Previous month:
novembre 2019
Next month:
janvier 2020

0 billets

Des accidents potentiels mais un plaisir inentamé

 

    Les trajets de #Vélotaf étaient très tranquilles aujourd'hui : pas ou peu de circulation et ce matin un bon soleil. Il n'empêche que par deux fois des accidents ont failli avoir lieu juste derrière moi.

Le premier était dans une rue moyenne à double sens de circulation et sans piste cyclable. Il y avait des travaux qui rétrecissaient la chaussée du côté opposé au mien. Deux voitures du coup ne pouvaient plus se croiser et une voiture face à un vélo si mais si la voiture venant en face serrait bien sa droite le long des palissades de chantier. Je vois un taxi arriver face à moi, bien pressé. Par prudence je ralentis : ça va passer mais juste. Et c'est alors qu'une trottinette électrique qui me suivait sans que je le sache (silencieuse) trouvant que je n'allais plus assez vite a décidé de me doubler. Le taxi a ralenti et s'est mis à serrer sa droite, mais il ne s'en est pas fallu de beaucoup.

Le second était à un carrefour entre Neuilly et Boulogne qui combine feux rouges et rond point. Le feu était rouge d'où je venais, une voiture me suivait bien arrêtée comme moi. Une cycliste est passée venant de l'arrière, sans même ralentir, hop dans le rond-point avec quelques véhicules qui y circulaient, heureusement à vitesse si modérée qu'ils ont pu freiner. Elle disposait d'un vélo de ville, ça n'était pas quelqu'un en mode sport qui, j'en connais, parviennent à se faufiler dans une tête d'épingle et peuvent parfois tenter des trucs qui aux autres ne pardonneraient pas. Elle semblait simplement parfaitement inconsciente du danger, voire même de l'existence d'un carrefour. Je précise qu'elle ne tournait pas à droite et qu'il n'y avait pas non plus un tout droit possible sans danger. Elle a vraiment tout grillé et traversé pour aller en face vers la gauche en se comportant comme si elle était un véhicule prioritaire avec la sirène activée.

Sinon, bien sûr kyrielle de véhicules en arrêts avec warning sur les pistes cyclables ; certains les considèrent vraiment comme des sortes de bandes d'arrêts temporaires. Je suis suffisamment aguerrie pour me glisser dans le flux des véhicules qui déboîtent, mais il n'empêche qu'au lieu de pouvoir rouler à bonne vitesse sur une piste cyclable dégagée on doit ralentir, se méfier, relancer après.
Et toujours beaucoup d'automobilistes qui semblent avoir peur d'user leurs clignotants. Mais ce comportement gêne aussi leurs congénères. 

Plusieurs voitures à l'aller comme au retour m'ont accordé des Allez-y passez, de courtoisie ce qui fait toujours plaisir (par exemple aux endroits de priorités à droite mais la voiture voit qu'on est sur notre élan alors la conductrice ou le conducteur fait signe). Et un scooter qui a reculé pour me laisser accès à un tourne-à-droite (il était lui-même gêné par une voiture mal garée sauf que j'avais la place s'il se poussait de passer). Je suis toujours très sensible à ses signes encourageants.

Je me suis aperçue que j'ai franchi la barre de me préoccuper des grèves. Je vais bosser à vélo et puis c'est tout. 

C'est particulièrement appréciable le soir, j'arrive à la maison la journée de boulot déjà loin (même si c'est un bon travail, il requiert de l'attention et de la concentration et de la force physique), concentrée sur tout autre chose, les jambes défatiguées (le pédalage détend bien de la station debout et des piétinements), fin prête pour apprécier pleinement mon petit bout de soirée.

 


Presque cinq ans après (attentat contre Charlie Hebdo)

    

    Je profitais d'un dimanche au calme, très nécessaire en récupération après le rush de Noël assuré en librairie quand j'ai lu cet article de Stéphanie Marteau pour Le Monde.

D'abord par stupéfaction : comment ça, cinq ans ?

Puis parce que j'éprouvais moi aussi le besoin de faire le point.

