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Une grande fatigue

 

    Sous l'effet d'un deuil et peut-être de l'âge, je m'aperçois que je deviens peu capable de suivre l'actualité, surtout qu'elle était, particulièrement aujourd'hui faite de violences, et plus particulièrement de violences répressives, puisqu'il y avait de grandes manifestation écologiques, contre la mise en place d'un dispositif de rétention de l'eau aberrant (1) pour ne parler que des questions de bon sens.

Alors aujourd'hui j'ai vaqué à mes occupations administratives et domestiques, tenté d'écluser un peu la fatigue, terminer une lecture pour le cercle de lecture dont je fais partie, et été à un entraînement de natation où j'ai subi un passage de grande fatigue (mais l'eau est sympa, elle nous porte). Et au soir j'ai lu les interventions des ami·e·s sur les différents réseaux, dont certains m'ont réconfortée par leur humour.


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Je devrais être en train de me battre pour nos retraites, mais n'en ai pas la force. Pas même celle de suivre de près ce qui se passe. 

 

(1) au lieu de la laisser en sous sol puis de la prélever on va la stocker dans de vastes bassin (histoire qu'elle s'évapore ?)


Les charmes orthographiques irrésistibles du français

 

    Les dictées spéciales virtuosités orthographiques ne m'ont jamais passionnée, l'enjeu étant souvent de connaître par cœur des tas de trucs (1), pour autant j'essaie de ne pas trop commettre de fautes, même si lorsque je l'utilise mon téléfonino s'amuse à m'en rajouter.
Alors quelle n'a pas été ma surprise ce soir, lorsqu'à la grâce d'un touite de La souris, Capture d’écran 2023-03-25 à 22.46.18

suivi d'un article du Figaro orthographe, j'ai à l'approche de ma soixantaine appris qu'une expression idiomatique courante ne s'écrivait pas comme je le croyais.

Ainsi sens dessus dessous ne s'écrit pas sans dessus dessous mais bien sens dessus dessous. 
Ça alors ! M'en voilà toute retournée. 

Dans quelle autre langue un locuteur natif peut-il à 60 ans encore découvrir au sein d'usages courant de telles subtilités ? 


(1) Le par cœur me rappelle irrésistiblement un passage très sarcastique et très drôle de Tom Sawyer au sujet des enfants qui apprenaient ainsi des quantités compétitives de versets pour l'école du dimanche, ce qui fait qu'au bout du compte à part les musiciens et chanteurs et leur partition et les acteurs et actrices et les longs monologues, je ne suis pas impressionnée. 

(2) Le joueur de pétanque proposait Sang dessus dessous (pour une scène de crime particulièrement saccagée j'imagine)


À côté et concernée

 

    Étrange journée où plus encore que lors d'autres je me sens à la fois concernée par les événements (plus jeune, plus disponible je serais allée manifester) et totalement en dehors, puisque clouée devant un ordinateur, à travailler.

Plus encore que d'autres jours, et comme j'étais en télétravail, je ne suis pas sortie de la journée, coupée de la ville et de ce qui s'y déroulait. Pas de temps morts ou très peu (organiser avec ma fille le fait qu'elle passe chez l'opticien pour moi en même temps que pour elle, afin que je n'aie pas à filer dès après la fin de mon temps travailler dans l'espoir d'arriver avant qu'ils ne ferment). La journée était particulière avec des dysfonctionnements généraux, lesquels n'étaient pas de notre fait (interruptions dans certaines connexions ? problèmes chez les hébergeurs ? ...). Beaucoup d'appels et d'interventions repoussées, puisque le problème général gênait pour traiter les problèmes particuliers.

Le pays semblait somme toute dans le même état, puisque les mouvements de grèves et manifestations faisaient passer le reste au second plan. Ce n'est que vers la pause déjeuner que j'ai pu brièvement m'informer, avant de m'accorder une sieste, qui est le grand avantage du télétravail (grignoter un truc vite fait puis dormir). Et puis au soir, une fois la connexion professionnelle raccrochée.

Les violences avaient été nombreuses, particulièrement de la part des forces de l'ordre que l'on voyait, sur des vidéos qui souvent se recoupaient, s'en prendre à des portions de cortèges calmes. Quant aux manifestants violents, il semblaient plutôt être laissés à leurs actions, souvent incendiaires en cette période où les déchets ne sont plus régulièrement ramassés. 

