Claude Pujade-Renaud chez Charybde
Prise de conscience

La chute d'un prédateur


    Ainsi donc cet homme dont il était de notoriété publique qu'il abusait des femmes et du pouvoir lié à sa situation vient enfin de tomber, signe parmi d'autres que peut-être les temps ont changé. 
Je n'ai pas eu le temps, prise par mon travail de lire beaucoup d'articles mais il m'a semblé qu'il a suffit qu'une femme ait le courage et la force et sans doute suffisamment de preuve pour porter plainte et bon nombre de celles qui se taisaient ont à leur tour osé parler.

Je lis ce soir cet article de Ann Helen Petersen sur BuzzFeedNews qui est fort juste à pas mal de points de vue : 

Here's why so many women knew the rumour about Harvey Weinstein

Et cet article de The Onion dans son côté parodique vise juste :

'How Could Harvey Weinstein Get Away With This?’ Asks Man Currently Ignoring Sexual Misconduct Of 17 Separate Coworkers, Friends, Acquaintances

J'ai vraiment le souvenir que lorsque j'étais jeune femme il était de notoriété publique qu'il fallait se méfier des hommes de pouvoir, tous, sauf à vouloir tenter de jouer plus forte à leur jeu. On ne savait pas trop si on admirait ou méprisait celles qui s'y risquaient.

Il n'était pas envisagé qu'ils puissent changer un jour, ni leur impunité. C'était une sorte de fatalité. On ne pouvait rien faire contre, seulement apprendre à faire avec, à tenter de n'être pas atteinte.

Pour ma part, ça me laissait indifférente, je m'estimais trop peu séduisante pour risquer d'être concernée, je n'ai jamais eu peur d'aucune hiérarchie, et je savais me battre. Je participais cependant à ma hauteur à ce réseau diffus de mises en garde croisées. Il m'est arrivé de jouer le rôle de la personne qui évite à une autre d'être seule en présence d'un homme potentiellement harceleur. Il m'est arrivée d'avoir "du mal à le croire" car certains prédateurs désignés peuvent se montrer à leur heure hommes charmants.

J'ai eu un collègue jadis qui a "mal tourné", mais heureusement il se contenta de faire des propositions déplacées à la plupart des femmes qui se trouvaient dans sa zone professionnelle. Je me souviens que j'étais à de telles lieues de songer à lui ainsi que j'avais eu un mal fou à piger. Dans ces cas-là ça ne peut faire qu'empirer les choses car l'agresseur prend l'absence de réaction de repli comme un indice favorable voire d'acquiescement. 
Heureusement ce malheureux hommes n'abusait pas : une fois les choses dites, il n'insistait pas et ne tentait pas de jouer de son pouvoir - il avait un peu de hiérarchie -, du moins à ce que j'aie su.

En fait n'étaient considérés comme abusifs que les cas où les promesses explicites ou tacites n'étaient pas tenues. Sinon la "promotion canapé" était perçue comme une alternative établie à la promotion par le mérite. Ni l'une ni l'autre ne rivalisaient réellement avec la promotion par l'ascendance et leur variante presque démocratique, le fonctionnement en baronnies. La "promotion canapé" pouvait être une variation de ce dernier.

Je suis plutôt réjouie d'assister à la fissuration de ce système via un cas emblématique (mais hélas pas isolé). Pour autant je crains que le chemin ne soit encore fort long avant que les victimes de telles pratiques n'aient toute latitude pour oser parler.
Et puis il y aura inévitablement de plus en plus de fausses victimes (1) qui une fois démasquées feront du tort à la cause générale des personnes abusées.

Quoi qu'il en soit, les temps changent. 
Parfois en bien.

J'espère que je vivrai assez vieille dans une planète encore suffisamment vivable pour assister au moment où les performances physiques sportives des hommes et des femmes s'équivaudront. Les abus et les dangers devraient alors nettement diminuer.

 

(1) Parce qu'il y aura des sous à gagner en intentant des procès, que ça sera plus facile d'obtenir gain de cause. Milky m'indique en commentaires qu'on a encore une marge folle
et je crois important de l'intégrer au billet 

PS : Un hashtag sur Twitter, qui ne me convainquait qu'à moitié mais j'ai quand même participé car le mouvement me semblait nécessaire, #balancetonporc a été énormément utilisé. J'ai pris conscience à cette occasion, que moi qui ne suis pas une femme sexy et qui m'habillais corporate sage du temps de l'Usine et le plus souvent simplement sportive, rien de provoquant et qui ne me place pas dans un registre de séduction, j'avais si je le voulais une foule d'exemples qui me venaient. Je n'en ai choisi qu'un, parce qu'il y avait prescription parce qu'il m'avait semblé significatif de l'attitude de certains hommes qui semblent parfaitement respectueux et dont on s'aperçoit un jour qu'ils ne pensaient qu'à nous sauter dessus. Je me dis en conséquence que mes consœurs séduisantes doivent vivre dans une tension permanente, un qui-vive nécessaire, dont je n'avais pas idée ; sans doute mais dans une moindre mesure puisque je savais déjà bien des choses, comme certains hommes de bonne volonté qui ont découvert tout ça horrifiés. 
J'ai pris également conscience que bien des situations que j'ai rencontrées, et parce que je les ai traversées sans me percevoir en danger et aussi parce qu'il fut un temps où l'on était envers les hommes fatalistes et indulgentes - ils sont comme ça on ne les changera pas (typiquement : les photos de femmes nues dans certains lieux de travail ou de bricolages, et que j'ai toujours perçu pour ma part comme un aveu de faiblesse) - n'étaient en fait pas franchement acceptables. Qu'il suffit d'imaginer ce qu'on penserait si la même situation se présentait en inversant les rôles pour voir à quel point elle n'est pas respectueuse.

 

 

 

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