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Une allégresse

 

    Une période de ma vie professionnelle va bientôt prendre fin ; compte tenu du contexte - je ne suis toujours pas revenue à mon équilibre après le décès de ma mère couplé à d'autres difficultés sérieuses concernant ma famille au sens large ; j'ai fait ce qui était devant être fait, mais il reste toutes sortes de tâches moins urgentes, pas moins importantes à accomplir - c'est peut-être quoique triste une chance. Tout s'est aussi passé comme si j'avais utilisé un de ces ustensiles d'aide au regonflage quand un pneu de vélo est crevé. OK ça permet de finir le trajet, il n'empêche qu'à un moment il faut bien s'arrêter et vraiment réparer. 

Le temps est bientôt venu de le faire. Vraiment réparer. Ne plus tenir le deuil à distance à coup de sur-occupation professionnelle mais le laisser enfin traverser. Cette perspective, paradoxalement, me remplit d'allégresse.

J'ai bien d'autres projets pour la suite et eu de bonnes nouvelles récentes de ma santé ce qui me laisse croire à un possiblement bel avenir.

Mais d'abord finir les choses bien, puis souffler, faire bien du sport (sans forcer, comme pour une convalescence), prendre enfin le temps de pleurer, écrire, ranger, tenter de remettre enfin d'aplomb l'organisation de la maison.

Et dans le très immédiat, objectif Cublize : parvenir à le boucler, ce triathlon distance M. Malgré qu'entre le travail très prenant et le déménagement des affaires et meubles de mes parents, je n'ai pas pu m'entraîner comme il eût convenu. Et cette allégresse-ci est en forme de défi. 


Un article passionnant sur la pression faite aux femmes sur la limitation de leur espace

 

    Je suis arrivée sur son blog après avoir lu un touite de Noémie Renard et la conversation qui s'ensuivait. Il concernait un plagiat dont elle vient de se rendre compte, au sujet d'un ouvrage publié à partir de toutes sortes de travaux d'autres personnes au sujet du féminisme. On dirait que son auteur théorique a cherché à illustrer par son exemple même à quel point le féminisme était une nécessité.

Du coup j'ai lu d'autres billets de ce blog, "Sexisme et sciences humaines - féminisme" vraiment passionnant. 

Et parmi ceux-ci celui-là qui recoupe pile une conversation récente avec l'homme de la maison, lequel trouve les bras fins plus féminins (1) : 

L'impuissance comme idéal de beauté des femmes - Une faible occupation de l'espace 

Chaque paragraphe fourmille d'idées et de constatations sur lesquelles individuellement nous ne savons pas forcément mettre un nom (2). 

Une fois de plus je me suis rendue compte d'à quel point j'étais en révolte et décalage absolu face à ce que la société attend traditionnellement des femmes. À quel point j'ai traversé ma vie sans m'y plier et parfois sans même en avoir conscience : au point parfois de me manger les murs de verre assez violemment, comme dans le cas du foot alors que j'étais enfant. À quel point je m'en suis portée bien, fors sur une histoire d'amour probablement, qui n'eut pas vraiment lieu puisque j'étais trop hors critères. En fait tant mieux. Si quelqu'un tente de nous faire changer sur de nos façons d'être qui ne sont pas nocives (3) afin de pouvoir soi-disant mieux nous aimer, mais au fond nous faire rentrer dans ses critères et ses préjugés, il vaut mieux s'en éloigner. Notre bonne apparence est celle dans laquelle nous nous sentons à l'aise, pas celle qui nous vaut l'appréciation du regard des autres. Si elles coïncident tant mieux, sinon, tant pis. Séduire est réducteur et dangereux comme unique but d'une vie.

 

 

(1) Depuis que je suis devenue libraire et triathlète, je ne fais plus partie de cette catégorie. Et j'en suis fort aise : avoir quelques muscles aux bras facilite réellement la vie.

(2) À propos de mettre un nom, autre article fort instructif, celui-là de Bejamin Pierret

(3) Par exemple si quelqu'un est alcoolique, drogué, trop fumeur, dépensier ou violent et que son conjoint tente de l'en détacher, c'est assez nettement pour son bien.


Assombrissement du quotidien


    Capture d’écran 2018-06-05 à 10.56.21

C'est le touite d'une amie dont le compte est privé, du coup je ne cite que le texte, qui m'y a fait songer : depuis la nouvelle épidémie de terrorisme, celle liée à l'islamisme et qui donne l'impression depuis le 9/11 de courir après un nouveau record d'horreur, qu'on le veuille ou non, qu'on ait modifié ou non nos habitudes et nos activités, nos vies quotidiennes, du moins dans les grandes villes ont changé.

Déjà en tant que citoyens, dans un pays comme la France à coup d'états d'urgence et de lois anti-terroristes on s'est fait engloutir nombre de libertés. Tant que nos dirigeants se prétendent encore démocrates, on ne sent pas encore trop la dérive mais ça viendra vite le jour où d'encore pires arriveront, qui ne feront même plus semblant. Peut-être même qu'écrire ces mots suffira à s'attirer des ennuis.

Mais il y a déjà une foule de petits détails du quotidien, qui prouvent leur emprise. On n'y fait plus forcément attention, on s'est adaptés.