C'était un jour humide. Lorsque je suis sortie chercher à la piste ma trifonction nouvelle, il pleuvinait.
Les camarades effectuaient leurs exercices de PPG sur les marches, que je n'aurais pas su faire (je n'ai pas d'impulsions des pieds, ne peux que très peu sauter). 

Une mosquée étant sise dans l'étage supérieure du gymnase, des hommes sortaient munis de sacs plastiques blancs contenant quelques victuailles, car c'était le début du ramadan. Une mendiante qui s'était installée devant les grilles du stade se faisait déplacer par l'un d'eux, Ne restez pas là vous allez nous faire avoir des ennuis avec la mosquée. Elle a obtempéré.

J'étais trop triste et trop fatiguée du travail (et des nuits courtes, difficiles de se contenter de travailler puis rentrer dormir alors que la période est mouvementée) n'ai pas eu la force de pratiquer ne serait-ce qu'un brin de course à pied. J'ai fait une boucle par les maréchaux, zone aujourd'hui calme, et le parvis du tribunal de Paris, calme aussi.

Les nouvelles internationales (sujet à la une des actualités du jour chez Hugo décrypte) n'étaient guère plus rassurantes que nos violences issue de la politique méprisante et anti-démocratique menée. Je songeais aux façons de faire de Margaret Thatcher, que nous retrouvons en France aujourd'hui.

Pour me détendre, j'ai poursuivi ma quête d'un marathon où m'inscrire à l'automne. Bruges tient la corde. L'un des critères est : ce marathon laisse-t-il terminer les très lents ? Mon temps estimé en cas de succès pourrait être logiquement entre 5h16 et 5h37.

Je songeais depuis des heures à l'amie Jeannine que nous allons enterrer demain. Et mon cœur se serrait. Le joueur de pétanque l'avait croisée lors d'une assemblée associative récente et elle lui avait donné l'impression d'aller mieux. Il me l'avait dit, et j'y avais cru.

J'ai téléphoné à un moment donné à une vieille amie qui me manque, et perd le fil de nos conversations. Je ne souhaite pas perdre celui de notre amitié.

Peu avant minuit il s'est mis à vraiment pleuvoir. 


La mémoire des habits

 

    La pandémie et plus particulièrement l'enchaînement premier confinement (en Normandie pour nous) suivi derechef d'un nouveau job nouveau métier à apprendre sur le tas et fissa, en mode gros temps plein dans des conditions bizarres (les confinements suivants, et le Covid_19 qui faisait des ravages dans nos rangs), ont marqué un tournant dans le fonctionnement de ma mémoire. Comme s'il fallait effacer des rubriques anciennes pour faire de la place aux nouvelles données à ingurgiter, toute une partie du pan "mémoire des vêtements" semble avoir disparue. Ou du moins, je n'y ai plus accès.

Or j'étais jusqu'à présent une faible acheteuse d'habit, plutôt prompte à les user jusqu'à la corde. Et puis j'ai eu une période de travail dans le XVIème arrondissement de Paris lors de laquelle j'ai garni la garde-robe familiale de dépôts effectués par les très fortunés.
J'aime aussi en acheter lors de voyages : c'est un souvenir utile à (rap)porter et relativement léger. Sans parler des longues années durant lesquelles je souffrais du froid, intensément, et finissais toujours par acheter d'urgence quelques pulls.
Et de la partie contrainte de ma garde-robe : pour les différents emplois que j'ai occupés il me fallait des tenues différentes et pas trop portées.

Jusqu'à cette particulière année 2020, je pouvais dire pour chaque pièce d'habits à quelle période en quelle année à quel endroit à quelle occasion je l'avais acquise, j'avais cette mémoire, précise. 
Depuis, lorsque je m'habille comme souvent en Tombé de la pile, je récupère un vêtement et me demande, Tiens, d'où il sort celui-là ? Est-il à moi ? Est-ce un de l'époux posé par erreur de mon côté ? Un trop-petit du fiston (1) ? Un qui était chez mes parents (2) ?
Étrange conséquence que le Covid aura eu pour moi quand d'autres y laissent plutôt le goût et l'odorat.

