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Semaine #3 : Une biche

"Je n'écris pas depuis un certain nombre de jours, ça commence à courir, à porter sur les nerfs, ce manque." 

Je note en exergue cette phrase d'Anne Savelli dans son semainier #4. Elle synthétise si bien ce que je ressens cette semaine-ci. 

Il y a aussi :

"C'est s'accrocher aux todo lists, remettre à plus tard toute élaboration, création.
 réduire la voilure
se concentrer sur une seule chose"
(J'aimerais tant ; mais ai-je le choix ?)

En même temps c'est aussi parce que j'ai couru au sens littéral, c'était le dimanche la reco du trail de Bouffémont qui aura lieu le 11 février. Je suis très vite semée du groupe : le parcours commence par une montée et c'est là que ma lenteur atteint des sommets - ou m'empêche de les atteindre, justement -, alors j'explique au gars qui accompagne puis à JF qui m'attendait en haut que c'est bon ça va je connais la forêt, qu'ils ne s'embêtent pas pour moi.

Il ne se le font pas dire deux fois, et je profite de ma liberté pour aller vers le nord est de la forêt jusqu'au moment où j'entendrais trop de coups de feu à mon goût (centre de tirs militaires ou chasseurs ?) alors je repiquerai vers des sentiers déjà courus. 

C'est à la trouée qui correspond au passage des lignes hautes tensions que je la verrai : une biche, laquelle en me voyant s'arrêtera, semblera peser le pour et le contre (Est-ce que cet être humain représente un danger ?) choisira de faire une boucle en restant à proximité, puis au sons de nouveaux tirs - mais d'où viennent-ils ? - repartira. Je suis éperdue de reconnaissance quant à ce cadeau qu'elle m'a fait. 

Je parviendrai sinon à bien calculer mon coup, et arriver précisément 10 minutes après JF et quelques autres qui n'avaient pas fait l'entier parcours mais les 2/3 ou les 3/4.

Nous nous changeons au cul de la voiture et passons ensuite à Montmorency. Par chance Leslie est là et j'ai plaisir à la revoir. La nouvelle place est tristounette avec son plus ou moins faux marbre façon cimetière pour encercler en dur les emplacements des arbrisseaux. Une fois de plus j'aurais connu quelque chose de bien juste avant sa fin. 

Nous apprenons en nous y rendant que Sempre al Viccolo va fermer et aurait dû déjà l'être si les repreneurs n'avaient pas omis de se présenter. Nous y serons du coup traités comme des rois (1). Et très émus d'avoir eu cette intuition là : y aller avant qu'il ne soit trop tard. 

J'avais pensé titrer cette semaine [du 23 au 30 janvier] : des éditeurs et des cartons, parce qu'effectivement mon temps hors librairie aura été bien rempli par les uns et les autres. Soirée chez Payot Rivages, rencontre le lundi soir avec Shida Bazyar au Goethe Institut.

Et puis la fête du cours de danse dans les locaux professionnels de Julia qui pourtant n'y vient plus. J'ai plaisir à la revoir ainsi que Natacha dont je fais connaissance avec le beau bébé (et puis venu les chercher, le jeune papa). J'y arrive tard, après mon long samedi de librairie.

Le lundi a eu lieu pour partie à Taverny : j'ai dû me résoudre à payer un électricien afin que chaque pièce ait sa lumière et que les lustres soient tous décrochés. Il gagne facilement sa vie sur cette petite opération.  

Encore une semaine sans temps personnel. Je m'aperçois que je ne considère pas le sport et la danse comme des loisirs mais comme des moments indispensables à l'hygiène de vie. Des sortes d'obligation envers notre propre santé. Et donc n'entrant pas dans le temps [vraiment] libre. 


(1) Pizza aux extraits de truffe (entre autre)

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La crue, toujours - Effets de seuil des deuils

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Les photos de crue valent principalement pour ce qu'on devrait normalement voir et qu'on n'y voit pas.

Pour qui connait le coin, la Seine ce matin vue du RER C, du côté de Saint Gratien.

Grosse avancée sur plein de "things to be done", avec un enchaînement réussi de passages successifs (déménageur, électricien, releveur de compteur) dans la maison de mes parents vendue. 

Belle soirée à écouter  Shida Bazyar, mais j'aimerais écrire un billet à part. Son livre est très intéressant. Au point que j'aie envie de le lire en Allemand.

