Je recherche depuis mon billet d'hier sur Neufchâteau revisité, une photo prise en juillet 2009 avec le texte qui l'accompagnait. Pas de traces sur traces (mon souvenir de l'image était assez vivace), rien sur le Petit Journal de chez François Bon auquel nous participions alors allègrement, entre autre avec les camarades de ce qui deviendrait L'aiR Nu, rien sur mes sauvegardes du fotolog qui semble vraiment mort désormais (inaccessible en tout cas), alors j'explore mes nombreuses annexes thématiques.
(Pour l'instant en vain)
Grâce à flickr qui est bien indexé, j'ai retrouvé la photo, de ce qui fut mon logis pendant une semaine il y a 10 ans, après la fin de ma vie d'"Usine", au début de ma vraie vie. D'ailleurs je considère assez bien ce stage comme marquant le début de la nouvelle, un jalon important. Mais qu'est devenu le texte ?
En creusant les annexes, je suis retombée sur ce billet qui n'a rien à voir fors de dater de ce même été.
Ce qui est fascinant, entre autres, c'est que de toutes les allusions que par discrétion j'avais omises de dénommer, pratiquement aucune ne m'est décryptable aujourd'hui sans recherches - en particulier le coup du DVD, de quoi diable pouvait-il s'agir ? (1) -. Pour le reste et malgré tout ce qui s'est passé durant ces dix années mouvementées, j'ai l'impression de n'avoir pas trop changé, de bien me reconnaître comme la personne qui a rassemblé ces mots.
Je n'ai modifié qu'un ou deux détails de conjugaison ; la concordance des temps en français n'est pas mon fort.
(1) Je n'en ai à ce point plus la moindre idée que je me demande si je ne m'étais pas amusée à glisser un paragraphe fictionné au sein d'un billet de réalité.
Disparus transparents, disparus d'antan
(billet déposé sur une annexe le 31 août 2009)
Une conjonction étrange et triste d'éléments sans liens directs m'a fait penser à eux.
L'acteur jeune et semblait-il en pleine santé qu'on croise fin juin (début juillet ?) lors d'une avant-première au Méliès. Meurt quelques jours après d'un accident de mobylette comme il en arrive tant. Mais pas tant que ça à un gars dont l'image est projetée, et encore fraîche sur les écrans.
L'amie que je sens affectée par la disparition brutale (suicide ou overdose "volontaire" ?) d'un DJ que probablement elle connaissait. Je vais voir d'un peu plus près quel était son travail. Constate qu'il était bon (pour autant que je puisse en juger) et que par ailleurs son site est, lui, toujours en vie, pas la moindre mention de la récente tragédie.
Et ce souvenir qu'il réactive de celui d'un photographe que je connaissais de vue, et aimais beaucoup et qui à peine décédé avait vu l'url du sien capturée par un homonyme de bien moindre talent. Celui aussi d'une de mes connaissances, jeune journaliste prometteuse et poète sensible, disparue volontairement au printemps et qu'on peut voir ici en mai 2008 qui interroge Coline Serreau.
Le lien qu'on me transmet vers un site (de restaurations) audio et qui propose ce jour-là trois enregistrements d'Apollinaire dont un sur "Marie" qui me met les larmes. Mort il y a près d'un siècle et sa voix toujours là. Diction d'un autre temps, mais par moments moderne. Frissons.
Enfin lors du rangement quinquennal de ma table de chevet un DVD tombé d'une pochette achetée jadis pour les livres sans me méfier qu'elle comprenait aussi autre chose, que je glisse dans l'ordinateur par amusée curiosité et où apparaît quelqu'un que j'aime fort (bien vivant lui mais) délesté de quelques lourdes années. Il avait alors pratiquement l'âge que j'ai. Liquéfiée de douleur d'arriver trop tard.
Alors j'ai songé aux morts d'autrefois. D'il n'y a pas tant de temps que ça, disons la génération d'avant mes grands-parents, ce qui ramène au mitan du XIXème. Morts en laissant au mieux d'eux quelques objets, des terres ou une maison. Des bribes écrites éventuelles pour les privilégiés d'entre eux qui savaient. Les rares qui étaient artistes pouvaient léguer de leurs créations, si pas trop périssables. Les photos : une rareté.
Disparus transparents que seule l'apparence physique de leur descendants, s'ils en avaient, pouvait prolonger.
Génération de mes grands-parents : la photo est rare mais elle y est. Ils ont parfois écrit ne serait-ce que des cartes postales. Les hommes l'ont fait, envoyer des lettres, quand ils étaient mobilisés. Restent aussi des documents les concernant. Qu'est devenue cette permission jaunie de la guerre de 14 accordée à mon grand-père maternel sous le prénom Marius car son gradé de l'époque, un marseillais sans doute, devait avoir avait du mal avec le François-Marie breton, qui était le vrai prénom de celui que tous appelaient Louis (et on ignore pourquoi) ? Je l'ignore mais n'ai pas oublié d'avoir vu ce papier.
Après la seconde guerre, du moins en occident, tout se précipite. De mes parents restent et resteront des mots écrits, des photos, des films (super 8 au moins), parfois des enregistrements (quand l'enfant étrennait son tout nouveau enregistreur Philips avant même la stéréo).
Et depuis l'internet, explosion. Nous sommes tous appelés à nous survivre un temps sous forme de films complets (mouvements, allure et sons, présence de l'expression), traces écrites multiples et multipliées, photos que nous-même ignorons (cherchez-vous via google images par exemple et vous serez sans doute surpris). Et ce, y compris si ce que nous faisons n'a que peu à voir avec une forme de travail créatif avec espoir de transmission.
Je me sens pour l'instant dépassée par l'ampleur de la réflexion que le sujet appelle. Mais je sais qu'il convient d'en marquer le point de départ. Dans l'espoir d'y revenir après et d'en pouvoir au moins dater la prise de conscience.
Il est beau que nos absents pour partie ne nous soient pas arrachés entièrement. Il peut être terrible cependant que ceux d'entre eux qui furent toxiques (aucun des cas évoqués plus haut) restent à nous encombrer.
Et combien il est étrange qu'un homme soit mort et son site vivant (1).
(1) un appel à témoignages pour un projet qu'il avait en cours rend le contraste encore plus criant.
PS : À l'instant d'envoyer ce billet, je m'aperçois que je l'ai rédigé tout en écoutant ... Alain Bashung. Dont acte.