Certains salauds seraient donc sincères (étonnements)
22 octobre 2017
Je poursuis donc dimanche après dimanche, lorsque rien de particulier tel qu'une course n'est prévue, la mise en carton des objets de la maison de ma mère. Le grenier avait été fait avant des travaux de remise au propre, les pièces du premiers étages sauf les placards fixes de la cuisine aussi - n'ayant aucune valeur mémorielle ajoutée sur les verres et les assiettes ou peu, j'eusse aimé déléguer cette tâche, mais mon premier assistant a fait n'importe quoi empilant ces choses fragiles comme si elles ne l'étaient pas -, j'en suis à la pièce du bas laquelle détient un grand placard mural qui m'occupe depuis deux fois.
Aujourd'hui ma progression méthodique m'a menée vers un angle où il y avait des livres, en particulier certains que j'avais offerts à ma mère.
Parmi eux une petite anthologie collective de poésie où se trouvait pour ma plus grande surprise un poème que j'avais écrit. Elle date de l'an 2000, vers le printemps.
Le poème n'est pas bon. Pas non plus de quoi avoir honte.
Je l'ai reconnu et la mémoire m'est revenue de son écriture en le relisant. Le souvenir du fait d'anthologie est demeuré caché, voire inexplicable (Moi, postuler à une sélection POUR DES POÈMES ?).
Mon amnésie localisée peut s'expliquer : en l'an 2000 mes enfants ont 5 et 10 ans, je travaille comme ingénieure au faux temps partiel de 4/5 (OK pendant une journée, le mercredi, tu peux t'occuper de tes petits, mais la charge de travail n'est pas moindre que celle d'un temps plein donc les 4 autres jours sont de toute densité et les heures supplémentaires bénévoles la norme. Je chante dans une chorale, et il y a des concerts et des répétitions, en particulier pour l'un d'eux qui aura lieu au Champs de Mars pour Johnny Hallyday. Professionnellement la fin de 1999 a été exténuante, une course contre la montre pour désamorcer le "bug de l'an 2000" qui aurait bien eu lieu si plein de gens tels que mes collègues et moi n'avions pas passé en revue toutes sortes de vieux programmes dans tous les coins de tous les systèmes d'exploitation et aussi modifié toutes les bases de données dans lesquelles une valeurs d'année égale à 1999 servait de test pour déceler un enregistrement en erreur, voire était inscrite en dur pour certains calculs de durées. En mai je participe à un voyage glorieux de mon club de dégustateurs de whiskies. C'est seulement alors que je refais surface de l'épuisement.
Du coup que ce petit poème soit passé à la trappe, écrit à un moment de ce séjour, dans un petit élan, ne m'étonne guère. La fatigue n'est pas l'alliée de la mémoire. Que j'aie oublié sa publication alors que j'avais dû en être fière sur le moment me surprend davantage.
Si on m'avait posé hier ou ce matin même la question : As-tu déjà publié de la poésie ?, j'aurais répondu en toute sincérité que non.
Alors je comprends soudain comment peut fonctionner le déni que pratiquent si bien certains. Jusqu'à présent j'avais tendance, fors faits et gestes commis sous l'emprise de la boisson ou tout autre drogue ou personnes sujettes à des troubles psychiques, à croire qu'ils faisaient volontairement preuve de mauvaise foi. On fait ou dit un sale truc, on prétend comme un enfant, Non c'est pas moi.
En fait ils sont peut-être pour certains d'entre-eux parfaitement sincères ... et amnésiques de ce fait-là.
Si j'ai oublié mon petit poème et son impression alors que c'était quelque chose de joyeux que je n'avais aucune raison de souhaiter "perdre", il doit être d'autant plus facile et fréquent d'effacer de sa mémoire des éléments dont on pourrait avoir honte, que l'on souhaiterait oublier avoir dits ou faits.
Me voilà ce soir en train de repenser certains épisodes douloureux de ma vie, dont d'aucuns où celui qui me soutenait si fermement n'avoir pas dit ce qu'il m'avait confié que si je n'en avais pas eu de traces écrites je me serais crue devenir folle et laissée persuader d'avoir rêvé, à l'aune de cette nouvelle hypothèse : on peut parfois gommer entièrement quelque chose de sa mémoire, sans le vouloir, sans souhaiter tricher.
Je me demande ainsi ce qui est le plus triste : l'absence de fiabilité et d'exhaustivité de nos souvenirs ou d'avoir si longtemps cru à une cruauté volontaire de la part de personnes que j'avais tant aimées.
Contente, cela dit, d'avoir (re)découvert que j'avais un temps gambadé côté poésie. Contente de constater que ma mère l'avait pieusement gardé.
PS : Rien à voir, mais lors de notre entraînement de course à pied en forêt nous avons croisé une meute de propriétaires de gros chiens nombreux (traîneaux, combats, bergers allemands ...), qui marchaient de conserve avec leurs animaux, beaucoup d'entre eux non attachés. Nous n'avons eu aucun problème nous abstenant simplement de courir le temps qu'ils soient passés, mais c'était très impressionnant. Un ou deux des chiens malgré leurs dehors féroces se sont même montrés affectueux et leurs maîtres nous ont presque tous salués comme il est d'usage en forêt, certains rattachant spontanément leur compagnon le temps de s'avancer. Mais qu'était donc cette brigade, comme des chasseurs sans fusils, qui cheminaient à trente ou vingt ?