Un tag du confinement
25 avril 2020
Je lis chez Gilsoub ce tag du confinement, et ça me paraît une bonne façon de garder traces. Longtemps plus tard moi-même si je survis ou quelqu'un d'autre qui se sera intéressé à cette époque-ci tombera là-dessus et pourra se dire (ou la moi de plus tard pourra se dire) Tiens, c'était donc comme ça, cette période-là, pour qui était confiné sans devoir aller bosser ?
Qu’est-ce qui te manque le plus dans ce confinement (la première chose qui vient à l’esprit, spontanément) ?
La présence du Fiston et voir les amis pour ce que nous avons laissé à Paris.
Le Fiston venait, le 17 février, de s'installer en colocation, non loin de l'appartement. Il était entendu qu'il passait fréquemment, que nous dînions ensemble souvent et l'on se croisait assez naturellement aux heures de rentrer du travail, ou lui passait en allant. Nous en étions encore à l'étape lessives chez les parents.
Et voilà que soudain le confinement est annoncé, qu'après un long débat familial, il se décide que nous laissons l'appartement à sa sœur qui doit télétravailler (et aurait du mal dans un trois pièces moyen à le faire avec ses deux parents dans les pattes) et nous voilà partis sans tambours ni trompettes afin d'être dans les clous du "à partir de mardi midi". Alors voilà, nous sommes passés de vivre ensemble, à s'habituer à ne plus le faire, à ne plus se voir du tout en quelques semaines. C'est tant mieux pour lui qui est dans de bonnes conditions et en bonne compagnie, mais c'est rude pour nous les deux vieillissants.
Mes ami·e·s me manquent. J'avais heureusement un peu sentir venir l'embrouille et calé quelques déjeuners avant qu'il ne soit trop tard. Il n'empêche.
Aller voir la mer pour ce qui est d'ici. C'est absurde, nous sommes à 10 km et les plages d'ici hors l'été sont désertes ou presque. Seulement voilà le confinement à la française n'est pas celui d'en Norvège (tel que je le vois au travers des comptes Instagram des sportifs et amis), et les balades dans les environs nous sont interdites.
Quelque chose de positif dans cette période ?
Le bonheur d'avoir ses journées pour soi, à sa main, de pouvoir lire, écrire, s'organiser, mener à bien mes projets personnels, passer du temps avec mon vieux mari (c'est exceptionnel, entre le travail et sa sacro-sainte pétanque, il est toujours parti), et surtout vivre à mon rythme : un petit coup de fatigue, je peux m'allonger le temps qu'elle passe et ainsi être en forme le reste du temps. C'est un bonheur. Une vie de rêve. Quelle tristesse qu'il soit lié à une situation générale de malheur terrifiant.
La boisson du confinement ?
Un Springbank 97 brut de fût, bouteille que j'avais en réserve. Lorsque j'ai eu la gorge en début d'inflammation en mars, j'en ai pris a dram chaque soir, en gargarismes délicieux. Le mal de gorge a disparu en deux semaines.
Alors c’est comment le télétravail ?
Pour moi c’est chômage en attendant de peut-être retrouver au déconfinement le travail promis que j'avais obtenu juste avant. Je ne sais donc pas comment ça fait de télétravailler. Notre fils dont le job est technique dans l'informatique s'en trouve fort bien. Il est ravi de s'épargner du temps de transports.
La chanson du confinement ?
Celle des Goguettes, c'est évident, sur l'air du Vesoul de Jacques Brel.
Sinon, nous écoutons relativement peu de musique, occupés à savourer le silence, d'une maison sise sur une rue habituellement passante et qui l'est moins. Mais j'ai eu la bonne surprise de tomber sur un bon vieux double CD "Best of Abba". Il n'est donc pas exclu que la musique qui nous rappellera le confinement soit celle-là.
La série du confinement ?
