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4 billets

Vue d'ici (la catastrophe)


    Il y a eu dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre un tremblement de terre au Maroc dont l'épicentre était dans la région de Marrakech et la magnitude de 7 sur l'échelle de Richter.
Comme bien des gens, je pense aujourd'hui aux personnes directement ou indirectement concernées, en particulier celles dont les vies n'étaient déjà pas faciles avant le séisme et qui le seront encore moins ensuite.

Ce n'est malheureusement pas la première fois qu'un fort séisme touche un pays relativement voisin, du moins de ceux dont nous connaissons des habitants. Ni la première fois depuis l'usage des internets.

Pour autant des éléments ont évolués dans la façon dont la catastrophe est perçue "vue d'ici".

- Je ne sais pas dire si j'ai reçu l'info hier soir avant de tomber dans le sommeil ou ce matin au réveil, ce qui est certain c'est que c'était par les réseaux sociaux suivis par un courriel "alerte" du Monde auxquels je suis abonnée.
Ce qui a changé : il y a quelques années j'aurais écrit "sur Twitter" et là je ne sais plus. Twitter, Mastodon ou Bluesky ?

- Les vidéos "en direct" du moment même sont souvent issues de caméras de surveillances ou de streamers interrompus dans leur partie. J'en ai vu passer une (via Tiktok) d'un gamer qui ne perdait pas son anglais malgré la panique qui l'envahissait. What the fuck ! dit-il même au pire moment. Au début il croit pendant une fraction de seconde que c'est son fauteuil d'ordi qui a un ennui.

- Ça a bougé au point de faire trébucher qui marchait. Je me suis souvenue du coup de vent à Deauville en juin 2022, qui m'avait poussée comme si c'était quelqu'un placé derrière moi qui avait tenté de me faire tomber. Cette brève expérience, bien plus légère que la leur m'a rendue toutefois capable d'imaginer ce qu'ont pu ressentir les personnes concernées. C'est comme d'avoir soudain à se battre contre un ennemi invisible.

- "Dis maman, je peux revoir la vidéo du tremblement de terre au Maroc ?" disait à sa mère un enfant (petite famille de 4 personnes), pas bien grand, que j'ai croisée en me rendant au forum des associations.  Heureusement la mère a décliné, et fermement. Seulement c'était se dire On en est là. Avec un sentiment ambivalent. L'enfant se sentait concerné par l'actualité. Mais en même temps, comme il était bien petit, est-ce que ça n'était pas un peu inquiétant, et qu'il ait déjà vu les images. Après, j'ai peut-être croisé un futur grand reporter, son ton était celui de quelqu'un qui veut apprendre et comprendre.
Je me souviens d'à quel point les informations quand j'avais son âge nous parvenaient au compte-goutte, toujours filtrées et par les médias, et par les contraintes horaires et par les adultes de l'entourage proche. J'ai des souvenirs d'entrouvrir la porte de la salle à manger pour entrapercevoir les infos télévisées quand quelque chose s'était produit et qu'on (ma mère essentiellement) ne voulait pas que je le sache. J'ai des souvenirs quand j'ai su lire, de piquer vite fait l'hebdomadaire auquel mon père était abonné (d'abord l'Express puis Le nouvel Observateur). Les enfants de maintenant, c'est Maman passe-moi ton téléphone je veux revoir la video (il y a quelque chose que j'aimerais comprendre).

- Les dérives complotistes immédiates (par exemple des vidéos signalant la présence d'ovnis). Comme si un tremblement de terre pouvait avoir une cause autre que naturelle, en l'absence de guerre nucléaire.
- Des réactions racistes et xénophobes exprimée sans la moindre retenue (OK c'était sur Twitter - X devenu un repaire de gens capables d'admirer Donald Trump, mais quand même), j'ai l'impression que même le plus raciste des Français esquinté par la guerre d'Algérie aurait à situation équivalente il y a 30 ou 40 exprimé à ses interlocuteurs ne serait-ce qu'une vague compassion. Là, certains essaient de fédérer sur une joie malsaine. Et ça n'est pas (ou peu) censuré. Et il y a des like.

- Les gens de grande notoriété sont désormais sommés de proposer leur aide, et rapidement. J'ai connu une époque où beaucoup le faisaient et certains s'arrangeaient pour le faire savoir, mais après-coup, et surtout on ne s'attendait pas spécialement à ce qu'une équipe de football s'exprime (par exemple), seuls les chefs d'états et hauts dignitaires religieux avaient cette obligation que l'on pouvait qualifier "du télégramme de soutien". Désormais doivent rendre des comptes celles et ceux qui n'en parlent pas.
Le footballeur portugais Ronaldo a eu la réaction parfaite et irréprochable : un hôtel dont il détient les parts mis immédiatement à disposition des personnes sans toit. S'il ne l'avait pas eue ça le lui aurait été reproché.