Et puis ce matin c'est un polo qui a dégouliné du tas jusque dans mes mains et je me suis instantanément souvenue de la boutique de surplus de golf, coincée entre périph et pont de chemins de fer, que j'étais allée voir par curiosité un jour (à force de l'entrevoir lors de trajets) et où j'avais fait quelques emplettes. Elle a disparu, désormais et le petit bâtiment semblait promis à la démolition.
Peut-être que mon amnésie des habits est en train de passer ?

 

(1) Je m'habille volontiers en trop-petits du fiston qui les a laissés là lorsqu'il est parti s'installer en colocation et sont, comme souvent les vêtements d'hommes, pratiques, confortables, avec de grandes poches parfaites et de qualité.
(2) Comme j'étais seule pour faire le tri de leurs vêtements, je n'ai jeté que ceux dont les tissus étaient dégradés et gardé le reste, d'autant plus qu'il y avait aussi entreposés dans la maison, plus grande que nos logis respectifs, des "on le met plus, mais peut-être qu'un jour si donc on ne veut pas le jeter" que pour nous ils stockaient. Ce qui fait un paquet de frusques ou tenues jolies dont on ne sait plus trop quoi fut à qui. 


Les apparences trompeuses / Mouvements contre la réforme des retraites imposées par recours au 49.3


    À nouveau Vélotaf de retour, Paris à traverser du sud au nord, vers 19:00

Je n'ai aucun problème pour trouver un Vélib mais l'appli dédiée, que je consulte afin d'aller vers une station pourvue de vélos à emprunter, indique lors de l'accès par un message des "stations en cours de fermeture". 
Je n'en saurais pas davantage car je suis déjà sur la zone de mon bureau avec l'affichage des montures disponibles. Seulement je me dis que le retour risque d'être aussi hasardeux que lundi (1). 

Capture d’écran 2023-03-22 à 23.24.06    J'avais opté pour le trajet semi-direct, l'un des plus sécurisé en terme de pistes et qui passe vers Montparnasse puis l'École militaire puis l'ouest des Invalides

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puis le Grand Palais, puis l'avenue Matignon, le Parc Monceaux ... Tout était calme même si on croisait un peu plus de véhicules à sirènes que d'ordinaire.

Si j'ai eu des émotions c'était de risques de circulation habituels, tels que l'automobiliste qui te double dans une rue à limitée à 30 km/h car rester derrière un·e cycliste porte atteinte à son honneur, et te rase les moustaches pour tourner à droite alors que tu vas tout droit, mais aussi deux cyclistes qui ont fait n'importe quoi : une jeune femme qui n'a pas compris que je m'écartais soigneusement d'une voiture qui venait de se garer car j'anticipais la portière et est passée entre la voiture et moi et un livreur à vélo cargo de ceux qui ont un large caisson devant qui me demandait de me mettre à droite pour me dépasser dans une piste qui était déjà trop étroite pour que deux vélos normaux s'y dépassent (fors à être expérimentés). 

Pour le reste, j'étais presque déçue. Car pour une fois j'avais eu au travail des échos de l'actualité : un des collègues de la tranche de pause 12:30 à 13:30 avait écouté la prise de parole d'Emmanuel Macron, et à la demande d'autres collègues il en a fait un bref résumé comme on en voit sur les fils d'infos (2). Quelqu'un a alors commenté : - Bref, il a mis de l'huile sur le feu.
Et tout le monde d'acquiescer, y compris celle qui ne cache pas d'être proche de son parti.
Ce qui fait que je ne doutais pas qu'après une telle déclaration, inévitablement, la colère allait grimper d'un cran.

Du côté du tribunal de Paris, calme plat si ce n'était des départs et circulations de véhicules d'urgences policières (mais pas en escadrons, pas comme lundi).

Et puis en rentrant chez moi, j'ai consulté les fils d'infos, vu sur Twitter que ça manifestait vers Montmartre, République ou Bastille. Lu plus tard cette brève dans un live officiel :

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Et tout au long de la soirée j'entendais de ma cuisine, dans le semi-lointain parisien, des sirènes encore et encore.
Preuve que le calme de mon trajet n'avait été qu'une apparence trompeuse. Je le sais au moins depuis 1986, alors que je logeais et travaillais dans Paris révolté, sans en avoir rien vu qu'une collègue décomposée un matin car une de ses proches habitait l'immeuble où la veille au soir Malik Oussekine avait été massacré.
Ce n'est donc pas une surprise, mais à vivre, ça reste surprenant. J'aurais pu dire en toute bonne foi à ma famille en rentrant, C'est calme, Paris, ce soir. 