Rétrospectivement je me rends compte alors que sur le moment même je m'y refusais, au motif réel que je n'étais pas et de très loin la personne directement la plus touchée, que je ne me suis pour l'instant toujours pas totalement remise de cet événement-là. Pourtant j'ai eu mon lot de coups durs encaissés dans la vie et une rupture d'amitié subie d'autant plus violente qu'elle m'était inexplicable et que je ne l'avais en rien vue venir qui m'a mise en danger - alors que jusque-là une force en moi et un bon entourage m'avait permis de refaire surface indemne après les tempêtes -  ; j'ai connu également comme toutes les personnes de ma génération le même lot de drames et catastrophes collectives (vous savez, ces événements pour lesquels nous nous souvenons tous quel était le moment et ce que nous faisions quand la nouvelle de leur survenue nous a atteints).  

Il n'en demeure pas moins que, peut-être aussi parce qu'au moment même j'ai résolument refusé de baisser les bras, c'était rendre victoire aux terroristes, et je me sentais illégitime pour un trop profond chagrin, j'avais perdu un ami, et c'est beaucoup, seulement nous n'étions pas intime, ma vie quotidienne n'était pas impactée par son absence définitive, c'eût été indécent de craquer alors que mes ami·e·s commun·e·s et sa propre fille tenaient bon. Peut-être aussi car je gagnais tout juste ma vie en temps que libraire et que lorsqu'on a peu de moyens, même avec les filets sociaux qui existent encore un peu, c'est vite la dégringolade (1), bref, il n'en demeure pas moins que c'est sans doute l'événement et personnel et collectif dont je me suis le plus mal remise. "Une résilience en dents de scie" dit l'article concernant celleux qui ont été réellement touché·e·s et s'en sont sorti·e·s. J'avoue que c'est ce que j'éprouve, même si c'est sans commune mesure.

Quelque chose de très profond a été brisé. J'avais déjà un âge auquel on n'idéalise plus trop l'humanité, il n'empêche que le fait que des types fussent programmés pour en tuer d'autres avec fierté dont un en particulier dont je savais qu'il était le plus doux des hommes a cassé en moi quelque chose. J'avais beau savoir les génocides possibles et donc connaître les mécanismes qui font que des types quelconques peuvent se prendre pour des héros si on leur désigne des cibles par appartenance à un groupe, je n'avais jamais été confronté avec une conséquence directe personnelle à ces comportements. Les tueurs suicidaires du 9/11 n'avaient pas fait de victimes parmi mes connaissances. Et malgré la compassion que j'avais éprouvée à l'époque, ça n'est pas la même chose, qu'on le veuille ou non.

Je reste avec des conséquences physiques particulières dont l'une m'est favorable (2), ce qui est très curieusement déstabilisant. Tel un petit soldat Ryan qui se sentirait obligé de mener une vie digne de ceux qui l'ont sauvé au prix de la leur, je me suis efforcée d'en faire quelque chose en pratiquant des sports extérieurs malgré les hivers. Dont de longs trails en forêt.

À la librairie l'Astrée qui régulièrement nous réunissait, les soirées ont dans un premier temps persisté - façon de rendre hommage, de résister - et puis elles ont cessé ; effet de l'âge, aussi, et de quelques autres vies achevées, mais il est vrai que sans Honoré, le cœur n'y était plus.

Cinq ans sont passés. Il nous manque toujours.

 

(1) Et d'ailleurs ça le fut un bon peu en novembre 2015, là aussi en conséquences d'attentats ; et merci encore si fort à l'amie qui nous aura dépannés à ce moment-là. Au fond en refusant de baisser la garde je n'avais fait que retarder l'échéance. 

(2) Je ne souffre plus du froid comme c'était auparavant le cas. Plus de la même façon. 


Un trajet différent

Capture d’écran 2019-12-27 à 23.22.52

Depuis un moment je souhaitais essayer le retour par la belle bidir qui longe la Seine rive droite, voie Georges Pompidou, quitte à rallonger un peu le kilométrage afin d'éviter et la place de l'Étoile et la montée du Troca.