 

J'aurais tellement préférer n'avoir aucune raison d'écrire ce billet et causer à la place d'un beau samedi d'été, d'une après-midi de repos, de la belle soirée d'athlétisme ou de rugby retransmis de la veille, d'un président qui s'est fait huer et se demande probablement pourquoi (j'ai l'impression que l'entourage accentue le côté hors-sol ou qu'ils le sont tous, coupés des réalités des vies pas faciles des gens). Seulement j'ai une fois de plus l'impression qu'il faut noter pour plus tard, pour témoigner de ce que je peux observer. Et témoigner en passant de ma bien inutile compassion.

 

 

PS : Dans Ouest France les réponses d'un sismologue interviewé


Ponots

 

    Parfois au milieu de journées de boulot bien tassées, j'apprends un truc "inutile" qui me rappelle qu'il existe une vie au dehors, et que le monde n'est pas que moche, dangereux et agité.

Ainsi aujourd'hui : Les habitants du Puy-en-Velay s'appellent les Ponots.



Zombie land en déplacement


    Le phénomène n'est pas nouveau mais j'ai l'impression qu'à la fois il s'accentue et se déplace au nord de Paris d'Est vers l'Ouest. C'est déjà zombie land en tous cas de nuit. 

En rentrant d'une soirée d'amies libraires et lectrices et lecteurs, j'ai été abordée trois fois, un bonjour ferme d'un revendeur probable, ton commerçant (1), une femme au bout du rouleau (mais qui s'adressait en fait à la personne qui me précédait ; il n'en demeure pas moins qu'elle semblait perdue), et un homme "une p'tite pièce" qui était sous d'autres substances que l'alcool. Sans parler d'autres silhouettes entrevues, aux déplacements lents.

Je ne sais pas exactement ce qui circule, et je sors trop peu de nuit (depuis que je n'organise plus moi-même des soirées en librairie ou que je n'anime plus d'émission tardive de radio) pour avoir des points de comparaisons récents. Il n'empêche que c'est différent. Ou alors c'est une combinaison des effets de (post-)Covid et de came.

Je le note ici afin d'avoir une date de ma prise de conscience - peut-être tardive ou à l'inverse, qui sait, anticipée - d'une évolution. 
Pour l'instant ça ne fait pas peur, les êtres concernés sont davantage éteints que menaçants. Seulement ça contribue à mal augurer de la suite, globalement.

Nous nous sommes à trois entr-accompagnées sur une partie du trajet, la plus jeune d'entre nous choisissait délibérément et avec sagesse d'éviter la porte de La Chapelle.  

 

(1) Et puis je suis trop vieille pour que ça soit de la drague déplacée.

Lire la suite "Zombie land en déplacement" »


La finitude de notre type de société


    C'est un billet d'Olivier Hodasava dans son Dreamlands qui m'a remis en mémoire le jour où j'ai compris que notre planète était en danger à plus court terme qu'on ne se le représentait. Lui parle de Las Vegas et ces maisons à perte de vue lui font se poser des questions sur les différences et les conformités, tandis que pour ma part il s'agissait de San José, en 1989, et nous étions invités chez des amis formidables, mais qui bossaient dur ce qui fait que nous avions de grands moments de nous balader dans le quartier ce que là-bas personne ne fai(sai)t jamais, les gens prennent leur voiture pour aller quelque part, punto basta.

Nous étions montés sur une petite colline (artificielle me semble-t-il un peu comme un terril en plat pays, mais en plus verdoyant) et la vue c'était ça : des pavillons des pavillons des pavillons et de loin en loin : une église, un terrain de sport et un mall (les hyper marchés). J'avais depuis l'adolescence une forte conscience écologique, donc qu'on était en train de détraquer le climat et de tout polluer et de rendre la planète pour nous autres humains bientôt inhabitable était une évidence pour moi, mais j'imaginais quelque chose comme "vers en 2100". 

Et puis du haut de cette petite butte, avec ces pavillons à perte de vue, un monde esclave de la voiture, un monde ou acheter vendre étaient devenu les principaux ressorts économiques sans trop de lien avec les nécessités premières (s'abriter, se nourrir, se soigner), je m'étais dit "On est foutu plus près" et c'était au sens que les ennuis collectifs étaient imminents. Qu'un fonctionnement de société qui menait à de tels paysages para-urbains était voué à l'échec et œuvrait à l'accélération de sa propre fin.

Souvent, je suis triste d'avoir eu raison (1).

(1) pour ceci et bien d'autres choses.