 

(1) Il l'était peut-être aussi mardi mais j'ai pris les transports en commun afin d'arriver à temps pour l'entraînement sur piste de mon club [de triathlon]
(2) J'entends par là qu'il s'efforçait d'être factuel et non partisan. Bel effort.

 

update late : o tempora o mores, une pépite 

 

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Cela dit, Président Macron se fait ratio souvent.


Mouvements de révolte 23

Passage d'un escadron de police à moto à Port Royal vers Montparnasse. Effet de nombre et de grondements. Je pense à Malik Oussekine et j'ai les larmes aux yeux. 

  Capture d’écran 2023-03-20 à 21.57.02  Traversée de Paris à Vélib en rentrant de chez le kiné. 

Dans ma longue vie de Parisienne et de relative manifestante, je n'avais jamais vu ça : chaque quartier semblait avoir sa manifestation. Il y avait toutes sortes de forces de l'ordre dans toutes sortes d'endroit, des véhicules d'urgence dans des directions variées. Des poubelles partout et quelques camions poubelles travaillant ici ou là avec des gars qui semblaient prendre soin du moindre sac, peut-être histoire de montrer qu'ils n'avaient pas eu le choix. Ou alors qu'ils étaient épuisés par la partie de la tâche immense déjà accomplie.

Non loin du Lutétia, je croise un groupe de manifestants, jeunes pour la plupart, et rapides. Au croisement où je traverse en ayant mis pied à terre, j'entends que l'un propose de tourner sur un axe qui va vers Concorde et un autre répond Non, tout droit, par la c'est Concorde et il y a des condés. Et, fluide, le groupe pourtant nombreux, s'adapte. Quelques poubelles sont renversées.

Je me demande par quel circuit des mots de l'argot du temps d'Alphonse Boudard (darons, condés) sont ainsi remontés en usage.

Comme j'ai croisé bon nombre de CRS solidement armés peu auparavant, j'ai le cœur serré en pressentant des affrontements. Beaucoup des manifestants sont très jeunes, qu'elle soit à 62, 64 ou 67 ans la retraite risque de ne jamais les concerner : la planète ou une guerre nucléaire, à moins qu'une autre pandémie, aura probablement bien entamé l'humanité avant. Celleux qui resteront travailleront directement pour leur subsistance tant que leurs forces le leur permettront. Le monde d'Enig Marcheur (1)  me semble l'avenir plausible. Ils se battent donc pour nous autres, qui étions près du but et le voyons s'éloigner.

Un quartier : Invalides et probablement l'Assemblée Nationale (mais justement je n'ai pas pu y passer, donc je n'en sais pas plus), entièrement bouclé par force forces de l'ordre, véhicules en rang serrés et hommes devant, en bouclier. De la rubalise en veux-tu en voilà. Il est possible de passer en tant que piéton, ou super-piéton (marchant à côté d'un vélo, d'une trottinette). Les sacs sont contrôlés (de façon amusante : pas le mien qui est sur le panier du vélib que je pousse en marchant).

Et au milieu de tout ça, des livreurs qui livraient, des touristes qui poussaient leurs valises, des gens savourant du temps libre aux terrasses des cafés, d'autres (dont j'étais) tentant de terminer leur journée / leurs trajets.
Dans le XVIIème comme si rien de tout cela n'avait lieu, un couple effectuait une danse de joie pour saluer une amie, de l'autre côté d'un passage piéton.

Notre fils est allé chercher sa sœur qui revenait de Normandie par le train. Il avait capté que c'était agité. Venant tout juste de rentrer non sans un solide détour (il fallait trouver un pont libre, puis le bon axe pour traverser les Champs Élysées (merci la rue Marbeuf), puis remonter vers le nord puis prendre soin de ne pas traverser le parvis du Tribunal de Paris (vaine précaution, tout était calme), je n'aurais pas eu la force de le faire.

Vers 23:30 dans les environs de la porte de Clichy, on a cessé d'entendre des sirènes de véhicules d'urgences ou de polices. Je viens d'écrire cette phrase et j'en entends une (il est 0:42).

 

(1) Rien à voir avec le premier nom du parti de l'actuel Président, mais tout avec le parlénigm, ce langage de demain. Le titre en V.O. est Riddley Walker