épanouir, il gravissait au sérieux les échelons. Il est mort il y aura bientôt vingt ans. C'est beaucoup trop tard pour lui poser la question. M'en resterait cette impression que la cigogne distributrice, remontant vers le nord, avait lâché trop tôt son baluchon.

Ça n'est pas une question d'apparence physique, je n'ai un air d'appartenance avec aucune région précise, femme moyenne, brune à la peau claire. J'ai longtemps cru que j'avais les yeux noirs, mais ils sont un peu marron clair un peu verts. On me prend à peu près partout pour quelqu'un du coin. J'ai une tête à chemin.

En attendant, je m'applique à faire avec ce qui est : une vie de française à Paris, ville de convergence, ville où presque tout le monde finit par passer, ville que mes parents en s'y rencontrant m'ont léguée. Il existe pire destinée (2).

 

(1) Je n'avais jamais eu l'occasion d'y aller avant, je ne sais que : Bruxelles, Brel, l'Atomium et Tintin, une direction géographique ("plus au nord") et ignorais presque tout de la Wallonie et de la Flandre, c'était avant l'internet, chacun était assigné dans son coin, chez les peu fortunés, et on n'avait que les transmissions parcellaires des médias officiels.

(2) Même si je m'y sens comme un peu d'ailleurs.


Double masterclass

Vous prendrez bien un peu de masterclass mêlée, écriture et course à pied ? Cécile Coulon et ceux qui l'ont invitée, nous font ce cadeau.


 


Grand sentiment de sororité (à part que aheum, j'apprends au passage que j'ai l'âge de la mère de Cécile, ou quasiment). Meme si je n'en suis pour l'instant qu'à l'étape où courir me permet simplement de recentrer ma vie sur ma propre vie (et mon corps et ma condition physique, mon rythme, ma respiration), et non pas de mettre de l'ordre dans mes pensées créatrices, puisque j'ai dû les mettre en sommeil, le temps de tenter d'assurer mes vieux jours.

Merci aux concepteurs et conceptrices des algos de Youtube à qui je dois pas mal de (re)découvertes. 

Et puis ce seul point de divergence : du fait de pratiquer le triathlon je constate que bien des plus jeunes y viennent et pas  des enfants poussés par leur parents, des plus âgés en fait. Donc je ne partage pas l'impression que les moins de 25 ans dédaignent les sports classiques - mais peut-être que le triathlon n'en est pas un, justement ? -. 


Shenanigans

 

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Il y a quelques mois notre portemanteau de l'entrée s'est effondré. Il est à demi tombé dans un angle et comme je ne suis pas en état de m'en occuper (je tiens le coup au travail, je tiens le cap de mes entraînements et pour le reste c'est sur le temps et l'énergie résiduels).

Tout à l'heure, au creux d'un samedi non travaillé, j'ai reçu un message indiquant qu'une livraison avait été déposée dans la boîte à lettres.

J'ai terminé ce que j'écrivais puis j'ai enfilé les premières chaussures qui traînaient dans l'entrée et le premier vêtement sur le porte-manteau, et j'ai descendu nos poubelles, vidé le verre et récupéré mon colis. 

Il se trouve que le vêtement attrapé au vol était mon vieux caban, probablement remis sur le dessus de la pile après l'écroulement. Poussiéreux, carrément.

J'ai mis les mains dans les poches, en pensant, Tiens, qu'est-ce qui peut traîner dans un manteau d'avant les confinements (1) ?
À ma plus grande surprise, c'était plein d'écrits. 
Ils dataient de 2008 et 2013 (?!?), un plan d'un salon du livre de Paris d'il y avait dix ans, et une invitation pour la fête de sortie d'un livre d'Edgar Hilsenrath dont je me souviens bien, un message d'invitation d'une amie perdue de vue qui nous rassemblait en l'honneur de Pablo (qui a disparu des réseaux sociaux, et ne donne plus de nouvelles, ce qui m'inquiète ; il fait partie de ceux grâce auxquels je me suis mise à la course à pied et j'aimerais le remercier). 