Et puis voilà qu'en ressortant, hâtive pour ne pas rentrer trop tard (contrairement à l'ordinaire), mon corps qui n'avait quasiment pas refréquenté la zone vers Iéna depuis que j'avais quitté l'emploi que j'avais dans ce coin-là, s'est mis à ré-éprouver la peine ressentie trois ans plus tôt au même endroit. Ma mémoire avec les lieux fonctionne comme ça, je passe à un endroit où j'avais vécu et ressenti quelque chose, un écho de ce que j'avais éprouvé (serrement de cœur si c'était triste, bouffée de joie si j'étais en bonne et joyeuse compagnie ...) revient plus vite que le cerveau pensant ne rapporte un souvenir, et c'est cette sensation qui justement déclenche le rappel de mémoire. Si je m'attends à passer par un lieu de mémoire, par exemple lorsque je retournerai vers le Parc Wolvendael, le fait même d'être sur mes gardes et de ne pas la baisser, peut éviter ce type de tourments. 
Seulement ce soir, j'étais encore la tête dans les lectures et quelques projets, alors ce retour de sensations m'a prise totalement au dépourvu, engendrant une remontée de la peine quasi intacte du deuil et du mauvais coup cumulé encaissé (1). C'est presque violent à en tomber (2). Et toujours dur, même si on sait que ce genre de crises s'espace jusqu'à disparaître un jour et que le sentiment qu'on éprouvait face place à une agaçante perplexité - comment ai-je pu être touchée à ce point ? -. Dur de constater qu'on n'était qu'en rémission, et celle-ci toujours au bord d'être remise en question.

Au lendemain encore une multitude de choses à faire. Alors il faut oublier, mettre ce genre d'états d'âme de côté, le noter pour encore plus soigneusement n'y plus penser, et une fois de plus avancer.

 

(1) Croyant recevoir des condoléances j'avais ouvert un message autopromotionnel absolument insoutenables en ces circonstances, insupportable et inconvenant, de la part de quelqu'un qui avait beaucoup compté - et que, même si ça fait des mois que nous nous étions écartés, je n'aurais jamais cru capable d'un tel comportement - 

(2) Souvenir d'une scène précise du film avec Kevin Kostner, No way out, dont rien d'autre ne m'est resté. Cet instant de défaillance vers 45' du film à l'annonce d'un décès (ou plutôt : qu'un crime avait été commis par lui inutilement). 

 


En crue

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Je n'avais pas l'impression que les eaux en juin 2016 fussent montées si haut. Mais je n'avais pas tellement fréquenté les quais Paris Intra-Muros puisque je travaillais dans le Val d'Oise. 


La force du courant est impressionnante à l'œil nu. Je sais qu'elle est supérieure à ma force de nage. 

Le propre des images de crues est qu'on ne perçoit la plupart du temps leur ampleur qu'en étant habitués des lieux et de leur aspect normal. Non, le pont Neuf n'a pas de toutes petites arches !

J'entends qu'en 1910 la Seine était montée à 8,25 m à Paris. Nous serions aux alentours de 6 m. Ça laisse une marge.  

Comme le remarquaient d'autres membres de ma famille, nos vies semblent avoir été aspirées dans une faille de temps en tout cas depuis que notre mère est tombée malade (et d'autres événements moins dramatiquement définitifs mais tristes aussi). À l'aune de cette crue je le mesure plus fort : juin 2016, je crois être enfin dans un moment stabilisé de ma vie, personne n'est souffrant, j'ai un bon travail Au Connétable à Montmorency et la principale difficulté est de me débrouiller pour y aller malgré les perturbations induite dans la circulation des RER C. 
Voilà la crue suivante. 

Il s'est passé un an et demi. 
Où est passé cet an et demi ?

Mes parents ne sont plus ni l'un ni l'autre en vie. Je n'ai pas fait de rencontre qui puisse au moins un temps sauver. Le quotidien est surchargé par ce qui est devant être fait et mon bonheur et mon énergie au travail, un nouvel emploi stimulant,  entravés par ce que les suites de deuils et de successions pompent comme vitalité et comme temps (tic tac). 

Le soleil manque.  

 

PS : Rien à voir si ce n'est peut-être qu'à la nature on ne peut que se plier en tentant de canaliser, mais cette video-ci d'Aksel Rykkvin désormais baryton est impressionnante. Ça doit quand même représenter un sacré bouleversement intérieur que de changer de voix, ce marqueur si puissant de notre identité, fros à être muets, aussi radicalement et en si peu de temps. Je suis également impressionnée par sa capacité à avoir si rapidement pris la maîtrise de son nouvel outil [de travail et d'être].