Comme nous n'avons pas de connection internet pérenne sur notre lieu de confinement (je passe par le téléfonino utilisé comme un modem), je ne regarde pas de série (le moindre film visionné englouti mon forfait). En revanche je pense sans arrêt, ou du moins pensais sans arrêt durant les trois premières semaines à la série Le Prisonnier. C'était tellement ça. Nous dans notre village où nous nous retrouvions du jour au lendemain.
Et ta coupe de cheveux ?
Il m'est arrivé cette expérience étrange de renouer avec le fait de regarder la télé, en l'occurrence les chaînes italiennes, pile le jour où le foyer infectieux de Codogno a été connu (du grand public) et de les voir basculer en direct en mode couverture H24 comme pour un événement dramatique ponctuel. Ils en sont vite revenu car les directs devant un hôpital en disant Encore une ambulance qui arrive, ont leur limite. Seulement les chaînes d'infos avaient bien perçu ce basculement, du relativement lointain vers un état d'urgence. Dès lors j'ai suivi les infos italiennes avec assiduité, pigeant immédiatement - grâce aussi à mes lectures qui m'y avaient préparées (Station Eleven et La constellation du chien pour ne citer que celles-ci) - que ça allait barder.
D'ordinaire je vais chez le coiffeur une fois par an au printemps. Depuis que je fais du triathlon j'essaie de viser juste avant le début de saison, afin de pouvoir enfiler plus facilement les bonnets de bain, toujours trop petits pour ma grosse tête, alors si en plus j'ai une grosse touffe de cheveux ... Cette fois-ci je me suis dit que je devais vite y aller avant le confinement, j'ai pris rendez-vous et me suis équipée de ma coupe courte printanière le 2 mars. Je suis donc tranquille de ce côté-là.
L'autre chose que j'ai faite fut de commander, dans les derniers jours de février ou les premiers de mars, via un fournisseur de vêtements professionnels, une tenue pour le poste que j'espérais occuper en librairie (un gilet avec plein de poches), et des masques en tissus, ceux qui permettent qu'au moins on ne postillonne pas sur le voisin dans les transports en commun. Ils sont arrivés mi-avril. Ils seront utiles.
Le livre du confinement ?
J'ai cru qu'enfin je pourrais lire paisiblement La Recherche. Et puis voilà que "Feu de tout bois" le journal d'Élisabeth Horem en deux tomes bien dense s'est rappelé à moi. J'en avais commencé la lecture avec appétit fin 2018 lorsqu'elle me les avait offerts, mais mes lectures obligées de libraire m'avaient contrainte de quitter l'ouvrage après la période à Bagdad. Et comme c'est trop souvent le cas, passé l'élan, d'autres s'intercalent.
Cette fois-ci était la bonne. Et bizarrement, ou peut-être simplement parce qu'enfin sur une période longue je dispose de mon temps, je parviens moi qui suis une habituée des lectures en parallèle à ne lire que celui-là. Il faut dire que son mélange de confinements et voyages et considérations sur le travail d'écrire (qui résonnent si bien en moi) est l'exact dosage adapté au moment.
Des stocks de bouffe ?
Non, là où nous sommes confinés il n'y a pratiquement aucun problème d'approvisionnement. Pas même de files d'attente particulières pour faire les courses. La seule chose qui nous a manqué c'est ... de la levure chimique car j'avais l'intention de faire un gâteau.
D'une façon générale, je m'arrange lorsque nous sommes en famille pour avoir quinze jours de provision pour ce qui est du "sec" (pâtes, riz, semoule) et des conserves et un paquet ou une boîte ou une bouteille des ingrédients nécessaires de base (sel, beurre, huile d'olives, sucre) ; produits de première nécessité aussi pour la maison (lessive, savon ...). J'ai aussi des bougies pour si le courant n'y est plus. Le gaz en plus de l'électricité. Des chauffages d'appoint. Bref, mon en temps normal c'est s'attendre à un problème qui nécessiterait que l'on reste claquemurés sans avoir eu le temps de s'approvisionner. Quand je suis née, la seconde guerre mondiale s'était achevée moins de vingt ans avant. Mes grands-parents avaient connu une guerre à 20 ans une autre à 40. Ça rend prévoyants.