Engluée dans un quotidien métro boulot vélo dodo et sport aux marges, dans un ultime effort pour sauver une éventuelle retraite (si je survis), j'oublie parfois que j'ai eu une vie et qu'elle a été souvent bousculée (2) mais vraiment intéressante, et beaucoup plus que tout ce que j'aurais pu, vu mon genre et mon milieu d'origine raisonnablement espérer.

Retomber sur la time capsule de mon vieux caban, une time capsule d'il y a dix ans, m'a fait un bien fou.

 

 

(1) Clairement, depuis le Covid, ce qui traîne au fond des poches ce sont les masques et les mouchoirs. 
(2) Clairement, si ce caban était resté ainsi délaissé, c'était probablement comme suite à deux coups durs majeurs qui m'étaient tombés dessus en juin et juillet 2013 (dont : la fin de mon travail à la librairie Livre Sterling qui allait fermer)


Speedcuber dans le métro

    

  Capture d’écran 2023-12-30 à 13.10.34  J'allais bosser via la ligne 4 (1) presque vide en cette semaine entre Noël et Jour de l'an. Il cubait non loin de moi, un 7 x 7 aux angles blancs, et aux coloris comme celui dont j'ai mis un moment à retrouver l'image.

Il n'allait pas à la vitesse des pros, mais faisait preuve d'une remarquable aisance et de savoir où il allait, surtout pour un cube de cette taille.

Je n'ai voulu ni le prendre en photo à son insu, ni le faire sortir de sa concentration en lui en demandant la permission.

Alors je n'ai pas d'image de cet instant.
L'avoir croisé, m'a donné une bouffée d'énergie pour ma journée de boulot. 

Je suis fascinée par le speedcubing, moi qui fais partie de la première génération à connaître le Rubik's Cube et bien incapable de le résoudre rapidement. 
Je me suis demandée s'il y avait ces jours-ci une compétition à Paris. 
Mais en ce moment Leo Borromeo est ailleurs.

 

(1) Comme j'ai des lectures en retard, je fais depuis un moment : aller au taf en transports en commun + bribes à Vélib, et retour vélotaf à Vélib.


Lectures

 

IMG_0466    Je profite durant cette semaine dite de trêve des confiseurs et qui aux journées de travail d'un rythme enfin soutenable, auxquelles succèdent des soirées généralement calmes (un seul entraînement collectif), pas de rendez-vous de soins (kiné ...), pas de rendez-vous en librairie, ni d'autres cercles amicaux dont je fais partie pour rattraper mes retards de lectures.

Au passage, j'apprends une petite foule de choses et comme toujours, j'aime ça. Un jour où l'on a appris n'est pas un jour perdu.

S'ils ou elles viennent à passer par ici les personnes qui tiennent les blogs ou ont rédigé les articles qui m'ont menée sur ces pistes se reconnaîtront.

- Des tutos via le site de la fédération, pour les premiers gestes du parkour ;

Le parkour c'est comme le cyclo-cross, ce sont deux sports où même si je les avais connus plus jeune je serai nulle comme pas possible car ils font appels plus particulièrement à ce qui dysfonctionne chez moi, à commencer par les capacités respiratoires limitées par la thalassémie, les difficultés de coordination, l'absence de détente et aussi que sans être couarde je ne suis pas casse-cou et ne cours pas après les effets de vitesse et vertige (1). Pour autant, j'aurais adoré pratiquer.
Le cyclo-cross pour le côté sport de fous, et que c'est loin des routes et en même temps une sorte d'art de l'équilibre et de l'effort.
Le parkour parce qu'il me semble aussi nécessaire à la survie générale que de savoir nager.

- Le lens flare
effet photo de halo que je ne savais nommer

- la dermatillomanie
et le fait qu'elle concernait les cheveux aussi.

En passant via le boulot que pourtant elle ne concernait pas, j'apprends la fermeture d'une librairie qui existait depuis longtemps et que les salariés sont restés sur le carreau, mal informés. Puis en cherchant à en savoir un peu plus je trouve une annonce pour la venue en leur mur d'un raciste notoire pour rencontre dédicace. Soudain j'ai moins de compassion (même si pour les salariés un peu quand même, car j'ai su ce que c'était de n'avoir pas tous les documents nécessaires pour entreprendre les démarches administratives nécessaires lorsqu'on a perdu un emploi).