Semaine #2 : volupté culturelle (Kate and Stacey mais pas seulement)

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Il ne faudra pas perdre de vue en relisant plus tard ce billet, ou si des lecteurs du futur le lisent - à l'instar d'Alice, il me semble que j'écris pour des passants de plus tard, qui trouveront curieux l'ancien temps qu'alors nous formerons, comme nous nous charmons du journal de Samuel Pepys ou des lettres de madame de Sévigné ; je ne prétends pas faire aussi bien qu'eux mais simplement : qu'en lisant ou déchiffrant mon alors vieux français, des humains successeurs puissent se faire une vague idée d'un exemple de vie dans le Paris de la fin du XXème siècle et du début du XXIème, puisque c'est là que principalement la vie m'a mise -, que tout ce qui aura distingué cette semaine, magique, de ses voisines, aura eu lieu sur fond de fort travail à la boutique et gros boulot de mise en cartons / préparation de déménagement (1). Sur fond d'appartement ou par manque total de temps tout part à vau-l'eau, on atteint un seuil critique de dérangement. 

Nonobstant ces précisions, ce fut une de ces semaines comme Paris offre parfois : des bonheurs culturels en veux-tu en voilà.

Un seul était payant : le concert du samedi soir (places à 50 €, tarif relativement raisonnable pour l'époque, mais cher pour un petit salaire (2)), un autre très légèrement (5 € davantage une sorte de contribution aux frais), deux organisés par nous-même à la librairie, entrée archi libre, et un autre gratuit (à la BNF).

P1160010C'est Éric Vuillard invité à la BNF qui a ouvert le bal. Il était venu en juin à la librairie et ç'avait été un régal. Renouvelé ici. Le Goncourt est passé par là, qui ne l'a pas changé lui mais bien l'affluence et la foule que désormais il intéresse -. Et comme il intéressait déjà bon nombre de personnes auparavant, voilà qu'on ne peut plus trop se parler en de telles occasions. Ma liste des camarades satelllisés est à compléter d'un nom. 
Je suis prête à parier que malgré la qualité des propos échangés, ce qui longtemps plus tard me restera, sera le cri d'humour d'un homme dans la salle, qui alors que l'auteur confirmait qu'il s'apprêtait à honorer l'invitation de la bibliothèque de la ZAD de Notre Dame des Landes, a lancé : - Va falloir y aller vite, alors !

La décision de renoncement prise officiellement le lendemain était déjà dans les tuyaux. Je n'avais jusqu'alors pas d'opinion tranchée, mais les réactions des mécontents (3) m'ont ôté tout doute : c'était bien d'abandonner ce projet. 
Je reste méfiante de l'apparition d'un clone, installé à suffisamment de distance pour que les mécontents de la création d'un aéroport et qui ont bataillé contre ce projet-ci se découragent.

Au lendemain il s'est trouvé que l'un des associés de la librairie passait dans l'après-midi pour des ouvrages que nous devions livrés et avait ensuite donné rendez-vous à quelqu'un qu'à la boutique il attendait. Il m'a alors proposé de partir plus tôt, ce qui me changeait de l'ordinaire (4). Je savais que Kate Tempest donnait une rencontre à la maison de la poésie, n'avais pas pris de billet puisqu'au normal de mon emploi je serai arrivée trop tard, mais puisque le sort me souriait, j'ai tenté ma chance. 

Il s'en est fallu de peu : je fus l'antépénultième personne inscrite sur la liste d'attente à pouvoir entrer. 

Expérience inoubliable : après une (déjà) excellente lecture d'un passage en V.O. du livre pour la parution duquel elle était invitée, puis une interview bien menée, avec une interprète formidable, Marguerite Capelle, qui par moment fut même applaudie, Kate Tempest nous gratifia d'un moment de performance sur quelque chose qu'elle travaillait, mais déjà fort bien maîtrisé. L'impact émotionnel était à la hauteur d'un opéra dont on apprécie la mise en scène et les voix. J'en ai eu les larmes. 
À la fin il y eut cet instant magnifique de silence suspendu, celui d'un public captivé, puis le tonnerre d'applaudissements.

Bouleversé-e-s. 

Le lendemain soir, nous recevions Luvan à la librairie. Tous les ami-e-s étaient venu-e-s sauf ceux qui n'avaient vraiment pas pu. Belle soirée. 

