La caméra super-huit de mon père
La nuit dehors

Au cinéma ("Ni juge ni soumise" en particulier)

Je ne sais comment ou plutôt si : grande fatigue physique et grand besoin de décompression, je suis allée trois fois au cinéma dernièrement.

Le jour du déménagement, en fin de journée. Parce que c'était dans Ma Normandie, que j'y étais délicieusement seule, ce qui permet d'être plus active, que je tiens à soutenir le cinéma de la petite ville qui a réouvert et fait l'effort une fois par semaine de proposer une séance en V.O. 
Alors parce que c'était au bon moment et peut-être pas trop nul je me suis retrouvée à aller voir "La Douleur", honnête film, bons acteurs, sans doute une bonne incitation à découvrir l'œuvre de Marguerite Duras pour qui ne la connais pas. 
N'arrive pas à la cheville du livre pour qui l'a lu : on y voit un homme au prise avec la mort, le travail de ceux et celle qui l'accompagnent dans son combat, de sa lecture, years ago, c'est ce qui  me reste. Le film lui, ne traite que de l'attente et de la femme écartelée moralement entre l'inquiétude pour son mari dont elle n'est plus amoureuse mais auquel la lie un profond attachement et son nouvel amoureux, lui-même un peu empêtré dans ses sentiments car il estime l'homme dont il désire la femme.
Bon, comme toujours dans les biopics concernant des contemporains ou qui le furent jusqu'à peu, j'ai été agacée (1), mes souvenirs directs, par exemple d'ITW de Duras lorsqu'elle était présente, interfèrent et je trouve systématiquement la reconstitution un peu bêtasse, et comme toujours dans les films français, les acteurs étants des acteurs français connus, m'empêchent de croire à leur personnage, même quand ils l'interprètent parfaitement. Benjamin Biolay est formidable dans son rôle mais pas un seul instant on ne peut oublier qu'il est qui il est. Benoît Magimel est parfait d'ambiguïté dans celui du salaud qui n'est pas dépourvu de cœur mais est salaud quand même et l'assume, mais je revoyais le petit Maurice de La vie est un long fleuve tranquille à travers lui, pas moyen de croire plus que ça à l'adulte collabo qu'il serait devenu.

 

(1) Je ne me souviens plus : dans le livre aussi, François Mitterrand n'apparaissait pas sous son vrai nom ?

Dimanche en rentrant du Val d'Oise munie d'un blues féroce : il restait un tour de déménagement à effectuer alors que je croyais, naïve, que tout avait été fait, j'ai vu qu'au cinéma de ma ville passait Three Bilboards en V.O. 
Numéro d'acteurs. La jubilation de voir une femme en personnage transgressif motivé. Quelques scènes d'anthologie. Le truc troublant avec la biche, moi qui en ai croisé une il n'y a pas si longtemps. Mais globalement : j'ai passé l'âge des films américains. L'impression qu'ils s'adressent à des ados. Tout y est souligné pour que l'on comprenne bien. Et ces ficelles ...

Et aujourd'hui voilà que les retraités du ciné-club proposaient d'aller voir Ni juge ni soumise, dont le titre ne me donnait pas envie (2), mais une appréciation de Stéphane Goudet que j'avais vue passer, si.

Et là, bonheur. Un film qui ne ressemble qu'à lui-même, avec une femme qui y va. Peur de rien. Professionnalisme. Et des morceaux de vie qui sont une captation incroyable de l'air du temps. En prime Bruxelles qui me manque à en pleurer. Dès que j'ai terminé mes affaires de succession ou du moins un peu stabilisé tout ça, je dois m'organiser pour revenir d'exil (3). Des conversations qui tiennent de dialogues à la Audiard. Pas mal de moments fort instructifs - dont l'interrogatoire d'une femme péripatécienne qui l'âge venant s'est spécialisée dans le BDSM, et ne manque pas d'humour pour décrire son travail ; ou une exhumation pour prélèvement d'ADN (4) - et un moment insoutenable // spoïler alert // : une jeune femme atteinte d'une forme de folie qui l'a conduite à assassiner l'un de ses enfants qui était devenu à ses yeux l'incarnation de Satan (ou du fils de Satan) et qui explique son geste avec un calme, une maîtrise (elle attend que la juge ait fini de noter avant d'avancer), une cohérence dans le délire, absolument glaçants. 
Bref, âmes sensible s'abstenir mais sinon grand bol de courage communicatif et d'humour de "chez moi".

Je me sens d'attaque pour reprendre mon rythme de vie, semaine chargée. Elles le sont toutes, ne serait-ce que par le boulot. Grand merci à Anne Gruwez.

 

 

(2) Grosse méfiance envers les titres clin d'œil ; un bon titre ne doit pas nécessité que le lecteur ou le spectateur potentiel ait un pré-requis culturel. À moins qu'il soit d'une absolue universalité (les pièces de Shakespeare par exemple, et encore, procéder par clin d'œil pour attirer l'attention c'est risquer de donner l'impression qu'on avait le souffle court niveau inspiration)

(3) Bruxelles est la ville qui me fait me sentir en exil quand je n'y suis pas tout en n'y ayant jamais vraiment vécu, c'est fou (mais c'est comme ça).

(4) Hé les mecs, si vous avez des trucs à vous reprocher et que vous mourrez sans qu'ils soient découverts, n'oubliez pas de vous faire incinérer.

PS : une émission sur France Cul ici et une autre sur Arte

 

 

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