Jour de boue
10 février 2019
Quand nous nous sommes réinscrits pour le Maxi Cross de Bouffémont, j'avais la ferme intention de m'entraîner sérieusement, c'est-à-dire dans mon idée d'aller faire nos entraînements dominicaux en forêt et de réussir un temps presque normal.
J'avais orienté les courses de l'automne vers des semi afin de voir s'il était raisonnable ou utopique de m'inscrire en L pour le triathlon club. Comme je suis irrémédiablement lente, question thalassémie + âge (il faut rester prudente) + cardio qui monte vite haut, l'idée est d'aller sur des distances longues où beaucoup de monde est lent. Sur le M je suis trop au ras des fesses des barrières horaires.
Résultat de ces tests, La Sedan-Charleville, le semi de Saint-Denis et le semi de Boulogne : je ne vais pas vite, mais je cours ces distances sans problème. Chose dont je ne me serais jamais cru capable, merci à mon club de triathlon de m'avoir appris la confiance en moi et d'avoir de bons coachs et une ambiance stimulante.
Inconvénient : je n'ai pratiquement pas couru en forêt. Ne suis parvenue à pousser sur zone, mon sparring-partner-conducteur-époux qu'une seule fois ou deux de tout l'automne-l'hiver.
Et pour des raisons d'agenda nous n'étions pas à la reco.
Du coup je ne savais pas trop où j'en étais concernant les trails. Le plus récent non-urbain étant celui de la Chouffe au 14 juillet dernier.
Il s'est trouvé que fatigués par des grosses semaines de boulot nous avons eu du mal à décoler en ce dimanche matin. Et qu'arrivés vers Saint-Prix une violente averse de grêle a rendu la circulation difficile (pensée pour celleux du 41 km qui devaient être dessous). Sans être à proprement parler en retard, nous sommes donc arrivés sans marge, à peine le temps de passer aux toilettes et de saluer les copains et copines. Dès lors, et puisque les premières centaines de mètres de la course constituaient de fait l'échauffement, j'ai démarré dans les derniers, ce qui fait qu'au lieu d'être larguée au sommet de la première montée, dès le bas j'étais seule avec deux autres dames, régionales de l'étape et qui connaissant ses capacités à tuer les pattes d'emblée, avaient sagement décidé comme moi de ne pas faire la première côte, la redoutable du cimetière, en courant. C'étaient deux amies qui s'étaient fixé ce défi, après avoir réussi l'an passé un marathon de Paris et leur compagnie était revigorante. Nous avons assez vite décidé, ça allait de soi, de cheminer ensemble. Parfois nous avions un rythme différent, parfois l'une ou l'autre faisait une pause technique, mais nous nous attendions à la croisée suivante de chemins ou en haut de la difficulté d'après.
Le fait est que nous ne voyions plus personne devant et que même si le chemin était fort bien balisé, c'était mieux aussi pour des raisons d'entraide et de sécurité.
L'une de mes co-coureuse a hélas fait une chute, et plus tard une autre, ce qui a un peu entamé son entrain. Nous avions passé un ravito fort sympathique, elles avaient leurs petites familles respectives en supporters, c'était chouette de courir avec tant d'encouragements, je m'étais trouvée spontanément associée. Je n'avais pas le cœur qu'on se quitte, de toutes façons à la jouer perso, qu'aurais-je gagné ? Il ne faisait pas un temps à établir de RP.
Laurent de Cap Marathon à Ermont est venu nous rejoindre vers la statue de la vierge (j'ai admiré le petit gazon à prier), et partant de là, c'était certain que nous allions arriver au bout, ce n'était plus qu'une question de se soutenir dans les passages à vide ou particulièrement difficiles. Avec Laurent nous ramassions les (rares) détritus abandonnés par des coureurs, et à l'aider je me suis sentie utile. Il a été parfait, calquant son allure sur la notre d'escargots. Grand merci à lui.
Vers la fin, alors que nous étions en train de négocier le fameux "M", le vent s'est levé et la drache a redoublé. Nous avions eu droit à un peu de soleil encourageant peu auparavant, sinon il avait fait très gris ou pleuviné tout du long.
