Pour moi c'est plutôt 1986
21 décembre 2019
C'est en lisant ce touite que j'en ai pris clairement conscience (1) : alors que tout le monde évoque 1995 à propos des grèves actuelles, le souvenir qu'elles m'évoquent est quant à moi celui de 1986.
Sans doute parce que les voltigeurs de sinistre mémoire sont à nouveau à l'œuvre.
Mais aussi parce que ma situation personnelle au milieu de tout ce qui se produit présente des similitudes.
En 1986 je démarrais ma vie professionnelle et c'était fort intéressant et stimulant, j'y croyais pas mal, mes collègues étaient top. Je logeais dans une chambre de bonne tandis que mon fiancé faisait son équivalent de service militaire au Burkina Faso. Dès lors ma vie c'était bosser, lui écrire, et faire du sport - c'est là que j'ai commencé la danse avec Brigitte, dont les cours me manquent tant -. Il n'y avait pas encore de vélib mais pour aller bosser je pouvais marcher.
J'écoutais les infos à la radio le soir, lisais régulièrement des journaux (2). J'étais donc au courant des événements en cours. Seulement ma vie concrète et quotidienne était si remplie que bien que vivant et travaillant à Paris, je n'en voyais ni subissais rien. C'était comme si j'avais vécu ailleurs ou à un autre moment.
Aujourd'hui c'est un peu similaire. Je m'informe tôt le matin, tard le soir en rentrant. J'ai un travail intéressant et stimulant. J'essaie de maintenir des activités sportives. Et de ne pas perdre de vue tout le monde malgré la vie sur-occupée. Pour aller bosser, je peux prendre un vélo. Ce que je vois directement des grèves et des manifs, ce sont les conséquences en termes de circulation : des embouteillages à n'en plus finir, beaucoup de personnes à pied ou à vélo. C'est tout. De mes ami·e·s ou camarades de radio témoignent de leurs expériences en manifestation, c'est un peu comme s'il me faisaient le récit d'un lointain voyage. Mon trajet domicile - travail ne passant pas (ou : pas forcément) via Paris intra-muros, je n'en vois rien.
Et si comme en 1986 j'avais un voyage un peu lointain prévu et que sur place on me demandait Alors comment c'est en ce moment à Paris ? Je ne saurais dire que comme à l'époque, figurez-vous que je pars assez tôt travailler le matin, rentre tard le soir, circule par manque de temps fort peu entre mes trajets strictement nécessaires, et ce qui survient, je n'en vois rien.
Ceci est renforcé par le fait que mon organisation quotidienne pour pallier l'absence de transports en commun rend mes trajets plus longs en durée ; de ce fait je dispose d'autant moins de temps pour être dans la ville et non pas seulement aux prises avec ma vie.
C'est donc assez logique. J'en éprouve pourtant, comme en 1986, une forme d'étonnement.
PS : Je m'aperçois qu'en période de surmenage professionnel, la plupart des infos m'arrivent comme autrefois par la radio le matin, via le radio-réveil enclenché pour que je me lève à temps pour aller travailler. Or ces temps troublés s'accompagnent de grèves à Radio-France, ce qui réduit mes possibilités d'entendre des informations avant de partir.
En 2019 acheter un journal de papier est devenu un luxe et n'est pas si facile - je peine à acheter une fois par semaine Le Canard Enchaîné, les kiosques sont devenus relativement rares quand il y en avait presque à chaque coin de rue -.
(1) car je n'avais aucune idée qu'il y eût ces jours-ci des violences aux abords de lycées ; des blocages de lycées.
(2) En ce temps là, acheter Le Monde, prendre un café au café, même pour un petit budget, ça se faisait sans y réfléchir.