Chez La souris, cette phrase (concernant les jeunes danseurs classiques mais valables pour toutes les personnes qui se font persécuter pour ce qu'elles ont l'air d'être (déjà dégueulasse en soi) mais qu'elles ne sont pas (et c'est pire, car elles sont davantage isolées que les persécutés pour ce qu'ils sont, lesquels peuvent s'unir)

"Paradoxalement, les plus à risque (de dépression voire de suicide) ne sont pas les adolescents homosexuels, mais ceux qui, hétérosexuels, sont également victimes d’homophobie — discriminés non pour ce qu’ils sont, mais pour ce que les autres pensent qu’ils sont et qu’ils ne peuvent même pas revendiquer comme identité."

C'est si logique et si triste. 

[Citation de l'image : repérée au gré d'un article lu, mais je ne sais plus où (un journal local je crois ?)]

(1) Trop longtemps de santé fragile, rien que me sentir en forme est pour moi un effet merveilleux.


Une des choses qui a le plus évolué dans le monde depuis mon enfance


    Cet article du Parisien au sujet d'un homme qui a offert en cadeau de Noël à sa mère des paroles prononcées par la voix de son défunt père reconstituée par une IA, m'a confirmé si besoin en était, que l'une des choses qui a le plus changé depuis mon enfance, c'est la porosité des frontières entre la vie et la mort, en tout cas pour les êtres humains. 

Quand j'étais petite on naissait au jour de notre naissance et sauf cas médicaux alors fort rares, on mourrait au jour de notre mort.
Peu à peu on a commencé à avoir des images si précises des petits à naître qu'ils sont déjà presque là avant leur premier souffle. Par ailleurs la médecine a fait de telles avancées qu'on peut maintenir des corps très longtemps en vie dans des états végétatifs dont on ne sait vraiment de quels côtés ils sont.
Les voix, l'article en donne un exemple, sont désormais prolongeables. 
Lors d'un concert virtuel-réel du groupe Abba, j'ai pu constater combien on peut désormais donner l'illusion d'une présence telle qu'elle était à partir de celle qu'elle est devenue. 
Si la planète n'est pas bousillée avant, d'ici à une douzaine d'années nos chers disparus pourront revenir nous tenir compagnie. Et pas sous forme de zombies.

Ça coûtera cher.

Je me souviens d'un temps, celui de la génération de mes arrières arrières grands parents où d'un défunt, fors personne d'auguste lignée avec peintre officiel, après son décès il ne restait plus de trace de son image, ni de sa voix ; tout au plus ses outils, quelques objets. Puis on a pu conserver des traces photographiques. Des enregistrements audio (sur supports pour phonographes, plus tard bandes magnétiques puis cassettes, fichiers numériques désormais). Des films (Ah nos vieux super-8 !). 
Bientôt les plus aisés d'entre nous ne quitteront pas ce monde sans avoir préparé leur répliquant de réalité augmentée.

Si la bonne santé m'est donnée sur la durée et des circonstances extérieures pas trop insoutenables, j'avoue que je serais curieuse de voir un peu la suite. Même en n'étant pas dupe que le pire va forcément s'inviter auprès du meilleur qu'ouvriront ces possibilités.


Wim Wenders comme Père Noël


    Petit Noël frugal cet année, quelques cadeaux usuels et utiles (par exemple pour moi de la part de mon époux des gants pour le vélo dont il savait la nécessité ; de la part de ma sœur un agenda à mon nom), et puis ce film qui vu à Noël est comme un cadeau de saison, offert par Wim Wenders pour les gens tels que moi, tout y est, y compris Patricia Highsmith, de la vie quotidienne avec un job pas folichon, des cassettes audio, une bande son géniale quoiqu'un tantinet de nostalgie, des photos répétitives, des jeux de lumières, de la routine et infiniment d'humanité.

 

 

De bonheur, de me sentir moins seule, d'état de grâce (chaque plan étant pensé filmé exactement comme il se devait, alors qu'il est doux de se laisser porter), j'en ai pleuré. La semaine de travail me sera sans doute moins pénible. (et grand merci à qui m'en a signalé la sortie, car je l'avoue j'étais passée à côté)