Paris - Roubaix ensiesté
Préparation de stage [de triathlon]

Everybody has become a business man (or woman)

 

    En ce week-end d'avril, nous nous sommes déplacés, ce qui n'est pas si fréquent (1). Nous avons pris des trains, des bus, un taxi, des métros.

Parmi les trains deux TGV. En première, par la grâce de billets qui n'étaient guère plus chers qu'en seconde (2).
Curieusement, là où d'ordinaire on croise des personnes bossant, dont certaines ostensiblement, ces deux trajets furent particulièrement calmes. Le seul bruit fut un homme fredonnant à un moment et auquel l'un de ses voisins immédiat a fait remarquer "Monsieur, vous chantez faux", ce qui était injuste car son fredonnement n'était pas désagréable, mais l'argument le plus efficace pour lui passer l'envie de continuer.
À l'inverse, tous les autres trajets se firent en entendant des conversations directes ou téléphoniques, liées à des affaires en cours. 
Il y a eu le gars de notre banlieue, qui avait des pochettes (sic) à livrer, ne n'inquiète pas, tu me connais, je travaille carré carré.
Les deux dames qui parlaient stratégie managériale ou quasi alors que ce qui transparaissait était aussi que leurs jobs ne devaient pas être très qualifiés. Mais voilà, il convient désormais de tout vendre et tout stratégiser.
Le taxi qui nous a un peu parlé stratégie d'anticipation dans les choix d'équipement.
Deux jeunes plus ou moins cadres et très dynamiques qui évoquaient des stratégies aussi, de changement d'entreprise et de salaires (j'imagine bruts annuels) à 50 k ou 60 k (K€ I presume), dans "la data", et comment négocier ça, parce qu'on le vaut bien. La jeune femme semblait légèrement en retrait, je crains qu'elle ne puisse prétendre à autant, du simple fait de n'être pas un homme.
Et c'était le week-end.

Le capitalisme l'a emporté, malgré les dégâts qu'il fait et qu'il nous pousse inlassablement à bousiller notre planète, produire toujours plus pour toujours plus d'êtres humains qu'il déshumanise en passant : nous avons tous tout le temps quelque chose à vendre, quelque chose à acheter (3), et nous-même à placer.
Tout n'est plus qu'objectifs, recherches de performances et stratégies.
À l'heure où les "intelligences artificielles" vont nous supplanter dans tout ce qui nécessite une stricte efficacité, ce n'est pourtant pas le moment de perdre l'art de perdre du temps, de faire des choses pour le plaisir ou pour faire plaisir, ou simplement parce que c'est amusant ou que ça fait du bien.
L'art de faire des choses sans compter, sans calculs et sans arrière-pensées, l'art de l'involontaire et du "pas exprès".
Mais il est sans doute déjà trop tard. 
Nous sommes toutes et tous conditioné·e·s.
Et le week-end on ne se relâche pas.

 

(1) Je pense que nous ne saurons plus être aussi mobiles qu'avant la pandémie. Il y a désormais un grand besoin de jours sans rien où l'on se laisse porter par le déroulé de la journée et la nécessité de dormir pour récupérer. 
(2) En fait le problème était plutôt dans l'autre sens, qu'en seconde ils étaient chers. Le prix du train devrait être abordable aussi pour les gens qui ont un emploi à horaires classiques et donc peu de possibilités pour partir en décalés, mais pas nécessairement beaucoup d'argent.
(3) Y compris les acheteurs frugaux qu'en tant que demi-vieux pas spécialement argentés le Joueur de Pétanque et moi sommes.
  

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