Ce soir, temps doux, pas de pluie, bonne journée de travail à un rythme normal qui me laissait un peu d'énergie avec en plus le passage d'une amie du triathlon venue exprès se fournir là où je travaillais, c'était le bon moment pour tenter.

Mon trajet de retour boulot correspond au "retour" sur la video de Bilook que j'ai mise en lien. Les travaux depuis sont terminés.

C'est un vrai plaisir que de pouvoir se lancer enfin quelque part à bonne vitesse (1). Seul inconvénient : la file ininterrompue des voitures voisines nous font largement profiter de la production suffocante de leurs pots d'échappements. 

J'ai été surprise par la hauteur de la Seine, que pourtant depuis notre entraînement de dimanche je savais en crue. La voie sur berge sera sans doute bientôt neutralisée, ce qui doit être assez habituel en janvier. Surprise aussi par la présence de très nombreuses mouettes. Comme elles se tenaient sur la rambarde, totalement indifférentes aux passages pourtant fréquents et très voisins, des vélos, ça avait un petit côté "Les oiseaux". Elles étaient si proches qu'à un moment je pouvais percevoir l'aspect duveuteux de certaines plumes. Cela dit, leur présence pressante n'était désagréable qu'en raison de mon penchant cinéphile. Et pas au point de faire peur, vraiment pas.

Avoir la Tour Eiffel en ligne de mire, surtout la nuit, est un ravissement.

Malheureusement, cette piste est difficile à atteindre lorsque l'on vient de Boulogne, à un endroit je me suis même demandée tellement ça fait autoroute urbaine, si j'avais le droit de passer à vélo. Alors que j'hésitais, un vélib m'a doublée puis un livreur à vélo, je me suis dit OK. Quand à hauteur de la tour TF1 la bidir est apparue je me suis sentie soulagée.

L'autre extrêmité pose également problème, on se retrouve en mono-dir sur le trottoir, la piste est mal entretenue - il y a de vrais nids de poules - et vers la Tour Eiffel les touristes, on aurait du mal à leur en vouloir, occupent toute la largeur de ce qui ressemble quand même avant tout à un trottoir, afin de se prendre en photo devant le symbole de Paris. 

Je me suis retrouvée place du pont de l'Alma à ne pas trop savoir comment faire pour m'engager vers une rue de gauche, d'autant plus qu'il y a une sorte de bras d'accès pour les bus qui est munie d'un panneau stipulant interdit aux vélos. 

Ensuite j'ai retrouvé rapidement les parages de la première librairie où j'avais travaillé, Livre Sterling, ce qui comme je ne m'y étais pas mentalement préparée m'a valu un solide coup de blues (2) ; les aménagements cyclables incomplets n'y étaient cette fois pour rien.

J'ai vu aussi pour la première fois je crois, les installations cheap qui ont remplacées les solides fontaines du Rond Point des Champs Élysées. Est-ce que quelqu'un les trouve belles ? Je pense, à leur allure, que la première tempête climatique ou sociale un peu conséquente les remettra en question ; à moins que ce ne soient que des installations provisoires, ce qui expliquerait qu'elles semblent si légères. Que sont devenues les anciennes fontaines ?

Comme par là-dessus un car "V.I.C." (quelle est cette société ?) archipolluant et suffocant m'a accompagnée hélas tout un morceau de trajet que j'accomplissais dans le XVIIème pour remonter vers Levallois, c'est peu dire que ma fin d'itinéraire de retour du taf fut moyennement satisfaisante.

Au moins je suis rentrée sans encombres, ni frayeurs majeures.  C'est déjà ça.  

Pour l'instant mon meilleur itinéraire reste celui axé sur la route de la Longue Queue et l'allée de l'Espérance puis dans Boulogne la rue de Silly : à la fois direct et le plus agréable et sur. 

Mais j'ai sans doute quelques autres trajets à tenter. 

 

(1) Les trois quarts du temps lors de mes trajets dans Paris je roule très en dessous de mes capacités, pour simple raison de sécurité.

(2) À l'époque entre soucis pécuniers et tracas pour la santé de ma fille et quelques autres tourments, ma vie n'était pas si facile, il n'empêche que professionnellement c'était le bonheur, aux difficultés économiques de l'entreprise près. Mais quelle belle aventure ! 

