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Ce qui n'est pas si anodin (une chronique de Guillaume Erner sur France Culture ce matin)

 

    C'est une chronique de Guillaume Erner entendue au radio-réveil et que j'ai trouvé d'une justesse remarquable : la peopolisation des politicien-ne-s, et le mélange des genres vie publique - vie privée, n'est pas qu'une petite faiblesse de notre société de la télé-réalité, c'est un signe de mauvaise santé de nos démocraties. Il le dit bien mieux que moi donc ça vaut le coup d'écouter.

Et il termine sur une mention d'un propos d'Hannah Arendt, rappelant que pour elle "la confusion entre vie publique et vie privée était l’un des signes de l’affaissement de la vie démocratique", qui mérite d'être médité.


Datations

(à compléter)

 

    "Tous droits de traduction de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays y compris l'URSS" (1964, une édition française)

" éditions [nom] ; [adresse postale] ; télécopie : 01 xx xx xx xx"

 

addenda du 30/08/18

Soit Jean-Noël lit mon blog soit on a eu un rappel de nostalgie coïncidant : voici via Twitter de sa part de nombreux compléments.

 

 

 


Le sac dans le bac

        Une nouveauté m'attendait à la BNF que je n'avais pas fréquentée depuis le 10 août : désormais pour passer les contrôles à l'entrée il faut mettre "le sac dans le bac". Les bacs de plastiques doublés d'une sorte de mousse afin sans doute d'éviter les bruits de clefs et les bris d'écrans [de téléphones portables] servait jusqu'alors de vide-poches tandis qu'on présentait nos sacs (pour 7 personnes sur 10 un sac à dos noir fait pour y glisser verticalement l'ordi) à part et ouverts. 

J'imagine qu'il s'agit de réduire encore le gabarit de ce que l'on peut apporter. 

Et le sac à dos de l'ordi tient, juste mais tient, dans le bac.

Le hic c'est que du coup les objets usuellement déposés dans le bac se retrouvent écrasés. Ce n'est pas grave pour les clefs, plus gênant pour le téléphone et dans mon cas l'appareil photo (1). J'espère que cette consigne qui complique encore la vie sera vite abandonnée devant le malpratique de l'usage, qu'il ne s'agit que d'une expérimentation et que l'on demandera à son issu leur avis aux gens (les usagers et les surveillants). 

En tout cas j'avais bien fait alors que je passais chez l'opticienne sur le chemin vers le métro, donc en partant, de demander à ce qu'elle mette de côté le pack d'entretien de mes lentilles de contact que j'étais venues commander, plutôt que de le prendre avec moi en mode Quand je rentrerai ce soir il sera tard, la boutique sera fermée. Car pour le coup le pack et le sac ne seraient pas entrés dans le bac.
Même en écrabouillant copieusement le téléphone, le Navigo et les clefs.

PS : Comment va-t-on faire si l'on vient, comme ça m'est souvent arrivé, avec un petit sac supplémentaire pour les éléments de notre déjeuner ?

(1) Je me déplace rarement sans. Je prends des petites photos du quotidien tout le temps. Je faisais ça déjà avec des jetables autrefois

 

PS' : addenda du 30/08/18 
Au lendemain déjà, la consigne n'y était pas, nous avons pu disposer normalement des menus objets dans le bac et du sac, présenté ouvert, à côté. J'espère que ça n'était pas un essai pour plus tard mais seulement une initiative ponctuelle vite abandonnée. 


À retardement (sad news)

 

    Parce que j'étais fort peu connectée en Normandie puis en Normandie et encore moins lors de la journée passée en Bretagne improvisée la veille pour le lendemain, je n'ai suivi les événements généraux et personnels que très ponctuellement. Et si avec mon téléfonino je partage des photos sur les réseaux sociaux et parfois quelques phrases, je n'ai pas ou peu eu l'occasion de regarder ce que les autres ont déposé.

C'est donc seulement aujourd'hui lorsqu'après avoir dépoté l'urgent, dont certaines tâches ménagères, passé en revue les messages que je n'avais fait que survoler ("utilisation des données mobiles dépassées"), répondu à certains, et même préparé le dîner, que j'ai pris le temps de naviguer entre Twitter et les sites d'infos. Et c'est seulement par un entrefilet entraperçu au bout d'un moment que j'ai appris la mort accidentelle de Pierre Cherruau.

Nous ne nous connaissions que de vue, d'abord via l'Écailler puis par Après la lune. Je suivais son travail de journaliste en Afrique. Seulement à l'instar de Mathieu Riboulet il faisait partie de ces personnes dont l'existence fait du bien aux autres, même celles et ceux un peu loin.

Je suis bien attristée d'apprendre son décès, et qu'il s'agissait d'une noyade, en voulant sauver son fils pris dans une baïne (courant de retour) (1). J'ignore pourquoi mais l'apprendre à ce point après coup (c'était le 19 août, si j'avais été connectée je l'aurais appris le 21 je pense, par le statut sur FB d'un ami) ajoute à la tristesse.

Pensées pour sa famille et ses amis proches. Ça doit être si dur. J'espère qu'ils et elles tiennent le coup. 

 

(1) Il ne s'agissait en l'occurrence pas d'une baignade et donc le cas est différent, mais sinon d'une façon générale il faut éviter de se baigner à marée descendante dans les bords de mer où elle se retire loin. Dans ma Normandie, aux grandes amplitudes et aux courants localement violents, c'est ce qui se dit. Chaque nage en eaux libres, au même titre que chaque entraînement de vélo sur route a ses risques. Et la course à pied également dès lors qu'on est sur un tronçon bord de route.


Tissu social

 

    Il est des moments pas très faciles à vivre durant lesquels nous avons besoin des services existants. 

Je me trouvais à Cerisy la Salle venue sans voiture à devoir faire de façon impromptue dans la journée un trajet jusqu'à La Ville-ès-Nonais. 

