Bilan de l'an (2016 / 2017)
14 septembre 2017
Pour moi les années depuis l'enfance n'ont jamais cessé de fonctionner selon le découpage des années scolaires. Tant il est vrai que fréquemment et aussi pour le métier que j'ai adopté (ou qui m'a adoptée, devrais-je dire), les rentrées sont dites de "septembre" (1), les choses fonctionnent ainsi. Janvier n'est pas le début d'une nouvelle phase mais le deuxième trimestre d'une "saison" du théâtre de la vie.
2011/2012 commencée encore un peu triste d'un chagrin de l'hiver d'avant avait eue une fin merveilleuse. Et 2012/2013 avait été une des plus belles années de ma vie sauf sur la fin où le cumul d'une rupture subie avec la perte d'un emploi avaient été rudes. Au bout du compte le vrai mois de vacances (dont j'ignorais qu'elles allaient être mes dernières d'avant longtemps) lié à la fin de mon travail me permit sans doute de ne pas sombrer. J'ai fait du sport. J'ai dormi autant qu'il le fallait. Lu, aussi. Et puis j'étais dans ma Normandie qui en ce temps là était encore un havre de paix.
2013 / 2014 avait été une année difficile même si au printemps j'avais retrouvé du travail, problèmes de santé pour l'un des membres de la famille, qui engloutissent des brèves vacances - ce qui est très secondaire mais marque le début de plusieurs années sans plus de vraie période de récupération -. 2014 / 2015 alors qu'à l'automne on reprend espoir (mais que l'automne est marqué par la mort d'une de mes tantes) tombe l'attentat du 7 janvier et ceux des jours suivants.
La vie ne sera plus jamais pareille. Par ricochet je perds une seconde fois quelqu'un qui avait tant compté pour moi, en plus d'avoir perdu un ami assassiné.
Je crois que c'est le moment de mon existence où l'expression "ne plus savoir à quel saint se vouer" prenait tout son sens, car plus rien n'en avait. C'est le moment, après un problème à un pied qui était sans doute une fracture de fatigue mal diagnostiquée, où je prends, c'est rare, une décision, celle d'arrêter un job que je ne parviens plus à tenir avec efficacité et qui ne parvient pas à me laisser payer les factures. Je m'impose un épuisement qui n'a pas de sens, de mois en mois se creuse notre manque d'argent.
2015/ 2016 c'est l'année d'une nouvelle tentative de se relever après avoir été mise KO par l'adversité. J'avais grâce à une amie, une jolie perspective professionnelle toute neuve et qui me plaisait bien - en plus qu'assise à un bureau, ce qui convenait à mon état physique boitillant d'alors -, en compagnie d'une personne avec laquelle je m'étais immédiatement sentie bien. J'allais apprendre de toutes nouvelles choses dans le traitement de la photo.
Les attentats du 13 novembre pulvériseront cette perspective : celle qui aurait pu être ma future collègue était au Bataclan, s'en sort mais non sans séquelles et par conséquence de conséquences le poste prévu est supprimé.
C'est très étrange d'être par deux fois parmi les victimes de 3ème ou 4ème niveau d'attentats dans la même année. Impactée par les ondes de choc d'événements enchaînés. Ce n'est rien par rapport aux réelles victimes et à leurs proches. Mais c'est loin d'être rien.
Heureusement, l'année civile 2016 débute par une formidable rencontre professionnelle puis par un bel emploi dans un petit havre de paix en haut d'une colline avec quelqu'un que j'apprécie. Il n'en demeure pas moins que depuis le 7 janvier 2015 parmi les séquelles de l'étrange état de choc subi, je traîne une forme d'hypersomnie qui confine à la narcolepsie. Ça sera au point de faire une investigation d'apnée du sommeil. Laquelle sera négative.
Rétrospectivement, je crois que c'est simplement mon corps qui réagissait fort sainement à tout ça.
À l'été 2016 la plus grosse inquiétude est la santé de la compagne de mon meilleur ami, atteinte par une infection rare et grave et qui restera entre la vie et la mort un (long) moment. Elle s'en sortira mais ensuite il semble n'avoir plus de temps ni d'énergie pour rien d'autre que pour le travail et rester auprès d'elle. Old adult's life is not friend's friendly.
2016 / 2017 aura ainsi été une grande année de pertes : un ami qui n'a plus de temps, ou plus l'envie, un cousin par alliance qui se sépare d'une de mes cousines. De tous ils m'étaient les plus proches, qui ne se connaissaient pas mais que les circonstances auront sortis au même moment de ma propre vie. Et puis surtout nos ascendants, celui de l'homme de la maison, et ma propre mère dont la santé se sera dégradée d'un grand coup, alors qu'elle semblait partie pour faire solide centenaire.
Avec l'élection de Trump et le Brexit, dans une moindre mesure l'élection présidentielle française aussi, cette histoire de fou qui met au pouvoir un ultralibéral ultracommuniquant, la perte aussi d'une croyance pleine et entière en la démocratie.
C'est une proposition d'emploi d'amis qui cherchent une remplaçante libraire pour qui de leur équipe s'en va qui me sauvera à plus d'un titre : tourner la page de ce retour au Val d'Oise qui avant la maladie de ma mère tendait à me charmer, après, n'était qu'un rappel des temps envolés ; devoir mobiliser toutes mes forces pour tenir ce nouveau travail qui est très complet et à ma mesure.
