Quelques fatigues de la langue française
09 mars 2019
Globalement et puisque, même à bas bruit, j'écris, je suis très heureuse et m'estime chanceuse, de disposer d'une langue maternelle formidable et nuancée. Dont on peut croire qu'elle a été faite pour ça, romancer, disserter, un bel outil de travail.
J'adore mon autre langue familiale, l'italien pour la beauté de ses sonorités et ses verbes où l'action s'avance avant ses sujets et objets - ça correspond à la façon dont mon cerveau fonctionne -.
J'apprécie infiniment l'anglais pour la création de termes qu'il facile, son humour possible - beaucoup plus qu'en français, en anglais on peut d'une formule lapidaire, condenser une situation et c'est drôle du fait même de la condensation, le côté "formule définitive" -, sa concision.
Seulement voilà, pour la subtilité notamment des sentiments, le français est un délice.
Il n'en demeure pas moins qu'il présente quelques défauts.
Par exemple ce mot "plus" qui selon le contexte peut vouloir dire s'il n'est pas prononcé à haute voix, une chose et son exact contraire : il y en a plus (+) ou il n'y en a plus. Dans un usage ou la première partie d'une négative ("ne") tend à disparaître, l'ambiguïté est de plus en plus fréquente.
Ou la confusion possible entre les premières personnes du présent singulier du verbe être et du verbe suivre. Comme sur les réseaux sociaux on suit d'autres comptes, l'emploi de la seconde acception est devenu plus fréquent et d'autant plus ambigu. Que signifie Je suis Charlie ? Le contexte ne suffit pas forcément.
"Contre" est également porteur d'ambiguïtés : on peut être contre par proximité (au sens de "tout contre") mais contre par opposition. D'accord, dans le premier cas il s'agira plutôt d'une personne et dans le second d'une opinion, mais parfois dans l'emploi, ça n'est pas si simple.
Pour être honnête il me faut reconnaître que je suis la première à jouer du double-entendre lorsque ça m'amuse. Il n'empêche que pour des moments de narration sérieux ou des discussions à caractère politique, j'aimerais moins de flou.
On n'est pas merveilleux quant aux liens de parentés. Déjà qu'il manque un équivalent du mot siblings anglais, on a tendance à multiplier les cousinages quand d'autres termes seraient nécessaire pour préciser les degrés sans être obligés de rajouter une périphrase.
Et puis il y a les pronoms possessifs. Les "son" ou "sa" qui dans certains cas peuvent se référer à plusieurs personnes d'une phrase ou proposition qui précède, quand en anglais un "his" ou "her" permet de lever la question plus élégamment qu'en rajoutant "de cette dernière" ou "de ce dernier".
En revanche le fameux accord du participe passé avec l'auxiliaire avoir, remis en question car trop compliqué, est d'un immense secours de sens lorsqu'il est maîtrisé, on gagne un temps fou.
Je suis curieuse de voir si un peu d'écriture inclusive parviendra à s'imposer, comme l'ont fait lorsqu'ils étaient évocateurs et harmonieux (1), certains termes inventés de toutes pièces pour contrer des termes anglais. Pour l'instant je l'utilise quand elle donne des résultats verbalisables sans heurts, et pas trop susceptibles de ralentir la lecture. Pour le point médian, je ne suis pas encore au point car il manque au clavier. Comme Kozlika l'avait un jour suggéré, j'utilise souvent l'apostrophe, même s'il s'agit d'un usage détourné.
Si seulement j'aurais pu partir en retraite dans 5 ans, tel qu'il était prévu à l'époque où je suis entrée dans la vie active, et non pas 10 ou 12 tels qu'il le faudrait désormais, j'apprendrais un petit lot de langues étrangères que pour l'instant je ne connais pas, histoire d'élargir ma palette de mots justes.
(1) Par exemple, j'aime beaucoup pourriel pour spam. Ça dit fort bien ce que ça veut dire.