J'étais triste. 
Il se trouve que je n'ai eu affaire qu'à des gens efficaces, professionnels et bienveillants. Et à des services ou des sites qui fonctionnaient. Quand tout va bien on trouve ça normal. Il n'empêche que ça ne va pas de soi et c'est ô combien appréciable.

Dans l'ordre chronologique : 

Le site Rome2rio qui m'a permit de me rendre compte que le déplacement était possible.

 La SNCF qui maintient encore pour l'instant quelques trains sur des lignes secondaires. Suffisamment pour pouvoir faire Coutances - Dol de Bretagne puis Saint-Malo - Dol de Bretagne - Coutances dans la journée à des horaires pratiques. Sans réservation préalable. Je pense de plus en plus que les transports en commun sont de l'ordre du service public. Pas destinés nécessairement à être profitables. Mais avant tout un bien commun qui permet aux personnes vivant dans une zone donnée de pouvoir répondre présents à leurs activités. La concurrence se fait le plus souvent au détriments des usagers devenus des clients que l'on ne prend en considération que s'ils rapportent de l'argent. 

Les taxis et ambulances La croix bleue service impeccable, d'une ponctualité remarquable. Un trop-perçu le matin (dont je ne m'étais pas rendue compte, puisque peu habituée n'étant que de passage à faire appel à leur service je n'avais pas remarqué d'anomalie) m'a été rétrocédé à mon retour le soir. Respect. 

Les taxis et transports Goblé société à Dol de Bretagne. Fiable. Courtois. Et le sens du service.

Par ailleurs il fallait bien nous sustenter et nous avons trouvé à Dol de Bretagne, impromptu, deux adresses parfaites : 

Crêperie La Table Ronde : nous n'étions pas d'humeur gastronomique, pas la tête à ça et pourtant nous nous sommes régalées. Et le service, courtois, efficace - ce qu'il nous fallait notre emploi du temps n'était pas large -.

Salon de Thé Aux délices d'Amélie : Le thé était excellent, de ceux qui se savourent et les gâteaux que nous avions pris en accompagnement avant le train du retour à se dire Il faut qu'on revienne. Du comme à la maison de quand la personne qui cuisine est douée et bien équipée. De plus il a suffi de signaler que nous avions un temps limité pour être servies avec une remarquable célérité. 

J'oublie sans doute quelques choses, la journée m'a fatiguée. Je tenais à exprimer ma gratitude à toutes celles et tous ceux qui l'ont facilitée.

 

 

 


Vie de château grâce à Hélène Bessette

 

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Elle en aurait été la première surprise. 

Et que les conversations et lectures autour de son travail partagent des lieux prestigieux - mais néanmoins fort accueillants - avec celles concernant celui de Goethe.

Et que nous soyons si nombreux et joyeux 

 

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Je n'aurais ni beaucoup de temps ni beaucoup d'internet pour venir ici souvent. Mais j'espère prendre des notes et chroniquer un peu, au moins après. 


Trente jours trente films

 

(billet à compléter)

Ce matin ce touite de Kozlika

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"Défi sur le cinéma - 30 jours, 30 films que j'aime. Pas d'explication. 1 personne défiée chaque jour, si elle le désire. Défiée par et je défie "

Je pense qu'assez vite je perdrais le fil des films déjà évoqués et des personnes déjà conviées. Du coup je me créé ce billet pour tenir ma liste, si j'y parviens. Est-ce que pour une fois je parviendrai à mener une vie suffisamment posée pour avoir JUSQU'AU BOUT les quelques minutes par jour nécessaires pour y penser, suspens.
[14 jours plus tard c'est déjà clair : je ne peux pas réussir à jouer à calendaire constant, je vais donc compter les jours certes mais ça ne sera pas nécessairement suivi un mois pile durant]

Par ailleurs je me dis qu'ici, qui constitue une sorte de sommaire et non le défi lui-même, j'ai droit aux explications. Je trouve ça plus marrant.

L'ordre est un désordre : le film qui me vient à l'esprit au moment où je me dis Tiens, quel film vais-je mentionner aujourd'hui ? Sur trente j'en oublierai certainement qui comptent, compteront, ont compté.

 

Jour 1 : L'albero degli zoccoli - Ermanno Olmi - 1978 - Italie
défi transmis à Robinson Boucan

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Mon premier grand choc cinématographique, peut-être que c'est à partir de là que je deviens cinéphile. J'ai quinze ans et, la musique de Bach n'y étant pas pour rien, je pleure comme jamais je n'avais pleuré dehors. Ce film parle des miens. Et pas seulement parce que j'ai un côté italien mais parce que je viens de ce monde-là, celui où l'on travaille sans relâche, moyennant quoi on parvient si les liens sont solides avec les autres à glaner quelques petites joies. Le moindre ennui, une chose qui casse et c'est la catastrophe. On ne nous pardonne pas. L'accès au savoir est rude et borné.

J'ai quinze ans et je comprends ce que ma vie sera.

 

Jour 2 : Casablanca - Michael Curtiz - 1942 - USA
défi transmis à Anne Savelli

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Je ne sais plus quand j'ai vu ce film pour la première fois. Sans doute sur un écran de télévision, le ciné-club du dimanche soir avec la voix de Claude-Jean Philippe en prélude important. Je m'identifie à Rick Blaine d'entrée, quelqu'un qui se voulait rangé-e des voitures, s'est fait une vie et qu'on requiert, et qui assure, quelqu'un qui a connu de grandes émotions amoureuses mais qui n'est pas l'élu-e, quelqu'un qui dans l'action trouve l'amitié. J'ai une tendresse pour Ingrid Bergman, sans doute que j'aimerais lui ressembler. Bogart m'agace un tantinet, il en fait trop, mais c'est ainsi et ça lui permet sans doute pour faire face d'attraper l'énergie.

Je découvre au passage le règne des fausses citations, le "Play it again Sam" qu'on m'avait vanté est plutôt "Play it, Sam, play it once more, for old time's sake". 
Assez vite j'achète la VHS un coffret collector en V.O. non sous-titrée. Je le regarde souvent le soir tard, quand j'ai un coup de blues. Allez, ce qui compte c'est l'amitié, et de rester fidèle à ses convictions, à ce qu'on est. Il fut un temps où je connaissais les dialogues par cœur. Intégralement.
J'ai vingt ans environ et je comprends ce que ma place sera, pour les autres, dans le meilleur des cas.