Suivie par celle de rencontre-dédicaces avec Joël Baqué, que j'étais si heureuse de retrouver. Parfois la vie nous éloigne, trop prenante, trop remplie de contraintes, des personnes qu'on aime bien (5), mais on ne le souhaitait pas. C'était le cas. Dommage qu'il ait ensuite fallu ne pas trop tarder (6), le dîner de l'Après était chaleureux, la conversation bien lancée.

20180120_222100 Le samedi ce fut Stacey, à Issy les Moulineaux, acoustique moyenne et public trop sage. J'ai compris qu'en fait nous étions vieux aussi, qui la suivions avec bonheur depuis ses tout-débuts. Déçue qu'elle n'ait pas changé sa reprise d'Avec le temps qui m'émeut tant, j'ai été néanmoins heureuse de ce concert. A break in the rush. Heureuse aussi du petit dîner très tardif, seul le Marco Polo près de Satin Lazare consenti à nous accueillir.

Le dimanche fut détendant mais éreintant : courir dans la forêt [de Montmorency] sous la pluie, parfois dans la boue jusqu'aux chevilles, puis Taverny, cartons cartons ... Repas dans un fast-food car à une heure de rien d'autre. Achats de dépannage dans une boutique (Fly ?) non loin, ouverte le dimanche, population perdue. Mais chaussettes sèches.

Le terme Rincés pris tout son sens. Après on se sent bien. Une sensation d'après orage.
À la danse du lendemain je ne fus nulle part. Toute énergie vidée et les jambes en marionnettes mal animées.

Je traînais encore des lambeaux de cette fatigue particulière en écoutant Jean-Marie Gustave Le Clezio à la présentation Stock, , musée Gustave Moreau, près de la Trinité où je ne crois pas être jamais allée.
Je n'ai pas apprécié les tableaux, quelque chose de glauque, qui [me] met mal à l'aise. Mais les détails sont intéressants et parfois même beaux.

Je suis repassée à la maison poser les livres et partie plus tard à la BNF, reprendre quelques forces après tant d'abondance culturelle. 

Ce qui est intéressant en notant c'est que les perspectives changent : en traversant cette semaine j'avais certes la sensation de belles soirées dont une inoubliable (Kate Tempest) car elle tenait de la révélation, mais ce qui prédominait c'était tout le travail de la librairie, des journées intenses et sans relâches (7) et le gros travail dans le Val d'Oise pour le pré-déménagement, plus un peu de sports.

Je constate que ça n'aura pas empêché le reste et que la vie ressemble par moments à ce que je pouvais souhaiter.

  

(1) du Val d'Oise à la Normandie des meubles et des affaires qui se tenaient dans la maison de mes parents. Ce n'est pas "notre" déménagement. 

(2) pour info j'ai trouvé ceci concernant le smic horaire (salaire minimum légal) net au 1er janvier 2018 . Source, Legisocial 
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(3) Avec des arguments qui reviennent tous peu ou prou à dire : Vous nous avez empêché de nous faire du fric. 
(4) Quand on travaille seul-e dans un lieu, en tout cas seule par journées, on ne peut déléguer à personne ce qui une fois le rideau fermé n'a pas encore été terminé et ne peut être reporté. Je reste donc souvent after hour pour boucler des commandes, un minimum de travaux liés à la comptabilité, le samedi soir faire la caisse, de réponses à des mails sans risquer d'être interrompue, d'arrivées à réceptionner. Compte tenu de ma vie familiale sur la période fort chargée (avec la succession à régler, et du coup pas mal de boulot administratif à titre personnel), je préfère m'organiser ainsi plutôt que de traiter les tâches résiduelles à distance. 
(5) Depuis la maladie de ma mère survenue alors que déjà travailler dans le Val d'Oise m'avait tenue à l'écart, j'ai la sensation de perdre peu à peu tous ceux et toutes celles qui comptent pour moi. Il n'y a plus que le travail et les obligations. 
(6) Sans Vélib et pas assez fortunée pour prendre un taxi, je ne suis obligée comme autrefois de surveiller les heures pour rentrer en métro (et même s'il fonctionne plus tard le vendredi). 
(7) Nous nous apprêtons à fournir les ouvrages pour un concept store voisin.


Éclats de tristesses

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Il y a de rudes tristesses, puis nous y pensons moins, puis nous n'y pensons plus, ou plus beaucoup. En tout cas pas dans nos pas quotidiens, alors que nous sommes accaparés par nos tâches domestiques ou nourricières et nos tracas présents, quand il ne s'agit pas brutalement de violentes catastrophes. 