Jusqu'à présent ce mode de fonctionnement m'avait surtout servi à faire face aux fins de mois difficiles.
Pour la première fois, il sert pour un cas de devoir rester chez soi sans pouvoir s'approvisionner comme à l'ordinaire.
Des symptômes du Coronavirus ?
Mon co-confiné a eu un collègue atteint, quelqu'un d'un bureau voisin, lequel a été désinfecté. Mais seuls ceux qui partageaient la pièce avec le malade furent envoyés en quarantaine. Début mars il a eu une semaine de se sentir bizarre avec des suées étranges, de sortes de malaises, et la perte de l'odorat. Comme à l'ordinaire il est sujet à de violents "rhume des foins", il n'a pas trop su si c'était une attaque particulièrement forte cette année ou le #Covid-19. Dans la foulée j'ai eu une à deux semaines d'un état un peu particulier, comme un rhume au bord de débuter mais qui ne "sortait" pas. La gorge douloureuse, une sensation particulière vers la trachée artère, un peu de toux mais qui en est resté là. Pas de fièvre. Et par ailleurs, passés plusieurs jours de dormir vraiment beaucoup, plutôt en forme. Dès le confinement et passée la fatigue du déplacement, vraiment en forme, moins l'irritation à la gorge.
Notre fille a eu, plus tard, une rhinopharyngite carabinée.
Nous ne saurons sans doute jamais si c'était le Covid-19 qui nous avait traversé ou de simples tracas de santé saisonniers.
Sur informé ou sous informé sur l’épidémie ?
Parfaitement informée mais en suivant les bonnes personnes sur Twitter et les infos italiennes une fois par jour le soir. Certains jours je me contente de ne regarder que le soir, afin de ne pas saturer ce qui ne servirait pas à grand-chose puisque le rôle qui m'est échu dans l'affaire est de rester chez moi en sortant le moins possible.
Optimiste ou pessimiste ?
Je sais depuis plusieurs années qu'il faut s'attendre à des épidémies, à des catastrophes climatiques, et que par là-dessus des guerres meurtrières ne sont pas exclues. Che sera, sera. J'ai espéré un temps que l'Après de l'épidémie serait différent, que les gens auraient eu le temps de réfléchir à leur mode de vie, cesser de sur-consommer, retrouver le plaisir des choses simples, des activités que l'on fait (par exemple jouer de la musique) plutôt que sur-consommer. Mais je vois aux informations que la doxa reste la panique face aux P.I.B qui baissent, aux bourses qui décramponnent, aux constructeurs automobiles dont plus personne n'achète les voitures, aux compagnies aériennes qui chôment. Je sens que c'est raté pour en profiter de repenser au fonctionnement absurde de nos sociétés et aux logiques destructrices de notre économie. Je n'étais pas une grande consommatrice, je le serai encore moins à la sortie. C'est mon seul degré d'action accessible.
PS : de toutes façons nous serons peut-être tellement dans la dèche que nous n'aurons pas le choix.
Une citation pour illustrer la pandémie ?
"Pas grand chose à part des vaches et des vaches [...]. Tout est harmonieux, lumineux, c'est le bonheur fait paysage" ("Feu de tout bois" d'Élisabeth Horem, tome II p 874 ce qui ne répond pas vraiment à la question mais est plutôt une citation qui va comme un gant à mon confinement.
Sinon, pour la pandémie, elle-même, cette phrase qui m'est restée, mais j'ignore d'où, sans doute un article au sujet des masques en tissus, comment les laver ? Ou dans le livre que je lis, mais pourquoi l'aurais-je notée ainsi sans plus d'indications ? Bref,
Le polyester fond et le coton réduit