 

Jour 3 : Eternal sunshine of the spotless mind - Michel Gondry - 2004 -USA
défi transmis à Joachim Séné

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C'est mon ami Pierrot qui me parle du film il me dit que Jim Carrey ne fait pas que le clown, il me dit que ce film est pour moi. Cette narration destructurée, toutes sortes de mises en abyme, cette mémoire qui refuse de s'effacer parce qu'une personne a décidé de ne plus aimer, bon sang comme ça me parle. Et comme ce film me permettra de tenir le coup lorsqu'en 2006 je subirai une extrêmement violente rupture d'amitié. Je sais grâce à lui que l'on peut parvenir à ce que la mémoire des meilleurs moments reste même si l'autre, qui soudain a mieux à fréquenter, a décidé de les dégager. Je l'ai vu au ciné, sans doute peu de temps après sa sortie, avec l'homme de la maison que les libertés narratives avaient laissé un peu de côté. J'ai quarante ans et pigé depuis longtemps que le cinéma comme la littérature face à nos coups durs peuvent être d'un grand secours. 

 

Jour 4 : De Aanslag - Fons Rademaker - 1986 - Pays-Bas 
défi transmis à Romain Lemire 

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À l'époque de la sortie du film je suivais des cours de néerlandais à l'institut du même nom. J'avais pigé que l'on choisit assez peu si les expériences dans nos vies seront bonnes ou mauvaises, que l'on peut faire de son mieux seulement l'issue dépend des autres ou de circonstances que l'on ne maîtrise pas, mais qu'en revanche ça ne dépend que de moi d'en tirer des enseignements profitables et des sources de savoir. D'un chagrin et d'une compétence qui m'avait manquée pour l'éviter, j'avais décidé d'en faire une compétence acquise. J'apprenais donc le néerlandais.
C'est l'institut qui nous convie à une projection peut-être même une avant-première ou peut-être que nous avions une entrée gratuite pour aller voir le film à sa sortie où l'on voulait (il me semble cependant avoir un souvenir de prises de paroles). Je reste marquée, malgré une réalisation un peu scolaire un peu lourde et un acteur pour le rôle d'Anton Steenwijk qui fait trop son beau gosse. Parce qu'il y est question des traumatismes que les faits de guerre laissent. De comment ça réapparaît plus tard, alors que tout semble aller bien. Je comprends confusément que quelque chose de cet ordre concerne ma mère et ses sœurs et que nous autres de la génération d'après portons en nous quelques séquelles. J'aime infiniment la rencontre tardive d'un témoin qui fournit à l'inexplicable une explication. C'est quelque chose dans ma vie qui m'est déjà arrivé et m'arrivera encore fréquemment. J'aime le début, la famille qui fait ce qu'elle peut pour rester unie malgré la guerre, le jeu de petits chevaux (ou équivalent) après le maigre repas. J'aime la façon dont les études et le travail ont leur place (même résumée). J'aime le nom de Fake Ploeg et l'épisode des retrouvailles.
C'est le premier film que je vois dans lequel un personnage subit une crise d'angoisse ce qui me rassure un peu (il m'arrivait d'en faire lorsqu'une personne proche se trouvait dans l'imminence de la mort, comme si je risquais d'être moi aussi aspirée par les forces résistantes de l'esprit entraîné), c'est donc une anormalité normale, elle arrive à d'autres. 
J'ai vu ce film trois fois dont l'une, récente, après le suicide de l'interprète du rôle d'Anton garçon. C'était un peu comme si le traumatisme subit par le jeune personnage avait rattrapé l'acteur pas loin de cinquantenaire. Je l'ai trouvé terriblement trop scolaire à cette dernière vision, trop appliqué.

À la première vision, tout autre impression ; j'ai bientôt vingt-cinq ans et ma grand-mère était morte des conséquences indirectes du débarquement alors que ma mère n'en avait que douze. Un bébé garçon était mort aussi. Emportés par le début d'hiver 44/45 et de difficiles conditions de vie d'après les bombardements. Ce film panse quelques plaies.

 

Jour 5 : Le camion - Marguerite Duras - 1977 - France
défi transmis à Matoo

Images (1)

C'est une découverte ou peut-être une redécouverte toute récente, grâce à l'intervention de Marie Anne Guérin au colloque de Cerisy-la-Salle consacré à Hélène Bessette. Elle évoquait le lien entre ce film et l'importance d'Hélène Bessette pour Marguerite Duras. J'ai souhaité aussitôt le voir ou le revoir. Il se peut que je l'aie vu jadis à une époque ou le travail de Duras était comme le jazz pour moi. Quelque chose que je pressentais comme très intéressant mais encore inabordable. J'avais lu sans comprendre ni savoir apprécier "L'amant", impavide. Je crois bien que c'est "La douleur" et un long moment plus tard "Le ravissement de Lol V Stein" qui furent mes portes d'entrées ainsi que le cinéma. Avec également un faux départ sur "Hiroshima mon amour" vu trop jeune, vite lassée, et revu plus tard, scotchée. "Le camion" m'avait donc sans doute tenue à distance à un moment où il était quasi contemporain (peut-être une vague tentative, une rediff sur une télé, dix ans après sa sortie). En plus qu'Alain Depardieu même jeune m'agace prodigieusement. Mais à la revoyure, je suis parvenue à le trouver presque touchant. Et drôle. On voit clairement que par moments il se dit Elle m'emmène où, là, sur les feuilles ça n'est pas écrit comme ça. Alors il tente des petites impros et elle rebondit, impériale (1) - Une cigarette ? -. Au bout du compte ce film a la grâce, rehaussée par un charme d'antan (2).
Une femme d'un certain âge circule et se raconte. Deux personnages autour d'une table se racontent le film qu'on dirait qu'il feront. On voit dans nos têtes le film qu'ils font. On voit à l'image par moment le camion. Beethoven (variations sur un thème de Diabelli) accompagne ses déplacements lents.