Quand soudain par un jour de pluie, en allant bosser ou bûcher ou prendre un cours de danse, voilà qu'un véhicule entrevu nous en rappelle un autre, et celui qui le conduisait, et qui depuis le temps en a sans doute changé, mais voilà, on s'est repris au creux du plexus un violent coup de chagrin et l'on repense à l'absent·e, qu'il ou elle soit mort·e ou qu'iel nous ait quitté·e·s.  6a00d8345227dd69e2019affc5d9f4970b-800wi

Et l'on se surprend à souffrir, même si ça ne dure plus, alors qu'on se croyait guéri·e. 

C'est ballot. 

 

 

 

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Aphantasia - Et d'un seul coup mon monde changea

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Retour après une solide journée de boulot, suivie d'un sympathique concert, lui-même suivi d'un rapide repas dans un restaurant vers Satin Lazare qui le samedi soir servait encore tard. De la journée, fors de brefs éclats sur FB pour la part liée au travail je n'avais rien vu des réseaux sociaux, et du coup en rentrant dans les transports, pianotais. 

C'est un touite de @edasfr qui m'a sauté aux yeux, peut-être parce que "penser autrement" m'est quelque chose de familier. 

En rentrant j'ai lu l'article 

Celui-ci puis celui-là

Le premier concerne l'Aphantasia dont je découvrais l'existence, du moins pour des personnes pour lesquelles il ne s'agit pas de conséquences de maladies ou d'accidents. On peut être (naître) ainsi comme on nait équipés ou non du sens de l'orientation (1).

Pour ma part ces images sont plutôt en excès et d'une force folle, parfois supérieure à celle de la réalité. D'où que ça ne m'avait jamais effleuré qu'on puisse en être dépourvu. C'est très étrange de se découvrir privilégiée de quelque chose dont on ignorait qu'il puisse à d'autres manquer. 

Je n'ai pas le temps matériel de creuser, mais il est évident que cette révélation et prise de conscience vont changer ma façon de travailler, et en tant que libraire et en tant que personne qui écrit. Je m'efforcerai désormais d'intégrer le fait que pour certain-e-s le film ne se fait pas. 

Grand merci @edasfr pour ce lien transmis.

 

(1) d'ailleurs il se peut qu'il y ait un lien. Je mesure depuis hier soir à quel point je fonctionne en permanence avec toutes sortes de projections mentales, dont celle du point que j'occupe dans l'espace. Je bénéficie d'une sorte de GPS intégré.  

 


Semaine #1 : Livres, librairies, causeries

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    La semaine précédente avait été consacrée à La Haye du Puits, la petite maison à préparer pour accueillir les meubles de l'autre, celle où ma mère jusqu'à l'an passé vivait, cette semaine-ci aura été celle d'une reprise à la librairie, avec l'habituel surcroît de travail qui suit une absence dans quelque poste que ce soit, dès lors qu'il comporte une part autre que celle de la présence immédiate face à des clients.

Je reprends avec d'autant plus de plaisir qu'une rencontre me tient à cœur puisque je reçois enfin Anne Savelli, quelque chose que je comptais faire depuis mes débuts en librairie. Seulement voilà, d'une librairie en seules signatures à une autre trop grande un tantinet industrielle jusqu'à une formidable mais aux locaux peu favorables, jamais je n'en avais eu la réelle opportunité. Je laisse Anne en parler, mieux que je ne l'aurais fait. Au passage m'amuse de voir ma tête aux cheveux courts. J'ai toujours suivi en terme de coiffure et depuis que j'en DSC00668décide, échappant ainsi aux résultats calamiteux des bricolages "faits maisons" destinés à économiser le coût rarement bienvenu d'un recours à un professionnel, une sorte de principe de laisser pousser l'hiver, et raccourcir au printemps, parfois sauter un an ce qui me les vaut longs, parfois concéder à l'inspiration de ma coiffeuse un mi-long un tantinet élaboré. Mais le plus souvent quand je vais voir Sophie, dont je suis la plus fidèle sans doute des clientes irrégulières, c'est pour la joie d'une ultra-courte, histoire d'être quelques mois sans démêlage nécessaire. Et puis au printemps dernier alors que j'avais effectué ma tonte printanière, j'ai vu plusieurs amies me suivre de peu, qui avaient chacune des coupes auparavant constantes : une mode m'avait rattrapée. Je me sens comme une pendule arrêtée qui arrive à l'un des deux instants d'un jour-nuit dit où elle indique l'heure exacte.  