 

 


Que sont-ils devenus ? (the double-deckers)

 

C'est l'ami François qui avec en publiant ce statut m'a remis en mémoire ce feuilleton que je suivais enfant.

Et comme je suis en jour de récupération, ça m'a pris soudainement de perdre délicatement mon temps en tentant de voir ce qu'elles et ils étaient devenu·e·s. Dans mon souvenir, tou·te·s jouaient très mal, mais c'était sans doute un effet du doublage.

Dans l'ordre d'apparition du générique : 

Peter Firth est devenu un acteur confirmé ; il avait même connu la reconnaissance avec son rôle dans Equus et continue encore à jouer (mais plutôt pour la télé)

Brinsley Forde est resté un temps acteur mais s'est surtout fait connaître par le biais d'un groupe de reggae, Aswad. Il a récolté des Grammy Awards avec celui-ci et par ailleurs fait de la radio. Un joli résumé de sa vie peut à l'heure où j'écris ce billet être vu par ici.  

Gillian Bailey est restée un peu actrice, elle semble avoir pu en vivre et peut-être est-elle connue en Angleterre, mais ça n'a pas vraiment décollé. Alors elle est devenue enseignante (pour le théâtre). Il y a une ITW d'elle sur le site de la série.

Michael Audreson, passé les âges d'enfant et de jeune acteur, est passé à la réalisation puis à la production. Il avait fondé en 1996 un centre de soins pour les personnes atteintes d'addictions aux drogues et alcool. On l'entend ici dans une ITW radio postée sur Youtube en 2007 

Douglas Simmonds est mort en 2011. Il n'était pas resté acteur mais avait fait de la recherche en médecine et physique. Lui qui jouait le rôle du bêta sympa était en fait l'intellectuel du lot. Sur le site de la série, un hommage lui est rendu.

Bruce Clark n'est pas resté visible, on trouve simplement une trace de ses participations comme acteur sur IMDB. Il possède de nombreux homonymes ce qui ne facilite pas les recherches. Je découvre au passage qu'il est Américain alors que tous les autres enfants étaient anglais. Même sur le site de la série, il y a peu sur lui. On peut cependant l'entendre ici toujours sur Youtube dans la série d'entretiens publiés en 2007. L'enregistrement ressemble à un long distance call d'autrefois.

Debbie Russ qui interprétait Tigrette n'est pas restée enfant actrice longtemps. Elle est devenue présentatrice de radio pour la BBC.

 

Je pensais que les un·e·s et les autres avaient mon âge mais en fait le temps que le feuilleton traverse la Manche, ils avaient déjà cessé d'y jouer. Et donc même Debbie au personnage de laquelle je m'intéressais peu puisqu'elle était "la petite" est plus âgée que moi. Mon souvenir est que ce feuilleton lors de sa probablement première diffusion présentait un jalon dans mes mercredi après-midi studieux. Je regardais ça me faisait une pause, ça me redonnait la pêche. J'adorais le mécanisme d'ouverture de la porte. Il y avait un épisode avec un de leurs amis coincé dans une armure qui m'avait tant fait marrer que son souvenir m'en est resté. 

Merci François, de m'avoir fourni une très agréable activité procrastinatoire. 

Bonus Track : The cool cavalier


Vélotaf - Je ne suis pas la seule -

 

    Je comptais bien vélotafer pour ce nouveau boulot (1), seulement peut-être pas tous les jours, ne serait-ce que pour pouvoir lire ; ce que les transports en commun autorisent lorsqu'ils sont empruntés dans de bonnes conditions, mais pas le vélo, pas très bien.

Voilà qu'avec la grève générale et des transports en communs parisiens en particulier, j'ai parcouru chaque jour environ 25 km. En deux fois sur un parcours presque plat, c'est très faisable, dès lors que l'on n'a pas d'ennui de santé particulier. J'en suis donc à 350 km environ cumulés et ma foi, si l'absence de possibilité de pointes sérieuses de vitesse empêchent que ça vaille pour entraînement de triathlon, c'est beaucoup mieux que rien.

