Une journée merveilleuse à titre personnel ... sauf que sur fond d'épidémie le merveilleux s'émiette
14 mars 2020
Comme c'est étrange : j'ai passé une journée merveilleuse en chemin vers la possibilité de concrétisation d'un projet personnel sage, prévoyant mais un peu fou. J'avais lancé en novembre des éléments de veille sur les éventuelles opportunités, ça n'avait rien de rien donné et puis voilà, soudain une proposition.
Et qui me convient.
J'ai fait un déplacement juste au bord de la période probable de confinement, c'était une prise de risque (je me suis efforcée de le rendre faible, et j'ai été très prudente vis-à-vis des autres, il n'empêche). Seulement si je tombe malade, outre mon potentiel nouveau travail - si la période épidémique ne le remet pas en question -, j'aurais cette perspective pour me donner le petit supplément d'envie de se raccrocher à la vie et qui parfois fait la différence.
De toutes façons j'ai pris des risques aussi pour ma recherche d'emploi. J'étais bien obligée. Alors pourquoi pas un risque, mesuré, pour un projet de vie d'après ?
J'ai pu constater que pour l'instant la vie continuait. Les boutiques sont ouvertes, il y avait encore des scolaires, curieusement, pas si réjouis qu'on aurait pu le croire. J'ai assisté à des au-revoir emprunts de gravité et d'émotions. Le monde du travail est encore actif. Les gens circulent (dans leurs voitures (j'étais en Province)). Les gens promènent leur chien. La médiathèque est ouverte et peu fréquentée mais un peu quand même. Les élections se préparent. Les professionnels, tous métiers, s'accrochent à leur professionnalisme.
Un jeune croise une personne de son entourage, une adulte mais avec laquelle il ne semble pas avoir de lien parental, au moment où je passe près d'eux (mais pas trop près, j'ai hyper respecté mes distances), après qu'ils avaient hésité de façon touchante à se faire ou non la bise, j'entends qu'il explique : - Avec "école en ligne", on nous a donné un lien internet. Et j'en souris parce qu'à une inflexion de sa voix je perçois qu'il doute que ça fonctionne.
La plupart des adultes que je croise pendus à leur téléphone parlent de garde d'enfants. La plupart des conversations que j'entends, au restaurant le midi, au café d'avant le train du retour, concernent aussi cette question. C'est un coup de génie politique : ainsi fixée sur ce tracas concret, les gens en oublie le sujet principal de panique potentielle : l'épidémie.
J'ai choisi le restaurant parce que je le savais délicieux, certes, mais spacieux, le café après avoir vu que là aussi on n'était pas trop entassés, de voyager en première, OK parce que ça n'était pas trop plus cher mais aussi dans l'espoir d'être moins collée à un éventuel voisin. Pour aller de chez moi à la gare du nord, j'ai choisi aussi le trajet de transports à moindre densité.
Raté pour l'embarquement à Paris, les gens ne pensant pas un seul instant à tenir leur distance. Du coup comme j'étais la seule à le faire, je me suis fait allègrement passer devant.
Personne ne semble remettre en cause le bien fondé des mesures (1), pour autant beaucoup de gens semblent n'être pas du tout conscients de la gravité de la situation, de la contagiosité forte, du fait que déjà et presque inévitablement ils connaissent des personnes malades - sans forcément le savoir déjà -.
Il y a cependant depuis la veille (jeudi 12 mars) une nervosité dans l'air, un silence dans les transports - sauf enfants -, attestant que le message est enfin passé, que ça n'est pas juste une méchante grippe et les raisonnables des froussards. Comme les masques manquent la plupart des gens (dont je fais à demi partie, seulement quand la foule se densifie) se met le nez dans des écharpes ou autres tours de cou.
Tension aussi à la pharmacie où je suis allée faire quelques achats en prévision d'un éventuel confinement : cotons, pastilles pour la gorge, paracétamol, un thermomètre pour que l'Homme de la maison n'ait plus aucun prétexte de ne pas prendre sa température quand il se plaint d'être fiévreux. Les gens parlaient du Leclerc, l'hypermarché tout proche dans lequel tôt le matin il n'avait été possible d'entrer qu'à nombre compté. La pharmacienne à ma question des plus courtoise (j'y avais vraiment mis les formes, "Je me doute que ... ") concernant le gel hydro-alcoolique m'a vendu de quoi le faire moi-même avec la recette tout en m'offrant le flacon. Ça n'était pas très cher, j'ai apprécié. Elle semblait épuisée.
Il y avait sur les terrains de sports encore des jeunes qui pratiquaient. Et tous les commerces ouverts.
En Italie une nouvelle bouffée épidémique est attendue correspondant aux comportements encore insouciants du week-end précédent. C'est annoncé, calmement.
Trump prend enfin l'épidémie au sérieux, dit seulement un peu de bullshit pour tenter de s'exonérer d'erreurs que lui-même / son administration ont commises, mais pour l'essentiel revient dans les clous de ce qu'on attend d'un président. C'est dire si la fin du monde est proche.
Boris Johnson s'en tient à pas de comptage pas de mesure, rendons la population immunisée. Il va surtout réussir à la rendre morte, mais bon. Officiellement 3 cas recensés au Royaume Unis. Les comptages iraniens sont pipés, les témoignages et les images satellites de charniers le prouvent. Ça n'est peut-être même plus volontaire en fait, mais parce qu'il n'y a plus assez de personnes pour s'y coller.
Bolsonaro serait coronovirus-positif. Quelques jours après s'être moqué de la panique générale.
Kozlika m'a fait remarquer que les lectrices et lecteurs de SF avaient réagi plus vite aux signes révélateurs du début de l'épidémie. Oui, ça joue. J'ai l'impression de vivre quelque chose de déjà traversé par le passé alors que c'étaient les personnages de roman qui l'avaient fait.
Je dois annuler un billet de train, seulement les liens recommandés tombent dans des pompes à rien, sans doute développés dans l'urgence, sans avoir été correctement testés.
(1) Les protestations viennent plutôt pour leur reprocher d'être insuffisantes et de faire courir des risques inutiles par exemple pour les transports ou les élections.
Lien vers le site de la santé publique en France lequel ne répond plus (les infos n'étaient plus mises à jour depuis le 7 mars)
Liens vers des statistiques :
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
Official Data from The World Health Oragnization via safetydectetives.com
142 557 cas dont (chiffres de la veille : 5 359 morts et 70 174 guéris)