J'ai bientôt cinquante-cinq ans et la femme d'un certain âge, ça pourrait être moi.
"Il n'a rien à faire d'une femme d'un certain âge".



(1) Peut-être que je suis en train de me faire un film du film et que tout était écrit au millimètre en fait.

(2) Ah les voitures ! Ah les enseignes ! Ah les chariots encore libres aux bords lointains des parkings des hypermarchés ! 

 

Jour 6 : Georgia (Four friends) - Arthur Penn - 1981
défi transmis à Kmillephilibert

Un meilleur lien

Téléchargement (1)

 C'est un film que j'ai vu en 1983 avec celui qui allait devenir mon compagnon pour longtemps et le père de mes enfants. Or ce film, précisément, relate l'ensemble de la vie de quatre ami-e-s, les garçons au départ un peu tous amoureux de la fille qui tient beaucoup à eux, mais pas forcément sur le versant amoureux. Le début de l'histoire même à l'époque ne m'avait pas passionné, un tantinet film de american teen-agers comme il s'en est tant fait. Et puis à un moment, j'accroche ; il y a du chagrin d'amour, un passage de la symphonie du nouveau monde de Dovrak (à 14"17' sur cette video d'un enregistrement de mars 2018 à Radio France avec Marzena Diakun à la direction), du travail pour guérir du chagrin d'amour, de la perspective d'un changement de classe sociale mais ça ne se passe pas comme ça, quelqu'un qui a un handicap et que quelqu'un d'autre aide et un fond de certaines années qui correspondent à mon fond d'enfance (il est question des premiers pas sur la lune, je crois) ; l'œuvre est longue très longue ce qui fait qu'un attachement prend. Dans mon souvenir nous sortons un peu agacés par certaines grosses ficelles (1), avec une impression d'être restés trop longtemps. Et puis dans les jours, les semaines, les mois puis les années, ce film va rester. Des scènes sur le moment pas si remarquables semblait-il se sont imprimées. Je ne l'ai vaguement revu qu'une seule fois, elles sont restées. Il me fut d'un grand secours quand vingt-trois ans plus tard il m'arriva à mon tour d'être "flinguée" après avoir été en quelque sorte adoubée, comme le héros du film sans l'avoir fait exprès. Je me souvenais de la brutalité dans le film. Quand le bonheur semble enfin là mais que quelqu'un décide que finalement pas. Je me souvenais que le fils de l'immigrant survivait et que peu s'en fallait. J'en ai fait autant.
J'ai vingt ans et j'ignore complètement qu'une existence en son long peut vraiment ressembler à ce qui me semble à l'image trop cinématographique, exagéré. Seulement je pressens que cette œuvre n'a pas tout faux. 
Une fois de plus je m'aperçois que je tends à déposer dans cette liste du 30 jours 30 films des films qui m'ont le plus marquée sans que nécessairement je les tienne pour des chefs d'œuvres de cinématographie.


(1) Même à vingt ans j'avais l'impression que les films USAméricains étaient fabriqués pour adolescents.

Jour 7 : Woodstock - Michael Wadleigh - 1969 ressorti en France en 1989
défi transmis à François Bon

Woodstock_film

J'ai d'abord connu la musique. Un soir de chagrin d'amour majeur, mon ami Pierrot m'avait recueillie auprès de sa famille et il m'avait branchée au casque sur Hendrix jouant l'hymne. J'étais rentrée à l'intérieur de la musique, de la recréation musicale faite avec force miraculeuse et sortie de la zone où l'amour brisé peut nous mettre en danger. 
Quand le film est ressorti en salles fin 1988 ou début 1989, je ne me suis pas fait prier pour y aller. Notre ami Olivier alors à Paris après un VSNE au Maroc souhaitait le voir aussi et nous y allâmes à quatre. Je crois un dimanche. Je ne sais plus qui fut le quatrième (au point que j'ai un doute soudain : n'étions-nous pas finalement trois ?). J'avais l'impression de comprendre enfin ce qu'avait tenté de m'expliquer en leur temps ceux de mes amis légèrement ainés ou mes cousins. Je m'y suis vue, avec ce bonheur que l'on peut avoir jeunes quand on a l'illusion que pour soi ça sera différent. J'ai pu m'imaginer dans la peau de l'une d'eux, quelqu'un qui avait de l'énergie et si peu de fatigue.

Au sortir du ciné, l'ami Olivier a décrété qu'il fallait absolument qu'il retourne au Maroc tenter de retrouver sa bien-aimée - comme si le film lui avait dit : Grouille-toi, gars, on n'a qu'une vie -. Et moi qui sentais quelque chose de l'ordre de It's now or never, j'ai dit, OK, compte sur moi. Et mon amoureux, quoique d'un naturel peu aventureux, par amitié pour lui et sans doute amour pour moi, a dit, On peut y aller, oui. 
Ce voyage fut un road-trip fondateur. J'y ai pris conscience de mes forces (et que ma vue avait baissé). Je peux m'autoriser à considérer que ce film a changé ma vie.
J'avais vingt-cinq ans environ, et je devenais adulte, vraiment, par sans doute le seul acte de "folle jeunesse" que j'aie jamais accompli 

 

Jour 8 (pour dimanche) : Fame - Alan Parker - 1980
défi transmis à Didier Da Silva  

Fame 2

 