Les plus motivés des représ sont à nouveau en tournée. Ceux qui viennent jusqu'à nous sont généralement ceux qui aiment les livres et sont contents de retrouver des choix littéraires, d'autres choses que le tout-venant. Ce qui fait que nous nous entendons bien. De plus leur passage me fait gagner bien du temps par rapport aux sélections sur fichiers ou catalogues.

Les éditeurs nous accueillent pour leur présentation de rentrée d'hiver. J'aime ces réunions, là aussi j'ai la sensation d'économiser du temps. 

Je reste très tard le samedi soir afin de boucler des commandes importantes, qu'il n'y avait pas eu moyen de traiter plus tôt. Peut-être aussi que ma vue vieillit et qui me ralentit.

Sans trop se faire prier, la récompense potentielle étant une part de galette, l'homme va samedi chercher mes nouveaux habits de triathlon. Ça me fera au soir comme un petit Noël. Les tailles tombent juste. Les nouvelles couleurs du club sont élégantes. Je suis heureuse d'avoir du fait de mon inscription un an plus tôt deux séries. Plus tard, je me ferais plaisir de commander des éléments complémentaires (pas nécessairement siglés de l'association), ainsi mon équipement sera complet. 

Un homme et deux acolytes dont l'un, tout jeune, a l'air d'un voyou de cinéma d'autrefois, aussitôt la chanson de Voulzy-Souchon s'impose dans le juke-box fou de dedans ma tête,  vient comme convenu récupérer dans la maison de mes parents quelques gros éléments de mobilier que nous ne souhaitions pas conserver. Curieusement, j'ai envie de leur faire confiance. Peut-être parce que si je ne le fais pas, personne d'autre ne le fera. Mon indécrottable côté monseigneur Myriel.
L'homme de la maison s'attaque au démontage du grand meuble blanc de l'ancienne chambre de mon père, mais cale assez vite sans le signaler, d'où que je continue en bas à préparer des cartons sans me douter qu'en haut ça n'avance plus - situation qui m'en rappelle une autre -.

Sports : j'ai tenu les entraînements de piscine, et un peu moins d'1h de faux vélo au CMG après le cours de danse ; couru à la piste le mardi puis entre 11 et 12 km le dimanche matin, un tour tronqué de l'île de la Jatte, Seine en crue. C'est curieux on dirait presque autant qu'en juin 2016 mais ça ne fait pas la même impression. Cette crue-ci ne charrie pas plein de déchets. L'entraînement vire d'autant plus à la chasse photos que je suis seule (mon sparring partner habituel est à une session de l'Apicas). Les photos de crue ne sont réellement lisibles que par les habitués des lieux ;  20180114_113936

la différence avec l'état normal sinon ne saute guère aux yeux.
Il me faudrait davantage de vélo, davantage de course à pied. La fin des vélibs me prive de ma pratique quasiment quotidienne : sortir les vélos personnels prend du temps et ne correspond pas nécessairement à l'usage nécessaire. Je crains par exemple de les laisser en ville, attachés.

À ce propos les très pratiques barrières qui jouxtaient la piscine de Levallois ont toutes été ôtées. 

C'était donc la semaine du mardi 9 au mardi 16 janvier 2018. J'en ai à peine bouclé ce rétro-balisage que je dois, tout en restant à la BNF, quitter le rez-de-jardin.  


Le colocataire birman

    "Si ça se trouve, il est en Birmanie en colocation !" s'écrie une jeune femme lors d'une conversation animée avec une autre, et dont je ne percevrais que cette bribe puisque nous nous sommes seulement croisées les unes et les autres marchant à bon pas.

Je garde la phrase ; si je devais animer des ateliers d'écriture je trouve qu'elle ferait une parfaite amorce pour un exercice de type : Inventez les circonstances.

(Et d'ailleurs si quelqu'un de ma connaissance en a besoin pour un atelier, elle est à votre disposition, si elle vous plaît)


Envisager un semainier (sur une idée d'Anne Savelli)

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La dernière fois que j'ai eu la sensation d'avoir du temps personnel c'était après le 15 septembre 2016. Je travaillais avec bonheur Au Connétable à Montmorency : il y avait eu la permanence du mois d'août rendue intense par les manuels scolaires, et puis l'activité fiévreuse de la rentrée, et puis voilà, nous étions décidées Leslie pour qui je travaillais et moi à tenter d'organiser des rencontres littéraires et Marie-Hélène Lafon avait pour ma plus grande joie accepté d'ouvrir le bal. 

