D'emblée lisant "Camille mon envolée" j'ai su que Sophie Daull ferait partie des auteures qui compteraient. Son travail se poursuit qui ne fait que me le confirmer.
Elle sait mêler comme personne, fiction, réalité et réflexion sur le travail d'écrire, tout en restant très abordable, du moins pour qui aime lire.
Son nouveau livre sous forme d'épreuves non corrigées nous [libraires] a été remis la semaine passée et depuis j'aspirais à un moment calme pour pouvoir m'y plonger. Mon corps me l'a accordé aujourd'hui, je crois que j'avais trop forcé sur le sport, en plus du travail, ces jours-ci. Alors je me suis souvenue que mon dimanche est le lundi et qu'un jour par semaine j'ai droit de repos.
Je suis restée un peu sceptique quant aux pensées d'un ancien assassin présent dans ce roman-ci. Il est presque sympathique, sincèrement repentant. Or si je peux croire que certains crimes commis par les hommes relèvent du pétage de câble, d'un truc qui leur revient d'un temps animal ancien et qu'ils ne peuvent contrôler, que ça n'en fait pas des monstres ni nécessairement des récidivistes, je reste persuadée que la plupart d'entre ceux-là s'en sort avec sa conscience par un splendide déni, ou des idées de légitime défense que les humains s'accordent. Ils réinventent l'histoire. S'estiment provoqués. Omettent en leur propre mémoire ce qu'eux-mêmes ont dit ou fait.
Pour un qui n'était pas un assassin direct mais tendait tel Ted Hughes à pousser au désespoir ses conquêtes successives, j'ai pu lire la réécriture tout en ayant encore les originaux. Il y a de quoi douter. De tout. De la réalité.
Quant à la parole donnée, c'est clair : chez la plupart des humains, elle ne vaut (presque) rien.
Bref, peut-être qu'une bonne personne n'est pas tout à fait capable d'incarner quelqu'un qui ne l'est que rarement.
Pour autant j'ai été embarquée et émue comme toute les fois d'avant. Et j'ai chéri la reconstitution du quotidien des jardiniers de la collectivité et de celui des libraires et de celui des écrivain-e-s et leurs voyages en train. That's it. Once and again.
Ce qui faisait que j'ai pu et dû rester chez moi à lire à également fait que je me suis endormie.
Qu'il y a eu un rêve, dont je suis sortie sous l'effet de l'émotion, du réconfort, et du trouble qu'il me faisait éprouver.
J'étais à mon tour romancière. Moi aussi je voyageais, devisais et signais.
Et il y avait ce moment, dans une librairie de Roubaix, non loin de La Piscine où l'on ne va plus nager, où venaient parmi les lectrices et quelques lecteurs qui en étaient les habitués, tous ceux et les quelques celles qui avaient envers moi quelque chose d'un peu solide à se faire pardonner. Certains étaient des morts revenus pour l'occasion, dans leur vêtements d'antan. Leur présence semblait naturelle, fût leur air démodé. D'autres étaient des personnes dont je n'avais jamais soupçonné le forfait, mais qui correspondaient à des revirements de tiers que je n'avais pas compris (1). Et étaient venu-e-s les deux ou trois qui m'ont vraiment mise en danger. Échaudée, je me méfiais d'un calcul de leur part, sans notoriété qui pouvait servir la leur ou donner du poids à d'éventuelles révélations, ils seraient restés dans le confort égoïste de nos histoires par eux réécrites. Je savais qu'il ne me serait plus possible de croire en eux à nouveau. Seulement leur geste m'apaisait, me sortait du rôle de la serpillière après usage balancée, me remettait d'équerre, à égalité.
À la fin de la file, ma grand-mère maternelle. Elle n'avait la pauvre strictement rien à se reprocher. Était en noir et blanc, un peu floue après tant d'années hors la planète. Trop d'espace-temps nous séparait pour que nous puissions nous parler, mais elle me tendait le livre avec un sourire réconforté. J'avais en signant l'impression que tout rentrait dans l'ordre.
Je me suis réveillée la fièvre était tombée. Ces présences et ces pardons m'avaient rassérénée.
Je n'ai pas de haine ni de rancœurs, seulement de la tristesse, une souffrance des absences, et une intranquillité tant que je n'ai pas compris ce qui a pu pousser certain-e-s à agir comme ils ou elle l'ont fait. Je pouvais à présent espérer faire quelque chose de ma soirée, au moins m'occuper des lessives, du dîner, d'un peu ranger.
Je pense que c'est à l'influence positive du roman de Sophie Daull que je dois ce regain. Ça ne sera pas la première fois que lire son travail me fait du bien.
Merci à elle, grand merci.
(1) Un changement de décision, ou d'attitude induits. Manœuvres ou médisances. Délations infondées ayant trouvé échos.
PS : Il m'est réellement arrivé lors d'un pot de départ du temps de l'"Usine" de recueillir confidences et excuses de la part d'un hiérarchique qui dans une affaire confuse - on m'avait mise sur une mission puis reprochée de m'y être consacrée, je n'en voulais à personne tellement je n'avais rien compris, en étais venue à supposer qu'on avait dû me dire un jour quelque chose que je n'avais pas entendu -, laquelle relevait de luttes d'influences intestines dont j'avais en toute innocence fait les frais ne m'avait donc absolument pas défendue. J'en ai surtout retenu l'intense soulagement de 1/ Soudain tout s'explique
2/ Je n'avais donc rien à me reprocher, rien raté. Le songe d'un peu de fièvre m'a fait revivre ça.
PS' : Et sinon dans mon rêve s'intercalaient des images de la video amateur qui tournait sur les réseaux de l'homme sportif et courageux, Mamoudou Gassama, sauvant l'enfant imprudent. Mon admiration pour le sauveteur a eu le temps de s'exprimer, alors revenait une absolue perplexité : comment l'enfant a-t-il fait son compte pour se retrouver dans la position ou il était ? Q'avait-il diable voulu tenter de faire ?