Ce film ne compterait pas si je ne l'avais vu à Oxford en V.O. (sans sous-titre) en juillet 1982 en compagnie de mon amoureux et d'une bande de tout nouveaux potes de plein de nationalités lors d'un séjour linguistique qui marqua en quelque sorte le début de ma vraie vie. On était dans un enthousiasme, une énergie, une magie digne de celle des protagonistes. C'est le film qui a marqué mon entrée dans la danse (et le fait d'aller en boîte de nuit presque tous les soirs, lieux que je ne connaissais pas) : avant ça je ne comprends pas l'intérêt de danser, je ne connais que quelques danses bretonnes, pour le reste pourquoi mais pourquoi est-ce que les êtres humains sont censés aimer se secouer en rythme. Après, un déclic s'est fait, et la danse devient un élément indispensable de ma vie, quelque chose de nécessaire pour se sentir équilibrée.  Comme chantait le grand Jacques, il faut bien que le corps exulte. Pour moi ça passe (avant tout) par là. La danse, c'est la vie.
J'ai revu ce film longtemps plus tard et je suis restée marquée par l'écart entre l'idée que je m'en étais faite et le film tel qu'il était : la violence - la vraie, celui dont la petite sœur, quartier sordide, se fait violer (ce que j'avais totalement occulté, ou tout simplement pas pigé) ; la plus diffuse dans la concurrence de chaque instant entre les gens pour émerger -, le monde impitoyable, les déceptions. Dans mon souvenir de fille de 19 ans, amoureuse, épanouie, insouciante pour la première fois et à un point que je n'atteindrai plus jamais, il n'était que danses, que réussites, que bonheurs partagés.  Tous allaient s'en sortir, aucun-e ne serait arrêté-e. 

 

Jour 9 : Dough - John Goldschmidt - 2015
défi transmis à Celinextenso

Dough1

 Nous avons vu ce film le dimanche 15 novembre 2015 au festival de cinéma d'Arras et ce fut un miracle. Le festival avait failli être interrompu après les attentats de Paris le vendredi. La décision avait finalement été prise de poursuivre en plaçant des vigiles aux entrées (contrôle des sacs). Il était quasiment impossible de regarder les films sans arrière-pensées surtout pour ceux du samedi alors que nous ignorions encore si parmi les victimes figuraient ou non certains de nos amis. Et puis voilà, le dimanche, ce film qui est une comédie. J'étais la première à penser que je venais par une sorte de conscience professionnelle festivalière mais que ça ne saurait fonctionner. 
Et puis voilà, le film était si réussi, si fin, si bien interprété et si humaniste, que non seulement il était parvenu à nous faire rire à travers nos larmes et sortir d'une sorte d'état de "K.O. debout", mais aussi à nous faire reprendre espoir. Non, malgré l'horreur des massacres, la haine n'allait pas l'emporter. Never. No way. 
Ce film peut soigner.

 


Jour 10 : Jeanne Dielman 23 quai du commerce - Chantal Akerman - 1975
défi transmis à Tiphaine

Jeanne

Je crois que j'avais vu ce film au moins pour partie (avant de m'endormir) lors de la décennie suivante un soir tard à la télé (ciné-club ?) à moins que lors d'un week-end de ciné-club justement. Mais sans comprendre, sans accrocher. Percevant que quelque chose d'hypnotique se jouait là, de très réussi, mais j'y étais assez imperméable. Peut-être que je n'avais pas trop pigé qui étaient ces hommes que la femme recevait. 
Et puis au printemps (vérification faite : c'était encore l'hiver, c'était en février), Anne Savelli évoque ce film. Elle en écrit entre autre "Quand on rentre chez soi, débarrasser la table, ranger les couverts dans un tiroir deviennent à leur tour une expérience.". Je sens que c'est le moment pour moi de voir ce film enfin vraiment et cette fois-ci c'est ça. Entre temps j'ai connu moi aussi les gestes quotidiens répétitifs - ce qui n'a pas changé pour moi par rapport à la première vision c'est que ce qui est peut-être censé être le cœur du film, cette prostitution feutrée, m'indiffère et je n'avais d'ailleurs pas réellement compris le dénouement (m'inventant une cause différente et plus complexe) -, et les mots relativement rares, et aussi de m'être replongée par obligation dans les souvenirs familiaux qui me renvoient à un quotidien très semblable à celui de Jeanne Dielman, du type d'objets manipulés aux courses faites au jour le jour (ce que ma mère pratiquait), on dépensait menu, on le faisait à pied. Du coup ce film enfin me fait de l'effet, et durable, et ça me portera les semaines à venir, comme un peu de courage pour les tâches ménagères, bizarrement. 
Je comprends mieux aussi, mais à retardement, pourquoi la mort de Chantal Ackerman m'avait touchée. 
Je suis reconnaissante à Anne de m'avoir fait (re)découvrir ce film.

 

Jour 11 : La merditude des choses - Felix van Groeningen - 2009 - Belgique
défi transmis à Silken

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Jour 12 : Le porteur de serviette (Il portaborse) - Daniele Luchetti - 1991 - Italie 
défi transmis à Fauvetta

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Jour 13 : Solaris - Andreï Tarkovski - 1972 - Union Soviétique 
Défi transmi à Zvezdo

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Jour 14 : Les habitants (de Noordelingen) - Alex van Warmerdam - 1992 - Pays-Bas
défi transmis à Krazy Kitty

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Je crois que j'ai découvert ce film à sa sortie, toujours grâce à l'Institut Néerlandais, puis revu deux fois (une en festival ou week-end de ciné-club l'autre à l'occasion de la ressortie en salle en 2012 je crois ?). La première vision fut une fascination : on y retrouvait l'enfer pavillonnaire dans un virage exacerbé, comme si chaque germe de ce que ça contient comme éléments de vie était poussé à l'extrême. Il y a une sorte d'humour désespéré froid, de décalage, qui infiniment me va. Le facteur farfelu et zarbi (1), le peu de dialogues. Comprend qui veut ou peut. Il y a même aussi le rapport avec la Colonisation - le jeune garçon et Lumumba -. 
Ce qui est intéressant, c'est que ce que le film était resté en ma mémoire est très différent de ce qu'il était : j'avais totalement oublié l'hypersexualité du boucher, une part de la folie collective (quand tout le monde s'agglutine à la fenêtre pour révérer la voisine en voie de sainteté). Je crois que je préfère le film que je m'en étais fait. 