Alors ce fut ça : mon temps personnel dédié à des relectures qui me régalaient, afin de préparer. 
Après des années malgré moi mouvementées, ma vie semblait enfin accéder à une part de stabilité, de quoi pouvoir entreprendre enfin quelques choses de mon côté, écriture et librairie, faire enfin plus que de la survie. 
J'ai remis ça le mois suivant en l'honneur de l'ami Thierry, je garde de sa visite et du début de soirée en compagnie de l'homme d'ici et Anne un souvenir de bon moment parfait. Je me sentais à ma place comme rarement ça me l'a fait.  29903775470_76788d5a70_z 

Je démarrais le triathlon, avec entre autre un stage d'intégration qui m'avait redonné confiance en mon corps : même si j'étais la plus lente je parvenais à suivre, ce qui au départ n'était pas gagné.

J'avais éprouvé un profond plaisir à faire du sport du matin au soir et du soir au matin (non, ça j'ai passé l'âge), à retrouver une ambiance collective avec un groupe formidable pour moi d'une façon assez rare (1). Comme toutes les activités étaient organisées par le coach ou les aînés, il y avait pour moi qui tout au long de l'année suis "en charge" d'une maisonnée, un côté de détente insouciante qui m'a fait un bien fou. Nous n'avions à nous occuper que de nos corps et notre matériel. Pour la première fois depuis juin 2013 puis janvier 2015, j'ai durablement éprouvé une forme d'insouciance, de la joie.

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29913702573_10b2d8b53d_z

29913430973_ceb8009441_zIl faut dire aussi que nous étions dans une sorte de cadre idéal, un internat international, de quoi regretter de n'avoir pas grandi en pension. 

J'ai eu le temps d'entrevoir ma vie enfin telle qu'en elle-même et moi à l'aise dedans : une belle librairie au service de laquelle travailler les après-midi et le matin le sport ou l'écriture et le reste du temps félicité culturelle (les rencontres dans les librairies des autres, les rendez-vous d'éditeurs, le cinéma, un concert ou du théâtre parfois, une expo), et enfin ranger la maison.
Et puis il y a eu l'élection de Trump, sorte de point de départ du début d'une nouvelle période où je ne maîtrise rien avec la maladie de ma mère puis son décès, très peu de mois après celui de mon beau-père et plus tard le nouveau travail, une proposition qu'il m'était impossible de refuser car elle contenait du défit. Alors pour ces bonnes choses (un travail à ma mesure) et les plus terribles (l'accompagnement, le deuil d'un parent, puis la kyrielles de choses à faire induite par toute succession) et comme je m'efforce par réflexe de survie de maintenir un minimum de sport, tout temps personnel s'est trouvé englouti.

Il aurait pu y avoir les 15 premiers jours d'août dernier, mais ils auront été quasiment confisqués par le voisin voleur et les perturbations induites dans notre vie.

Et il y eut le Festival de Cinéma d'Arras, pour la première fois depuis des années parcouru sans aucun événement intime ou collectif pour le gâcher. Seulement la vie de festivalière est une vie faite d'horaires, et le temps libre restant fut consacré à tenir un carnet de bord (2). Il reste avec ceux des billets que j'ai pu par ici rédiger, la seule marque tangible d'une année avalée. La suractivité subie obère l'assimilation par la mémoire de ce qui s'est passé. Or j'éprouve le besoin pour ma santé mentale de conserver un minimum d'éléments (heureux ou malheureux) à l'esprit.

Depuis un an et presque trois mois le temps s'est donc ainsi trouvé replié, je ne sais pas d'autre terme, les jours se succèdent en folle vitesse et sans répit puisque le temps libre non dormi est consacré à la préparation du déménagement prochain des affaires et meubles de mes parents.

L'idée qu'a eue Anne de tenir un semainier de bord, me semble donc secourable, garder le cap, savoir d'où j'en suis, conserver la mémoire des jours même s'ils n'ont pas pu être consacrés à mon travail de fond. Et qu'il reste une trace de mes nouvelles aventures même si je me fais à nouveau voler mon sac, mes agendas, mon ordi.

Sans compter que la sur-occupation, mécaniquement, isole : pour un peu la conscience de la solitude croît alors que les moments de l'être, seule, mais au calme, se réduisent aux instants consacrés aux déplacements. 