Grâce à cet effort quotidien, je me sens en meilleure forme pour assurer le boulot, c'est particulièrement flagrant sur les début de journées de travail : j'arrive bien réveillée, bien échauffée, prête à soulever ce qu'il faut de cartons.

Je pense que bien des personnes que les grèves ont contraintes au vélo, si elles n'ont pas trop subi de mésaventures liées aux comportements des automobilistes pressés (2) et de certains 2RM, vont constater une réelle amélioration de leur condition physique et donc de leur quotidien et vont rester adeptes de cette belle façon de circuler.

Un billet de blog de Tristan Nitot rassemble bien les enjeux, n'hésitez pas à aller y lire : 

Le possible succès du vélo

 

Il n'y manque que la mention des petits bonheurs : le co-vélotaf, qu'il m'est arrivé de pratiquer (par exemple Coucou Sacrip'Anne) et les rencontres et retrouvailles.

Ainsi ce matin en allant bosser, j'ai croisé une belle petite bande de camarades de mon club de triathlon lesquels venaient de s'entraîner en course à pied, et même si je n'ai pas pu m'arrêter car arriver en retard au bureau peut se négocier mais arriver en retard pour tenir boutique signifie laisser des clients mal servis, nos saluts joyeux ont ensoleillé ma journée.

Il m'ont donné l'impression que la vie était belle, classe et facile comme dans les méthodes de langues ou les comédie musicale.

 

(1) À la librairie Les Mots et Les Choses, donc

(2) Not all automobilistes, il y a vraiment globalement un progrès. Seulement il suffit d'un gougnafier pour se retrouver en danger. 


Vingt ans après

Dramatisation et monoform à fond, reconstitutions non signalées par rapport aux images réelle, ce documentaire n'est pas sans défauts. Il n'empêche qu'il retrace correctement ce qui s'est passé et donne un bon aperçu de toutes sortes de points de vue. Je reste persuadée que j'ai été sauvée par mon organisme encore assez relié à sa part animale et qui me rend malade de mal de mer lors des plus fortes dépression. Sinon au dimanche matin, photographe comme je le suis et soucieuse de témoigner des forces vives de la nature, je serai sortie prendre des images sans me douter de la gravité de la situation.

Des coups durs et du rangement (ou de son absence)

    

    Comme après un excellent dimanche il me restait un peu d'énergie, j'ai entrepris, comme je le fais chaque fois que c'est possible, de ranger. 

Ma cuisine est mon bureau, qui avait depuis longtemps dépassé les limites du bordel organisé pour devenir un grand bazar fuligineux.

En triant, en jetant, en datant les objets et documents retrouvés d'après les traces qu'ils en contenaient, j'ai eu la confirmation claire et nette de ce que j'en supposais : quand rien de grave ne se produit, je range et classe et jette ce qui doit l'être, et ce même si je dois assumer un travail nourricier à temps plein, les trajets et par ailleurs les entraînements de triathlon.

En revanche dès que survient un coup dur, qu'il soit collectif ou intime, je ne parviens plus qu'à assurer comme ça peut le boulot et une part du sport, ainsi que la gestion domestique urgente comme le minimum vital de tâches ménagères, et le reste part à vau-l'eau ; sans compter que les KO de la vie s'accompagnent généralement d'une forme ténue d'amnésie : ce qu'on a fait les jours d'avant présente des blancs mémoriels, et lorsque l'on reprend pied, la mémoire précise des actes accomplis entre la date de l'événement et la reprise de contact avec un sentiment de "vie normale" retrouvée, s'estompe fort. 

Ainsi en rangeant mon bureau j'ai retrouvé : une strate de juste avant novembre 2015 (attentats dans Paris, dont au Bataclan), une strate d'après novembre 2016 (maladie finale de ma mère), avant février 2018 et juste après (déménagement des affaires de mes parents vers la Normandie). Ça me fait l'effet de mini time-capsules lorsque je retombe dessus.