 

(1) inspiré d'un film Bulgare ou Hongrois des années 50 ou 60, je ne l'ai croisé que longtemps après

 

Jour 15 : Ordet - Carl Theodor Dreyer - 1955
défi transmis à Tristan Nitot

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Jour 16 : Forrest gump - Robert Zemeckis - 1994 - USA
défi transmis à Thomas

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C'est curieux, je ne sais si j'ai vu ce film une fois ou deux. Une seule me reste avec certitude, celle de 2006, soit longtemps après sa sortie, sur le Home Cinema que j'avais (indirectement) gagné grâce à la grande amie qui venait de me quitter. C'était mon premier chagrin d'amitié comme on parle d'un chagrin d'amour.  Bien sûr avant elle, j'avais connu comme tout un chacun mon lot de tristesses amicales et déceptions : essentiellement des personnes que l'on ressent proches mais qu'il suffit d'un changement important (changement de boulot, de lieu d'habitation, d'amour, naissances d'enfants ...) pour perdre comme si on avait peu compté les uns pour les autres finalement. Avec ma fatigue de thalassémique qui fait qu'à tant de périodes j'ai pu assurer pour le travail nourricier + ma petite famille + les difficultés de la vie mais pas un pas de plus, j'ai sans doute été moi-même perçue comme responsable de tels éloignements (il n'en était rien, j'attendais les vacances suivantes pour répondre ou rappeler, la prochaine période calme). Cette fois c'était différent : il s'agissait, d'une amitié fondatrice, de quelqu'un d'indispensable dont la sortie de ma vie restait incompréhensible et avait été d'autant plus brutale que j'aurais sans doute été supposée piger par moi-même. 
Les années m'ont apporté des bribes de réponses. 
L'influence sur le cours de ma vie, si elle n'a pas été tout à fait celle qu'elle était partie pour produire, fut grande et malgré la rupture subie et ses dangers, j'en reste reconnaissante. 
Seulement lorsque j'ai vu ce film, le profond vacillement que ça disparition avait engendré a contribué à mon identification au personnage de Forrest Gump. Elle pré-existait à plus d'un titre - du handicap accentué par la mère, au fait de me retrouver sans le faire exprès là où se passent des moments plus ou moins historiques, en passant par réussir des trucs sans comprendre et ne vraiment pas s'en sortir là où personne ne voit le problème, mon côté "bécassine béate" (1) - elle s'est accru du "I was thinking of Jenny all the time". 
Est-ce en raison du film que 6 ans plus tard moi qui avais toutes les qualités pour ne jamais m'y mettre (thalassémie et pieds plats) je me suis à mon tour mise à courir, je ne sais. Le faisceau de causes déclenchantes dont une est très rationnelle (condition physique pour mon métier de libraire, exigeant) est important. Mais Run Forrest, run , a probablement joué.

 (1) © Samantdi 

 

Jour 17 : Caro Diario - Nanni Moretti - 1993 - Italie
Défi transmis à Thomas Gunzig 
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J'ai vu ce film il me semble à sa sortie en France et plusieurs fois revu depuis. Il est en trois parties : La Vespa - Les Îles - Les médecins 
La première est un régal, balade à Vespa dans Rome avec ce personnage un peu lunaire qu'il se joue ("E la storia di un pasticere trostzkista" est un moment grandiose), et je ris tout en trouvant ça beau. 
La seconde a des moments de "trop bien vu" hilarants, entre autre au sujet de l'emprise de la télé sur nous. 
Le troisième est plus particulier puisqu'il s'agit de la longue recherche d'un diagnostic puis de la cure, une fois la maladie identifiée. L'humour est là mais pour peu que soi-même ou quelqu'un parmi nos proches en soit passé par là, il est moins évident d'en rire de bon cœur. Disons qu'avec Nanni Moretti on peut s'accorder l'élégance d'envisager d'en (sou)rire. 

Il m'arrive encore parfois d'en regarder quelques minutes prises au hasard, histoire de reprendre moral ou courage. Ou de me sentir moins seule avec mon humour décalé, ici retrouvé. J'ignore au fond d'où vient ce pouvoir de réconfort que ses films ont sur moi ; peut-être parce que les films de Nanni Moretti sont un peu chez moi. Je crois d'ailleurs que j'ai apprécié tous ceux que j'ai vus. Un peu comme si j'avais un grand frère cinéaste, un peu fantasque, au sein d'une famille où l'on s'entend bien. 

 

Jour 18 : Smoking/No Smoking - Alain Resnais - 1993 (?) - France , Suisse , Italie 
défi transmis à Kathy Peineflamme 

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 Ce film présente pour moi un mystère : je suis persuadée de l'avoir vu par bribes après l'avoir enregistré sur une cassette video lors d'un passage à la télé sur la chaîne La Sept et que c'était pendant mon congé maternité suivant la naissance de ma fille soit durant l'été ou l'automne 1990. Je me revois profiter des interstices entre deux tétées pour regarder une séquence et que le film en ses deux parties convenait parfaitement à une vision morcelée. Pour cette raison j'avais mis plusieurs semaines à le voir et ça avait contribué à l'envoutement. Je me revois le regarder dans l'appartement que nous avions rue Martre à Clichy, dans la lumière entre autre des milieux / fins d'après-midi, tout en éclusant un peu de repassage.

Je me souviens d'avoir été saisie par le côté, une petite décision et tout peu changer, dont j'étais déjà très consciente depuis un voyage que j'avais fait à Oxford en 1982, lui même dû au fait d'avoir croisé un prospectus publicitaire à l'université d'Orsay en allant jeter un coup d'œil à l'accélérateur de particules qui s'y trouvait à l'occasion d'une démarche d'inscription en cumulatif destinée à m'épargner la faillite scolaire absolue en cas d'échec en classes prépa. Il y avait eu sur ce coup-là et cette décision fondatrice un parfait enchaînement similaire au film, Je m'inscris par précaution Oui / Non puis un arbre d'options et ce voyage qui change le cours de ma vie. Sans avoir revu le film ou pas dans son intégralité, j'y repense souvent (et entre un Yes or No je choisis souvent l'action plutôt que l'attente, curieuse de voir où ça me mènera, le choix de m'efforcer de vivre sans regrets est, lui, délibéré, ma philosophie étant d'essayer quitte à échouer, faire de mon mieux, sans arrêt). 