D'environ 10°c, la température était tombée à 7°c et ça se sentait. Par précautions je m'étais plutôt sur-équipée :
mes bonnes chaussures de trail (de la marque qui s'en fait une spécialité), des chaussettes spéciales trail avec un chaussant qui contient une part de soie (zéro ampoules depuis que je les utilise), des guêtres comme pour la danse mais noires, un collant long 2XU qui est une perfection (il tient chaud quand il fait froid, et se fait tout léger quand il fait chaud), un petit short Levallois Triathlon pour le chic, un sweat manches longues très fin mais chaud de la même marque, un maillot cycliste sans manche du Levallois Triathlon (très pratique pour les poches arrières), le sweat noire à capuche chaud, et par dessus le coupe-vent Salomon rose que j'avais acheté pour les 10 km de La Rochelle quand j'avais su que ça se courrait sous la pluie et qui était coûteux mais mérite n'était pas une arnaque : il protège vraiment de la pluie même assez forte sans presque d'effet Kway, que t'es aussi mouillé dessous que dessus (1) ; pour me protéger la tête j'avais un bonnet ou tour de cou du club et les capuches du sweat-shirt et du coupe-vent pour quand ça drachait plus fort. J'avais des gants de vélo, parfaits pour tenir ce qu'il fallait chaud et les passages à cordes.
Résultat de tout cet équipement : à aucun moment même sous le vent, même aux passages pluvieux je n'ai souffert du froid.
La boue était particulièrement épaisse et fuligineuse cette année. Sur plusieurs sections pas d'autres moyens que de s'enfoncer jusqu'à la cheville, pas de contours possibles. Le fait de passer en dernier fait qu'en plus tout a été labouré par les pas du peloton qui nous avait précédé.
Un peu avant le ravitaillement nous avons commencé à être dépassées par ceux du 41 km qui avaient du parcours avec nous en commun toute la fin.
Note à moi-même : ni lunettes ni lentilles de contact et finalement c'était bien comme ça.
Nous avons pris soin d'arriver ensemble et en courant, c'était joyeux. Je crois que mes camarades ont souffert mais avec beaucoup de courage elles avaient terminé.
Quant à moi, d'y être allée tranquille, j'étais en pleine forme, ce qui m'a donné l'idée folle de tenter le 41 km l'année prochaine, et dont les derniers arrivaient en même temps que nous. JF en revanche était plutôt déçu et dépourvu d'envie de recommencer, il m'attendait dans le gymnase en grelottant ; bien secoué par l'une des quatre chutes qu'il avait faites (probablement du fait d'avoir dû enlever ses lunettes à cause de la pluie et du coup mal vu où il mettait les pieds).
C'était la première fois que je ne courais pas seule ; je suis le plus souvent en chasse-patate entre le gros du peloton et les vraiment derniers. J'en garderai un super souvenir. Il est vrai que mes compagnes de course étaient particulièrement de bonne compagnie, ce fut un plaisir de les rencontrer. Et Laurent a été un accompagnateur d'une patience et d'une bonne humeur délicieuses.
Je crois que ça m'a aussi été d'un grand réconfort de me découvrir capable d'être utile, malgré ma lenteur, capable d'aider à la forêt laissée propre, capable d'encourager les autres. J'ai franchi une étape, que je pressens importante, et qui n'a rien à voir avec le chrono.
Le seul point triste est l'état de la forêt, décimée par les coupes qui étaient déjà fortes mais se sont multipliées sans vergogne depuis que les châtaigniers sont atteints par la maladie de l'encre. Elle est réellement là, j'ai vu des arbres qui "salivaient", je crois que c'est un signe de la maladie à un de ses stades [je peux me tromper], et j'en aurais pleuré. Ils sont condamnés. Et vont devenir dangereux car leurs racines ne seront plus efficaces.
Seulement il n'est pas prouvé que les abattages d'arbres non atteints soient d'une quelconque efficacité prophylactique : la maladie se transmet par le sol, les racines. Elle n'a pas de remède connu pour l'instant. Il faut abattre les arbres atteints pour cause de risques de chutes. Bien sûr certaines zones sont replantées mais d'ici à ce que les arbrisseaux atteignent une taille d'arbre qui fait forêt, il se passera du longtemps.
En attendant, la forêt de Montmorency aura su, grâce au boulot d'organisateurs passionnés, nous offrir encore un beau parcours cette année. Et les arbres m'ont évité bien des chutes dans certaines descentes rendues glissantes par la boue. Si seulement il était possible eux aussi de les remercier.
J'espère que nous pourrons faire le trail des Reculées dont Delphine m'a parlé et celui de la Chouffe au 14 juillet (sur 28 km, essayer)
(1) Comme disait Dany Boon
(2) comme il avait oublié son téléphone et que je n'avais pas entendu lorsqu'il avait tenté de me joindre avec un téléphone d'emprunt, je n'avais pas pu lui dire d'aller dans la voiture se reposer au chaud et prendre et mettre les vêtements de rechange chaud et secs que j'avais mis dans un sac dans le coffre en prévision de notre état de coureurs sous pluie