Si je suis plutôt contente de retrouver certains objets, surtout ceux qui peuvent m'être encore utiles, je suis triste de constater à quel point nous (le nous collectif général ou le nous familial) avons morflé. Et combien la vie m'autorise finalement assez peu de faire les choses à mon idée. Dès que je trouve un rythme de croisière et un brin d'organisation, survient quelque chose qui défait l'élan. Je suppose que c'est le cas pour tout le monde, seulement celleux qui ont les moyens de déléguer une partie de leurs corvées s'en sortent sans doute moins mal. 

Je crois qu'il conviendrait qu'au lieu de me sentir coupable de ne pas parvenir à tout assumer quoi qu'il advienne, je m'efforce d'être fière de parvenir à assurer le boulot et le principal, coûte que coûte en toutes circonstances.

Rétrospectivement, je me demande si je n'aurais pas dû aller voir le médecin après l'attentat contre Charlie Hebdo. Ça ne m'avait pas effleuré, sur le moment, j'ai mis un point d'honneur à tenir, malgré que j'y avais perdu un ami. Il n'empêche que je l'avais payé, et fort, dans les mois suivants les mois de juste après.

 

À part ça, j'ai retrouvé dans un sac contenant quelque peu de papeterie rapportée de la maison qu'avaient mes parents à Taverny, un ancien papier à lettres datant de mon enfance. Ou plutôt des sortes de cartes pliées, sur le dessus une reproduction de tableau, à l'intérieur une place pour rédiger. 

Or la première contenait un début de courrier destiné à ma cousine Claire et que quelque chose avait interrompu, de suffisamment urgent pour stopper l'élan d'une phrase.

Ma Chère Claire,

Il y a bien longtemps que [je] ne t'ai pas écrit. J'espère que tu vas bien. Ici, ça va, il neige beaucoup et ça m'amuse beaucoup ! À l'école nous nous amusons bien avec les bonshommes de neige, nous n'avons pas le droit de faire des glissades ni 

C'est dommage, il n'est pas daté. La mention de "l'école" semble indiquer que nous étions au tournant des années 70. 71 peut-être car je crois que cet hiver-là avait été particulièrement neigeux.

Au moins cette trouvaille me donne-t-elle le sentiment de n'avoir pas travaillé pour rien.


Photos triées (janvier 2018)

 

    La mémoire à nouveau saturée de mon ordinateur m'oblige à faire grand tri, sauvegardes et ménage de photos, alors que j'avais tant d'autres choses à faire. En même temps c'est une occupation calme qui va bien pour un jour de récupération. Si j'accomplis mon travail de la maison, je n'aurais plus de forces pour mon travail du travail demain.

Je m'efforce de rendre la nécessité un tant soit peu intéressante (1) en regardant les photos avant de les effacer. Ainsi reviennent quelques mémoires.

 

 

DSC00750

Fin janvier 2018 la Seine est en crue. C'est fréquent l'hiver mais ce mois-là cela prend d'impressionnantes proportions. Je travaille à la librairie Charybde et c'est un rythme soutenu.

Je me souviens de paroles prononcées par Stromae après ce qui ressemble à un burn-out qu'il avait eu lors d'une tournée sans fin qui succédait à son grand succès : et qui disait en substance, Tout allait tellement vite, tout était si intense, je n'avais pas le temps de mémoriser ce qui m'arrivait, j'ai des moments entiers dont je ne me souviens plus. Loin d'être en burn-out, mais portant fort le quotidien, j'éprouve pour ma période chez Charybde quelque chose du même ordre : je me souviens de l'ambiance belle des soirées, de beaux échanges avec les clients, de mes trajets de coursiers le matin avant d'aller bosser (pour certains éditeurs, certains comptoirs), ce sont de bons souvenirs. Seulement ils tentent à former un continuum, un tout indistinct. Et bien des éléments de la période me sont sortis de l'esprit. Ainsi cette crue spectaculaire, dont je pouvais pourtant mesurer la progression lors de mes trajets vélotaf.  

Dans les périodes de vie trop intense, on perd le meilleur des meilleurs moments. Au lieu de devenir des jalons de mémoire, ils s'en retrouvent lissés. 