Seulement voilà, le film est réputé être sorti en 1993. Aurais-je confondu deux périodes de congés maternité ? Et vu le film à l'été automne 1995 après la naissance de mon fils ? Mais dans ce cas pourquoi n'ai-je le souvenir que d'un seul enfant, le bébé à s'occuper ? Et pourquoi le souvenir n'est-il pas lié à notre logement d'alors mais au précédent ? Le film aurait-il bénéficié d'une diffusion sur La Sept qui ne s'appelait par encore Arte avant d'être distribué en salles ? 
Souvenir réel ou recomposé, quoi qu'il en soit, c'est un film qui m'aura durablement marquée. Un choix quotidien anodin, et tout peut basculer.

PS : J'y ai beaucoup repensé après l'attentat de novembre 2015 au Bataclan au vu du nombre de personnes concernées que je connaissais, ou qui ont failli se trouver dans l'un des restaurants visés. Aller au concert ou finalement pas, vas-y tout seul j'ai un travail à terminer, en chemin pour dîner au Petit Cambodge mais finalement une personne préfère manger dans un restaurant un peu gastronomique français ... tant d'amis se sont retrouvés avec la sensation au goût de cendre d'en avoir réchappé en raison d'un petit choix au départ anodin. 
Depuis, je n'incite plus jamais qui que ce soit à me suivre lors de sorties pour le plaisir, j'aurais trop peur de me sentir coupable d'avoir entraîné quelqu'un alors que s'il ne m'avait pas écouté il serait encore en vie. En revanche, je refuse de changer mes choix personnels en fonction de quelque menace que ce soit. Advienne que pourra.

 

Jour 19 : It's a wonderful life - Frank Capra - 1946 - USA 
défi transmis @Souris_Verte 

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Je ne sais combien de fois j'ai vu ce film, ni quand fut la première fois, à un ciné-club sans doute. J'ai appris plus tard qu'aux USA pour des questions de droits mal protégés qui rendaient sa diffusion peu coûteuse, il était systématiquement diffusé à Noël à la télé.
En revanche je sais que je me suis toujours identifiée absolument et sans limites au personnage de George Bailey dont je partage le syndrome : chaque fois que je m'apprête enfin à pouvoir donner à ma vie le sens qui m'appelle survient une catastrophe intime ou collective, un deuil, quelque chose que l'on n'attendait pas et qui par sens du devoir m'amène à endosser de tout autres responsabilités. À force et comme lui, je finis parfois par être au bord de craquer.
Par deux fois dans mon existence j'ai cru avoir croisé The angel with a broken wing et cru qu'enfin j'allais pouvoir reprendre son cours espéré, par deux fois ce fut d'un grand secours, mais ces anges n'en étaient pas qui me quittèrent à leur tour, me laissant dans un grand désarroi. Une autre fois quelqu'un a effectivement ponctuellement et efficacement joué le rôle de l'ange, un ange consul, on dira.
L'âge venant j'ai hélas de plus en plus fréquemment l'impression de ressembler à la femme de George dans la séquence où elle est la dame presque âgée encore belle mais éteinte telle que devenue après que George serait mort (ou : ne l'aurait pas aimée), séquence que lui fait entrevoir l'ange et qui permet à George Bailey de reprendre du poil de la bête.
Bref, par quelque bout qu'on le prenne, ce film, ce sont nos vies.

 

Jour 20 : La vita e bella - Roberto Benigni - 1997 - Italie
comédie dramatique italienne (ce qui est un genre en soi)
Perdu le fil des transmissions, prends qui veut

Capture d’écran 2018-11-28 à 14.11.15

Je sais que ce film a fait polémique à sa sortie, il évoque les camps de concentration de la seconde guerre mondiale sur un ton de conte philosophique dont je comprends très bien qu'il puisse être insupportable à celleux dont la famille fut décimée. Pour autant, je crois que nous sommes à présent entrés dans l'ère où il faut à tout prix maintenir la mémoire de ce qui s'est passé, les témoins directs ne sont plus qu'une petite poignée et très âgés, alors il devient nécessaire de faire feu de tout bois. Une fable, respectueuse, pourquoi pas ? 
L'histoire de celle-ci débute en 1939 dans une petite ville d'Italie, Guido, jeune homme fantasque, enlève (pour sa plus grande joie) celle qui fut fiancée à un autre et devient sa femme, Dora, e cosi via. Mais surviennent les persécutions envers les juifs, Guido est embarqué avec leur fils Josué. Elle les suit mais ils sont séparés quoi que dans des camps voisins. Pour que l'enfant survive, le père avec une énergie du désespoir qui force l'admiration, s'efforce de faire croire au petit qu'il s'agit d'un grand jeu et qu'il gagnera un tank s'il est sage et qu'il joue bien. Ce faisant, il inculque des "survival tips" au gosse, lequel accomplit les bons gestes, les actions qui le sauvent, en croyant jouer.
Ce film a beaucoup à voir avec une conception italienne des soins aux enfants, collectivement les adultes, plus qu'en France, notamment, tentent de laisser croire aux petits que notre monde peut être doux et plein de poésie, et les adultes aimer jouer, même s'ils n'en ont pas toujours le temps. 
J'ai vraiment grandi en le croyant : que s'ils avaient du temps de libre, les grands viendraient jouer avec nous les enfants, que l'envie ne leur en passait pas avec l'âge, que c'était seulement à cause des responsabilités qu'on attrapaient. Et j'ai très longtemps cru que leur mauvaise humeur, leur violence était due à cette frustration : les pauvres n'ont plus le temps de jouer, pour se défouler et rire, ils n'ont plus le temps de faire semblant. Il me paraît aller de soi que des parents se sacrifient pour que survivent leurs enfants.
Alors forcément ce film m'a touchée au plus profond. Et fait pleurer et rire - Benigni y est au sommet de son génie -. C'est une œuvre qui se situe au croisement entre tendresse rire larme intime et politique, très militant l'air de rien et qui correspond à ma façon de fonctionner. 
Pour parachever l'effet, le petit Giorgio Cantarini ressemblait beaucoup à #LeFiston, ce qui achevait de me faire fondre. 