C'est insidieux : chacun d'entre nous, et c'est le cas des personnes que je connais peut avoir le sentiment d'avoir résisté, de n'avoir rien changé : n'en déplaise aux terroristes, nous avons continué à sortir, aller au concert, au théâtre, au cinéma, aux terrasses des cafés, aux événements de grande foule (1). 

 Il n'empêche que notre vie quotidienne n'est plus exactement la même, qu'elle s'est singulièrement compliquée.

Depuis longtemps à Paris nous avons pris l'habitude d'ouvrir nos sacs et de passer des portillons de contrôle. C'est devenu machinal. Comme un départ perpétuel pour des voyages sur place en avions qui ne décolleraient guère.

Nous avons vu progressivement disparaître les consignes, pourtant bien pratiques. Je me souviens d'un temps où chaque gare avaient les siennes. 
Les vestiaires des lieux publics sont devenus restrictifs : plus de valises, si vous êtes de passage, débrouillez-vous pour ne pas circuler avec vos bagages ou ne visitez rien.

Petits exemples parmi bien d'autres : 

J'ai vu les accès à la BNF se réduire : non seulement géographiquement, une seule entrée, à l'est désormais, quand l'entrée ouest était si pratique lorsqu'on venait par la ligne 6 et qu'on séjournait dans l'une des salles du même côté ; mais aussi qualitativement : plus de valise ou de sac un peu gros. Les sacs à dos d'ordinateurs sont encore tolérés. Pour l'instant.

En tant que libraire et le plus souvent par inadvertance, il m'arrive d'avoir sur moi un cutter : ça sert sans arrêt au travail pour les cartons. Je pressens qu'un jour on me refoulera à une entrée ou une autre.

Voilà qu'hier soir, alors que j'enchaînais un peu de sport en salle, un dîner et une séance à la cinémathèque j'ai failli me voir interdire l'entrée de celle-ci à cause du sac de sport, pourtant de petite taille, certains sacs à main vastes sont de même gabarit, mais voilà c'était "sac de sport" et "sac de sport" est désormais (2) proscrit. Grâce à la bienveillance intelligente de celle et ceux qui tiennent le "Bistrot du métro" où nous avions (fort bien) dîné et que je tiens à remercier, j'ai pu aller malgré tout au ciné, mais il s'en est fallu de peu.

Ce sont de petites choses, il y en a d'autres, je manque de temps pour tout noter, mais sous l'influence des événements, des différentes attaques, nos vies se compliquent, rencontrent des limites dont elles se passaient bien.

En l'occurrence ces restrictions d'accès sont un peu discriminatoires : le touriste de passage qui n'a pas un hôtel où laisser ses bagages et le banlieusard même proche qui n'a pas le temps de repasser chez lui se délester de ses affaires entre deux activités, ne peuvent plus se rendre dans certains endroits, il n'y a pas si longtemps pourtant accueillants. Bientôt les établissements culturels ne seront de facto plus réservés qu'aux personnes logeant intra-muros - donc a priori plutôt aisées, même s'il existe encore des HLM dans Paris - et disposant de temps personnels larges.

On finit aussi malgré soi par devenirs méfiant-e-s : sous la pluie battante du début de matinée, j'ai croisée une femme qui s'était protégée en ce mettant un tissus sur la tête, j'imagine qu'elle voyait au travers, pour le reste vêtue sobrement, quoi qu'avec des habits plutôt amples. Il n'y a pas si longtemps, je me serais dit quelque chose comme : elle y tient à sa mise en pli. De nos jours j'avoue m'être demandée à sa vue, ce que ça cachait, s'il n'y avait pas, sous-jacent, un danger.

Insidieusement, sous les coups de boutoir des actes insensés et violents - encore à Liège, tout récemment -, nos vies se modifient.
Et je ne parle même pas des votes déjà influencés et des glissements sécuritaires de (presque) tous les partis.  
Je suis nostalgique d'un temps où la révolte des nouvelles générations s'exprimaient par des tentatives de révolutions - rendre le monde meilleur et non pas mortifère -, d'utopiques Peace and Love, de plus sombres "No future" - mais les Punks ne cherchaient pas à tuer systématiquement qui ne l'étaient pas -. À présent la révolte et l'idéalisme sont suicidaires et armés. Je reste persuadée que si les voies d'accès à des existences apaisées, des vies modestes possibles mais dignes, restaient ouvertes, les manipulateurs auraient moins de succès. L'ultra-libéralisme et l'ultra-consumérisme ont créé leur propre monstre. Dévorant.

À part ça, le film, "Sans soleil" de Chris Marker, était formidable et d'une grande vista. Il avait tout compris. 

 

(1) Nous venons d'avoir participé à La Convergence pour la journée de fête du vélo, motivés.  
(2) J'ignore depuis quand : il me semble qu'il n'y a pas si longtemps encore lors d'une journée non-travaillée j'ai enchaîné sport et activité culturelle sans rencontrer de souci particulier, simplement en ouvrant le sac et montrant son contenu - des affaires de gym - à l'entrée. L'hypothèse de qui m'accompagnait était qu'en l'absence de vestiaire le soir, les consignes étaient plus restrictives en soirée.