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Sans doute du fait d'avoir depuis son début une vie laborieuse (au sens de : consacrer à travailler, qu'il s'agisse d'études ou de jobs plus ou moins rémunérés) et d'avoir longtemps été de santé fragile, j'ai presque toujours mis longtemps à réaliser ce que j'estimais devoir faire ou tenter. Je suis aussi presque toujours parvenue à faire ce qui devait être fait, à tenter.
Seulement longtemps après.
Je voulais nager, je voulais chanter, j'ai été écartée de la natation à 10 ans par les adultes au prétexte de ma mauvaise santé, j'y suis revenue à 40, j'ai fait partie d'une chorale à 34 et jusqu'à ce que mes contraintes professionnelles m'en empêchent ; j'ai tenté et je tente encore de me dégager du temps pour l'écriture, j'y suis parvenue en 2009 / 2010 pour une micro-publication en 2012 et là je n'ai pas dit mon dernier mot ; en 2011 j'ai su qu'il faudrait que je me frotte au triathlon et suis parvenue en 2016 à m'inscrire dans un club et, là aussi m'y essayer.
Pour ce qui est du secourisme, et d'apprendre au moins les premiers gestes à accomplir en cas de nécessité, je crois que j'ai battu mes records de longévité entre l'idée Je dois m'y mettre et sa réalisation : au moins 29 ans.
Ça a été possible grâce à mon club de triathlon, et je suis très reconnaissante envers Cécile qui a organisé les choses et permis que nous bénéficions d'un tarif accessible.
En effet c'est là que le bâts blesse : en France et pour l'instant, si vous estimez de votre devoir de citoyen•ne que de savoir faire en cas de malaise ou d'accident les premiers gestes justes, en attendant les secours, et sauf à faire partie d'une entité (entreprise, association ...) qui l'organise, la formation qui dure une journée, sera à votre charge. Et même si les formateurs et formatrices sont bénévoles et que seul le coût réel est répercuté, il vous en coûtera, en 2019, 60 €, que je sache pas même déductibles des impôts.
C'est aussi la raison pour laquelle je ne l'avais pas faite plus tôt : chaque fois que je m'étais renseignée le prix à payer sur le budget d'une famille aux fins de mois toujours délicates m'avait fait reporter l'entreprise à des jours meilleurs.
Je crois que ma première velléité d'apprendre remonte en fait à plus de 29 ans : mon père, un homme très costaud, possédait néanmoins la caractéristique, sans doute liée à la thalassémie dont il était porteur, de s'effondrer brutalement en cas de fortes fièvres. J'avais lu ou vu quelque part ou entendu dans un cours en classe, qu'il existait des formations de secouriste et m'étais dit qu'il faudrait que j'apprenne, pour au moins savoir quoi faire, lors de ses pertes de connaissance ou sur les terrains de foot quand quelqu'un se blessait. On m'avait dit, c'est pour les adultes.
Plus tard, il y eut l'attentat de la gare de Bologne, et la jeune pré-adulte que j'étais avait re-pensé que ça serait utile vraiment de savoir faire ce qu'il faut si l'on se trouve témoin. Mais à l'époque, pas d'internet, pas facile de se renseigner lorsque l'on est dans son coin, que l'on ne peut téléphoner (c'est le fixe des parents, il faut demander la permission et parfois lorsque l'on sait que la réponse va consister en un interrogatoire dissuasif, on renonce par une sorte d'auto-censure de l'élan d'entreprendre). Et puis je supputais qu'il fallait être majeure.
Ensuite ma vie a été très chargée, il fallait s'en sortir, travailler, c'était du temps plein. Je crois me rappeler que lors d'une discussion de soirée, quelqu'un s'était montré dissuasif en arguant qu'à quoi bon puisque de toutes façons tous les hommes qui faisaient leur service militaire l'apprenaient au passage. Comme je n'étais pas sauvagement certaine d'être capable d'avoir le sang froid nécessaire en cas d'accident voire de tragédie, je m'étais faite à l'idée que effectivement beaucoup de personnes savent, on doit pouvoir appeler quelqu'un. C'est un micro-exemple comme un autre de la façon dont on formatait les jeunes filles et les femmes à ne pas avoir confiance en elles : ne vous inquiétez pas, les hommes savent bien faire ça.
J'avais quand même conservé dans un coin de ma tête, une loupiote qui disait, n'empêche si un jour je suis quelque part, un travail, une entreprise, une ville, où l'on me dit que c'est possible d'apprendre, j'irai.