 

Jour 21 : La terre éphémère - George Ovashvili - 2014 - Georgie (+ Allemagne, France, République Tchèque, Kazakhstan)
drame universel
Perdu le fil des transmissions, prends qui veut

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Un bel article avec des extraits, ici

J'ai découvert le travail de George Ovashvili, mon jumeau d'anniversaire, grâce au festival de cinéma d'Arras. C'était "L'autre rive" et déjà formidable. L'histoire d'un jeune réfugié d'Abkhazie qui quitte Tbilisi où il vivait finalement avec sa mère pour tenter de retrouver dans leur région d'origine son père resté là-bas au moment du conflit et dont ils sont sans nouvelles.
Parfois il y a comme ça des films qui vous marquent, qui restent longtemps en mémoire. 

Ce qui fait que lorsque fin 2014 son nouveau film "La terre éphémère" est projeté à Arras, je m'y précipite, malgré un festival en pointillé car je devais certains jours retourner à Paris travailler : il était impossible d'obtenir des congés. 

L'histoire est minimaliste : la coutume veut que les îles éphémères et fertiles qui apparaissent à la belle saison sur un fleuve entre la Géorgie et l'Abkhazie (le fleuve Inguri) puissent être occupées et cultivées par qui veut ou peut. Un vieil homme et sa petite fille s'installent sur l'une d'elles pour y semer du maïs en espérant pouvoir le récolter avant les crues de l'automne. Seulement la guerre est à leur porte, générant des passages d'hommes armés et à tout le moins une menace diffuse.

C'est beau à en pleurer, pétri d'humanisme et de sensibilité à la nature - sans qu'elle soit idéalisée, rudesses et beautés ; ni les êtres humains non plus d'ailleurs -. Ce film et son côté à la fois, de parabole et très concret, correspond à ce point à ma sensibilité profonde que je pleure d'un bout à l'autre, peu importe le nombre de visions (deux à ce jour, car je tenais à faire découvrir ce film au Fiston). La première fois que je l'ai vu, j'ai eu sur plusieurs séquences le souffle coupé, ces temps où l'on s'aperçoit, ça le fait à l'opéra lorsque les chanteuses et chanteurs sont en état de grâce, qu'on était depuis plusieurs minutes en apnée.
Je ne prétends pas que ce qui est pour moi un absolu chef d'œuvre vous fasse autant d'effet. Et peut-être que dans le monde tel qu'il est, ça serait mieux pour vous que vous le trouviez ennuyeux. 

 


De l'indulgence pour les ignorants prêts à se montrer bienveillants

    
    (réflexion hâtive après conversations)

Il arrive fréquemment que sur les réseaux sociaux une personne ou une autre se fasse éreinter par cette sorte de collectivité mouvante parce qu'elle aura eu une parole malheureuse du point de vue d'un groupe auquel elle ne pensait pas forcément. 
Il est évident que le monde de l'internet est truffé de trolls qui se font un malin plaisir de persécuter et heurter le chaland. 
Seulement parfois ce sont des gens de bonne foi qui commettent une bourde - moi parmi d'autres sans doute aussi -. J'ai beaucoup appris depuis ma vie en ligne grâce à des ami-e-s qui font parti-e-s pour un élément de leur d'un ensemble ou d'un autre auquel je n'appartiens pas. Le plus souvent c'est au sujet de persécutions ou discriminations dont ils ou elles font l'objets et que je croyais naïvement d'un autre âge.

Deux de mes ami-e-s vivent en fauteuil roulant et avant de les rencontrer j'imaginais vaguement la difficulté que c'était, mais je ne mesurais pas à quel point les gens envers eux avaient des préjugés (comme si le fonctionnement des jambes intervenait dans celui du cerveau) et pas non plus à quel point dans la ville si peu d'accès sont aménagés. 

Hors de l'internet, un truc tout bête : il se trouve que #LeFiston est grand. Pas immensément grand mais de bonne stature pour quelqu'un de notre temps. Je suis de taille moyenne pour une femme, et l'homme de la maison pas spécialement grand. La plupart des équipements publics et dans la maison sont pour nous d'usage confortable. Nous sommes assez standards ; dans la vie courante, il est très rare que j'aie à me poser la question de Comment vais-je faire ? parce que je suis trop petite ou trop grande. Mais depuis qu'il a atteint sa taille adulte, je me suis souvent surprise à penser, si mon fils m'accompagnait, là il devrait se baisser, ou que tel objet est bien bas pour lui. Aujourd'hui encore à la BNF pour accéder par exemple en salle P ou dans les "clubs" (là où l'on peut prendre au distributeur un café). Je passe à l'aise malgré une sorte de dessus de passage en bois. Lui devrait se baisser. Ma conscience d'une certaine fatigue qu'il peut y avoir à être grand (au milieu d'une foule d'avantage dont celui d'être par défaut considéré comme compétent, alors que quelqu'un de petite taille doit toujours prouver qu'il l'est) est récente et date de lui. 

Il me semble qu'on devrait être indulgents envers celleux qui parfois par mégarde peuvent avoir un commentaire ou une attitude blessante envers un groupe qu'ils n'envisageaient pas. Parce qu'ils font partie d'un lot majoritaire pour lequel la question ne se pose pas. 

Ça vaut entre autre pour le féminisme : bien des hommes sans être misogynes n'imaginaient pas avant la vague de libération de paroles déclenchée par #MeToo à quel point certaines attitudes de beaucoup de femmes étaient motivées par un réflexe de protection face à un danger plus ou moins latent et permanent. Il faut parler et expliquer patiemment. Nous deviendrons ainsi les uns pour les autres nos meilleurs alliés afin que le monde soit plus supportable pour toutes et tous et quelles que soient nos caractéristiques.