Une autre chose me sauve : le triathlon.
Décision de 2011, octobre, prise alors qu'au marathon de Bruxelles nous encourageons l'ami Pablo. Cinq ans pour parvenir, entre manque de temps, manque d'argent, et recherche de place dans un club, à accéder à la possibilité d'essayer.
La maladie de ma mère et au printemps le changement de boulot auront passablement obérée ma capacité d'entraînement. Ça n'était vraiment pas prévu comme ça lors de mon inscription effectuée alors que j'avais, croyais-je, enfin un travail stable et heureux, et que ma famille semblait elle aussi stabilisée, les santés et les voies professionnelles (ou fin de travail pour l'un, mais sans trop d'urgence financière) des uns et des autres. Tout semblait dégagé pour que je puisse me consacrer à ce nouveau défi pour une fois personnel et volontaire.
Las, le syndrome de George Bailey aura encore frappé.
Nous ne pourrons garder en banlieue la maison que ma mère occupait. Depuis avril je consacre une part importante de mon temps libre si réduit à ranger, trier, jeter, préparer un déménagement. Je retrouve d'anciens documents. C'est émouvant, parfois marrant, régulièrement étonnant, toujours finalement éprouvant. Ma chance est d'aimer la photo, et de trouver du sens dans les images, peu importe que l'on y connaisse ou non les gens. J'aime ce qu'elles disent d'une époque, d'un temps. Mes trouvailles m'aident en fournissant une part de beauté, un peu d'enchantement.
Histoire d'accentuer le deuil, il y aura à partir de février 2017 l'épisode du voisin voleur au passé de psychopathe possiblement violent et qui en Normandie videra à plusieurs reprise la petite maison de denrées et équipements. Nous volera aussi de l'électricité tant qu'à faire. Au delà du préjudice financier (entre 1700 et 2000 € à ce jour), moral (trouver la maison cambriolée vitre arrière fracassée, tout jeté sens dessus dessous alors qu'on arrive tard un soir de février pour enterrer sa mère le lendemain, on a beau en avoir vu d'autre, ça atteint), c'est notre havre de paix qui est pulvérisé au moment où l'on en avait fort besoin. Et de nouvelles brèves vacances qui volent en éclat : visites des gendarmes, dépôts de plaintes, réparations à entreprendre, achats de remplacements, virage obsessionnel de l'homme de la maison et ses accès de colère induits (2). Zéro détente fors dans les livres, heureusement excellents, les Sadorski de Romain Slocombe, la Serpe de Philippe Jaenada. En plus que je suis heureuse dans mon nouveau travail, si stimulant qu'il a fait reculer mon hypersomnie et que j'ai l'impression de revivre, je n'avais jamais repris le boulot après des congés avec autant d'appétit.
L'année 2017 / 2018 démarre donc par une arrestation, celle du voisin indélicat, par du sport, beaucoup de sport et ça me fait un bien fou, par des nouveaux tracas de santé familiaux qui se profilent par beaucoup de pluie (3), par ce beau défi professionnel et un vaste point d'interrogation financier (4).
Je ne manque pas de rêves et de projets, c'est fou comme un emploi qui vous convient peut donner des ailes, seulement je crains que les circonstances, générales comme individuelles ne soient pas favorables.
J'aimerais du calme pour pouvoir avancer, dans le sport, dans le travail, dans l'écriture, enfin. Je crains de plus en plus que ça soit un vœu pieu. J'aimerais la force pour pouvoir avancer malgré l'absence de calme.
Les activités ont toutes repris ou le feront la semaine prochaine. Allez hop, c'est reparti. Puissent les guerres et les grands tourments nous épargner encore. Nos aînés ont tant donné.
[photo : ma plus belle photo de l'année, lors du triathlon de Deauville ; celle qui encourage et celui qui participe, alors en plein effort, sommet d'un raidillon]
(1) même si en pratique en août.
(2) J'aime les romans d'Ariane Bois entre autre pour leur qualité à présenter des hommes qui en cas de coups durs savent parfois être un soutien. Mon fils l'est par moment, seulement la différence d'âge et d'expérience et que c'est à rôles inversés, limitent cet effet, mon meilleur ami savait l'être, mon cousin déclassé également, mais très partiellement. Je n'ai connu et ne connais sinon que le cas où l'homme face aux coups durs est principalement un facteur aggravant, voire carrément la source même, pour certains et certains chagrins.
(3) J'ai l'impression qu'à part une poignée de journées caniculaires il n'y aura pas eu d'été. Et depuis plusieurs jours, il pleut sans beaucoup discontinuer.
(4) Tant que la succession n'est pas dénouée, c'est très juste, entre les frais liés au décès maternel et ceux liés aux cambriolages successifs que l'assurance n'a pas couvert (entre restrictions lorsqu'il s'agit d'une maison de campagne et notre manque de factures, puisqu'au départ ça n'était pas notre maison).
PS : Se rappeler que 2017 au printemps Mastodon est apparu comme une alternative non marchande à Twitter, avec respect des niveaux de confidentialité.