En 1990 ma fille est née. D'avoir la responsabilité entière et permanente d'un si petit être me semblait une tâche de la plus haute importance, tout ce que j'avais pu être amenée à prendre en charge en tant qu'ingénieure me semblait de la gnognotte à côté. C'est de là que vient une volonté devenue ferme : je dois apprendre. Si le bébé avale un truc il faut que je sache le lui décoincer. Savoir que faire et ne pas perdre ses moyens (1) en cas d'accidents.
Il y avait des formations organisées par la Croix Rouge dans ma ville, mais impossible avec les horaires, ou alors il fallait faire garder la petite, ça mettait le coût de l'opération assez élevé, il y a eu la reprise du travail, période difficile, déjà des restructurations, je n'ai plus touché terre, et c'était reparti de mettre sous le boisseau tout projet personnel.
Sporadiquement je me suis à nouveau renseignée, mais ça ne collait jamais : pas à des moments où je pouvais y aller, pas à des mois où je pouvais me le payer. Personne pour me dire, Oui c'est une bonne idée. Plutôt une sorte de sourde dissuasion.
En 2015 il y a eu les attentats à Paris, et je me suis dis que cette fois il fallait vraiment que je m'y mette. La ville de Paris a organisé des formations "Premiers gestes de secours" et par trois fois j'ai tenté de m'y inscrire. Peut-être parce que j'habitais de l'autre côté du périph je n'ai pas été admise. Ça aurait de toutes façons été compliqué, car je bossais alors le samedi et que ça avait lieu ces jours-là.
Il aura donc fallu mon club de triathlon et sa bonne organisation, pour que je puisse apprendre enfin, au prix de 5h30 de travail de libraire.
Ce fut donc à la Protection Civile, un dimanche, et effectivement très instructif, avec des cas concrets simulés, ce qui peut permettre de se mettre en condition même si l'on sait bien que ça ne saurait présager de nos réactions dans une réalité dure et soudaine.
J'ai donc appris qu'en cas de personne faisant un malaise ou blessée, en France sur la voie publique et encore aujourd'hui, le 15 est le plus efficace, mais que le 112 est valable et qu'il existe un numéro le 114 qui permet de communiquer par écrit. Nous avons appris les massages cardiaques et le bouche-à-bouche et comment nous servir des défibrillateurs ; pour ceux-ci si l'on ne sait pas, une voix une fois qu'ils sont allumés indique la marche à suivre. Nous avons appris à gérer le passant paniquant, ainsi que les précautions à prendre pour que quelqu'un envoyé prévenir le fasse effectivement (2). Nous avons bien ri (je n'ai pas pu m'empêcher de faire la clown dans le rôle du passant paniquant), admiré l'un des nôtres aussi (salut Luc, qui aurait fait un excellent médecin urgentiste s'il en avait eu l'intention, calme, sang-froid, efficacité, tutto bene).
Au passage j'ai aussi appris le dévouement de toutes et tous ces bénévoles, dont je n'imaginais pas qu'outre le fait d'un engagement gratuit, ils devaient prendre sur leurs congés les interventions en urgence et leurs propres formations.
Quelle société mal organisée qui rémunère à prix d'or certains boulots de pure esbrouffe ou dont la seule finalité est de nous faire encore et encore sur-consommer, et pas du tout celles et ceux qui nous sauvent. La personne qui nous a formé nous a lors d'une pause expliqué qu'elle bénéficiait d'un employeur bienveillant depuis qu'il avait appris sans qu'elle y soit pour rien, son activité sociale ; seulement ce n'est même pas évident. Et comment faire alors que le travail se précarise pour pouvoir si on le souhaite se rendre utile aux autres alors qu'on peut être aussi réquisitionnés pour du boulot. Seul un travail régulier permet un tel engagement.
En attendant, je suis sortie de cette formation munie d'une nouvelle confiance, et presque rassurée. Ayant passé un excellent dimanche, en fait, alors qu'après une semaine chargée et un travail en librairie samedi, j'étais fatiguée.
Apprenez donc les gestes de secours et de prévention, pour le moral c'est bon.
(1) ou plutôt : moins risquer de les perdre en sachant au moins la théorie de ce qu'il convient de faire.
(2) C'est LE truc auquel je n'aurais jamais pensé spontanément, que la personne qui dit qu'elle va chercher des secours, par exemple si pas de téléphones disponibles, tout simplement se barre et ne le fasse pas.