 

20180128_100159

Les dimanche d'avant le déménagement des possessions (meubles, objets, vêtements) de mes parents se sont souvent déroulés selon le schéma suivant : course à pied en forêt de Montmorency, déjeuner sur le pouce (2) ou au restaurant, après-midi à la maison de Taverny : JF fait la sieste et moi je procède aux mises en cartons et aux tris. Je retrouve par les photos la trace de notre passage le dimanche 28 janvier 2018 à Montmorency, à Sempre al Vicolo où œuvrait encore Alexis, restaurant qu'il a cédé depuis. Je retrouve un lapsus révélateur datant de 1983 

20180128_174428

En fin de journée nous rentrions et je tombais de sommeil. Comme les semaines à la librairie étaient fort intenses aussi, je ne suis pas étonnée, rétrospectivement, de n'avoir de cette période qu'un souvenir parcellaire. Pas d'états d'âme, il fallait tenir il y avait des échéances et beaucoup à faire, dans les deux domaines (vie personnelle et vie pro).

 

Fullsizeoutput_1999

DSC00774

Le 29 janvier 2018 je retourne à Taverny mais repars assez tôt car je suis conviée au soir à une rencontre littéraire avec Shida Bazyar pour "Les nuits sont calmes à Téhéran". Je me souviens de la rencontre, c'était un bon moment, vraiment. En revanche, je n'ai plus souvenir du roman, si ce n'est qu'il était bien. Pourtant, très jeune j'avais compris qu'il était bon de noter ses lectures, j'en avais retrouvé trace ce jour-là. Seulement la vie ne laisse pas toujours le temps de le faire. 

 

Fullsizeoutput_199a

Le 30 janvier 2018, à la mémoire, un mardi, c'est la soirée au Silencio pour le lancement du roman "La dissipation" de Nicolas Richard. Même si le lieu me laisse méfiante (pour les lancements de livres, je préfère les librairies), je garde de la soirée un vif souvenir. En particulier parce que l'établissement loue doublement ses lieux et je n'en savais rien. Aussi, lorsqu'à la fin de la présentation littéraire et du pot qui suivit, je me rendis aux toilettes avant d'entreprendre le retour vers mon logis, et comme il y eut de l'attente, je me retrouvai en sortant dans un tout autre monde et ça ressemblait à un film : vous faites un truc anodin et quand vous en terminez autour de vous tout change. Curieuse, je reste pour écouter l'artiste (musique) dont c'est la soirée. C'est là que je ferais voisinage avec Étienne Daho, ce qui sur le moment me semble aller de soi (3) 

 

(1) J'effectue par ailleurs des sauvegardes automatiques régulières, seulement je tiens à faire pour les photos en plus des sauvegardes choisies, pour lesquelles je maîtrise l'emplacement.

(2) À la résidence Guynemer une boulangerie restait ouverte le dimanche, dont les sandwichs étaient plutôt bons, quoi que pour moi trop copieux.

(3) Même coup en bien moins fort qu'avec Wim Wenders il y a un moment : sur l'instant la rencontre me semble totalement naturelle. Après coup, j'ai un effet de Ah ouais quand même !  


Pour moi c'est plutôt 1986

Capture d’écran 2019-12-20 à 22.45.51

C'est en lisant ce touite que j'en ai pris clairement conscience (1) : alors que tout le monde évoque 1995 à propos des grèves actuelles, le souvenir qu'elles m'évoquent est quant à moi celui de 1986.

Sans doute parce que les voltigeurs de sinistre mémoire sont à nouveau à l'œuvre.

Mais aussi parce que ma situation personnelle au milieu de tout ce qui se produit présente des similitudes.

En 1986 je démarrais ma vie professionnelle et c'était fort intéressant et stimulant, j'y croyais pas mal, mes collègues étaient top. Je logeais dans une chambre de bonne tandis que mon fiancé faisait son équivalent de service militaire au Burkina Faso. Dès lors ma vie c'était bosser, lui écrire, et faire du sport - c'est là que j'ai commencé la danse avec Brigitte, dont les cours me manquent tant -. Il n'y avait pas encore de vélib mais pour aller bosser je pouvais marcher.

