Quand le travail est devenu envahissant
14 novembre 2018
Les salariés doivent désormais s’investir positivement dans leur travail. L’autorité ne se satisfait plus qu’ils se laissent enfermer dans des paramètres coercitifs : ils doivent les épouser frénétiquement et en faire authentiquement un objet de désir. » Dans son enquête sur l’évaluation dans l’entreprise, publiée chez Éres sous le titre Le travail, au delà de l’évaluation, Damien Collard étudie les cas des personnels au contact du public à la SNCF, dans une préfecture, ou encore le labyrinthe de l’évaluation des enseignants-chercheurs. Entre déni du travail et imposition de « normes de service » souvent absurdes, c’est la dissolution du salarié dans sa conscience de bien faire qui semble programmée.
Jacques Munier dans sa chronique de ce matin sur France-Culture.
Je me souviens d'avoir vu cette tendance arriver : entre une époque où le travail est ce qu'il est, et où l'on demande certes aux gens d'être motivés mais dès lors qu'il est fait - et ce qu'on demande reste faisable - on leur fout la paix : d'une part sur leur vie privée, tant que tu respectes les horaires et arrives opérationnel, d'autre part sur leurs façons d'être - il suffit d'être correct et d'allure et de comportement - ; et une période où le management commence à s'immiscer, des objectifs commencent à être fixés qui ne relèvent pas du travail à effectuer, et ne sont pas mis en cohérence avec des moyens pour le faire, les horaires tendent à devenir sans limites (et sans paiement d'heures supplémentaires) on demande aux gens un savoir être et non plus un savoir faire, on n'a plus le droit de ne rien opposer, comme dans une dictature, avoir l'air réjoui de tout et n'importe quoi devient obligatoire sous peine d'être taxé de "non-implication". Pendant ce temps par rapport au coût de la vie réel, les salaires diminuent, et l'ancienneté n'est pas reconnue, au contraire, elle devient un facteur de moindre considération - vous êtes là depuis trop longtemps, soupçons d'être peu adaptables -.
Longtemps je suis parvenue à survivre sans compromettre mon intégrité, mais je n'ai rien pu faire quant à organiser une résistance, tant de gens semblaient ravis de courber l'échine, ou paraissaient avoir des vies personnelles si réduites que peu leur importait que le travail structure tout, s'immisce partout. Ou alors ils étaient doués pour faire semblant de s'en satisfaire.
Je ne savais faire semblant de rien du tout, dès que j'ai pu le faire sans que ma petite famille ne risque d'être à la rue, je suis partie.
Seulement voilà, tout le monde ne peut en faire autant. Il serait peut-être temps que l'on en revienne à des formes plus simples d'engagements professionnels, que les exigences concernent à nouveau les tâches à accomplir, les missions à remplir mais qu'on laisse les gens libres de les remplir au mieux à leur façon et sans intrusion.
PS : Par ailleurs un intéressant billet de blog chez Le Monolecte sur ce que le mouvement des automobilistes en colère dit éventuellement de l'état de notre société.