(martedi)
Je tente de tenir le cap, ça n'est pas si évident. Il y a un effet de deuil, clair et net. Philippe était de ces personnes dont la place peut être discrète dans le quotidien d'une vie mais importante moralement et affectivement ; quelqu'un de sûr, quelqu'un dont le jugement était d'une grande fiabilité ; quelqu'un dont l'existence rassure.
S'y joint l'effet de décompression traditionnel de la survenue enfin des congés, le phénomène "effondrement après avoir franchi la ligne d'arrivée". La thalassémie renforce le phénomène.
S'y est joint samedi et dimanche l'effet de la 2ème dose de vaccination, même s'il fut plus faible que pour la première et très supportable.
Mes congés sont limités, il y a beaucoup de choses nécessaires que j'avais mises de côtés depuis des mois, un rattrapage s'imposait.
Il ne faut pas tarder, la fenêtre de tir (appelons ça comme ça) risque collectivement de n'être que brève avant d'éventuelles mesures de reconfinement et risques accrus de croiser du monde liés aux variants delta et bientôt, lambda. Alors j'enchaîne, médecin traitant, kiné, ophtalmologiste puis opticien, dentiste, dès que possible au retour de congés, mammographie de contrôle, mise à jour des autres vaccins (ben oui, y a pas que le Covid dont il faut se protéger), prise de sang pour vérifier que tout va bien. Autant je trouve ridicule de tenter de gommer les effets de l'âge par des artifices cosmétiques, autant je suis consciente que si je veux pouvoir durer en la meilleure santé possible - et le recul de l'âge de la retraite que je le veuille ou non m'y contraint -, je suis dans les zones d'âge avec entretien nécessaire et révisions régulières. Alors j'ai pris des rendez-vous et je m'y tiens, malgré le grand besoin de récupération. J'essaie de les regrouper le matin afin de pouvoir dormir de tout mon soûl si j'en ressens en rentrant le besoin.
[photo : les fausses ruines du 11 bis rue Pierre Nicole ; je n'étais jamais, me semble-t-il passée par là et n'eût été la texture des pierres qui semblait neuve, j'ai failli, en pensant à l'ancien couvent des Feuillantines tout proche, m'y laisser prendre]
J'ai aussi intercalé (en le prévoyant dès que mes congés ont été confirmés) celui avec ma coiffeuse, que je fais toujours rire : une des clientes les plus rares (une fois par an, max), qui était parmi les premières à refuser les propositions de teinture à l'apparition des cheveux blancs, et qui l'écoute autant que l'inverse. Elle sait respecter mes cheveux bouclés et pour les cheveux blancs m'avait fait la grâce de ne pas insister. Respect.
Nous avons réussi aussi sous des trombes d'eau, à déjeuner chez Nolita, un restaurant du quartier qui un temps fut notre "restaurant familial du week-end". Cuisine italo-américaine de base, prix raisonnables et accueil chaleureux. Je crois bien que nous n'y étions pas retournés depuis le début de la pandémie.
Nous n'avons pas réussi à suivre le tour de France : installés dans le lit douillet tandis qu'il pleuvait dehors de façon incessante (1), malgré une course animée nous nous sommes endormis comme des loirs. Fait inhabituel et révélateur de grande fatigue, nous avons tous les deux magistralement loupé l'arrivée, prenant celle du groupe maillot jaune comme celle de l'étape alors qu'un vaillant échappé s'était imposé. D'où une petite perplexité en le voyant sur le podium (C'est qui ce gars ?). Un autre jour ça aurait pu être drôle. Mais aujourd'hui la tristesse dominait.
Et la constatation d'à quel point nous étions fatigués.
Dans la soirée, j'ai réussi à surfer sur une bouffée d'adult way of life et ai enfin scanné différents documents utiles, dont mon certificat Covid UE dont j'ai déposé des copies en des points stratégiques (dont mon téléfonino fatigué) et les certificats médicaux pour la pratique sportive. Ce genre de chose que la plupart des gens fait sans y penser, me pompe une énergie disproportionnée. Voilà, c'est fait.
Malgré la pluie on entend des grondements de feux d'artifices. Un bal a été annulé à cause d'une fake news d'extrême droite reprise par un élu LRM. Peut-être que ça évitera à des gens bien de tomber malades. En ce moment à quelque chose malheur est bon. En Italie un conducteur de car est parvenu à faire sortir tous les enfants qu'il conduisait au moment où le véhicule sans raison particulière ni grand signe avant coureur a pris feu. (TG sur #RaiNews24 ). Et le gars tranquille, les yeux encore rougis des fumées subies, dit Je n'ai fait que mon boulot, je suis content d'y être arrivé, je ne suis pas un héros, j'ai juste fait mon boulot. Je suis émue aux larmes parce qu'il me vient très fort de penser que tant qu'il existera des gens normaux de cette trempe, tout n'est peut-être pas perdu. Parce que si l'on compte sur certains autres, pourtant puissants, fameux, on ne fera pas réellement arranger les choses.
Je n'arrive pas à penser autrement que : cette planète nous a été confiée et nous (l'humanité en général) sommes en train de la bousiller, indignes du miracle qu'on nous avait offert.
Me réconforte qu'une bonne partie des jeunes ont une conscience écologique forte, peu importe que je fasse probablement partie des personnes qui en souffriront un jour, ne serait-ce qu'au sujet du régime alimentaire (2).
Un intérêt particulier pour les projets sportivo-militants (3) et les voyageurs soucieux autant que possible de leur environnement me tenaille depuis un moment.
Riccardo Cavaliere présentait les TG du soir et ça faisait comme des retrouvailles - il se peut qu'il soit revenu à la présentation depuis un moment, mais entre la présence de notre fille qui squattait le salon, et donc la télévision, puis mon propre épuisement, ça faisait un moment que je n'avais pas regardé la chaîne d'informations italienne -.
Je relis le journal de quarantaine anglaise qu'avait écrit Philippe Aigrain en ce début du mois de juillet, et le cœur se serre, mais lui m'encourage : on écrit aussi (et dans mon cas, puisque je ne suis pas parvenue à me rendre libre : surtout) pour témoigner, parce que lorsque ce qui advient dans nos vies quotidiennes est un élément d'un plus vaste ensemble d'événements lors d'une période particulière, peu importe notre destin individuel, ce qu'on aura fait sera utile à d'autres. Ainsi il aura pris cette peine de témoigner du terre-à-terre du truc, du mélange de bureaucratie absurde et de tentatives de limiter l'épidémie, en l'occurrence, puisqu'il y était, sur le sol britannique.
(1) Ah cette petite satisfaction de se sentir à l'abri sans obligation de sortir lorsqu'au dehors ça ne s'y prête pas ...
(2) Je peux devenir végétarienne sans problème, j'ai réduit autant que possible ma consommation de viande issue de mammifères. Mais j'aurais du mal à supprimer poissons, œufs et produits laitiers. Et même si je sais nos productions de blés actuels néfastes, j'aurais du mal à me priver volontairement de pain. Après, il est si évident qu'on va à la catastrophe qu'arrivera vite le temps où l'on sera soulagés d'avoir du liquide et du solide suffisamment pour tenir debout et que l'on devra passé un certain âge se sacrifier pour accorder aux jeunes générations leur chance de survie.
(3) Par exemple celui d'Arthur Germain qui descend la Seine à la nage en autonomie.
TTL 269 - TLT 10
DD 228/00
Covid_19 ressenti : 472 jours