J'écoutais les infos à la radio le soir, lisais régulièrement des journaux (2). J'étais donc au courant des événements en cours. Seulement ma vie concrète et quotidienne était si remplie que bien que vivant et travaillant à Paris, je n'en voyais ni subissais rien. C'était comme si j'avais vécu ailleurs ou à un autre moment.

Aujourd'hui c'est un peu similaire. Je m'informe tôt le matin, tard le soir en rentrant. J'ai un travail intéressant et stimulant. J'essaie de maintenir des activités sportives. Et de ne pas perdre de vue tout le monde malgré la vie sur-occupée. Pour aller bosser, je peux prendre un vélo. Ce que je vois directement des grèves et des manifs, ce sont les conséquences en termes de circulation : des embouteillages à n'en plus finir, beaucoup de personnes à pied ou à vélo. C'est tout. De mes ami·e·s ou camarades de radio témoignent de leurs expériences en manifestation, c'est un peu comme s'il me faisaient le récit d'un lointain voyage. Mon trajet domicile - travail ne passant pas (ou : pas forcément) via Paris intra-muros, je n'en vois rien.

Et si comme en 1986 j'avais un voyage un peu lointain prévu et que sur place on me demandait Alors comment c'est en ce moment à Paris ? Je ne saurais dire que comme à l'époque, figurez-vous que je pars assez tôt travailler le matin, rentre tard le soir, circule par manque de temps fort peu entre mes trajets strictement nécessaires, et ce qui survient, je n'en vois rien.

Ceci est renforcé par le fait que mon organisation quotidienne pour pallier l'absence de transports en commun rend mes trajets plus longs en durée ; de ce fait je dispose d'autant moins de temps pour être dans la ville et non pas seulement aux prises avec ma vie. 

C'est donc assez logique. J'en éprouve pourtant, comme en 1986, une forme d'étonnement.

 

PS : Je m'aperçois qu'en période de surmenage professionnel, la plupart des infos m'arrivent comme autrefois par la radio le matin, via le radio-réveil enclenché pour que je me lève à temps pour aller travailler. Or ces temps troublés s'accompagnent de grèves à Radio-France, ce qui réduit mes possibilités d'entendre des informations avant de partir.

En 2019 acheter un journal de papier est devenu un luxe et n'est pas si facile - je peine à acheter une fois par semaine Le Canard Enchaîné, les kiosques sont devenus relativement rares quand il y en avait presque à chaque coin de rue -. 

 

(1) car je n'avais aucune idée qu'il y eût ces jours-ci des violences aux abords de lycées ; des blocages de lycées.

(2) En ce temps là, acheter Le Monde, prendre un café au café, même pour un petit budget, ça se faisait sans y réfléchir.


La journée de la courtoisie

 

    Ce lundi, malgré les grèves, la circulation était calme et le temps plutôt doux. J'ignore ce qu'il y avait dans l'air et j'ai regretté de n'avoir pas de caméra pour filmer mon trajet, car s'il y eut plus que d'avantage de la #GCUMerie (véhicules stationnants n'importe où de préférence sur les pistes cyclables), ce fut un festival de courtoisie de la part des automobilistes y compris à des carrefours où je m'arrêtais parce qu'ils avaient priorité (oui vous avez bien lu, au moment où je m'apprête à mettre pied à terre, l'automobiliste me fait signe de la main, Allez-y). Et ce à l'aller et au retour. 

J'avais mon bon vieux VTT donné par l'ami du Connétable, Fabien, ma tenue "de cosmonaute" habituelle : gilet et casque jaune, sur-pantalon, bandeau jaune fluo sur le sac à dos ; pour le trajet du soir, bonnes lumières ; tout pareil que les autres jours. Je ne roulais ni plus ni moins vite. Et le parcours est le même que depuis presque un mois, avec jusqu'à présent ni plus ni moins de mises en danger par les voitures qu'ailleurs.

Bref, je n'ai pas pigé ce qui a fait qu'en ce jour particulier tous les automobilistes se sont vis-à-vis de moi comportés avec élégance. Et comme ça rend la circulation à vélo plus facile, fluide et disons-le agréable.

Le truc un peu triste, c'est de s'en retrouver stupéfaite et émue.