Quatre moments de grâce absolue (and I feel so grateful for them)
25 décembre 2018
Si je devais sans prendre trop de temps pour penser ni chercher dans mes archives écrites ou photographiques, me viendraient spontanément trois moments de grâce absolue. Ces instants où l'existence confine au divin, quelles que soient nos croyances, où l'on a l'impression que nulle part ailleurs dans l'univers on serait mieux qu'en ce lieu en cet instant. Ce sont des moments où l'on oublie de respirer et l'on oublie qu'on a oublié ; jusqu'à l'instant où le corps reprend son souffle et nous le fait savoir.
Fatiguée par mes journées intenses en librairie et les problèmes de santé d'une des personnes de la famille, des heures d'attente ici ou là, je m'aperçois que je perds les dates.
Pas les souvenirs.
- C'était dans La Bohème à l'Opéra Bastille, Roberto Alagna et Angela Gheorghiu alors amoureux IRL, dans les rôles titres. Début des années 2000 je dirais (2001 ? 2005 ?) avant la période où grâce aux ami•e•s blogueuses et blogueurs et aux files d'attentes du vendredi matin très tôt j'ai pu aller à l'opéra souvent. Je suis dans une place à pas cher tout en haut de tout en haut, côté cour. Et il y a ce duo où ça y est, ils atteignent à la perfection, non seulement de leur art mais de quelque chose dans les sentiments. J'ai cru m'envoler. Ce fut une extase.
Je crois me souvenir que je n'étais pas la seule à me retrouver en larmes sans l'avoir senti.
Bizarrement, aujourd'hui (mais peut-être que demain tout me sera revenu) je ne me rappelle pas les circonstances qui m'avaient valu d'avoir cette place, ce jour-là. Je suis persuadée que j'y étais seule ; peut-être avais-je au pied levé remplacé quelqu'un (un collègue ?) qui avait un empêchement ? - Avec un groupe d'ami•e•s du ciné-club nous prenions chaque année un abonnement au théâtre du Rond-Point. C'est à l'automne 2013, je crois. Et c'est Swan Lake. Mon propre blog me confirme la période et me réapprend que j'y étais allée hors programme sur les conseils d'une amie du cours de danse (Natacha ? Martine ?). "Crucifiée par tant de grâce, de générosité, d'humour et de beauté, je suis sortie de l'heure qu'il dure (3) et des dix minutes de standing ovation (4), en larmes et les jambes en coton". C'est un des plus beaux moments de ma vie. Je me sens toujours autant éperdue de gratitude envers Dada Masilo et la troupe qui l'accompagnait.
- Philip Glass au Châtelet avec Einstein on the beach.
C'est grâce à O'Olivier dont je n'ai hélas plus de nouvelles - et qui fait partie des personnes dont les vols successifs en 2017 de mon téléfonino puis de mon sac d'ordi avec l'ordi et l'agenda qui contenait mon bon vieux répertoire papier, m'ont fait perdre les coordonnées - que j'obtiens cette place, sans doute un empêchement. Par rapport aux extases précédentes c'est moins violent, le spectacle était long et je ne pouvais retenir mon souffle tout le temps, mais il m'envoie sur un nuage neuf et je suis durablement envoûtée pendant plusieurs jours. Une sorte de sérénité indestructible. Dont je ne suis retombée, je crois, seulement par suite d'un mauvais rhume ou d'un quelconque épisode fiévreux.
- Ian Thorpe à la piscine de la porte des Lilas (Georges Vallerey) face à Pieter Van den Hoogenband. Janvier ou février 2001 ou 2003 peut-être ?
Je ne sais plus comment je tombe sur l'info, mais voilà il va y avoir ce meeting de natation ou ce championnat pas si loin de chez moi, alors je me propulse pour acheter une place, allant attendre dehors dans le froid par moins quatre ou cinq degrés celsius et quelques jours plus tard ou le lendemain, il en restait, je n'en reviens pas, me voilà sur les gradins. Ça nage de haut niveau. Vient enfin l'épreuve d'un 200 m (? ou 400 ?) nage libre à laquelle Ian Thorpe participe. Dès le début c'est époustouflant. Voilà que sur les 50 derniers mètres il met le turbo et je crois qu'on est tous debout et qu'on crie ou qu'on retient notre souffle, tout le monde, il semble filer au dessus de l'eau et les autres pourtant pas des moindres, parmi lesquels Pieter van den Hoogenband semblent faire du sur place.
Peu après être rentrée, je tombe malade, sans doute le froid en attendant, du jour où j'avais pris ma place. Peut-être aussi une forme de saisissement. Pas un seul instant je ne regretterai. Reconnaissance éperdue envers ce gars.
Il y en a un cinquième qui est télévisuel, ce qui n'est pas aussi fort : les exploits de Nadia Comaneci en gymnastique à Montréal en 1976. La perfection telle que même en n'étant pas connaisseur on capte qu'il se passe quelque chose d'absolument inouï.
Bien d'autres moments aussi, par exemple les Éphémères au théâtre du soleil, une violoncelliste formidable à Pleyel. Des moments de cinéma également.
Ainsi que des événements auxquels j'ai moi-mêmes participé (seulement c'est différent, lorsque l'on est, part of it, intense autrement). Et bien sûr il y a également des moments de grâce liés aux lectures. Mais là aussi, c'est un peu différent.