Donc oui, un semainier, pourquoi pas, au moins pour voir où mes semaines sont passées. Ce qui n'empêchera pas par ailleurs de bloguer, si un sujet de billet me rattrape alors que j'ai un temps suffisant devant mon écran.

Et puis, du mardi au mardi car le mardi est le seul jour où je suis à la fois ailleurs qu'à la librairie et pas nécessairement sur le pont à chaque fois et d'ailleurs à la BNF dès que je le peux, OKLM comme disaient les jeunes.

 

(1) d'ordinaire dans les groupes constitués autour d'une activité commune il y a toujours quelques personnes dont la présence nous rend perplexe et probablement vice-versa : comment pouvons-nous aimer la même chose tout en étant à ce point antagonistes ? Par ailleurs lorsque l'on est une femme, on doit presque inévitablement supporter dans chaque échantillonnage mixte d'humains auquel l'existence nous fait participer, deux ou trois gros lourds, qui se supposent du charme et sont seulement pesants et graveleux. Hé bien là : non, tous les gars étaient classes (en tout cas en ma présence), non sans plaisanter mais en restant dans les limites qui font qu'on ne se sent pas gênées, qu'on n'a pas une fois de plus envie de lever les yeux au ciel en pensant "Ah ... boulet !".

(2) Début ici ; fin . Je crois n'avoir omis aucun des films vus (petit exploit !). 


Obsolescence déprogrammée

(autres photos à venir)

   Par deux fois lors des tris, rangements, jetages, dons, mises en carton, j'ai fait l'expérience de brancher des appareils ménagers des années 50 et 60 du siècle dernier. L'idée était plutôt de vérifier qu'ils ne fonctionnaient plus pour se donner le courage de les jeter (alors que des souvenirs y étaient associés). 

Capture d’écran 2018-01-14 à 23.59.36Et bien tant ce robot de cuisine Moulinex que cette Boule Hoover fonctionnent encore au quart de tour. En revanche les accessoires n'ont pas toujours survécu car les parties en plus ou moins plastiques plus ou moins mous se sont corrodées, racornies ou que sais-je. 

Et puis un Robot Charlotte dont ma sœur et moi gardons un vif souvenir n'est pas réapparu, je suppose qu'une panne avait poussé ma mère à s'en séparer. 
Je me souviens qu'elle s'en servait pour nous préparer de la viande hachée. Oui parce qu'en ces temps reculés on forçait les enfants à manger de la viande, il se disait que c'était bon pour la santé et c'était être un bébé (1) que de s'apitoyer sur le sort du pré-poussin gobé, de l'agneau qui était un petit mouton et finissait le dimanche en garniture de flageolets, ou encore des veaux dont en plus on volait le lait. 
J'aimais trop ce dernier pour laisser ma mauvaise conscience s'exprimer et pour le reste nous [les enfants] n'avions en ces temps-là pas voix au chapitre. Et les adultes de la génération de mes parents étaient d'autant plus fermes qu'ils avaient connus des périodes de restrictions alimentaires enfants ou ados pendant la guerre, alors ils mettaient un point d'honneur à ce que leur descendance ingurgitât des protéines animales à chaque repas. 

J'avais tenu bon pour le cheval. Au point de créer un incident diplomatique entre ma mère et la mère de mon petit amoureux de l'époque qui me gardait, son fils et moi fréquentant le même groupe scolaire, pour les déjeuners.  

Je suis plutôt contente que l'époque actuelle rejoigne les convictions de la moi de 6 à 7 ans, tout en conservant la capacité d'apprécier un plat de viande lorsqu'elle est particulièrement bonne ou bien préparée. Mais j'ai largement diminué ma consommation, du moins de viande de mammifères. 
J'aurai (2) en revanche plus de mal à me passer des produits de la mer et des produits laitiers. 

En attendant, c'est impressionnant de constater à quel point un temps exista durant lequel les outils qu'on achetait pour s'aider à tenir un ménage étaient fait pour durer, et pas 5 ou 10 ans mais bien une vie entière. 

 

(1) Au sens dépréciatif : au lieu d'être une grande fille ou un grand garçon tu es encore un bébé.
(2) Futur volontaire, je pressens un temps où l'étendue des choix alimentaires se réduira, du moins pour nous du petit peuple. Ça se fera sous couvert d'hygiénisme, et combinaison avec les conséquences du réchauffement climatique, mais ça me semble inévitable. Ami-e-s romancières n'hésitez pas à garnir vos pages de mentions et dégustations d'excellents petits plats, vous serez lu-e-s plus tard par plaisir salivaire.